LA SIXIÈME COMMISSION S’INTERROGE SUR LA FORME JURIDIQUE À DONNER AUX PROJETS DE PRINCIPES SUR LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE
Communiqué de presse AG/J/3265 |
Sixième Commission
19e et 20e séances – matin et après-midi
LA SIXIÈME COMMISSION S’INTERROGE SUR LA FORME JURIDIQUE À DONNER AUX PROJETS DE PRINCIPES SUR LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE
Les délégations à la Sixième Commission (Commission juridique) se sont notamment interrogées aujourd’hui sur la forme à donner aux projets de principes sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, adoptés en première lecture par la Commission du droit international (CDI) à sa dernière session. Estimant qu’un texte qui traite de responsabilité civile doit par sa nature même prendre la forme d’un instrument juridiquement contraignant, la représentante de la Grèce s’est dit favorable à une convention-cadre qui fixerait les limites dans lesquelles pourraient ensuite s’inscrire les instruments régionaux qui, selon elle, représenteront en dernier ressort les choix les mieux adaptés à des domaines ou des zones géographiques particulières, et à condition que puisse être adoptée une définition claire des « activités dangereuses ». Les représentants de la Pologne, du Portugal et de la Roumanie se sont eux aussi prononcés pour une convention en suggérant de regrouper les principes sur la responsabilité internationale avec les dispositions déjà adoptées sur la prévention des dommages transfrontières dans un projet d’articles. Les représentants des États-Unis et d’Israël se sont au contraire prononcés pour des formules souples, non contraignantes.
Sur le contenu des projets de principes, les délégations ont en général soutenu le principe retenu d’une responsabilité principale incombant à l’opérateur de l’activité dangereuse, en accord avec le principe du « pollueur-payeur » largement admis dans les instruments internationaux mais aussi, comme l’a rappelé la représentante de la Fédération de Russie, dans les législations nationales. Pour plusieurs orateurs, la responsabilité de l’État devrait se limiter à veiller au versement d’une indemnisation prompte et adéquate aux victimes des dommages transfrontières. Alors que la représentante de la Fédération de Russie s’y oppose, celle de la Grèce a souhaité que tout dommage à l’environnement puisse être indemnisé. Toutefois, les réalités économiques rendent très difficiles d’obtenir, au moins à l’heure actuelle, une indemnisation aussi large.
Les représentants, qui sont également intervenus sur la question de la protection diplomatique, se sont aussi intéressés au programme de travail futur de la CDI. Les délégués de la Roumanie et de la Pologne ont approuvé les thèmes des « effets des conflits armés sur les traités » et de « l’expulsion des étrangers », dans lequel la représentante de la Fédération de Russie a vu une sorte d’extension logique du thème de la protection diplomatique qui permettrait d’examiner dans son ensemble la question de la protection des étrangers. En revanche, le représentant hongrois n’a pas vu l’intérêt de ces deux études et a estimé que la question de l’expulsion des étrangers serait mieux traitée à l’ONU dans le cadre du HCR ou de la Commission des droits de l’homme. Quant au thème de « l’obligation de juger ou d’extrader », le représentant de la Roumanie n’en a pas vu l’intérêt pratique immédiat, malgré l’insertion de plus en plus fréquente de cette obligation dans les traités internationaux, notamment les conventions de lutte contre le terrorisme.
Lors du débat, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Slovénie, Australie, États-Unis, Portugal, Bélarus, Israël, Singapour, Grèce, Suisse, Cuba, Fédération de Russie, El Salvador, Pakistan, Pologne, Maroc, Roumanie, Kenya, Nigéria et Hongrie. L’Observateur du Conseil de l’Europe est également intervenu, dans un cadre plus large que le rapport de la CDI.
Par ailleurs, en réponse à des remarques faites par plusieurs représentants lors des séances précédentes, le secrétariat de la Sixième Commission a répondu que le rapport de la CDI a été publié dans toutes les langues officielles le 24 septembre 2004, soit la date la plus avancée depuis cinq ans, laissant 36 jours de réflexion avant l’examen du rapport par la Sixième Commission, contre 26 en 2003 et 13 en 2000. En outre, le rapport a été posté sur le site Internet de la CDI et sur le site ODS de l’ONU le jour même de la publication. M. Vaclav Mikulka, Directeur de la Division de la codification, qui assume le secrétariat de la CDI, a rappelé que ses services n’ont pas le contrôle sur l’ensemble du processus de traduction et de publication du rapport. Le site Internet de la CDI est presque quotidiennement mis à jour quand la Commission siège.
La Commission a en outre entendu la présentation par le représentant du Pakistan d’un projet de résolution* aux termes duquel l’Assemblée Générale déciderait d’inviter l’Association sud-asiatique de coopération régionale à participer aux séances et aux travaux de l’Assemblée générale en tant qu’observateur. Le représentant du Pakistan a rappelé que l’Association, créée en 1995, vise à améliorer le bien-être des peuples de la sous-région par le biais du développement économique, social et culturel. La représentante du Bangladesh a soutenu le projet de résolution en affirmant qu’une plus grande collaboration entre l’Association et l’ONU serait mutuellement profitable.
La Sixième Commission se prononcera sur le projet de résolution, vendredi 5 novembre. Elle poursuivra également, à partir de 9 h 30, l’examen du rapport de la CDI, en insistant sur les chapitres relatifs aux ressources naturelles partagées et à la responsabilité des organisations internationales.
* (A/C.6/59/L.23)
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SIXIÈME SESSION (A/59/10)
Déclarations
Mme MIRJAM SKRK (Slovénie) a estimé que l’ensemble des projets d’articles sur la protection diplomatique est, à ses yeux, bien équilibré et conforme à la jurisprudence de la Cour internationale de Justice. En ce qui concerne le projet d’article 4, portant sur l’État de la nationalité des personnes physiques, la Slovénie accepte le critère de la nationalité effective, a indiqué sa représentante. En revanche, elle a contesté la conception de l’acquisition de la nationalité par succession d’États en tant que « forme » de nationalité. Mme Skrk a ensuite émis des réserves sur les changements de nationalité envisagés dans le deuxième paragraphe du projet d’article 5 (continuité de la nationalité), question qui devrait selon elle être traitée avec davantage de précision. Elle a considéré que les projets d’articles 6 (multiple nationalité et réclamation à l’encontre d’un État tiers) et 7 (multiple nationalité et réclamation à l’encontre d’un État de nationalité) sont caractéristiques du développement progressif du droit international. À cet égard, Mme Skrk a relevé que le critère de la prédominance de la nationalité est fondé principalement sur la pratique des États. Cependant, a-t-elle poursuivi, sa délégation émet des réserves sur la pertinence de critères aussi subjectifs que la langue, le nombre de visites et les liens familiaux.
La Slovénie se dit favorable à la protection diplomatique des apatrides et des réfugiés, prévue au projet d’article 8. Par ailleurs, la représentante n’a pas contesté l’exercice de la protection diplomatique pour les sociétés, mais a émis des réserves sur la protection des actionnaires dans ce contexte même si une certaine jurisprudence existe déjà en la matière. Il ne faut pas offrir une protection plus favorable à une partie plus forte, a-t-elle averti. Les actionnaires étrangers ne doivent pas faire l’objet d’une discrimination, a ajouté Mme Skrk. Sur l’épuisement des recours (projet d’article 14), elle a souhaité que le libellé soit modifié, le jugeant superflu, voire ambigu. La représentante a enfin estimé acceptable que l’État de nationalité d’un navire puisse demander des réparations au nom des membres d’équipage et elle a jugé à cet égard le projet d’article 19 convaincant.
M. MICHAEL GUMBLEY (Australie) a rappelé que son pays soutenait la poursuite de l’initiative austro-suédoise visant à revitaliser le débat sur le rapport de la CDI et a émis l’espoir qu’un dialogue interactif et ciblé, ainsi que des tables rondes, auront lieu dans les jours à venir. Le représentant a rappelé que son pays est particulièrement intéressé par la question de la protection diplomatique des sociétés et des actionnaires. Il a pris note des solutions retenues par la CDI. Concernant la protection des équipages des navires, il a estimé que la Convention sur le droit de la mer traite de la question d’une manière satisfaisante et que la question devrait être exclue des projets d’articles.
Concernant la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, M. Gumbley a rappelé que le principe directeur devrait être que la victime innocente ne doit pas subir de perte et que la responsabilité principale doit incomber à celui qui a le contrôle de l’activité au moment de l’incident. Il a rappelé qu’il faut parfois plusieurs années pour constater un dommage à l’environnement et a souhaité que ce fait soit pris en compte dans le projet de principe 4. Il a souhaité l’adoption de dispositions qui réaffirment clairement que les projets de principes ne préjugent pas des droits et obligations des États en vertu du droit international concernant la responsabilité des États.
M. ERIC ROSAND (États-Unis) a estimé que l’ensemble des projets de principes sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international est sur la bonne voie. Il a observé que la réglementation internationale dans ce domaine doit suivre des négociations délicates et prendre notamment en compte l’évaluation de l’impact environnemental, les mesures de prévention et la notification. L’expérience montre que différents types d’activités dangereuses exigent différentes solutions, a-t-il poursuivi, ajoutant qu’il en est de même avec les différents systèmes juridiques et les différents niveaux d’activités économiques. Ainsi, le représentant s’est montré favorable aux projets de principes en ce qu’ils présentent un caractère de recommandations, d’autant plus qu’ils sont innovateurs. Reconnaissant qu’il n’existe pas de consensus sur le sujet de la responsabilité, il a estimé que les projets de principes ne devraient pas être adoptés sous une forme qui serait interprétée comme une codification du droit international coutumier. Le travail de la CDI mérite à cet égard d’être salué, a-t-il conclu.
M. LUIS SERRADAS TAVARES (Portugal) a abordé la question de la protection diplomatique, se félicitant de la finalisation en moins de 10 ans de 19 projets d’articles qu’il a qualifiés de bonne base pour les travaux futurs de la CDI. En ce qui concerne le projet d’article 3 (protection par l’État de la nationalité), il a estimé que l’exception à la règle générale qui y figure n’est pas suffisante aujourd’hui dans le système juridique international. Il a en effet évoqué le cas de l’exercice de la protection diplomatique par un État de l’Union européenne à l’égard d’un citoyen d’un autre État de l’Union européenne, à condition qu’il n’existe pas de représentation diplomatique de ce dernier dans l’État tiers (cas prévu à l’article 20 du Traité de Rome de 1957 créant la Communauté européenne). Il faut peut-être prévoir un troisième paragraphe à cet effet, a-t-il proposé. S’agissant du projet d’article 8 (apatrides et réfugiés), il a exprimé sa préoccupation quant à l’exigence du critère de résidence légale et habituelle. Nos principales préoccupations portent sur les projets d’articles 11 et 12, a poursuivi M. Serradas Tavares. La protection fournie aux actionnaires, a-t-il estimé, est trop généreuse. Il a considéré que les projets d’articles ont été élaborés uniquement sur la base de l’arrêt de la CIJ Barcelona Traction et qu’il s’agit plutôt d’innovation que de développement progressif du droit international. Est-ce qu’un actionnaire doit bénéficier d’une protection spéciale autre que celle prévue pour le ressortissant d’un État? s’est-il interrogé. Est-il justifiable d’établir une distinction à l’égard des actionnaires? a-t-il poursuivi. La plupart des préjudices directs subis par des actionnaires peuvent être protégés par le droit interne selon lui.
Abordant la question de la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, le représentant a estimé que les huit projets de principes constituent un bon point de départ pour les travaux de la Commission du droit international. Pour lui, le rôle de l’État devrait être plus déterminant, en raison du fait que l’État, et non l’opérateur, est sujet du droit international. En outre, en vertu du droit international, c’est l’État prima facie qui a la responsabilité de fournir une réparation adéquate, a-t-il ajouté. Quant à la forme que devraient prendre les projets de principes, le représentant a estimé que la CDI devrait adopter un projet d’articles et non de principes, pour compléter les projets d’articles qu’elle a déjà adoptés. Le tout pourrait ensuite constituer la base pour une convention internationale sur la responsabilité en cas de perte causée par un dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses.
Mme LUDMILA KAMENKOVA (Bélarus) a estimé que certaines dispositions des projets d’articles sur la protection diplomatique exigent une étude plus approfondie de la part des gouvernements. Elle a estimé que les conditions générales pour l’exercice de la protection diplomatique sont pondérées. Il faut un lien juridique solide, comme la nationalité, entre la personne et l’État qui entend exercer sa protection diplomatique. Toutefois, elle a jugé parfaitement justifiées les exceptions qui permettent à un État d’exercer leur protection diplomatique au profit de catégories de personnes particulièrement vulnérables comme les apatrides et les réfugiés. Cela est conforme à l’évolution du droit actuel, a estimé la représentante. En revanche, celle-ci a estimé que la notion de nationalité prédominante n’est pas définie par le droit international. Les dispositions du projet d’articles 7, relatives à l’exercice par un État de sa protection à l’encontre d’un autre État et au profit d’un de ses ressortissants ayant également la nationalité de l’État mis en cause, devraient être exclues, a-t-elle souhaité, car elle risquent de donner lieu à des manipulations mal intentionnées.
Une société commerciale doit être protégée par l’État de nationalité de la société et non par l’État de nationalité des actionnaires, a estimé la représentante, qui a toutefois estimé que les exceptions prévues au projet d’article 11 sont acceptables. Elle a en revanche demandé une définition moins ambiguë de la protection diplomatique à l’égard d’autres personnes morales. Elle a notamment estimé qu’il n’est pas nécessaire d’établir des normes permettant de faire bénéficier de la protection diplomatique des organisations non gouvernementales, car celles-ci, a-t-elle affirmé, n’ont généralement pas un lien suffisant avec leur État de nationalité. La représentante a considéré comme un résultat positif des discussions à la Sixième Commission l’exclusion de la protection fonctionnelle des organisations internationales du champ du projet d’articles.
M. EHUD KEINAN (Israël) a estimé que les projets d’articles sur la protection diplomatique avaient reflété les préoccupations exprimées par les États. Il est essentiel de tenir compte du rôle des États, a-t-il estimé, ajoutant que la question des règles définissant la nationalité des personnes morales est importante tant pour la CDI que pour les États. Il a souhaité qu’on étudie davantage l’équilibre entre nationalité de la société et nationalité des actionnaires, précisant que les droits des actionnaires devraient jouer un rôle important. Le lien étroit entre la protection diplomatique et la responsabilité des États souligne la nécessité pour les États de veiller à ce que les projets d’articles ne prennent pas une forme contraignante, a estimé M. Keinan.
Le représentant a souhaité que les projets de principes sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international doivent prendre la forme d’un ensemble non contraignant de règles qui peuvent être utilisées par les États en cas de besoin. Comme pour tous les documents traitant de l’environnement, il est essentiel de prendre en compte une certaine souplesse pour les solutions régionales, a-t-il affirmé.
Mme YVONNE OW (Singapour), intervenant sur la question de la protection diplomatique, s’est déclarée d’accord avec les dispositions du projet d’article 2 (droit d’exercer la protection diplomatique) qui reprennent le principe selon lequel le droit international n’impose pas à un État d’exercer la protection diplomatique à l’égard d’un ressortissant, du fait de la nature discrétionnaire de ce droit. À propos du projet d’article 8 (apatrides et réfugiés), elle a relevé une divergence de vue à la CDI et a souhaité que l’on approfondisse l’examen de cette question. Sur la partie IV du projet de texte, rédigée lors de la dernière session de la Commission, la représentante a rappelé que le projet d’article 17 contient des clauses de sauvegarde pour les droits des États de recourir à des procédures autres que la protection diplomatique. Elle a fait valoir que ce projet d’article vise essentiellement la protection des droits de l’homme par des moyens autres que la protection diplomatique. Mme Ow a pris note des arguments pour ou contre cette position. Sa délégation continue de réfléchir sur cette question, a-t-elle expliqué, et présentera des observations ultérieurement.
Sur le projet d’article 18, portant sur les investissements étrangers, la représentante a indiqué comprendre l’intérêt économique qui le sous-tend et annoncé que sa délégation l’étudiera à la lumière de ce contexte. Quant au projet d’article 19 (équipage de navires), elle a noté la pratique des États et la jurisprudence qui ont été citées dans les commentaires. La représentante a pris note des observations de la majorité des délégations sur le fait que l’État du pavillon ne devrait pas exercer la protection diplomatique à l’égard de membres d’équipage d’une autre nationalité. Selon Mme Ow, l’inclusion d’un article sur l’équipage des navires ne devrait donc pas aller à l’encontre des objections présentées. La faculté pour l’État du pavillon de demander réparation au profit de membres de l’équipage non ressortissants dépend, selon elle, de la nature de l’affaire et n’existe pas dans tous les scénarios.
Mme PHANI DASCALOPOULOU-LIVARA (Grèce) a jugé positif dans l’ensemble les projets d'articles sur la protection diplomatique adoptés en première lecture. Elle a estimé que le projet d’article 6 qui autorise plusieurs États à exercer ensemble la protection diplomatique au profit d’un ressortissant multinational sont conformes au développement du droit international. Elle a également estimé que de nombreux progrès ont été faits en ce qui concerne la protection diplomatique au profit des personnes morales, mais a émis des doutes sur le projet d’article 16 qui prévoit, selon elle, une pléthore injustifiée d’exceptions au principe de l’épuisement préalable des voies de recours internes pour l’exercice de la protection. Elle s’est dite perplexe face aux autres procédures que la protection diplomatique, mentionnées au projet d’article 17, qui viendraient mettre celle-ci au même niveau que d’autres formes de protection en application du droit international et, en l’occurrence, au même niveau que la protection des droits de l’homme. Les recours prévus par les traités relatifs aux droits de l’homme relèvent de la lex specialis et doivent donc avoir la priorité sur la protection diplomatique, a-t-elle rappelé. On pourrait toutefois envisager que la protection diplomatique soit utilisée là où l’État mis en cause n’applique pas le jugement ou les conclusions arbitrales d’une affaire, a suggéré la représentante.
Mme Dascalopoulou-Livara a rappelé que son pays a toujours soutenu la possibilité pour l’État du pavillon d’exercer sa protection diplomatique à l’égard des membres de l’équipage du navire, même d’une autre nationalité. Cela correspond à une pratique bien établie du droit de la mer, a-t-elle observé. Elle a donc jugé heureux le nouveau projet d’article 19 mais a déclaré ne pas voir de raison valable pour limiter la protection de l’État du pavillon aux membres d’équipage au seul cas où le préjudice subi par l’équipage découlerait d’un préjudice causé au navire. Selon elle, il devrait être suffisant que le préjudice subi par l’équipage soit en relation avec le navire. Elle a souhaité en outre une exception spécifique, au profit de l’équipage, à la règle de l’épuisement des voies de recours internes. Cela ne doit pas affecter le droit d’un État à exercer sa protection diplomatique au profit d’un de ses ressortissants, membre de l’équipage d’un navire relevant d’un autre État, et qui aurait subi un préjudice. C’est là un principe fondamental de la protection diplomatique qui ne doit même pas être rappelé, a estimé la représentante.
Mme Dascalopoulou-Livara a estimé que cette année avait été particulièrement fructueuse dans le domaine de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Elle s’est félicitée que le régime vers lequel tend la CDI soit celui de la stricte responsabilité civile et donc non fondé sur la notion de faute. Ce régime bénéficie aux victimes d’activités dangereuses qui ne sont pas interdites par le droit international puisque les victimes n’ont pas la lourde charge de démontrer la faute de la personne ou de l’entité qui a causé le dommage, a-t-elle rappelé, faisant observer que c’est le principe suivi régulièrement par les accords internationaux ou régionaux traitant de domaines semblables. Elle a estimé que la combinaison des principes 2 et 3 aboutit à couvrir un éventail de dommages à l’environnement extrêmement large. Il serait certes souhaitable que tout dommage à l’environnement puisse être indemnisé mais les réalités économiques rendent très difficiles l’obtention, du moins à l’heure actuelle, d’une indemnisation aussi importante, a estimé la représentante. C’est même la raison de l’échec de certaines conventions, comme celle de Lugano, et c’est pourquoi des conventions récentes comme le Protocole de Kiev ont cherché à limiter la notion d’indemnisation pour dommages causés à l’environnement, a observé la représentante. La représentante s’est en revanche félicitée que le projet de principe 3 donne le droit non seulement à des personnes privées mais aussi à l’État de tirer profit de ses dispositions. C’est là une innovation bienvenue, a estimé la représentante, car le texte reconnaît qu’un dommage à l’environnement doit faire l’objet d’une réparation et qu’en principe il appartiendrait à l’État qui a le nécessaire locus standi de formuler une plainte.
Concernant la forme que devraient prendre les projets de principes, la représentante a estimé qu’un texte qui traite de responsabilité civile doit par sa nature même prendre la forme d’un instrument juridiquement contraignant. Ces principes devraient constituer le matériel de base pour une convention générale, à condition bien sûr que puisse être adoptée une définition claire des « activités dangereuses », qui délimite le champ d’application rationae materiae. Certes, ce sont les instruments régionaux qui représenteront en dernier ressort les choix les mieux adaptés à des domaines ou des zones géographiques particulières, a observé la représentante. Toutefois, ces choix devraient eux-mêmes s’inscrire dans un cadre plus large et ce devrait être la fonction de cet accord mondial que de constituer ce cadre. La Grèce est donc favorable à la mise en forme des projets de principes sous forme d’une convention-cadre.
M. JÜRG LINDENMANN (Suisse) a estimé que la solution proposée par la CDI dans son projet d’article 5 concernant la continuité de la nationalité ne prête pas à objection et qu’en tout cas, une solution inverse poserait davantage de problèmes. En effet, si, à l’encontre de ce que propose la CDI, le changement de nationalité en cours de procédure faisait perdre à l’État le droit d’exercer sa protection diplomatique, ce changement aurait alors pour effet qu’aucun État ne serait plus en droit d’exercer sa protection diplomatique: l’ancien État aurait perdu ce droit du fait du changement de nationalité, et l’État de nouvelle nationalité ne pourrait pas l’exercer puisqu’il ne s’agirait pas de l’État dont la personne avait la nationalité au moment où le préjudice a été causé. La personne deviendrait en quelque sorte apatride, a observé le représentant, qui a donc jugé peu satisfaisante cette solution. De même, si on admettait que l’État de nouvelle nationalité peut exercer la protection diplomatique à la place de l’État dont la personne avait la nationalité à l’époque de la présentation officielle de la réclamation, ce nouvel État se trouverait dans une situation difficile. En effet, si la protection diplomatique est un droit et non un devoir de l’État, ce qui signifie qu’un État peut ne pas vouloir exercer sa protection diplomatique à l’égard d’un individu. Toutefois, cela peut également être interprétée comme un abandon de l’exercice de la protection diplomatique dans des procédures déjà engagées par un autre État à l’égard de cette personne, a estimé le représentant. Ces difficultés ne surgissent pas dans le cadre du système actuellement proposé à l’article 5, que la Suisse préfère donc.
M. Lindenmann a en revanche émis des doutes sur le bien-fondé des projets d’articles 10-2 et 11-a concernant la protection des actionnaires, n’étant pas certain d’avoir bien compris la logique interne de la solution proposée. Il a estimé que la solution proposée est pour le moins paradoxale pour les actionnaires puisque, plus leurs droits sont violés, moins leur État de nationalité semble autorisé à entreprendre des démarches pour exercer la protection diplomatique à leur égard. Ces remarques, a estimé le représentant, ne changent en rien l’appréciation très positive que la Suisse porte sur les projets d'articles.
Le représentant a rappelé que la Suisse fait partie des États qui, après l’achèvement des travaux sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, ont demandé à la CDI de reprendre le volet « Responsabilité » du projet de texte. Il a considéré comme un immense progrès le fait que, trois ans plus tard, la CDI ait été en mesure d’adopter ses projets de principes sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses et a estimé que la qualité des principes proposés va au-delà des attentes de son pays. Il a donc remercié vivement la CDI et son Rapporteur spécial pour cet exploit. Il a dit percevoir les avantages de la décision de la CDI de ne pas vouloir, au moins à ce stade, établir un projet de convention-cadre et d’en rester au niveau des principes. Il a en effet estimé que les éléments innovateurs du projet peuvent être plus facilement reflétés et sauvegardés sous forme de principes, au moins pour le moment.
Mme MERCEDES DE ARMAS GARCIA (Cuba) a signalé que son pays a participé au 40ème Séminaire de droit international et remercié les États qui y ont contribué financièrement. Elle a regretté la publication tardive du rapport de la CDI, exhortant la Commission et le secrétariat à prendre les mesures nécessaires pour y remédier à l’avenir. Concernant les futurs travaux de la CDI, la représentante a émis des doutes sur l’opportunité d’ajouter de nouveaux thèmes au programme de travail actuel et a demandé que ce soit la Sixième Commission qui en décide. Abordant la question de la protection diplomatique, la représentante s’est félicitée des travaux accomplis par la CDI qui ont permis d’adopter en première lecture les projets d’articles. De l’avis de sa délégation, la protection diplomatique est un droit que l’État exerce de façon discrétionnaire et non pas une obligation internationale. En outre, la protection diplomatique ne doit être exercée que par des moyens pacifiques, a-t-elle ajouté.
S’agissant du projet d’article 7 (nationalités multiples), elle a estimé qu’on ne peut faire aucune exception, pour préserver la règle de la non-responsabilité reconnue par la Convention de La Haye de 1930 (un État ne peut exercer la protection diplomatique contre un autre État dont la personne possède aussi la nationalité). Le projet d’article 7 paraît ambigu, à ses yeux, et il faudrait y inclure des critères clairs pour établir la nationalité prépondérante. Par ailleurs, pour la représentante, le projet d’article 8 contient des éléments de développement progressif du droit international qui devraient être abordés prudemment. La formulation du projet d’article 9 (État de nationalité d’une société) a été améliorée, a-t-elle estimé. La solution finale, a-t-elle préconisé, devrait se baser sur un critère formel qui élimine le risque d’empêcher la protection diplomatique d’une société constituée dans un autre État que celui dans lequel elle a son siège social. La Commission doit toutefois poursuivre son travail sur ce projet d’article, a-t-elle souhaité. Concernant la protection des actionnaires, elle a considéré qu’elle doit être incluse dans les articles sur les personnes physiques et morales. En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, il faut éviter des interprétations multiples. Quant à la doctrine des « mains propres », Mme de Armas Garcia a estimé qu’elle n’est pas reconnue par tous les États et ne doit donc pas être traitée par la Commission.
Mme MARIA V. ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a émis des doutes sur le projet d’article 17 du texte relatif à la protection diplomatique qui étend mutatis mutandis la pratique concernant les sociétés aux autres personnes morales. Il y a trop de formes de personnes morales et trop peu de pratique pour codifier cette matière, a estimé la représentante. Elle a recommandé d’examiner de manière plus approfondie le projet d’article 16 relatif aux critères des exceptions au principe de l’épuisement des voies de recours internes. Elle a estimé que les projets d’articles 17 et 18 ne sont pas entièrement clairs et que leur distinction n’apparaît pas.
La représentante s’est félicitée par ailleurs de l’adoption des projets de principes sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international. On sait qu’il n’y a pas d’unanimité ni au plan des États ni dans la doctrine sur nombre des questions traitées, a rappelé la représentante, qui a suggéré que les projets de principes soient adoptés sous la forme de lignes directrices. L’adoption d’un modèle de répartition des pertes qui impose la responsabilité principale à l’opérateur est justifiée car cette approche est conforme au principe du « pollueur-payeur » inscrit dans le droit international mais aussi dans différentes législations nationales, dont celle de la Russie, a expliqué la représentante. La Russie, a-t-elle ajouté, est d’accord pour dire que les États ont un rôle important à jouer dans la répartition des indemnisations. Les projets de principes précisent de manière adéquate le rôle des États afin que les victimes n’assument pas entièrement les pertes causées par le dommage transfrontière. La représentante a jugé peu convaincants les arguments concernant le principe 2 en faveur de l’inclusion parmi les dommages ceux causés à l’environnement.
La représentante a enfin apporté son appui au projet de programme de travail futur de la CDI. Elle a notamment estimé que le thème proposé relatif à l’expulsion des étrangers constitue en partie une extension logique du thème de la protection diplomatique et permettrait d’examiner dans son ensemble la question de la protection des étrangers.
Mme ELIZABETH VILLALTA (El Salvador) a remercié la Commission du droit international pour son excellent travail sur la protection diplomatique. Elle a souhaité que l’on tienne compte du projet d’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires qui prévoit la protection diplomatique d’un détenu dans un autre État, ainsi que des principes fournis par la doctrine de droit international privé. De l’avis de sa délégation, le projet d’article 4 devrait faire la distinction entre la nationalité par naissance et la nationalité par naturalisation. À cet égard, Mme Villalta a souhaité qu’on fasse valoir la nationalité effective, se référant à l’arrêt Nottebohm.
M. ASAD MAJEED KHAN (Pakistan) a rappelé que tout État a le droit d’exercer des activités licites sur son territoire mais doit aussi veiller à ce qu’elles ne causent pas de dommages transfrontières. Un régime de responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international est donc utile. Il est toutefois difficile de dresser une liste exhaustive d’activités qui comprennent un risque de dommages transfrontières, a observé le représentant, ajoutant qu’il n’était pas opposé à une liste d’exemples. Le représentant s’est interrogé sur la notion de « dommage significatif ». Cette notion serait acceptable si une procédure de règlement des différends était prévue, a-t-il affirmé, mais, en l’absence d’un tel mécanisme, le Pakistan souhaite que le terme « significatif » disparaisse. En cas de dommage transfrontière, tout État doit avoir droit à une compensation de la part de l’État d’où vient le dommage, a-t-il affirmé.
M. GUY DE VEL (Conseil de l’Europe) a signalé les récents événements qui sont intervenus au sein du Conseil de l’Europe et qui peuvent intéresser la Sixième Commission. Il a ainsi évoqué l’élargissement du Conseil de l’Europe qui compte désormais 46 États membres après la récente admission de la principauté de Monaco, ainsi que l’adoption du Protocole 14 à la Convention européenne des droits de l’homme réformant la procédure de la Cour européenne des droits de l’homme. Sur le sujet de l'immunité juridictionnelle des États et de leurs biens, M. de Vel a informé la Commission de l’existence d’un projet pilote sur la pratique des États en la matière, élaboré par le Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI). Un rapport analytique devrait être publié au printemps 2005, a-t-il précisé. Une autre activité du CAHDI concerne les réserves aux traités, ce qui permet aux États membres d’examiner deux fois par an les réserves formulées tant par les États membres que par les États non membres, a expliqué M. de Vel. Il a ajouté que cela se fait en poursuivant un dialogue avec l’État réservataire et souligné l’utilité des activités dans ce domaine, notamment pour les travaux de la CDI. Les membres du CAHDI ont récemment transmis au Comité des ministres une liste des réserves aux instruments juridiques internationaux contre le terrorisme considérées comme problématiques, a indiqué le représentant.
En ce qui concerne le thème de la nationalité, M. de Vel a indiqué qu’un protocole à la Convention européenne sur la nationalité de 1977 est en cours de finalisation au Conseil de l’Europe, pour éviter les situations d’apatridie en relation avec la succession d'États. Il a noté l’existence d’un projet pilote sur la pratique des États à ce sujet. Sur la question de la lutte contre le terrorisme, M. de Vel a rappelé qu’après les événements du 11 septembre 2001, les Ministres de la justice avaient élaboré un programme en la matière. Ainsi, ont été prévues des mesures tendant notamment à renforcer l’action juridique contre le terrorisme. La meilleure arme, selon le représentant, réside dans la défense énergique des valeurs de la démocratie et dans leur diffusion. Depuis la mise en œuvre du plan d’action, il a indiqué qu’un amendement à la Convention de 1977 sur la répression du terrorisme a été adopté pour préciser les limites que les État soucieux de respecter les droits de l’homme s’imposeront dans la lutte contre le terrorisme. M. de Vel a ensuite énuméré les questions sur le terrorisme qui font actuellement l’objet de travaux au Conseil, comme la protection des témoins, les questions relatives aux documents d’identité, la protection des victimes, et a expliqué que des instruments juridiques internationaux sont en cours d’élaboration sur ces points.
Enfin, le représentant a indiqué les autres projets qui sont en cours, sur le trafic d’êtres humains ou encore dans le domaine de la bioéthique, citant à cet égard la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine qui interdit le clonage humain. Il a conclu en soulignant l’excellente collaboration qui existe entre le Conseil de l’Europe, la Sixième Commission et la CDI.
M. REMIGIUSZ HENCZEL (Pologne), intervenant sur la protection diplomatique, a relevé que seulement 19 projets d’articles ont été finalisés, alors qu’un nombre plus important était initialement prévu. De l’avis de sa délégation, au moins certaines dispositions pourraient être réexaminées par la Commission au cours de la seconde lecture. Il a ainsi cité la doctrine des « mains propres », sachant que le Rapporteur spécial a préparé un mémorandum sur cette question, ainsi que les dispositions sur la protection exercée par les organisations internationales. À ce sujet, le représentant a noté que, dans aucun cas, un État ne peut être privé ou limité dans son droit d’exercer la protection diplomatique au nom d’une organisation internationale qui exerce sa protection fonctionnelle à l’égard d’une même personne. Cela n’exclut pas cependant la possibilité d’un droit parallèle d’exercer la protection internationale sur la même personne par un État et par une organisation internationale.
Sur la question complexe de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, il a demandé là encore qu’on examine, au cours de la deuxième lecture des huit projets de principes, des questions qui ont été abandonnées en première lecture. Il a ainsi proposé celle relative aux « relations avec les autres règles du droit international » ou celle du « règlement des différends ». Le représentant a aussi suggéré qu’on élargisse le champ des projets de principes. En ce qui concerne la forme à donner à ces projets, M. Henczel a considéré qu’on devrait les regrouper avec l’instrument déjà adopté en 2001 sur la prévention de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses. Une convention sur la responsabilité internationale a ainsi été proposée par le représentant. Enfin, sur les travaux futurs de la CDI, M. Henczel a considéré que les deux sujets proposés (« expulsion des étrangers » et « effets des conflits armés sur les traités ») remplissent les conditions nécessaires pour être examinés dans le processus de codification et de développement progressif du droit international. Quant au programme à long terme, le sujet « obligation de poursuivre ou d’extrader en droit international » (aut dedere aut judicare) serait d’actualité, a-t-il conclu.
M. KARIM MEDREK (Maroc) a estimé que la CDI avaient accompli cette année d’importants progrès, notamment par l’adoption en première lecture des projets d'articles sur la protection diplomatique et des projets de principes sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Le représentant a déclaré que le Maroc présentera des observations écrites sur les projets d'articles relatifs à la protection diplomatique d’ici à janvier 2006. Il a apprécié à sa juste valeur l’œuvre de codification accomplie par la CDI. Le texte est équilibré et reprend en grande partie les normes du droit international coutumier en la matière, a estimé M. Medrek. Le Maroc partage notamment le choix de la conception traditionnelle de la protection diplomatique fait par la CDI. Il a toutefois demandé à la CDI de se poser la question de la compétition entre plusieurs pays qui entendent protéger une personne, estimant qu’il pouvait y avoir des cas où cet exercice conjoint peut poser des difficultés. Il a également regretté que la CDI n’ait pas posé de principe permettant de définir une nationalité prédominante. Il s’est déclaré en faveur des dispositions du projet d’article 8 concernant la protection diplomatique en faveur des réfugiés et apatrides, même si elles s’écartent de la conception traditionnelle de la protection diplomatique.
En revanche, M. Medrek a estimé que la CDI devrait revenir sur la protection qu’elle reconnaît aux actionnaires dans les projets d’articles 12 et 13, notamment pour prendre en compte la volatilité de la qualité d’actionnaire d’une société anonyme dans les conditions actuelles de fonctionnement de l’économie internationale. Le représentant a appuyé les deux premières exceptions prévues au projet d’article 16 au principe d’épuisement préalable des voies de recours internes. Il a estimé que la question de la protection accordée par l’État du pavillon aux membres de l’équipage d’un navire ayant une nationalité différente de celle du pavillon relève du droit de la mer. Toutefois, la solution du projet d’article 19 est acceptable pour le Maroc dans la mesure où la protection accordée par l’État du pavillon n’affecte pas l’exercice de la protection diplomatique par l’État de nationalité des membres d’équipage.
Le représentant a estimé que les projets de principes en matière de responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, même s’ils forment un texte d’une portée limitée, peuvent constituer un guide utile qui contribuera au développement du droit international en ce domaine. Il contribuera également de manière positive à la solution des questions de compensation en garantissant à ceux qui ont subi des dommages et des pertes l’obtention d’une indemnisation prompte et adéquate, a estimé M. Medrek. Sa délégation, a-t-il indiqué, est favorable à l’adoption des projets de principes sous forme d’un texte non contraignant: déclaration, guide ou loi type.
M. COSMIN DINESCU (Roumanie) s’est félicité de l’adoption des 19 projets d'articles relatifs à la protection diplomatique. Il s’est toutefois demandé s’il ne conviendrait pas de fusionner les projets d’articles 17 et 18, dans la mesure où les actions et procédures mentionnées au projet d’article 17 incluent celles concernant les traités relatifs aux droits de l’homme et aux traités relatifs aux investissements. Il s’est également demandé s’il était nécessaire de prévoir des dispositions spéciales pour les équipages de navire, dans le cadre du projet d’article 19. Tout en déclarant soutenir le point de vue selon lequel le droit du ou des États de nationalité des membres de l’équipage ont à exercer leur protection diplomatique est différent de celui de l’État du pavillon et coexiste avec lui, il a estimé que cette situation est déjà couverte suffisamment par le projet d’article 17.
Le représentant a déclaré soutenir les projets de principes relatifs à la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses, adoptés par la CDI. Ces principes, a-t-il estimé, reposent sur une approche pragmatique et offrent la possibilité d’établir un mécanisme efficace qui permettra de garantir une compensation aux victimes de dommages transfrontières. M. Dinescu a soutenu l’inclusion dans la définition des dommages des dommages causés à l’environnement. Nous sommes nombreux à avoir à notre ordre du jour la question du nécessaire équilibre entre la satisfaction des besoins de la croissance économique et la nécessité de protéger l’environnement, a-t-il observé. Cette question, a-t-il ajouté, devient encore plus complexe dans un cadre transfrontière et il a cité à cet égard la conservation de l’habitat naturel du Danube. Il est nécessaire de veiller à ce qu’une compensation adéquate soit rendue possible en cas de dommages à l’environnement causés par des activités qui ne sont pas interdites par le droit international, a-t-il affirmé. Il a par ailleurs estimé que les principes de responsabilité internationale devraient se concrétiser dans un instrument juridique ayant la même forme que l’instrument sur la prévention de tels dommages. Sans écarter la possibilité de recourir à un instrument non contraignant, la Roumanie préférerait un instrument plus efficace, a-t-il expliqué.
Concernant les travaux futurs de la CDI, M. Dinescu a appuyé l’inclusion des thèmes de l’expulsion des étrangers et des effets des conflits armés sur les traités. Il a en revanche émis des réserves sur le projet intitulé « Obligation de juger ou d’extrader ». Il a reconnu que cette obligation tend à être de plus en plus fréquente dans les traités internationaux, notamment les conventions de lutte contre le terrorisme, mais il a déclaré ne pas voir d’intérêt pratique immédiat à étudier ce principe.
Mme KAREN ODABA-MOSOTI (Kenya) a exprimé son accord avec l’orientation générale des projets d’articles sur la protection diplomatique. L’approche est équilibrée, a-t-elle ajouté. Cependant, le projet soulève quelques questions difficiles, comme le cas des nationalités multiples. À cet égard, elle a relevé que le commentaire sur le projet d’article 6 traite de la possibilité de joindre les réclamations de différents États, mais ne donne pas d’indications sur les cas de réclamations séparées ou successives. C’est un sujet qui mérite d’être examiné plus avant. La Commission devrait élaborer des règles, comme un ordre de préférence en fonction du principe de la nationalité dominante, a-t-elle proposé. Sur la question de « nationality shopping », Mme Odaba-Mosoti a rappelé que le principe de la protection diplomatique dérive du principe Mavrommatis, à savoir qu’un dommage causé à un ressortissant résulte en un dommage causé à un État. Si la personne change de nationalité entre-temps, le nouvel État n’a pas de locus standi, a-t-elle remarqué, puisqu’au moment du dommage il n’avait pas de devoir à l’égard de la personne lésée.
En ce qui concerne les principes sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, Mme Odaba-Mosoti a considéré que les personnes lésées doivent être indemnisées rapidement. Elle a indiqué que la responsabilité en cas de dommage à l’environnement mérite d’être davantage examinée, en suivant le principe du « pollueur-payeur » et le « principe de précaution ». En ce qui concerne l’approche de la CDI qui impose la responsabilité principale à l’exploitant, elle a considéré que la responsabilité de l’État devrait se limiter à s’assurer que l’exploitant indemnise de façon adéquate la personne lésée. De son avis, l’obligation pour les États d’assurer l’allocation de ressources financières supplémentaires va au-delà de leur devoir secondaire.
M. I.A. AYUA (Nigéria) a estimé que les travaux de la Commission du droit international constituent un des piliers sur lesquels s’appuie le système des Nations Unies, dans la promotion et la durabilité du droit international. Sur la question de la protection diplomatique, le représentant a soutenu l’idée selon laquelle l’État devrait assurer la protection et demander réparation pour l’un de ses nationaux affecté par le fait internationalement illicite d’un autre État, après l’épuisement des recours internes. La protection diplomatique est étendue aux apatrides et aux réfugiés selon des conditions bien précises figurant au projet d’article 8, a-t-il noté, ce qui renforce à son avis la primauté de la dignité et de l’inviolabilité de tout être humain en ce qui concerne sa nationalité. Le Nigéria partage aussi les vues de la Commission qui reprennent le principe posé par la CIJ dans l’affaire Barcelona Traction, à savoir qu’un État a le droit d’exercer la protection diplomatique pour le dommage causé à une société qui a la nationalité de cet État. M. Ayua a corrélativement remarqué que les sociétés qui font des affaires dans les pays en développement doivent réciproquement élargir leurs responsabilités commerciales. Dans son pays, a-t-il poursuivi, un environnement protecteur des investisseurs étrangers a été mis en place, tout en assurant la fourniture de services de qualité au pays.
Le Nigéria reste très marqué par le souvenir des tonnes de déchets industriels radioactifs déversés sur son territoire en 1988 (« incident des déchets toxiques de Koko »), a expliqué le représentant, et les dommages ont été nombreux tant à l’égard de l’environnement que de la population. Le Gouvernement n’a pas su à l’époque comment régler ce problème, du fait de l’absence d’un instrument juridique international pertinent, a-t-il poursuivi. C’est pour cela, a précisé M. Ayua, que sa délégation souscrit aux efforts de la CDI pour faire progresser les travaux sur le chapitre VII du rapport relatif à la responsabilité des États. Les progrès remarquables accomplis par la CDI sont attestés par l’achèvement des projets d’articles sur l’allocation des dommages, a-t-il relevé. M. Ayua a admis qu’il faudrait étudier plus avant le concept de dommage significatif. Il a aussi appelé à étudier comment les récentes catastrophes environnementales ont été le résultat de violations ou de négligences. Quant aux travaux futurs de la CDI, le représentant s’est déclaré favorable aux deux sujets proposés, ce qui contribuera au développement du droit international selon lui.
M. ARPAD PANDLER (Hongrie) a estimé que la CDI avait eu en 2004 une session très productive marquée par l’adoption en première lecture de deux projets de textes importants. Il a déclaré que la Hongrie présentera ses observations concernant la protection diplomatique après avoir examiné de manière approfondie cette matière d’une importance particulièrement grande. Il a estimé que la CDI n’a pas suffisamment expliqué la nécessité d’inclure dans son programme de travail futur les thèmes de « l’expulsion des étrangers » et des « effets des conflits armés sur les traités ». Il a estimé que la question de l’expulsion des étrangers serait mieux traitée par le HCR ou la Commission des droits de l’homme.
Le représentant a félicité la CDI pour l’adoption en première lecture des huit projets de principes sur la responsabilité internationale pour les dommages transfrontières découlant d’activités dangereuses. Selon lui, ces textes constituent un important pas en avant dans un domaine très important des relations internationales et du droit international. Il s’est dit pleinement en accord avec le projet de principe 4 d’une compensation prompte et adéquate, rappelant que la Hongrie est, de par sa situation géographique, très vulnérable face aux dommages transfrontières causés par des activités menées sur le territoire de pays voisins. Ainsi, il y a quatre ans, un grand fleuve de Hongrie a subi une pollution au cyanure en provenance d’un pays voisin ami et, malgré tous les efforts, les victimes n’ont pas encore pu obtenir un centime de compensation, a expliqué le représentant. Celui-ci a reconnu que des mesures positives et prometteuses ont également été prises récemment sur une base bilatérale ou multilatérale avec des pays voisins.
Cela explique, a ajouté M. Pandler, l’attachement de la Hongrie au sujet traité, et aussi son désaccord avec sa forme actuelle de projets de principes. Outre le fait que le terme de « principe » est inapproprié au regard de plusieurs des dispositions des textes, le texte adopté en 2001 sur la prévention des dommages transfrontières demandait à la CDI de reprendre son examen sur le volet de la responsabilité internationale « en ayant à l’esprit les relations entre prévention et responsabilité internationale », a-t-il rappelé. Le représentant s’est dit conscient des divergences de positions concernant la forme que devraient prendre les projets de principes et leur contenu, et a rappelé que la CDI s’est réservée le droit de reconsidérer la forme finale de l’instrument lors de la seconde lecture.
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