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CIJ/610

LA CIJ DIT QUE LA REQUETE EN REVISION DE LA YOUGOSLAVIE CONCERNANT L'APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE EST IRRECEVABLE

03/02/2003
Communiqué de presse
CIJ/610


                                                            CIJ/610

                                                            3 février 2003


LA CIJ DIT QUE LA REQUETE EN REVISION DE LA YOUGOSLAVIE CONCERNANT L'APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE EST IRRECEVABLE


LA HAYE, le 3 février 2003 -- La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal des Nations Unies, a rendu aujourd'hui son arrêt sur la recevabilité de la requête déposée par la Yougoslavie en vue d'obtenir la révision de l'arrêt du 11 juillet 1996 en l'affaire relative à l'Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie).


Dans son arrêt, la Cour dit, par dix voix contre trois, «que la requête en révision de l'arrêt rendu par la Cour le 11 juillet 1996, déposée par la République fédérale de Yougoslavie en vertu de l'article 61 du Statut de la Cour, est irrecevable».


Raisonnement de la Cour


Après avoir rappelé en détail les thèses des Parties, le contexte de l'affaire et l'historique de la procédure ayant conduit au prononcé de l'arrêt du 11 juillet 1996, la Cour examine la question de savoir si la requête en révision de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) est recevable aux termes de l'article 61 du Statut de la Cour.


La Cour relève notamment que la révision d'un arrêt ne peut être demandée qu'«en raison de la découverte» d'un fait «nouveau» qui, «avant le prononcé de l'arrêt», était inconnu. Un tel fait doit avoir préexisté au prononcé de l'arrêt, et avoir été découvert ultérieurement. Un fait qui se produit plusieurs années après le prononcé d'un arrêt n'est pas un fait «nouveau» au sens de l'article 61; il en demeure ainsi quelles que soient les conséquences juridiques qu'un tel fait peut avoir, poursuit la Cour.


L'admission de la RFY à l'Organisation des Nations Unies (ONU) a eu lieu le 1er  novembre 2000, bien après l'arrêt de 1996. La Cour considère que cette admission ne saurait être considérée comme un fait nouveau, au sens de l'article 61, de nature à fonder une demande en révision de l'arrêt de 1996.


Dans le dernier état de son argumentation, la RFY a prétendu que son admission à l'ONU et une lettre du conseiller juridique de l'Organisation, datée du 8 décembre 2000, auraient «révélé» deux faits existant dès 1996, mais inconnus à l'époque, à savoir qu'elle n'était pas alors partie au Statut de la Cour et n'était pas liée par la convention sur le génocide. A cet égard, la Cour estime que, ce faisant, la RFY ne se prévaut pas de faits existant en 1996, mais «fonde en réalité sa requête en révision sur les conséquences juridiques qu'elle entend tirer de faits postérieurs à l'arrêt dont la révision est demandée». Ces conséquences, à les supposer établies, ne sauraient être regardées comme des faits au sens de l'article 61. L'argumentation de la RFY ne peut en conséquence être retenue, conclut la Cour.


La Cour indique qu'au moment où l'arrêt de 1996 a été rendu, la situation qui prévalait était celle créée par la résolution 47/1 de l'Assemblée générale. Cette résolution, adoptée le 22 septembre 1992, disposait notamment ce qui suit: «l'Assemblée générale… considère que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peut pas assumer automatiquement la [continuité de la] qualité de Membre de l'Organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie et, par conséquent, décide que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d'admission à l'Organisation et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale».


Dans son arrêt d'aujourd'hui, la Cour observe que «les difficultés concernant le statut de la RFY, survenues entre l'adoption de cette résolution et l'admission de la RFY à l'ONU le 1er novembre 2000, découlaient de la circonstance que, même si la prétention de la Yougoslavie à assurer la continuité de la personnalité juridique internationale de la RSFY [ République socialiste fédérative de Yougoslavie] n'était pas «généralement acceptée»…, les conséquences précises de cette situation (telles que la non-participation aux travaux de l'Assemblée générale ou du Conseil économique et social et aux réunions des Etats parties au pacte international relatif aux droits civils et politiques, etc.) étaient déterminées au cas par cas».


L'arrêt de la Cour précise que «la résolution 47/1 ne portait pas atteinte au droit de la RFY d'ester devant la Cour ou d'être partie à un différend devant celle-ci dans les conditions fixées par le Statut». Cette résolution ne touchait pas davantage à la situation de la RFY au regard de la convention sur le génocide, ajoute la Cour.


La Cour souligne en outre que la résolution 55/12 en date du 1er novembre 2000 (par laquelle l'Assemblée générale de l'ONU décida d'admettre la RFY à l'ONU) ne peut avoir rétroactivement modifié la situation sui generis dans laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l'ONU pendant la période 1992-2000, ni sa situation à l'égard du Statut de la Cour et de la convention sur le génocide.


Au vu de ce qui précède, la Cour constate qu'il n'a pas été établi que la requête de la RFY reposerait sur la découverte «d'un fait» qui, «avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la Partie qui demande la révision». Elle en déduit que l'une des conditions de recevabilité d'une demande en révision prescrites au paragraphe 1 de l'article 61 du Statut n'est pas satisfaite.


L'article 61 du Statut énonce d'autres conditions que doit remplir une demande en révision d'un arrêt pour être recevable. La Cour rappelle cependant que, «dès lors qu'il est établi que la demande en révision ne remplit pas l'une des conditions de recevabilité prévues, la Cour n'a pas à aller plus loin et à se demander si les autres sont satisfaites». La Cour conclut que «la requête en révision de la RFY doit partant être rejetée».


Composition de la Cour


La Cour était ainsi composée: M. Guillaume, président; M. Shi, vice-président; MM. Ranjeva, Herczegh, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby; MM. Dimitrijevic, Mahiou, juges ad hoc; M. Couvreur, greffier.


M. Koroma, juge, joint à l'arrêt l'exposé de son opinion individuelle; M. Vereshchetin, juge, joint à l'arrêt l'exposé de son opinion dissidente; M. Rezek, juge, joint une déclaration à l'arrêt; M. Dimitrijevic, juge ad hoc, joint à l'arrêt l'exposé de son opinion dissidente; M. Mahiou, juge ad hoc, joint à l'arrêt l'exposé de son opinion individuelle.


Un résumé de l'arrêt est fourni dans le communiqué de presse No 2003/8bis, auquel est annexé un résumé de la déclaration et des opinions. Ce communiqué de presse ainsi que le texte intégral de l'arrêt, de la déclaration et des opinions figurent sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org).


Pour de plus amples informations, veuillez contacter au Département de l'information M. Arthur Witteveen, premier secrétaire (+ 31 70 302 23 36); Mme Laurence Blairon, M. Boris Heim, attachés d’information (+ 31 70 302 23 37)    e-mail: information@icj-cij.org.


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