AG/EF/3085

COMMISSION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE: UNE NOUVELLE PHASE DE LA MONDIALISATION S’EST OUVERTE DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE 2001, DÉCLARE THOMAS FRIEDMAN

27/10/2004
Communiqué de presse
AG/EF/3085


Deuxième Commission

18e séance – matin


COMMISSION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE: UNE NOUVELLE PHASE DE LA MONDIALISATION S’EST OUVERTE DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE 2001, DÉCLARE THOMAS FRIEDMAN


« Pendant que nos regards étaient fixés sur les guerres de l’après-11 septembre 2001, le monde s’aplanissait dans le domaine de la mondialisation et des échanges internationaux », a déclaré ce matin à la Commission économique et financière (Deuxième Commission) Thomas Friedman, chroniqueur du New York Times sur les affaires  étrangères.  M. Friedman, qui parlait de son prochain livre intitulé « Le monde est plat », s’adressait aux délégations dans le cadre d’une table ronde sur le thème « Commerce et développement », organisée dans le contexte de la réorganisation des méthodes de travail de la Commission.


Estimant que les conditions et les chances offertes aux différents pays pour leur permettre de participer à la mondialisation s’étaient améliorées ces dernières années, M. Friedman a indiqué que la naissance de ce nouvel environnement et les opportunités qu’il offre, allaient être au centre de son livre qui sera publié en avril 2005.  Le titre de ce livre « Le monde est plat » reflète les changements qui se sont produits au sein des mécanismes de la mondialisation et qui ont créé ou accéléré les phénomènes de délocalisation, a indiqué l’auteur.  Citant l’Inde et la Chine comme l’exemple de pays qui ont su tirer profit de ces mutations, M. Friedman a attiré l’attention des délégations sur les efforts entrepris par ces deux pays dans les domaines de l’éducation, de la facilitation des investissements, de la création d’entreprises, et de la mise en place de cadres de recherche et de production où les avantages comparatifs sont globalement les meilleurs, même dans les secteurs les plus pointus.


Au lieu de critiquer la mondialisation, a déclaré Thomas Friedman, ses opposants, et notamment les groupes alter-mondialistes, devraient s’en prendre aux gouvernements des pays qui n’ont pas su donner à leurs populations l’éducation et les services de base dont elles ont besoin pour attirer l’investissement et les délocalisations.  La compétition que l’on observe déjà dans ces domaines va encore s’accentuer au niveau international, a déclaré M. Friedman en indiquant que les pays et les individus qui pourront prendre le train en marche seront ceux qui pourront opérer une révolution dans leurs idées et leurs attitudes face aux changements.  Après la fin du XIXe siècle, qui en a été la première phase, et la période qui a suivi la chute du Mur de Berlin en 1989 et s’est achevée en 2000, nous entrons dans la phase de l’après-11 septembre, de plein pied dans la troisième phase de la mondialisation, dont personne n’ose encore ouvertement parler, a déclaré M. Friedman.


Après leurs échanges avec Thomas Friedman, les délégations de la Deuxième Commission ont entendu la présentation d’une série de projets de résolution relatifs au développement durable, par le représentant du Qatar, au nom du Groupe des 77 et la Chine, et par ceux du Japon et du Tadjikistan.  Les représentants désignés par le Bureau pour faciliter les négociations sur les différents projets de résolution et de décision qui seront soumis à la Commission pour adoption ont ensuite fait une brève présentation de l’état d’avancement de ces consultations.


La prochaine séance plénière de la Deuxième Commission aura lieu vendredi, le 29 octobre, à 10 heures.  


TABLE RONDE SUR LE THÈME « COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT »


Présentation liminaire


M. THOMAS FRIEDMAN, chroniqueur sur les affaires étrangères du quotidien «The New York Times », a indiqué que son nouveau livre, intitulé « The World Is Flat » (Le monde est plat), dont la publication aura lieu prochainement, présente un bref historique du XXe siècle et une projection sur l’avenir.  Alors que le monde était obsédé avant le 11 septembre par la mondialisation, a fait observer M. Friedman, il fait aujourd’hui une fixation sur les bouleversements qui sont intervenus après cette date et c’est sur quoi il insiste dans son livre.  Insistant sur la question des délocalisations, notamment en Inde, il a noté que pendant que l’Amérique faisait des guerres, beaucoup de choses ont changé sur le plan économique.  En Inde, des dirigeants d’affaires m’ont convaincu que le monde était de plus en plus plat, parce que les conditions permettant l’intégration aux échanges financiers et économiques mondiaux étaient en train de devenir presque égales pour tout le monde, a-t-il dit.  Le terrain de jeu s’est aplani alors qu’en Amérique et ailleurs, nous dormions sur nos lauriers et sur des idées reçues, a indiqué M. Friedman.  C’est la cause première des délocalisations, a-t-il estimé.  La mondialisation a connu plusieurs phases, la première ayant commencé à la fin du XIXesiècle.  La deuxième phase a commencé au XXe siècle et s’est achevée en 2000.  Nous sommes désormais dans la troisième phase, qui rend le monde encore plus petit.  Cette phase se base sur les capacités des individus, a rappelé Thomas Friedman.


Les évènements qui ont créé le terrain de jeu que nous connaissons aujourd’hui ont commencé le 9 novembre 1989, le jour de la chute du Mur de Berlin, qui était un obstacle non pas seulement physique, mais aussi mental.  Le 8 septembre 1995 marque le jour où la société Netscape a été cotée en bourse, celui de la naissance d’Internet, qui est devenu un instrument majeur de partage d’informations et de données et de soutien aux échanges mondiaux.  Netscape a créé des connexions entre les systèmes d’ordinateurs où qu’ils soient, ce qui n’était pas le cas auparavant.  Netscape est aussi à l’origine de la naissance de l’économie des « points.com » (dot.com).  Les produits de ces entreprises ont quasiment fait de Boston et de Shanghai des banlieues d’une même cité.  Les logiciels nés de la révolution informatique permettent aujourd’hui de délocaliser les fonctions des entreprises.  Ainsi, la production peut se faire en Chine, l’assistance aux consommateurs étant elle basée en Inde et le siège et les capacités de design de la société à New York.  La force de ces instruments est de permettre à toutes les composantes de l’entreprise de travailler de manière coordonnée en temps réel et avec les meilleurs coûts en tirant profit des avantages comparés de chaque région.


Aujourd’hui, a poursuivi Thomas Friedman, le système Linux, qui est le principal rival de Microsoft, permet à des entreprises de faire usage, gratuitement, d’une source ouverte de données qui facilite l’utilisation, en symbiose, des ordinateurs d’origine et de systèmes différents.  Pendant longtemps, au cours de ces dernières années, seule l’Inde a été capable d’utiliser pleinement les ressources des deux grands systèmes existants.  C’est ce qui explique la délocalisation de certaines fonctions informatiques des entreprises évoluant sur les marchés mondiaux en Inde ou en Chine.  L’éclatement de la bulle des « dot.com » n’a pas marqué la fin de la mondialisation comme l’ont pensé certains aux États-Unis, a estimé Thomas Friedman.  Prenant ensuite l’exemple de la société Walmart, il a fait remarquer qu’aussitôt qu’un bien était acheté par un consommateur dans un des magasins de la chaîne, le même était aussitôt remplacé par les fournisseurs de Walmart en Chine.  C’est une démonstration de l’efficacité que l’on peut atteindre, en faisant usage de l’outil informatique, en matière de gestion des achats et des approvisionnements.


La double convergence, dont je parle dans mon ouvrage, est une cause de l’aplatissement de la terre, dont il est fait mention, a ensuite dit Thomas Friedman.  L’Inde, La Chine et l’ex-Union soviétique ont, par l’ouverture de leurs frontières et de leurs marchés, apporté 3 milliards de nouveaux individus, à la fois consommateurs et producteurs, aux échanges mondiaux.  Jointe aux évènements dont nous avons parlé ultérieurement, ce phénomène a contribué à créer une masse considérable de mécanismes (double convergence) qui soutiennent aujourd’hui la production et les échanges de la mondialisation.  La véritable révolution, a ajouté Thomas Friedman, n’a cependant pas encore réellement commencé.  Elle est en train de se préparer dans les laboratoires de Microsoft, Linux et autres géants de la recherche.  Le secret est encore bien gardé et les hommes politiques n’en sont pas avertis ou simplement ne veulent pas en parler parce que ses conséquences font encore peur, surtout en période électorale.


Aujourd’hui, après la période des réformes macroéconomiques, il faut passer aux réformes touchant aux détails, c'est-à-dire aux questions de nature microéconomiques qui influent sur le fonctionnement des structures financières, économiques et de gestion.  Ces réformes ont par exemple trait à la facilité avec laquelle on peut créer une entreprise dans un pays, y obtenir un crédit ou avoir accès à un système juridique de gestion des faillites.  Ces réformes ont trait à la facilitation de l’investissement et du règlement des contentieux.  Un chapitre important de « The World Is Flat » touche à ce que nous appelons les « intouchables » c'est-à-dire la catégorie de gens dont les emplois ne peuvent pas être délocalisés, a poursuivi Thomas Friedman.  Les diplomates, les artistes et tous ceux qui font un métier dont l’audience est globale, ne peuvent pas être délocalisés.  Une autre catégorie d’intouchables est constituée de gens qui sont tellement bien éduqués qu’ils ont la capacité de s’adapter à tous les nouveaux changements.  La recherche universitaire joue un rôle crucial dans ce nouveau contexte.  Les États-Unis, dont la richesse universitaire est indiscutable, ont les moyens de faire face à l’aplanissement du monde, a estimé Thomas Friedman.  Il n’y a donc pas de raison d’avoir peur.  Malheureusement, la plupart des pays n’ont pas les moyens de faire face à l’aplanissement du monde parce qu’ils n’y sont pas préparés.  D’autres, comme la Chine, sont cependant en pointe.  Le centre de recherche le plus productif de Microsoft est désormais à Beijing, selon Bill Gates lui-même qui se félicite d’avoir pu y attirer certains des meilleurs jeunes cerveaux de Chine.  Pour progresser et être en pointe, les nations ont besoin d’individus qui pensent « out of the box » et apportent les idées nouvelles, qui sont à l’origine des nouveaux produits.  Ce phénomène peut actuellement être observé dans certaines régions du monde, a indiqué M. Friedman.


Les dangers de l’aplanissement résultent d’abord des changements qui s’y opèrent trop vite et dont un nombre croissant de populations frappées par la pauvreté et les pandémies en est exclu.  Les ruraux en sont exclus parce que les gouvernements n’ont pas les moyens de les aider à acquérir les connaissances nécessaires pour les faire participer.  Le mouvement altermondialiste devrait donc faire pression sur les gouvernements pour qu’ils donnent à leurs populations l’éducation, les services de base et les services sociaux dont ils ont besoin pour devenir des individus compétitifs, au lieu de dénoncer la mondialisation elle-même.  Passant ensuite à un autre sujet, Thomas Friedman a estimé que le mode de consommation actuelle, basé sur le modèle américain, n’était pas durable, les ressources de la planète étant limitées et l’impact de ce modèle sur l’environnement étant extrêmement destructeur.


Parlant de paix et de géopolitique, il a indiqué que deux pays qui font partie de la même chaîne d’approvisionnement ne devraient pas entrer en conflit.  De même, deux pays dont les systèmes d’investissements et de production se complètent ne peuvent logiquement se faire la guerre.  Le coût du conflit serait trop élevé pour les deux nations et pour les marchés mondiaux, a estimé Thomas Friedman en prenant pour exemple la Chine et Taiwan.  Un conflit entre ces deux entités porterait un coup fatal à l’industrie informatique, notamment la production mondiale d’ordinateurs, et cet impact se répercuterait sur tous les autres secteurs d’échanges.


Débat interactif


Premier à ouvrir le débat, le représentant des Pays-Bas a ainsi voulu connaître comment il serait possible d’assurer cet aplanissement à tous, en particulier en Afrique.  Le représentant du Qatar a demandé, pour sa part, des éclaircissements sur le lien entre mondialisation et lutte contre la pauvreté et les inégalités.  Le représentant du Yémen s’est interrogé sur les étapes déterminantes de la mondialisation.  La représentante de la Communauté européennea voulu savoir comment maîtriser cette mondialisation et quel rôle les gouvernements peuvent avoir dans son processus.


Répondant à ces questions, Thomas Friedman a expliqué que le capitalisme rendait les gens inégalement riches et était donc imparfait, mais il n’existe aucun système parfait.  Il a estimé que le programme le plus efficace de lutte contre la pauvreté est la croissance économique.  Si plusieurs pays ne pouvaient participer à la mondialisation actuelle, a-t-il ajouté, l'Inde et la Chine avaient vu ces dernières années un plus grand nombre de gens sortir de la pauvreté.  Il a souligné que le choix d'investissement des grandes compagnies mondiales dans tel ou tel pays dépendait des infrastructures technologiques présentes et du système éducatif qui doit préparer les populations à l'aplanissement du monde.  À ce sujet, il a prédit que le gâteau mondial allait croître mais aussi devenir plus complexe et que l'éducation serait donc la clef dans un monde où chacun devra se spécialiser davantage.  Enfin, il a insisté sur le rôle d'un gouvernement éthique et non corrompu, facteur essentiel pour permettre aux citoyens de participer à cet aplanissement du monde tout en respectant les règles.  Aux États-Unis ou en Afrique sub-saharienne, ces conditions sont les mêmes, a-t-il précisé.  Concernant les étapes de la mondialisation, M. Friedman a indiqué qu'aujourd'hui, la force motrice était le logiciel, comme l'avait été la vapeur en son temps.  Les petits pourront donc tous participer et agir à grande échelle, a-t-il estimé.  Les portes sont ouvertes mais il faut disposer des moyens nécessaires pour en profiter. 


Dans une deuxième série de questions, la représentante du Koweït a estimé que le monde n'était pas encore au stade de cet aplanissement et s'est interrogée sur le rôle du pétrole et des énergies renouvelables dans ce processus.  La représentante de la Croatie a, quant à elle, demandé des détails sur la réalisation des conditions pour permettre aux pays ayant des problèmes de ressources de tirer les avantages de la mondialisation.  Le représentant du Royaume-Uni a demandé de suggérer la stratégie que devrait adopter l'Europe dans cette mondialisation, notamment en ce qui concerne l'aide fournie aux pays en développement.  Enfin, le représentant de la Communauté des États des Caraïbes (CARICOM) a souhaité de plus amples explications sur le rôle de l'architecture du système financier international. 


M. Friedman a déclaré qu’il fallait travailler ensemble pour trouver les solutions.  La coopération sous une forme ou une autre contribue largement à faire face aux difficultés soulevées, a-t-il insisté.  Il a également indiqué que les ressources énergétiques, et en particulier le pétrole, pouvaient être à la fois une bénédiction et une malédiction.  Il a ainsi estimé que certains pays producteurs de pétrole avaient plutôt tendance à se concentrer sur l'exploitation de cette ressource plutôt que d'encourager la population à faire preuve d’initiatives.  En ce qui concerne l'aide aux pays en développement, M. Friedman s’est dit convaincu de la nécessité absolue et incontestable de l'aide apportée aux autres pays dans ce processus de mondialisation.  Il a notamment fait une comparaison avec le Plan Marshall appliqué en Europe au terme de la Deuxième Guerre mondiale afin de mettre en lumière les bénéfices d'une telle assistance.  S’agissant de la prévention des conflits, il a indiqué que la mondialisation montrait des limites dans ce domaine.  Il a ainsi expliqué que la Coalition en Iraq était confrontée à des gens qui se servaient des mêmes outils -Internet, un monde sans frontière- mais cette fois, pour s'attaquer à une puissance et s’est dit préoccupé par ce phénomène et ses conséquences.  Enfin, il a indiqué qu’en ce qui concerne la mondialisation, la collaboration ne se faisait pas forcement pour les bonnes raisons mais obtenait tout de même des résultats positifs.  Si on veut vraiment changer le monde, il faut faire en sorte que les grands acteurs se comportent convenablement pour les mauvaises raisons, a-t-il insisté en suggérant que les mouvements anti-mondialistes s’approprient cette idée afin d'aider les plus pauvres à prendre part au processus.  Attendre que les bonnes actions soient prises pour les bonnes raisons risque de s’avérer une très longue attente, a-t-il conclu.


DÉVELOPPEMENT DURABLE


Présentations de projets de résolution


Après la table ronde sur le thème « Commerce et développement », la Commission a entendu la présentation de projets de résolution.  Prenant la parole au nom du Groupe des 77 et de la Chine, le représentant du Qatar a présenté les projets de résolution ayant trait au développement durable:« Mise en œuvre d’Action 21, du Programme relatif à la poursuite de la mise en œuvre d’action 21 et des textes issus du Sommet mondial pour le développement durable » (A/C.2/59/L.6); « Stratégie internationale de prévention des catastrophes » (A/C.2/59/L.7); « Coopération internationale pour l’atténuation des effets du phénomène El Niño » (A/C.2/59/L.8); « Poursuite de la mise en œuvre du Programme d’action pour le développement durable des petits États insulaires en développement » (A/C.2/59/L.10); « Catastrophes naturelles et à la vulnérabilité » (A/C.2/59/L.11); « Convention sur la diversité biologique » (A/C.2/59/L.12); « Sauvegarde du climat mondial pour les générations futures » (A/C.2/59/L.13); « Application de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique » (A/C.2/59/L.14); et « Rapport du Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour l’environnement sur les travaux de sa huitième session extraordinaire » (A/C.2/59/L.16).


Soulignant pour sa part que l’éducation est un élément indispensable à la promotion du développement durable, la représentante du Japon a présenté à la Deuxième Commission le projet de résolution intitulé « Décennie des Nations Unies pour l’éducation en vue du développement durable » (A/C.2/59/L.9).  Après son intervention, le représentant du Tadjikistan a présenté un projet de texte relatif aux « Activités entreprises au cours de l’Année internationale de l’eau douce (2003) et autres initiatives en faveur d’une mise en valeur durable des ressources en eau », (A/C.2/59/L.15).


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