AG/EF/3079

COMMISSION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE: LA DÉGRADATION DE LA SITUATION DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ILLUSTRE L’INSUFFISANCE DE LA MISE EN ŒUVRE DU CONSENSUS DE MONTERREY

13/10/2004
Communiqué de presse
AG/EF/3079


Deuxième Commission

10e & 11e séances – matin & après-midi


COMMISSION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE: LA DÉGRADATION DE LA SITUATION DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ILLUSTRE L’INSUFFISANCE DE LA MISE EN ŒUVRE DU CONSENSUS DE MONTERREY


Malgré leur importance, les transferts de fonds privés des travailleurs migrants ne sont pas un palliatif à l’insuffisance de l’aide au développement, estiment les experts et les délégations


« L’application du Consensus de Monterrey a été à ce jour inégale et une amélioration considérable des mesures de coordination du développement reste nécessaire.  Il faudrait au minimum doubler le montant des apports d’aide publique au développement versés en 2001 pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à 2015.  Bien que les pays développés aient accru l’APD, certains ayant même établi des dates butoirs pour réaliser l’objectif de 0,7% de leur PNB, l’augmentation réelle des apports nets de capitaux a été modeste compte tenu de la baisse générale des flux privés d’investissements étrangers directs, déjà faibles, et des investissements de portefeuilles négatifs ».


Ce constat du Secrétaire général, dans son rapport sur la mise en œuvre et le suivi des textes issus de la Conférence internationale sur le financement du développement, a suscité aujourd’hui un débat de fond au cours des travaux de la Commission économique et financière, sur la recherche et la mise en œuvre de nouveaux moyens et sources de financement du développement.


Intervenant sur cette question, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. José Antonio Ocampo, a rappelé que le Consensus de Monterrey avait énuméré un certain nombre de sources pour mobiliser les ressources financières destinées à promouvoir le développement.  Il a, à cet égard, cité la mobilisation des ressources au niveau national; les investissements étrangers directs (IED) et les autres financements d’origine privée; les revenus tirés des activités d’exportation commerciale; l’amélioration de l’aide publique au développement; l’utilisation à des fins de développement des revenus qui pourraient être tirés de la réduction ou de l’annulation de la dette; et la résolution des problèmes systémiques en vue de rendre plus cohérents et consistants les systèmes financiers, monétaires et commerciaux internationaux, afin de mieux les orienter vers le développement.  Ces questions, a dit M. Ocampo, ne pourront être résolues qu’à travers une mise en œuvre effective du Consensus de Monterrey et des recommandations faites par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement à l’issue de sa onzième session, tenue à Sao Paulo en juin dernier. 


La création de nouvelles sources de financement du développement étant encouragée dans le Consensus de Monterrey, une étude sur la question a été confiée à l’Institut mondial pour la recherche sur l’économie de développement de l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER).  Intervenant au nom de cet Institut, M. Anthony Addison, responsable de l’étude, a indiqué que l’UNU-WIDER avait examiné sept sources novatrices de financement du développement qui sont la création d’une taxe mondiale sur l’environnement; une taxe sur les transactions financières internationales (taxe Tobin); la possibilité de créer des Droits de tirage spéciaux (DTS) destinés au financement du développement; la création d’une Facilité internationale de financement du développement, proposée par le Royaume-Uni; la mise en place d’une loterie internationale et de bons du trésor internationaux, qui a été proposée par la Finlande; et la facilitation des transferts de fonds des travailleurs migrants vers leurs pays d’origine.  


Concernant cette question, sur laquelle la Commission a tenu une table ronde, la Directrice adjointe de l’Organisation internationale des migrations (OIM) a déclaré qu’une réduction de 5% des commissions prélevées sur ces envois de fonds générerait cinq milliards de dollars supplémentaires au profit des pays en développement, et notamment des PMA.  Une réunion des Ministres des finances des PMA se tiendra sur cette question sous la présidence du Bénin, a annoncé la représentante, en indiquant aussi que l’OIM mettait en place une base de données sur les transferts de fonds, que pourront utiliser les travailleurs migrants.  Au cours de la table ronde, les experts invités par la Commission ont déclaré que le montant officiel des transferts, qui s’élevait officiellement en 2003 à 93 milliards de dollars, allait dépasser les 100 milliards de dollars en 2004 et représenterait plus de 30% du PNB de nombreux PMA.  Ces fonds, qui sont généralement envoyés par des individus à leurs familles, sont un facteur essentiel dans la lutte contre la pauvreté, ont fait remarquer les intervenants.  Cependant, ont souligné les panélistes et les délégations des pays en développement, il serait absurde de vouloir considérer ces ressources financières, d’origine privée, comme un palliatif aux insuffisances de l’APD ou à la difficulté de mettre en place de nouvelles sources de financement du développement comme il a été convenu au niveau multilatéral.


Les représentants des pays suivants se sont exprimés au cours du débat d’aujourd’hui: Qatar (au nom du Groupe des 77 et de la Chine), Chine, Inde, Pakistan, Norvège, Bangladesh, Cuba et Suisse.


La Commission économique et financière (Deuxième Commission) poursuivra l’examen de la mise en œuvre et du suivi des textes issus de la Conférence internationale sur le financement du développement demain, jeudi 14 octobre, à 15 heures.


MISE EN ŒUVRE ET SUIVI DES TEXTES ISSUS DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT


Présentation de rapports


Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre et le suivi des textes issus de la Conférence internationale sur le financement du développement (A/59/270)


M. JOSÉ OCAMPO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales (DESA), a déclaré que ce rapport devait être considéré comme une mise à jour des informations contenues dans les rapports précédents du Secrétaire général*.  Publié en collaboration avec les institutions de Bretton Woods et la CNUCED, ce document appelle au renforcement de la mise en œuvre des engagements du Consensus de Monterrey à tous les niveaux et dans tous les domaines, a dit M. Ocampo.  Concernant la mobilisation des ressources nationales en faveur du développement, on constate que les pays du Sud ont fait beaucoup d’efforts, a-t-il indiqué.  La mise en œuvre des clauses de la Convention internationale de lutte contre la corruption et pour le rapatriement des fonds illégalement transférés à l’extérieur par des régimes ou des dictateurs indélicats sera un atout en faveur de la mobilisation des ressources des pays en développement.  Des efforts sont faits pour renforcer les contrôles financiers et favoriser la transparence dans les systèmes financiers des pays du Sud.  Le rapatriement des avoirs des travailleurs expatriés est pour sa part jugé comme étant une source appréciable de mobilisation de ressources financières pour les pays en développement, a indiqué M. Ocampo. 


Le rapport du Secrétaire général note que les investissements directs étrangers (IED) restent une des principales ressources de financement pouvant susciter un développement durable, a dit M. Ocampo.  Mais les flux d’IED restent concentrés dans les plus grosses économies, a regretté M. Ocampo.  Le financement des infrastructures physiques nécessaires à l’attraction des IED dans les pays en développement nécessite une contribution des institutions financières internationales, a noté M. Ocampo en précisant que les pays du Sud n’avaient pas les ressources qui leur permettraient de financer ces projets.  Le commerce international, a-t-il poursuivi, est une des sources potentielles de financement du développement.  Les accords entre pays développés et pays en développement ont fait apparaître certaines questions importantes.  La première concerne l’élimination des subventions agricoles dans les pays du Nord.  La seconde touche à ce qui est connu sous la dénomination « questions de Singapour », que les pays en développement rejettent du fait de leur impact sur les structures des échanges internationaux.  En outre, les pays du Sud ne peuvent adopter la plupart des normes que veulent imposer les pays industrialisés.  Celles-ci leur coûteraient énormément, du fait que ces pays sont mal équipés pour les mettre en œuvre.  La stabilité des cours des produits de base est extrêmement importante pour les pays en développement, comme cela a été relevé par la CNUCED XI, a poursuivi M. Ocampo, en rappelant que ces pays dépendent des produits de base agricoles et des exportations de ressources minières.  Il est important, au-delà du Consensus de Monterrey, de garder en mémoire « l’esprit de Sao Paulo, a dit le Secrétaire général adjoint.  Ceci veut dire que la qualité du commerce doit se traduire par l’intégration harmonieuse des pays en développement dans le système commercial multilatéral, en vue de leur permettre d’avoir une croissance soutenue permettant un développement durable et l´éradication de la pauvreté.


Passant à la question de la dette extérieure, M. Ocampo a rappelé que son montant avait augmenté de 95 milliards de dollars en 2003.  Le ratio entre le poids de la dette et les revenus que les pays tirent de leurs activités d’exportation se dégrade de plus en plus, surtout en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Afrique du Nord, et au Moyen-Orient, a-t-il indiqué.  L’accumulation de réserves extérieures est cruciale pour les pays en développement, notamment en Asie, pour permettre à ceux-ci de faire face aux chocs et aux instabilités financières, a poursuivi M. Ocampo.  Passant aux questions systémiques, il a dit qu’il fallait renforcer la cohérence et la consistance des systèmes monétaire, financier et commercial internationaux pour les rendre plus favorables à un soutien efficace au développement.  Un pas important a été franchi à travers la proposition du Comité de Bâle, sur la question de la création d’un cadre de régulation des marchés de capitaux.


M. OSCA DE ROJAS, Directeur du Bureau du financement du développement du Département des affaires économiques et sociales, a complété cette présentation en déclarant que son Bureau et le Secrétariat avaient participé aux travaux de l’ECOSOC et notamment à sa réunion de printemps avec les institutions de Bretton Woods, la CNUCED et l’OMC.  Les résultats de ces travaux ont permis de parvenir à un accord sur la nécessité de mettre en œuvre le plus rapidement possible les engagements du Consensus de Monterrey, a dit M. de Rojas.  L’urgence de la mise en œuvre du Consensus de Monterrey a également été reconnue par le dernier sommet du G-8, ainsi que par les débats de la récente rencontre annuelle des institutions de Bretton Woods à Washington D.C., a noté M. de Rojas.


M. HANS VAN GINKEL, Recteur de l’Université des Nations Unies (UNU), a brièvement déclaré que l’UNU allait organiser le lancement d’un ouvrage le 15 décembre prochain sur la question du financement du développement.


M. TONY ADDISON, du Projet conjoint UNU-DESA sur les sources novatrices de financement du développement, a déclaré que les propositions que l’UNU a évaluées sur cette question concernaient notamment la possibilité de taxer les entreprises responsables de la pollution de l’atmosphère par des gaz à effet de serre (taxe environnementale), et de réfléchir sur la possible taxation des transactions financières internationales (taxe Tobin).  Le recours aux Droits de tirage spéciaux (DTS) pour financer le développement, la création d’une Facilité britannique de financement du développement, proposée par M. Gordon Brown, ont également fait l’objet de l’étude que nous avons menée, a dit M. Addison.  L’octroi de fonds par des fondations privées, l’amélioration du cadre de rapatriement des revenus des travailleurs migrants, et la possibilité de créer une loterie internationale pour financer le développement, proposée par la Finlande, font également partie des réflexions que nous avons menées.  La taxe mondiale sur l’environnement et la taxe Tobin pourraient permettre de mobiliser des ressources appréciables, a-t-il dit en précisant que ces deux mesures pouvaient permettre de  mobiliser chaque année 50 milliards de dollars.  L’adoption de certaines de ces mesures pourrait cependant avoir des conséquences négatives sur d’autres formes de financement existant actuellement, a poursuivi l’orateur en citant, entre autres, les versements d’aide publique au développement (APD).  Prenant pour exemple la création d’une loterie internationale, proposée par la Finlande, pour financer le développement, il s’est demandé si cela n’inciterait pas certains pays donateurs à réduire leur APD.  En outre, s’est-il interrogé, est-ce que les populations des pays donateurs accepteraient de voir le montant de leurs impôts versé à l’APD si elles apprenaient que la taxe Tobin ou la Facilité pour le financement du développement, proposée par le Ministre britannique des finances, Gordon Brown, étaient devenues opérationnelles?



Dialogue interactif


Premier à intervenir dans le cadre de cet échange de vues, le représentant des Pays-Bas s’est demandé si la publication d’un si grand nombre de rapports et d’études n’était pas contraire à l’esprit de cohérence que prône le Consensus de Monterrey sur les questions du financement du développement.


M. José Ocampo lui a répondu que la conduite de plusieurs études et la publication d’une série de rapports répondaient à une demande, en vue de mieux cibler les différents aspects du financement du développement.


Le représentant du Royaume-Uni a précisé que le lancement d’une Facilité de financement du développement ne devait pas être perçu comme étant un remplacement ou une alternative à l’APD ou à la création d’une taxe environnementale ou de la taxe Tobin.  Il n’est pas également juste de prétendre que les pays en développement sont incapables d’absorber un surplus de ressources financières.  Le représentant du Cameroun a exprimé son soutien aux rapports et études présentées par le Secrétariat, estimant qu’il ne faut pas négliger l’examen de la question de la capacité d’absorption des ressources.  L’APD a encore un rôle important à jouer, a-t-il estimé.  La délégation de l’Égypte a posé la question de la cohérence, au niveau international, dans la mise en œuvre du Consensus de Monterrey.  Il a clairement été indiqué dans le Consensus que l’OMC devait renforcer ses relations institutionnelles avec les Nations Unies, en vue de permettre une meilleure mise en œuvre du Consensus de Monterrey.  Comment l’OMC et l’ONU peuvent-elles mieux travailler ensemble ici et à Genève, dans leurs arènes respectives? a demandé le représentant.


Répondant à ces observations, M. Ocampo a dit qu’il partageait les points de vue et les soucis exprimés par le Royaume-Uni et le Cameroun.  La Banque mondiale voudra sans doute intervenir sur la question de la capacité d’absorption de nouvelles ressources par les pays, a dit M. Ocampo en estimant que selon les analyses actuelles, la plupart des pays étaient capables de faire bon usage de nouvelles ressources financières, si celles-ci étaient mises à leur disposition.  Concernant la question posée par l’Égypte, les Nations Unies sont en faveur du renforcement des liens de travail avec l’OMC, a indiqué M. Ocampo.  Des efforts sont déjà déployés dans ce sens, a-t-il dit.  Dans sa réponse aux interventions des délégations, le représentant de la Banque mondiale a déclaré que les pays en développement pouvaient rapidement absorber 40 milliards de dollars de ressources supplémentaires à l’heure actuelle.  Les études menées montrent que l’APD devrait être rapidement augmentée, de façon à ce que les pays industrialisés puissent consacrer 0,7% de leur PNB en faveur de l’APD, a dit le représentant en précisant que les pays pauvres avaient besoin de ce surplus de ressources.  C’est une décision purement politique, a-t-il estimé.


Le représentant du Chili a dit que nul ne devrait contester la place centrale que doit occuper le Consensus de Monterrey dans toute solution à la question du financement du développement.  Il est essentiel de trouver de nouvelles sources de financement du développement sans que cet effort ne porte atteinte aux engagements relatifs à l’APD, a dit le représentant.  L’intégration de tous les pays aux mécanismes de la mondialisation et une répartition équitable de ses avantages, résoudraient de nombreuses questions de développement, a-t-il estimé.  Le représentant du Liban a estimé que l’augmentation de l’APD était nécessaire à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Cette question devrait être mise en exergue dans les études et les rapports, a-t-il suggéré.


Réaffirmant que la France soutient la  mise en œuvre du Consensus de Monterrey, son représentant a estimé que la création de la Facilité proposée par le Royaume-Uni et celle de mécanismes stables de taxation globale sont complémentaires et pourraient donc couvrir certains coûts récurrents dans les pays en développement.  Le représentant du Maroc a demandé de préciser l’impact des réunions menées à New York par le Bureau du financement du développement dans les pays et les régions.  Ces réunions n’auraient-elles pas plus de retombées si elles étaient organisées au niveau des régions avec les acteurs régionaux?  Notre délégation pense également que la question de la capacité d’absorption des ressources de financement par les pays en développement est un faux débat, a dit le représentant.  Les pays du Sud ont tellement de besoins qu’il est difficile d’imaginer qu’ils ne sont pas incapables d’utiliser des fonds mis à leur disposition, a-t-il précisé.  Le fait d’évoquer une telle question, a-t-il estimé, traduit sans doute l’incapacité des pays industrialisés à tenir leurs engagements en matière commerciale, notamment d’accès aux marchés, et de respect des niveaux agréés d’aide au développement.  La représentante des États-Unis a dit que la question de la création de taxations internationales préoccupait son gouvernement, convaincu que ces mesures seraient contre-productives et entraîneraient la réduction des niveaux de l’APD.  Les États-Unis soutiennent le développement de la philanthropie au niveau international, a-t-elle dit. 


Déclarations


M. ANWARUL CHOWDHURY, Sous-Secrétaire général et Haut Représentant pour les pays les moins avancés (PMA), les pays sans littoral en développement et les petits États insulaires en développement (PEID), a indiqué que le financement pour le développement était une préoccupation de premier ordre pour les PMA et que la note du Secrétaire général sur les nouvelles sources de financement tombait à point dans leur quête, et celle de tous les pays en développement, pour l’augmentation des ressources.  Dans ce but, il a estimé que la réalisation immédiate des engagements pris à Bruxelles et réaffirmés à Monterrey en ce qui concerne le niveau d’aide publique au développement (APD) en faveur des PMA.  Rappelant qu’il avait hier, devant cette même Commission, plaidé pour une annulation complète de la dette des PMA sans délai, il a souligné l’importance de renforcer la capacité de ces pays à gérer et à assurer le suivi du service de leur dette ainsi que leur analyse de la viabilité de la dette.  Le Sous-Secrétaire général a également mis en lumière le rôle déterminant de la participation et de la représentation des pays en développement dans le processus de prise de décisions des institutions de Bretton Woods.  Les PMA, en particulier, a-t-il précisé, dépendent largement de ces institutions et des banques régionales pour financer le développement ainsi que leurs politiques structurelles et macroéconomique et de développement.  C’est pourquoi, ces pays doivent être reconnus comme une catégorie ou un groupe par les institutions de Bretton Woods, comme le font déjà les Nations Unies.


M. Chowdhury a déploré que la communauté internationale n’ait pas répondu aux attentes concernant l’APD, l’annulation de la dette, l’investissement étranger direct (IED) et le retrait de mesures qui prévoient des distorsions dans les relations commerciales comme les subventions.  Afin de réaliser les OMD et les objectifs du Plan d’action de Bruxelles, il a conclu en appelant tous les partenaires du développement, y compris les organisations internationales, la société civile et le secteur privé, à augmenter immédiatement et de manière significative leur soutien aux PMA.


M. SULTAN AL MAHMOUD (Qatar), prenant la parole au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a rappelé que les pays en développement, reconnaissant leur responsabilité première dans leur développement, avaient pris des mesures pour renforcer leur environnement économique et leur bonne gouvernance.  Toutefois, a-t-il ajouté, pour que ces mesures portent leurs fruits, elles doivent être soutenues, au niveau international, par une même bonne gouvernance et un environnement propice.  Dans cette perspective, le représentant a souhaité que l’investissement étranger direct (IED) soit augmenté et plus régulier.  Il a rappelé que le niveau de l’APD, qui n’a pas atteint l’objectif de 0,7%, est un obstacle aux efforts mondiaux visant la réalisation des objectifs de développement, y compris les OMD.  Concernant le commerce, il a, entre autres, regretté que les barrières imposées à l’accès aux marchés des produits des pays en développement n’aient pas été levées et que la participation de ces derniers dans l’élaboration des normes internationales et dans le processus de décision des institutions de Bretton Woods, de l’OMC ou autres organisations, ne soit pas plus importante.  Le représentant a également souligné que l’allègement et la réduction de la dette doivent être perçus comme une source de financement pour le développement.  Le Groupe des 77 et de la Chine a insisté sur le fait que les sources novatrices de financement sont un complément aux efforts déjà accomplis en application du Consensus de Monterrey, comme l’APD ou le commerce en tant que moteur du développement.  C’est la volonté politique qui fait défaut à la mobilisation de ces sources novatrices et des sources traditionnelles de financement, a-t-il ajouté.  Les efforts des pays en développement pour accroître leurs faibles ressources n’ont pas été soutenus par des actions internationales d’envergure, a-t-il conclu, citant entre autres l’exemple des niveaux de 0,7% du PNB en faveur de l’APD et des flux d’IED qui n’ont pas été atteints.


M. ZHANG YISHAN (Chine) a regretté que, plus de deux ans après la Conférence internationale sur le financement du développement, le « déficit du développement » continue d’augmenter et les ressources financières manquent gravement.  Il a estimé que la question de la mise en œuvre du Consensus de Monterrey et celle du financement du développement constituaient des conditions essentielles à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Le représentant chinois a demandé que les pays développés prennent des actions rapides et concrètes pour remplir leurs engagements afin d’assurer la quantité et la qualité de l’aide publique au développement (APD).  En outre, il a souligné que les pays développés doivent assurer des flux financiers ordonnés, accélérer l’accès au marché pour les pays en développement, augmenter les flux de main-d’œuvre et du transfert des technologies aux pays développés et élargir les Droits de tirages spéciaux (DTS) et leur utilisation.  Appelant à la coopération étroite des institutions mondiales, il a demandé que les Nations Unies renforcent leur coordination avec les institutions de Bretton Woods, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les agences régionales afin de répondre aux besoins d’un développement commun.  De l’avis de sa délégation, les sources novatrices de financement du développement pourraient donner un nouvel élan aux activités de ce domaine et permettre de nouvelles méthodes de réflexion.  Il a souhaité que toutes les parties agissent dans l’intérêt de tous et prendront rapidement des actions concrètes dans ce sens.  


M. NILOTPAL BASU (Inde) a déclaré que la situation actuelle exige que les Nations Unies soient reconnues comme le seul cadre universel pouvant définir l’agenda international et les politiques économiques internationales.  Elles peuvent guider les institutions de Bretton Woods et l’OMC, qui n’ont jusqu’ici servi que les champions de la cause des intérêts des milieux financiers au détriment des intérêts des pays et des peuples.  Au sein même de l’OMC, a dit le représentant, la solidarité doit prévaloir après l’accord fragile auquel les États sont parvenus le 1er août dernier.  Les pays en développement doivent se soutenir mutuellement et déployer tous les efforts nécessaires pour faire respecter aux pays industrialisés les engagements en faveur de l’élimination des subventions agricoles, et s’assurer d’un accès équitable à leurs marchés et leur faire accepter un accord sur les tarifs douaniers.  L’Inde reconnaît qu’il est nécessaire de créer un mécanisme efficace chargé d’évaluer et de surveiller la mise en œuvre des engagements du Consensus de Monterrey, a dit M. Basu.  La rencontre annuelle du Conseil économique et social (ECOSOC) avec les institutions de Brettons Woods, l’OMC et la CNUCED devrait travailler sur cette question.  Une synergie doit être créée entre cette rencontre et la réunion biannuelle de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies, a estimé le représentant.  L’Inde, a-t-il ajouté, soutient les propositions sur des sources novatrices de financement du développement et s’élève contre toute tentative de faire un lien entre la création de ces nouvelles sources de revenus et toute tentative de réduire les financements d’aide existants.


M. SARDAR MUHAMMAD SAWAR (Pakistan), réaffirmant que son pays est très attaché à l’intégrité du processus de Monterrey, a estimé qu’il était essentiel de mettre en place des mécanismes de suivi intergouvernemental et institutionnel.  À cet égard, il a estimé que la réunion annuelle du printemps des institutions de Bretton Woods n’est pas appropriée pour maintenir et développer ce processus.  En revanche, il a souligné la nécessité de créer un système commercial multilatéral, ouvert et équitable, pour stimuler la croissance économique, le développement et l’emploi, particulièrement dans les pays en développement où le commerce demeure la source la plus importante de financement du développement.  Faciliter l’intégration de ces pays dans l’économie mondiale ne doit pas être perçu comme un acte de charité: les pays développés ont aussi à y gagner, a-t-il assuré, notant que 70% de la croissance des exportations américaines des dernières années résultaient d’une plus grande demande des marchés émergents.  Réaffirmant que le Pakistan est engagé à faire du financement du développement un grand succès, il a soutenu une approche plus vigoureuse en ce qui concerne l’annulation de la dette, non seulement pour les pays très endettés mais également pour d’autres, et a salué à cet égard l’intention de la France et du Royaume-Uni de doubler l’APD.


M. JOHAN L. LOVALD (Norvège) a imputé les retards dans la réalisation des engagements pris à Monterrey au manque de volonté politique.  Les pays développés, a-t-il dit, doivent honorer les engagements pris en matière de commerce, d’aide et d’allègement de la dette tandis que les pays en développement doivent démontrer leur volonté et leur capacité à améliorer la bonne gouvernance, à lutter contre la corruption et à mettre en œuvre des politiques économiques saines.  Et tous ensemble, nous devons assurer « une cohérence axée sur le développement » dans le système intergouvernemental, a-t-il insisté avant d’affirmer qu’à long terme, les investissements privés sont la source la plus importante du financement du développement.  Or, ces investissements exigent des politiques qui leur garantissent un environnement favorable.  C’est la raison pour laquelle, a expliqué le représentant, il convient de doubler le niveau d’APD, de financer la viabilité de la dette des pays concernés et de se concentrer sur l’aspect développement du Programme de Doha.   


Il a donc annoncé la décision de son gouvernement de relever le montant de l’APD à 0,95% de son PNB et a rappelé le lancement par le même gouvernement du plan d’action « Allègement de la dette pour le développement ».  Annonçant aussi la décision de son pays de renoncer à la dette des pays sortant d’un conflit, le représentant a indiqué que la Norvège appuie financièrement les consultations sur la dette souveraineté.  En concluant, il a jugé impératif que les stratégies de développement soient fondées sur la durabilité financière, économique et sociale mais aussi environnementale.  Il a dit l’intention de son pays d’examiner attentivement les résultats du projet pilote lancé par ONU-Habitat sur les moyens de financer les besoins des villes avec des capitaux locaux et étrangers.  En prévision de la prochaine session de la Commission du développement durable que son pays préside depuis cette année, il a souligné l’importance des partenariats entre les secteurs privé et public et de la réalisation des objectifs en matière d’APD pour relever les défis dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et des établissements humains. 


Mme NDIORO NDIAYE (Organisation internationale pour les migrations) a déclaré que de nombreux pays en développement comptaient de plus en plus sur les transferts financiers de leurs ressortissants migrants et expatriés.  Ces transferts font vivre de nombreuses familles dans les pays du Sud, a-t-elle dit.  Une connaissance accrue du phénomène est nécessaire avant de formuler des politiques efficaces de gestion des rapatriements des fonds qui puissent soutenir le développement, a poursuivi Mme Ndiaye.  Des initiatives doivent être lancées en vue d’améliorer les services de rapatriement de fonds et de réduire les frais de transferts, a-t-elle dit en précisant que selon la Banque mondiale, une réduction  de 5% des commissions permettrait une augmentation de cinq milliards de dollars des flux financiers vers les pays de destination.  L’OIM travaillera avec la Banque mondiale pour coordonner les efforts internationaux d’amélioration de la collecte de données et d’analyse portant sur la migration et les rapatriements de fonds.  L’OIM, a dit Mme Ndiaye, compte fournir aux migrants une information financière transparente sur ces rapatriements de fonds.  En tant que Président de la table ronde organisée par l’OIM lors des travaux de l’ECOSOC sur le renforcement des effets des rapatriements de fonds des migrants sur le développement des PMA, le Ministre des affaires étrangères du Bénin a appelé à la tenue d’une Conférence des Ministres des finances des PMA et des pays de l’OCDE sur les rapatriements des fonds et le développement, a rappelé Mme Ndiaye.  L’OIM, a-t-elle annoncé, organisera début 2005 un séminaire international sur la migration et le développement qui débattra de la cohérence des politiques dans ce domaine.   


M. ZAHIR UDDIN SWAPON (Bangladesh) a déclaré que la mise en œuvre du Consensus de Monterrey avait été décevante et que les flux financiers sont trop faibles pour assurer la réalisation des OMD.  Concernant le fardeau de la dette, il a souhaité que les créanciers revoient leur politique de prêt pour augmenter le financement du développement.  Il a également demandé que l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) soit modifiée afin d’inclure d’autres pays, y compris tous les PMA.  En ce qui concerne les sources novatrices de financement, le représentant a estimé que les propositions de création de facilités pour le financement international, de contributions privées et de taxe mondiale méritent d’être examinées de manière approfondie.  S’agissant du commerce, il a exhorté la communauté internationale à accorder un meilleur accès des marchés aux produits des pays en développement et à protéger ceux qui pourraient souffrir de la libéralisation du commerce ou de la volatilité du prix des produits de base.  Des mécanismes de soutien seront essentiels pour le Bangladesh lors de la libéralisation du marché du textile en 2005, a-t-il précisé, en préconisant des mesures concrètes.  En conclusion, il a souhaité que l’esprit de partenariat qui a vu le jour à Monterrey devrait être maintenu.


Mme NADIESKA NAVARRO (Cuba) a déclaré que le monde en développement attendait des pays industrialisés qu’ils respectent les engagements pris lors des grandes conférences multilatérales.  Les pays du Nord manipulent l’approche des questions financières et économiques pour imposer des clauses et des conditionnalités inacceptables aux pays pauvres, a dit la représentante.  La situation actuelle, si elle est certes due à la faiblesse institutionnelle qui existe dans les pays en développement, tient surtout aux politiques de privatisation à outrance imposées par les pays du Nord et les institutions qu’elles contrôlent, a dit Mme Navarro.  Il revient aux pays en développement de défendre des positions qui soient en faveur du bien-être de leurs peuples.  Cuba a proposé une solution aux crises de la dette par la création d’un tribunal arbitral chargé de trouver des terrains d’entente entre débiteurs et créanciers tout en établissant les responsabilités de chaque partie.  Nous sommes en faveur de la création de la taxe mondiale environnementale, de la taxe Tobin et de la facilitation des transferts de fonds des émigrants, mesures qui ne remplaceront cependant jamais les sources multilatérales de financement du développement. 


M. OLIVIER CHAVE (Suisse) a jugé important d’adopter une approche aussi différenciée que possible des situations très diverses dans lesquelles se trouvent les pays en développement et de leur fournir un appui extérieur sur une période de temps suffisamment longue.  Parlant des flux nets de capitaux privés, il a rappelé que son pays a appuyé la collecte et la diffusion d’informations destinées aux investisseurs étrangers et locaux.  Il a aussi rappelé que son pays a travaillé avec le Forum économique mondial à l’analyse du rôle que peut jouer le secteur public dans la fourniture d’instruments multilatéraux sur la mobilisation de capitaux privés.  La Suisse, a-t-il encore indiqué, a continué à fournir une aide financière, technique et en formation pour consolider les cadres juridiques et institutionnels des pays concernés en matière d’investissement, à étoffer leur secteur financier et à y améliorer les connaissances et les compétences, et à soutenir leur intégration dans le secteur financier mondial. 


Pour ce qui est de l’endettement, le représentant s’est félicité du tour qu’a pris récemment l’Initiative PPTE, avec l’extension de la « clause couperet ».  Il a conclu en soulignant l’importance toujours réelle de l’APD et face à son caractère insuffisant, s’est félicité des discussions consacrées récemment aux moyens de mobiliser de nouvelles ressources de financement du développement par des dispositifs et des mécanismes novateurs.  Dans l’examen des propositions, a-t-il voulu, il faut veiller à ce que les efforts bénéficient d’abord et avant tout aux pays les plus pauvres et que les nouveaux véhicules génèrent un appoint de ressources sans toutefois créer de distorsions indésirables.  Il a, en outre, estimé qu’il est inutile de créer de nouveaux organismes mais de recourir à ceux qui existent déjà.  Le représentant a enfin suggéré que le dialogue sur le financement du développement soit organisé indépendamment du Sommet du Millénaire+5.


TABLE RONDE SUR LE THÈME « ENVOIS DE FONDS DES ÉMIGRANTS EN TANT QUE SOURCE DE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT »


Déclarations liminaires


M. MARCO ZUPI, Directeur adjoint du Centre italien de recherche sur la politique internationale à Rome, intervenant sur la question des envois de fonds des émigrants liés avec la croissance économique, le développement et les partenariats territoriaux, a expliqué que dans le cas italien, les chiffres officiels prêtaient à confusion car le montant total était basé sur les capitaux passant par les banques sans toutefois prendre en compte d’autres modes d’acheminement comme les services postaux, particulièrement utilisés.  Fort des résultats des études menées par son Centre, M. Zupi a avancé que les envois de fonds n’étaient pas faits de manière égale en Italie: ceux qui passent par les banques sont concentrés en premier lieu à Rome et Milan, là ou résident de fortes populations de migrants.  En outre, il a noté que la manière d’acheminer ces sommes est intimement liée au pays d’origine, citant l’exemple de la communauté sub-saharienne qui favorise le transfert d’argent.  Il a par ailleurs indiqué que le secteur bancaire avait une perception erronée des migrants, les considérant comme des acteurs moins intéressants.  En ce qui concerne la réduction de la pauvreté, M. Zupi a expliqué que le lien avec ces envois de fonds n’était pas facile à établir.  Si on peut supposer que ces envois jouent un rôle moteur pour réduire la pauvreté, la réalité est plus complexe, a-t-il estimé.  Afin de favoriser l’impact des envois de fonds sur le développement, il a suggéré que des initiatives nationales plus systématiques –et non fragmentées- soient mises en place ainsi que des partenariats entre banques, migrants et pouvoirs publics facilitant ces envois de fonds. 


Insistant sur l’importance de l’envoi de fonds des migrants comme source de financement extérieur, M. DILIP K. RATHA, économiste principal du Groupe de la politique et des perspectives économiques de la Banque mondiale, a indiqué que les 93 milliards de dollars envoyés par les migrants en 2003 semblent déjà dépassés.  En effet, ces fonds attendraient, en 2004, 100 milliards de dollars environ, uniquement pour les fonds enregistrés officiellement.  M. Ratha a noté que les envois de fonds des migrants étaient supérieurs aux IED au Mexique et constituaient plus de 30% du PNB du Sri Lanka, du Lesotho, ou encore des Tonga.  Ces envois de fonds sont une source de financement extérieur importante particulièrement pour les plus petits pays, a-t-il ajouté, en précisant que ce flux était stable comparativement aux capitaux privés et plus réguliers que les recettes des exportations.  Ces fonds sont surtout personnels et ne doivent donc pas être remboursés.  Enfin, M. Ratha a noté que les envois de fonds sont mieux ciblés que les autres types de capitaux car ils profitent en premier lieu aux plus pauvres.  Il a indiqué que ces envois de fonds augmentaient quand la croissance diminue, contrairement aux cycles économiques.  Soulignant qu’il ne fallait pas s’ingérer dans l’argent privé, il a toutefois plaidé pour l’harmonisation du coût de ces envois, qu’il juge trop élevé, et a noté le besoin d’augmenter la transparence de ces fonds afin qu’ils ne servent pas au blanchiment d’argent, par exemple.


M. FERNANDO JIMENEZ-ONTIVEROS, Chef de l’Unité des priorités et de la programmation du Fonds d’investissement multilatéral (MIF) à la Banque interaméricaine de développement, a axé sa présentation sur les transferts de fonds et le développement.  Il y a un certain nombre de mythes et de réalités sur ces transferts de fonds, a-t-il dit.  Environ 100 millions de personnes envoient, a-t-il estimé, des sommes d’un montant de 150 milliards de dollars par an à leurs familles.  Il s’est ensuite étonné que ces faits n’aient été connus que récemment, alors que les spécialistes de la mondialisation auraient dû se pencher sur la question depuis longtemps.  Il ne faudrait pas que certains gouvernements essaient de percevoir ces transferts comme servant d’APD, a dit M. Jimenez-Ontiveros en précisant que ce sont des transferts privés que les familles utilisent selon leurs propre choix et priorités.  Il n’est donc pas question pour les institutions financières internationales ou les pays riches de vouloir prendre en compte ces sommes dans la conception de leurs politiques d’aide publique au développement.  Ensuite, il faut éviter que ces flux d’argent soient frappés par des contrôles ou des taxes sous prétexte qu’ils représentent des transferts de capitaux importants.  M. Jimenez-Ontiveros a ensuite attiré l’attention sur un des effets que produit l’envoi de ces fonds sur les familles des émigrants.  Ces familles restées dans le pays d’origine ont tendance à imaginer que le parent qui leur envoie régulièrement de l’argent, vit dans une espèce d’Eldorado.  Les montants des financements destinés au microcrédit et à la microfinance ne représentant en ce moment que 50 millions de dollars en Amérique latine, alors que les transferts par les émigrants s’élèvent à plusieurs milliards de dollars, a ensuite fait remarquer le panéliste.  C’est pourquoi, il a recommandé que soient créées des structures bancaires qui permettraient aux familles bénéficiaires de participer aux activités bancaires et à la microfinance nationales.


M. NIKOS PASSAS, Professeur de justice pénale à l’Université Northeastern de Boston, a parlé des aspects réglementaires et des dimensions politiques que prennent les transferts de fonds des émigrants depuis le 11 septembre 2001.  Les systèmes d’envoi de fonds servent des gens honnêtes, mais on a aussi découvert des opérateurs qui transféraient quotidiennement des millions de dollars dont l’usage final était douteux, a dit M. Passas.  En dehors des organes légitimes de transfert de fonds, on sait qu’il existe des filières informelles plus ou moins sophistiquées dont il faut surveiller le fonctionnement.  La réglementation des transferts a deux objectifs: contrôler l’argent sale et douteux; et faciliter le fonctionnement des transferts destinés à des besoins économiques légitimes.  Pour nous, spécialistes de la justice, il faut que nous soyons toujours en mesure de savoir qui sont les opérateurs de transferts de fonds, les expéditeurs de fonds, et leurs destinataires, a dit M. Passas.  Trop de réglementation rend les transactions difficiles et parfois impossibles alors que l’absence totale de réglementation créerait le chaos.  Pour échapper à des frais de transfert par voie officielle élevés, les gens ont tendance à recourir à des solutions informelles comme le système Ahwalla, qui a été déclaré illégal aux États-Unis depuis le 11 septembre.  La pénalisation des voies informelles menace ces transferts de fonds dont les communautés des pays pauvres ont désespérément besoin.  Il faudrait donc réduire le taux des commissions versées aux opérateurs de transferts de fonds officiels, a estimé M. Passas.  Il est essentiel de comprendre l’impact des transferts des fonds des migrants de manière à satisfaire les besoins des différentes parties, a-t-il recommandé.


M. ANDREW BERG, Chef de la Division des questions de développement au Fonds monétaire international (FMI), a déclaré que la Banque mondiale joue un rôle clef dans l’étude des transferts de fonds des émigrants alors que le FMI analyse plutôt leur impact macroéconomique.  Ces transferts sont plus stables que les transferts d’APD ou d’IED, a indiqué M. Berg.  Destinés à la consommation des familles, ces fonds créent de petites activités au sein de l’économie locale, mais ils n’ont aucun lien direct sur l’augmentation de la croissance économique des pays en développement, a relevé M. Berg.  L’amélioration du cadre des transferts permettrait de mettre fin aux filières informelles et au blanchiment d’argent tout en encourageant les émigrants à augmenter le montant de leurs envois, a-t-il dit.  Les transferts de fonds des émigrants ne remplaceront jamais l’APD et l’IED, a-t-il conclu.


Débat interactif


Engageant une discussion à la suite de ces présentations, le Président de la Deuxième Commission, M. Marco Balarezo (Pérou), a fait remarquer qu’une des conclusions primordiales de ces exposés était que les envois de fonds fournissent une source d’aide, soit à la consommation, soit à des investissements de petite échelle ou encore au développement d’infrastructures. 


La représentante des Pays-Bas, au nom de l’Union européenne, s’est interrogée sur la manière dont ces flux de capitaux privés pourraient avoir un plus grand impact sur le développement et sur les moyens de réduire les coûts des envois de fonds.  Notant que ces envois ne doivent pas remplacer l’APD, le représentant de la Républicaine dominicaine s’est intéressé aux politiques pouvant promouvoir le lien entre envois de fonds et épargnes personnelles.  Le représentant du Liban a, quant à lui, demandé des éclaircissements sur la façon dont les envois de fonds peuvent aider à rembourser la dette.  La représentante d’El Salvador a souhaité des précisions sur les commissions établies par les banques pour les envois de fonds.  À l’instar du Liban, de la République dominicaine et d’El Salvador, le représentant de la Barbade a voulu connaître l’impact des nouvelles réglementations en ce qui concerne le blanchiment d’argent. 


En réponse aux Pays-Bas sur les moyens concrets d’encourager ces fonds pour le développement, M. Jiménez-Ontiveros a affirmé qu’un compte sur trois en Espagne a été ouvert par un immigrant et, par conséquent, ce dernier est déjà considéré comme un client international.  Ces flux de capitaux peuvent avoir un effet multiplicateur très important, a-t-il poursuivi.  Il a aussi souligné qu’il faudrait que les émigrants puissent avoir accès au crédit pour acheter une habitation ou une terre dans leur pays d’origine.


À ce sujet, M. Ratha a indiqué qu’il ne fallait pas favoriser l’investissement dans tel ou tel secteur mais connaître l’environnement du pays dans lequel cet argent est destiné et stabiliser le climat d’investissement.  Beaucoup de personnes envoient leur argent en espèces et ne génèrent donc guère d’activités bancaires, a-t-il poursuivi.  L’investissement serait amélioré si on favorisait les transactions d’un compte bancaire à un autre, a-t-il noté, suggérant à cette fin une baisse des frais des transactions bancaires ainsi que l’amélioration de l’accès aux comptes bancaires.  En ce qui concerne la dette, il a indiqué que dans certains cas comme au Liban, ces sommes aidaient à couvrir le montant de la dette et permettaient ainsi au pays de demeurer un endroit propice à l’investissement.  Concernant la nécessité pour cette aide de servir au financement du développement, il a rappelé que l’envoi d’argent est personnel et ne peut couvrir des dépenses publiques, comme la construction d’infrastructures. Ces envois peuvent être complémentaires et non pas se substituer à l’APD qui, elle, doit rester au cœur du financement du développement. 


En outre, en ce qui concerne les transactions illicites, M. Passas a indiqué qu’il était nécessaire que tous les acteurs concernés se rencontrent et qu’une approche multilatérale soit adoptée.  L’approche très légaliste qui est adoptée actuellement ne répond pas à une réalité qui, a-t-il fait remarquer, dépasse ce cadre.  Il faut définir comment bloquer les transactions illégales, a-t-il poursuivi, et de cette manière, les envois de fonds emprunteront de plus en plus les voies officielles, favorisant ainsi leur utilisation pour des activités de production.  Enfin, M. Zupi a estimé qu’il fallait revoir le rôle de la diaspora qui était désormais multiple, dans l’investissement, le tourisme et dans d’autres secteurs économiques.  Il a toutefois souligné le manque de confiance quant aux possibilités d’investissements dans les pays d’origine.


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* Ce rapport actualise l’étude approfondie du Consensus de Monterrey figurant dans le rapport du Secrétaire général destiné au dialogue de haut niveau sur le financement du développement, publié sous la cote (A/58/216), et publié à New York les 29 et 30 octobre 2003.  Ce rapport et les autres documents du Secrétaire général sur le « Système financier international et le développement » (A/59/218) et sur la « Crise de la dette extérieure et le développement » (A/59/219), et les « Sources novatrices de financement du développement », ainsi que le rapport de la CNUCED sur les tendances et perspectives mondiales concernant les produits de base (A/59/304) se complètent.  Les progrès inégaux accomplis dans la réalisation des objectifs du Consensus de Monterrey sont décrits dans ce rapport, et il y est suggéré qu’il demeure essentiel de renforcer les efforts d’application dans tous les domaines visés par le Consensus de Monterrey, qu’ils soient aux niveaux national, international ou systémique.


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