AG/J/407

L’ETUDE D’UN REGIME DES RESSOURCES NATURELLES PARTAGEES DEVRAIT SE LIMITER DANS UN PREMIER TEMPS AUX EAUX SOUTERRAINES

03/11/2003
Communiqué de presse
AG/J/407


Sixième Commission

20ème séance - matin


L’ETUDE D’UN REGIME DES RESSOURCES NATURELLES PARTAGEES DEVRAIT SE LIMITER DANS UN PREMIER TEMPS AUX EAUX SOUTERRAINES


Les délégations à la Sixième Commission sont favorables à la poursuite de l’examen par la CDI de la fragmentation du droit international


Les ressources naturelles partagées, un des thèmes importants des travaux accomplis par la Commission du droit international en 2003, ont fait l’objet ce matin d’un débat au sein de la Sixième Commission (Commission juridique).  Les délégations se sont dans l’ensemble félicitées de l’inscription de ce nouveau point à l’ordre du jour des travaux de la CDI.  Elles ont toutefois formulé une série de commentaires sur la portée d’une telle étude, préconisant d’adopter à cet égard une approche prudente.  L’étude des ressources naturelles partagées devrait se limiter aux eaux souterraines, a estimé le Mexique, qui a suggéré qu’elle ne s’étende pas au pétrole et au gaz naturel.  Les problèmes liés à ces ressources sont traditionnellement réglés par des négociations diplomatiques.  La Norvège a rappelé que la gestion des eaux souterraines avait des répercussions sur la paix et la sécurité, la santé humaine et la protection de l’environnement et qu’une gestion durable était nécessaire pour l’éradication de la pauvreté et la protection de l’écosystème.  Certains intervenants ont fait remarquer que les ressources en eau étaient plus étroitement liées aux activités productives et à la subsistance de l’humanité et plaidé pour que la Commission du droit international prenne pleinement en considération les intérêts de tous les Etats et garantisse dans toute la mesure du possible leur souveraineté et leur protection sur ces ressources naturelles.  Rappelant le caractère technique de la définition des eaux souterraines, de nombreuses délégations ont préconisé d’approfondir les études en la matière et de recenser la pratique des Etats pour mieux cerner les contours du sujet.  A cet égard, elles ont attiré l’attention de la CDI sur les régimes bilatéraux existants, et sur l’étude de la coordination et de la répartition des compétences en droit interne concernant la gestion des eaux, notamment dans les Etats fédéraux.


Abordant par ailleurs la question de la fragmentation du droit international, les délégations ont noté que ce thème allait au-delà du cadre habituel de la codification.  Il a ainsi été rappelé que l’étude serait très utile pour clarifier le manque de cohérence et de certitude qui règne actuellement en droit international, afin de prévenir la survenance de différends.  Plusieurs délégations ont plaidé pour que les aspects positifs de la question soient examinés, tout en faisant ressortir les aspects négatifs de la fragmentation des sources du droit international.  Il est important que la CDI ne serve pas d’arbitre entre institutions judiciaires internationales, ont-elles estimé.


La Sixième Commission était par ailleurs saisie de trois projets de résolution, présentés par le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et respectivement intitulés: Portée de la protection juridique offerte par la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé; Mesures visant à éliminer le terrorisme international; Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.  Ces trois projets de résolution seront adoptés demain matin.


Outre les délégations mentionnées, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Etats-Unis, Australie, Malaisie, Viet Nam, Canada, Japon, Chine, Grèce, Népal, Bulgarie, Pakistan, République islamique d’Iran, et Uruguay.


La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 4 novembre à 10 heures.


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-CINQUIEME COMMISSION


Déclarations


Présentant les chapitres IX et X du rapport de la Commission du droit international, M. ENRIQUE CANDIOTI (Argentine), Président de la Commission, a rappelé que les travaux sur les ressources naturelles partagées étaient à un stade préliminaire, limités à l’étude des eaux, du pétrole et du gaz transfrontière.  Plusieurs membres de la Commission ont exprimé des doutes sur les contributions de la Commission à la question de la réglementation du pétrole et du gaz, dont les problèmes sont d’une nature différente, et qui relèvent d’habitude de processus diplomatiques et juridiques.  Il a été suggéré de recourir à une approche prudente, qui éviterait de procéder à des généralisations, et qui prendrait en compte l’évolution pertinente de la pratique régionale.  Le débat a fait ressortir la nécessité de réexaminer la notion d’eau souterraine, dans la mesure où le concept retenu est différent de son emploi par les hydrogéologues.  M. Candioti a attiré l’attention des délégations sur la troisième partie du rapport sur la question, dans lequel la Commission sollicite des informations de la part des gouvernements, en particulier sur les principales ressources en eau souterraine et leur importance sociale et économique; les principales utilisations de certaines réserves d’eaux souterraines et la pratique relative à leur gestion; les problèmes de contamination et les moyens de préventions adoptés; la législation nationale, en particulier celle des Etats fédéraux concernant la gestion des eaux; et les accords bilatéraux et multilatéraux concernant les ressources en eaux.


Abordant la question de la fragmentation du droit international, M. Candioti a rappelé que ce thème avait été introduit l’an dernier au programme de travail de la CDI, commençant par une étude de la fonction et de la portée de la règle lex specialis et de la question des régimes autonomes.  Les débats du Groupe d’étude ont été centrées sur les questions de procédure et les questions de fond, notamment la méthodologie utilisée et le calendrier de travail en vue de son achèvement d’ici à 2005 et de l’élaboration de directives en 2006.  Le Groupe d’étude a relevé la pertinence de la question au regard de l’actualité.  Il a noté la nécessité d’éviter d’établir une hiérarchie entre les normes de différentes origines, ainsi que le principe d’établir une distinction entre la perspective institutionnelle, fragmentation des sources du droit international et la perspective substantielle, fragmentation des solutions retenues par les différents opérateurs juridiques.  M. Candioti a indiqué que le Groupe d’étude entendait centrer ses travaux sur la cohérence substantielle, relevant trois modalités de conflits: entre différentes conceptions ou interprétations des principes généraux du droit international; entre le droit général et un droit spécial revendiquant sa propre indépendance par rapport au droit général; et entre deux branches du droit spécial.  Les débats au sein du Groupe d’étude ont également porté sur la portée et la fonction de la règle de la lex specialis, notamment les différents contextes dans lesquels elle tend à s’appliquer, et sur l’existence de « régimes autonomes ».


M. ERIC A. ROSAND (Etats-Unis) s’est opposé à toute définition des objections aux réserves dans les principes directeurs et a affirmé que celles-ci pouvaient relever d’intentions très différentes parfois juridiques, parfois politiques.  Il a indiqué que l’adoption d’une telle disposition nuirait à la flexibilité dont disposent les Etats par rapport aux réserves.  Il s’est également prononcé contre l’application des règles relatives à la formulation tardive d’une réserve à l’aggravation des réserves.  Le retard involontaire dans la formulation d’une réserve au moment de la ratification d’un traité ne peut être étendu à l’aggravation des réserves à moins de saper la stabilité des obligations conventionnelles que la convention cherchait à assurer.  Il a aussi déploré la transposition de la règle de l’acceptation unanime des réserves tardives aux déclarations interprétatives conditionnelles et a déclaré qu’il n’y avait pas de raison de traiter plus strictement ces déclarations que les réserves.  S’agissant des actes unilatéraux, le représentant des Etats-Unis a émis des doutes sur la nécessité d’élaborer un ensemble d’articles sur la question.  Il a déclaré suivre tout développement concernant les comportements d’Etats et a invité la Commission du droit international à mettre un terme à ses travaux sur ces thèmes.


Mme NICOLA LOFFLER (Australie), intervenant d’abord sur les actes unilatéraux, a déclaré adhérer à l’approche adoptée par la CDI visant à étendre le champ de son étude aux comportements d’Etats qui créent des obligations ou des effets juridiques de droit international et a invité à se concentrer sur les comportements intentionnels et l’établissement de ces intentions.  Elle a néanmoins précisé qu’une telle étude ne devrait pas perdre de vue ses objectifs principaux, à savoir la détermination des effets juridiques de certains actes unilatéraux.  La CDI devrait écarter du sujet des actes unilatéraux les actes de reconnaissance par acquiescement, ainsi que les actes fondés sur des traités ou résolutions des Nations Unies ou d’autres organisations internationales.  Sur la question de la modification, suspension et révocation des actes unilatéraux, la représentante a souligné que la capacité à le faire ne doit pas être conditionnée par des facteurs tels que l’inclusion de cette possibilité dans l’acte lui-même ou un changement de circonstances.  Elle a relevé que toute modification, suspension ou révocation était un acte unilatéral dans la mesure où il cherchait précisément à produire des effets juridiques.  Mme Loffler s’est ensuite penchée sur la question des réserves aux traités et en particulier sur les objections aux réserves.  Elle s’est ralliée à la position du Rapporteur spécial concernant le lien nécessaire entre la définition que proposera le projet de directive, la Convention de Vienne sur le droit des traités et la pratique des Etats.  Elle a adhéré également au concept d’intention en tant qu’élément clé pour déterminer la nature de la réaction à une réserve, à savoir une objection.


Mme MAZNI BUANG (Malaisie) a appuyé les efforts de la Commission visant à identifier et élaborer des directives claires sur les actes unilatéraux.  Il est important pour les Etats de savoir à quel moment l’expression unilatérale de leur volonté ou de leurs intentions produiront des obligations à l’égard de leurs auteurs, contrairement à de simples déclarations politiques.  Ceci s’inscrit dans le consensus apparent au sein de la CDI selon lequel un acte unilatéral ne peut être suspendu, révoqué ou modifié par un acte unilatéral de l’Etat en question.  La Malaisie se félicite de la proposition de la CDI d’inclure les comportements des Etats qui pourraient engendrer des effets juridiques similaires à ceux des actes unilatéraux en vue d’élaborer des directives sur la question.  La représentante a estimé que l’étude devrait comprendre le silence, l’acquiescement, les comportements d’Etats par le biais de résolutions des Nations Unies et de décisions d’organisations internationales.  Elle a noté que certains actes unilatéraux pouvaient être le fait d’une action conjointe et concertée d’Etats.  Sur la question des réserves aux traités, la représentante a déclaré que son pays soutenait une large définition des objections aux réserves, et a déclaré que l’effet concret de la déclaration unilatérale détermine le caractère de la réponse, quelle que soit la nomenclature utilisée.  C’est l’intention de l’Etat qui est déterminante, a-t-elle affirmé.  Les Etats doivent règler la question en utilisant le terme « objection », tel que cela ressort des Conventions de Vienne de 1969 et 1986.  La Malaisie encourage les Etats à expliquer leurs objections aux réserves, afin de garantir la transparence et la sécurité juridique.  Elle a suggéré aussi que le projet de guide de la pratique dispose qu’un Etat non partie à un traité ne puisse pas formuler d’objections au traité à l’encontre d’un autre Etat partie.


M. NGUYEN DUY CHIEN (Viet Nam) a indiqué que le guide de la pratique des réserves serait très utile pour les gouvernements et les organisations internationales dans leurs activités quotidiennes liées à cet aspect particulier du droit des traités.  Il a indiqué que dans le projet de directive 2.5.3, il serait préférable d’employer le terme « règles de l’organisation internationale » plutôt que le terme « droit interne », utilisé d’habitude uniquement pour le droit interne des Etats.  Par ailleurs, le titre du projet de directive 2.5.4 devrait être remplacé par la « compétence pour retirer un réserve au niveau international ».  Concernant la définition des objections aux réserves, le Viet Nam accueille favorablement la proposition du Rapporteur spécial proposant une nouvelle formulation pour le projet de directive 2.6.1.  Une objection n’a pas d’effet, et n’empêche pas la validité d’une réserve dans les relations entre l’Etat qui émet la réserve ou une organisation et d’autres parties contractantes, a estimé le représentant, qui a suggéré d’établir à cet égard une nouvelle définition.


M. ROLF EINAR FIFE (Norvège), s’exprimant au nom des pays nordiques, a soutenu les fondements de la codification sur les ressources naturelles partagées.  Il est urgent de faire progresser les travaux sur la question car, a-t-il soutenu, la gestion des eaux souterraines avait des prolongements sur la paix et la sécurité, la santé humaine et la protection de l’environnement.  La gestion durable est nécessaire pour l’éradication de la pauvreté et la protection de l’écosystème.  Cela requiert davantage de ressources, une gouvernance effective et une coopération internationale plus forte.  Le représentant a noté que la Commission avait relevé des points commmuns entre les eaux souterraines captives, le gaz et le pétrole.  En effet, il est établi qu’il s’agit à chaque fois de ressources non renouvelables qui mettent en cause la souveraineté des Etats, a-t-il fait remarquer.  L’adoption d’une approche intégrée est indispensable pour les ressources souterrraines et il faut établir des règles plus strictes que celles concernant les eaux de surface.  La Norvège, a indiqué son représentant, soutient les initiatives lancées par l’OMS, l’OMC et le PNUD, ainsi que des mesures prises sous les auspices des Nations Unies appelant les organisations financières à fournir des ressources pour lutter contre la pollution des eaux souterraines.  Il a ensuite fait mention des développements réalisés dans certains organes et qui mettent en lumière la multiplicité des pollueurs potentiels et des activités humaines concernées.  Les pays nordiques procèdent actuellement à l’élaboration de nouvelles lois nationales visant à assurer une gestion intégrée de la responsabilité, qui comprend l’établissement de cartes et de bases de données sur les ressources en eaux et leur qualité.


M. TED McDORMAN (Canada), intervenant sur la question des ressources naturelles partagées, a rappelé que le Canada ne partageait de frontière terrestre qu’avec les Etats-Unis.  Son approche de la question est donc purement bilatérale.  Les deux instruments bilatéraux de 1909 et 1978 qui le lient avec les Etats-Unis sont gérés par une institution bilatérale.  L’Accord de 1909 n’a pas de disposition spécifique concernant les eaux souterraines, bien que son article 4 fasse interdiction aux parties de polluer ces réserves.  L’Accord de 1978 sur la qualité de l’eau des Grands Lacs contient des dispositions relatives à la pollution par les eaux souterraines contaminées.  Il requiert des parties qu’elles mènent des études de la qualité de l’eau.  Le Canada est favorable aux travaux de la CDI sur l’utilisation durable des ressources, mais il estime qu’il est nécessaire de mener des études et d’établir un recueil de données très approfondies avant de poursuivre les travaux de codification.


M. ALFONSO ASCENCIO (Mexique) a indiqué qu’en ce qui concerne la portée de la question des ressources naturelles partagées, il serait bon de se limiter aux eaux souterraines transfrontières et de remettre à plus tard l’examen de la question des ressources en hydrocarbures et en gaz.  Il est souhaitable d’adopter une approche prudente.  Rappelant que le Mexique considérait l’eau comme une ressource essentielle pour le bien-être de son peuple, le représentant a préconisé que les mesures prises pour atténuer et prévenir les problèmes de contamination s’inscrivent dans un cadre de protection de l’écosystème, par une gestion durable des ressources hydrologiques.  La coordination et la coopération à tous les niveaux sont essentielles, notamment dans les pays qui disposent d’un régime fédéral.  Le représentant du Mexique a rappelé qu’il existait déjà de nombreux accords internationaux bilatéraux quant à la réglementation de l’usage des ressources en eaux; il serait utile que la Commission se penche sur l’étude de la pratique de ces accords.  Abordant la question de la fragmentation du droit international, le représentant du Mexique s’est félicité de l’inscription de ce thème à l’ordre du jour des travaux de la CDI.  Toutefois, a-t-il indiqué, il est important qu’elle ne se situe pas dans une position d’arbitre entre institutions judiciaires internationales.  C’est précisément cette prolifération et l’absence de dialogue entre ces institutions qui ont rendu nécessaire cette étude.  Quant à la question des « régimes autonomes », le Mexique a engagé la CDI à étudier les mécanismes régionaux de règlement pacifique des différends.


M. YUKIHIRO WADA (Japon) a appuyé les travaux de la CDI et les orientations prises pour le futur.  Concernant les eaux souterraines, il a estimé que la CDI devrait adopter une approche pragmatique et éviter de s’engager dans des projets trop ambitieux.  En tant qu’Etat insulaire et archipellagique, le Japon n’a aucune ressource en eau transfrontière, a rappelé son représentant.  Les ressources souterraines sont nombreuses au Japon et une règlementation très poussée existe, notamment concernant les sources d’eau chaude thermales.  Face aux nombreux rapports sur la pollution des eaux souterraines, les autorités compétentes ont pris une série de mesures pour y remédier, notamment contre le rejet d’eaux industrielles.  N’ayant à ce jour signé aucun accord bilatéral ou multilatéral sur les eaux souterraines, le Japon a néanmoins une longue expérience en matière d’assistance régionale ou internationale dans ce domaine.  Passant à la question de la fragmentation du droit international, le représentant s’est dit favorable à la discussion sur ce sujet, convaincu que la configuration du droit international était de plus en plus difficile à comprendre.  Sa délégation juge utile la discussion en cours à la CDI pour mettre en lumière les questions qui seront examinées dans le cadre de ce sujet.  Les cinq sous-points choisis sont très généraux et les directives tirées d’un nombre réduit d’affaires doit conduire à la prudence, a-t-il estimé.  La CDI doit s’engager dans une étude approfondie des conflits de droit potentiels.  A cet égard, le représentant a souhaité que la CDI limite le champ d’application des directives.  S’agissant des régimes autonomes, il a déclaré qu’il semblait y avoir accord sur le fait qu’ils ont des interactions parfois complémentaires.  La Commission devrait examiner davantage la lex specialis.


M. JIAN GUAN (Chine) s’est félicité de la décision de la Commission du droit international de limiter la question des ressources naturelles partagées aux eaux souterraines, dans la mesure où elles sont plus étroitement liées aux activités productives et à la subsistance de l’humanité.  Dans la mesure où ces ressources peuvent se trouver sous le territoire de plusieurs Etats, la CDI devrait prendre pleinement en considération les intérêts de tous les Etats et garantir, dans toute la mesure possible, la protection et leur souveraineté sur ces ressources naturelles.  La nature de la question exigera des études scientifiques approfondies sur l’impact des activités humaines sur ces ressources.  Parallèlement, la CDI devrait se concentrer sur les activités susceptibles d’avoir une influence à court terme sur les ressources.  Abordant la question de la fragmentation du droit international, M. GUAN a rappelé que l’étude serait très utile pour clarifier le manque de cohérence et de certitude qui règne actuellement en droit international, réduisant ainsi le coût de l’application des normes en vigueur et permettant de réduire les possibilités de différends.  Le représentant de la Chine s’est déclaré favorable à l’étude de la question des « régimes autonomes ».


Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a préconisé que la CDI entame une étude approfondie de la question des effets juridiques des réserves et des objections, compte tenu de l’incertitude juridique actuelle.  Bien que la Convention de Vienne sur le droit des traités entre les Etats et entre les organisations internationales établisse des règles concernant l’acceptation et les objections aux réserves, ces règles ne donnent pas des solutions satisfaisantes.  A cet égard, la Grèce appuie la déclaration faite par la Suède, rappelant que les réserves incompatibles avec l’objet et le but d’un traité sont inadmissibles et ne peuvent pas être acceptées par les autres parties.  Cette position est reflétée dans la pratique récente des Etats, en particulier dans le domaine du droit humanitaire.  Mme Telalian a rappelé que de nombreux pays, y compris le sien, avaient émis des objections à des réserves qui étaient incompatibles avec l’objectif et le but de conventions relatives aux droits de l’homme.  La réaction des Etats devrait conduire au retrait desdites réserves interdites par l’Etat qui les a émises.  Concernant la définition des objections aux réserves, la Grèce estime que cette définition est étroite, dans la mesure où elle ne prend pas en compte la pratique des Etats en la matière.  La Grèce est favorable à la proposition alternative du Rapporteur spécial.  L’intention des Etats est un élément clef de la définition des objections; il faut souligner que l’intention devrait clairement être déduite du texte de l’objection, et ne devrait pas être interprétée.  La pratique des Etats démontre qu’ils sont de plus en plus disposés à exprimer leur intention à cet égard.  Par ailleurs, il est dangereux d’admettre l’aggravation tardive de la portée d’une réserve.  Cette pratique devrait être interdite.


M. RAM BABU DHAKAL (Népal) a déclaré que les projets d’articles sur la responsabilité des organisations internationales exigent un examen plus approfondi.  La personnalité des organisations internationales et des Etats doit être différenciée et les ONG doivent être exclues du champ de l’étude, a-t-il estimé.  Par ailleurs, soulignant l’importance de la protection diplomatique des personnes morales, le représentant a suggéré de tenir compte des travaux réalisés en droit international, notamment les conventions bilatérales.  Faisant référence à la responsabilité pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, le représentant a insisté sur la nécessité d’établir un équilibre entre action et préservation.  S’agissant des actes unilatéraux, il a déclaré que les promesses et les renonciations devaient être étudiées dans ce cadre.  Il a néanmoins appuyé la Commission dans sa volonté d’étudier les actes unilatéraux stricto sensu.  Concernant les réserves aux traités, le représentant a souligné qu’elles devaient être formulées par écrit.  Le droit international n’impose pas de règles spécifiques dans ce domaine.  Il a invité la CDI à axer ses travaux sur la portée des réserves et la définition des objections.  Evoquant la question des ressources naturelles partagées, le représentant a estimé qu’il fallait inclure le pétrole et le gaz naturel dans le champ de l’étude.


Mme KRASSIMIRA T. BESHKOVA (Bulgarie) s’est félicitée de l’adoption des projets de directives sur la question des réserves aux traités.  La définition des objections devrait être plus flexible et la pratique des Etats devrait être prise en compte.  Une distinction doit être établie entre réserves autorisées et non autorisées.  Concernant la question des ressources naturelles partagées, Mme Beshkova a soutenu la proposition tendant à s’inspirer des normes établies par les régimes en vigueur pour préparer un projet d’articles en la matière.  Il serait utile de mener des études concernant la pratique des Etats notamment pour ce qui est de la pollution.  L’intitulé « eaux souterraines partagées » doit être clarifié.  Mme Beshkova s’est félicitée de l’inscription du thème de la fragmentation du droit international à l’ordre du jour des travaux de la CDI.  Ce thème va au-delà de l’approche habituelle en matière de codification, mais il ne devrait pas être limité aux seuls effets négatifs de la fragmentation.  L’étude concernant les régimes autonomes et la lex specialis est bienvenue.  L’élaboration d’un projet d’articles sur la question sera utile pour les praticiens et les juges internationaux.


M. ROSS MASUD (Pakistan), intervenant sur la question des réserves, a estimé que la question était régie par les Conventions de Vienne de 1969 et 1986, dont les dispositions ont bien servi les intérêts de la communauté internationale.  Le régime établi par ces Conventions crée un équilibre en imposant une limite aux Etats qui émettent des réserves, notamment en exigeant la conformité des réserves avec l’objet et le but du traité, et la participation universelle au traité.  Comme l’indique la CDI, le représentant a estimé qu’il n’existe pas de différence entre les traités relatifs aux droits de l’homme et les autres traités.  S’agissant de la définition des objections aux réserves, le représentant a déclaré que le projet de directive les définissait d’une manière incompatible avec l’article 20 de la Convention de Vienne de 1969, selon lequel l’émission d’une objection n’empêche pas l’entrée en vigueur entre l’Etat qui formule l’objection et l’Etat qui émet la réserve.  Il a déclaré qu’il fallait avoir adopté à cet égard une approche plus souple.  Sur la position adoptée dans le Tribunal international pour le droit de la mer dans l’affaire « Mer d’Iroise », il a affirmé que l’intention et la conduite était pertinentes.  S’agissant de la directive relative aux réserves tardives, il a déclaré que cela n’était pas compatible avec le critère établi par la Convention de Vienne par rapport au temps retenu.


M. MOSTAFA DOLATYAR (République islamique d’Iran) a indiqué, concernant la protection diplomatique, que sa délégation appréciait les progrès accomplis en la matière.  Toutefois, la protection diplomatique de l’équipage d’un navire ne devrait pas être incluse dans le projet de texte.  Toute référence à la décision du Tribunal international pour le droit de la mer concernant l’affaire Saiga doit être examinée dans le contexte de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui est à la base de cet arrêt.  Concernant la protection diplomatique, l’Iran est favorable à la solution de la Barcelona Traction, tout en optant pour l’inclusion d’un lien authentique entre la société et l’Etat, afin d’éviter l’exercice de la protection diplomatique par un Etat de complaisance ou un paradis fiscal.  Concernant le projet d’article 18, l’Iran n’est pas favorable à l’introduction d’une exception, qui ne reflète pas le droit international coutumier existant.  L’inclusion d’une disposition visant les régimes particuliers et les accords bilatéraux d’investissement serviront l’objectif du projet d’articles.  Quant à l’extension du régime aux autres personnes morales que les sociétés commerciales, ces personnes sont d’une nature très variée, et souvent elles ne sont pas reconnues dans l’Etat où elles mènent leurs activités.  Abordant la question des réserves aux traités, M. Dolatyar s’est félicité de ce qu’un consensus ait émergé au sein de la CDI pour qu’aucune modification ne soit apportée aux Conventions de Vienne de 1969,1970 et 1986.  Il a rappelé que les réserves constituaient un élément fondamental du consentement des Etats lorsqu’ils adoptaient un traité.  Or, la doctrine des effets « super maximum » a pour conséquence qu’une objection détruise cet élément pour garantir l’intégrité d’un traité.  Il serait bon de pouvoir établir un équilibre sur la question, a-t-il estimé.  Concernant les ressources naturelles partagées, l’Iran considère que les principes régissant la souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles, consacrée dans la résolution 1803 de l’Assemblée générale de 1962, doivent s’appliquer en la matière.


Mme SUSANA RIVERO (Uruguay) a déclaré que son pays attachait une importance particulière à la question des ressources naturelles partagées en raison de l’existence d’un gigantesque bassin d’eau qui regroupe d’autres membres du MERCOSUR, le Brésil, l’Argentine et le Paraguay.  Ces pays ont élaboré un projet de texte pour la protection de l’environnement et le développement durable, qui vise à développer une trame pour la coordination institutionnelle et la gestion juridique du Système de protection des eaux.  L’Uruguay appuie l’idée d’examiner les informations sur les questions techniques et géologiques impliquées avant de s’engager à un processus de codification sur la question.  Il faudrait avant tout résoudre la question de méthodologie et définir le champ de l’étude.  De l’avis de la délégation uruguayenne, il serait préférable de parler de ressources transfrontières que de ressources partagées.  Il faut clarifier le concept de ressources souterraines transfrontières afin d’établir clairement la portée de l’enquête, comme le suggérait le Rapporteur spécial.  Faisant référence à l’extension du champ de l’étude aux ressources naturelles que sont le pétrole et le gaz, la représentante a estimé que celles-ci devaient faire partie des efforts de codification et de développememt progressif du droit international.  Abordant la question de la protection diplomatique, la représentante s’est félicitée de l’adoption de la solution retenue dans l’arrêt de la CIJ, Barcelona Traction, excluant la protection des actionnaires par l’Etat de nationalité.  Il n’est pas utile, par ailleurs, de proposer le critère d’un lien entre l’Etat et la société.  Mme Rivero a regretté l’absence de symétrie entre ce texte et celui relatif aux personnes physiques.  Elle a aussi déploré l’exception contenue au projet d’article 18, qui ouvre la possibilité pour l’Etat de nationalité d’exercer sa protection diplomatique à l’égard des actionnaires.  L’Uruguay est favorable à l’extension « mutatis mutandis » des règles concernant les sociétés commerciales aux autres personnes morales.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.