AG/J/406

L’ELABORATION D’UN REGIME DES ACTES UNILATERAUX DEVRA COMMENCER PAR UNE CLASSIFICATION PRECISE DES ACTES ETUDIES

31/10/2003
Communiqué de presse
AG/J/406


Sixième Commission

19ème séance – après-midi


L’ELABORATION D’UN REGIME DES ACTES UNILATERAUX DEVRA COMMENCER PAR UNE CLASSIFICATION PRECISE DES ACTES ETUDIES


La Commission du droit international devrait préciser les projets de directives sur les réserves aux traités en vue de les inclure dans un guide sur leur pratique


Cet après-midi, la Sixième Commission (Commission juridique), a insisté particulièrement sur deux des chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI) de 2003, à savoir les actes unilatéraux des Etats et les réserves aux traités.


Au sujet du premier thème, plusieurs délégations ont rappelé que la jurisprudence de la Cour internationale de Justice démontrait clairement que les actes unilatéraux, définis comme l’expression de la volonté d’un Etat en vue de créer des obligations ou d’autres effets juridiques dans le cadre du droit international, étaient des faits générateurs du droit international à part entière.  Ces délégations ont regretté que les travaux en la matière n’aient pas encore débouché sur un projet d’articles provisoires.  Cette demande répondait aux critiques émises par certaines délégations qui considéraient que la pratique en la matière ne se prêtait pas à la codification, et qui avaient plaidé pour que le thème soit tout simplement retiré de l’ordre du jour des travaux de la CDI.  Sur cette question, les délégations ont préconisé à l’unanimité une étude approfondie de la pratique des Etats.


Un bon nombre de délégations ont émis des critiques sur la définition des actes unilatéraux qui a été retenue dans le rapport de la CDI.  Le Guatemala a rappelé que la gamme de ces actes était extrêmement étendue, et proposé que l’on procède à leur recensement avant d’en déterminer le régime, rappelant qu’ils pouvaient s’étendre aux réserves, à l’estoppel - à savoir la fin de non-recevoir destinée à sanctionner au nom de la bonne foi les contradictions dans le comportement d'une personne - et aux abstentions.  Pour sa part, le représentant des Pays-Bas a estimé qu’il faudrait examiner d’autres actes tels que la promesse, la renonciation, et la protestation et étudier les effets du silence et de l’acquiescement.  Le Chili a, quant à lui, noté que certains actes, comme les déclarations relatives à l’adhésion d’un Etat à un traité antérieurement conclu ou la reconnaissance par un Etat de la juridiction obligatoire d’un tribunal international, devaient être exclus de cette catégorie car ils relevaient d’un régime conventionnel particulier.


La Sixième Commission a ensuite abordé la question des réserves aux traités qui, inscrite à l’ordre du jour depuis 1993, soulève encore d’importantes difficultés.  En effet, la formulation de réserves empêche en principe l’entrée en vigueur d’une disposition conventionnelle entre l’Etat réservataire et les autres Etats parties, lorsqu’elle est conforme à l’objet et aux buts du traité.  Elle peut toutefois faire l’objet d’objections de la part des autres Etats parties à une convention.  Les objections sont définies par la Commission du droit international par rapport à l’intention et  la capacité des Etats de les formuler, sans pour autant prendre position sur leur validité.  Cependant, ces objections posent un problème d’acceptabilité et exigent des précisions quant à leurs contenu et fondements.


A la demande du Président de la CDI, les délégations ont formulé des commentaires sur cette définition.  Ainsi, la Suède a déclaré qu’il était inacceptable que les grandes réalisations récentes du droit international soient gravement affaiblies en raison de l’absence d’un régime juridique régissant les objections aux réserves interdites.  Certaines délégations, comme l’Italie, se sont prononcées en faveur d’une définition des objections qui comprennent l’ensemble des effets négatifs qu’un Etat pourrait avoir à l’égard des réserves.  En revanche, à l’instar de la France, d’autres ont demandé à ce que des précisions soient apportées sur les effets que pourraient produire les objections.  A cet égard, une définition étroite des objections laisse une place conséquente au « dialogue réservataire », comme le qualifie le Rapporteur spécial, c’est-à-dire toute la procédure de débat qui peut s’instaurer entre l’auteur de la réserve et ses partenaires, qui l’incitent à y renoncer.


Outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Slovénie, Pays-Bas, Chine, Japon, Roumanie, Chypre, Argentine, Autriche et Pologne.


La Sixième Commission poursuivra l’examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-cinquième session, lundi 3 novembre à 10 heures.


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-CINQUIEME SESSION


Déclarations


M. META BOLE (Slovénie) a appuyé fermement l’approche de la Commission du droit international selon laquelle les dispositions fondamentales sur les réserves aux traités sont fondées sur la Convention de Vienne.  Il jugé très utile d’adopter des directives non contraignantes sous forme de guide sur la pratique des réserves, ce qui permettrait de combler certaines lacunes de la Convention de Vienne, notamment l’absence de dispositions sur les déclarations interprétatives et les objections.  Le représentant a estimé que les clauses types seront très utiles pour les négociateurs et pourront être intégrées dans des traités.  Il a jugé acceptable la définition des objections aux réserves proposée par le Rapporteur spécial, qui a-t-il précisé, est suffisamment large pour couvrir toutes les formes d’intentions des Etats ou des organisations internationales.  S’agissant de l’élargissement du champ d’application des réserves, le représentant a indiqué que sa délégation se ralliait aux commentaires du Rapporteur spécial selon lesquels l’opposition d’un seul Etat devrait empêcher d’étendre la réserve.  Le représentant s’est ensuite penché sur la question des actes unilatéraux et a rappelé l’importance du sujet, eu égard notamment au nombre de cas qui se sont présentés devant la CIJ.  Il a estimé que la Commission du droit international devrait poursuivre l’examen de cette pratique et élaborer des directives ou des recommandations.


Mme CONNIE TARACENA SECAIRA (Guatemala) a déploré que les travaux sur les actes unilatéraux n’aient par encore débouché sur un projet d’articles provisoire, approuvé par la Commission du droit international (CDI).  Au lieu de continuer à préparer la rédaction d’articles, la CDI s’est limitée à la présentation d’observations générales et préliminaires.  De plus, a-t-elle indiqué, la définition antérieure des actes unilatéraux paraissait bien supérieure.  Mme Taracena Secaira s’est dite surprise par la formulation des recommandations de la CDI.  Tout d’abord, le texte comporte le terme « consentement », qui suppose des relations bilatérales.  D’autre part, la recommandation 2 indique que « l’étude examinera aussi les comportements des Etats qui, en certaines circonstances, peuvent créer des obligations ou d’autres effets juridiques en vertu du droit international, similaires à ceux décrits ci-dessus ».  Or, la gamme de ces actes est extrêmement étendue.  Il existe tout d’abord les actes unilatéraux non autonomes, au premier rang desquels viennent les réserves, puis les actes spécifiques tels que l’estoppel - à savoir la fin de non-recevoir destinée à sanctionner au nom de la bonne foi les contradictions dans le comportement d'une personne - et les abstentions.  Il faudrait que la CDI expose les actes qu’elle entend réglementer, puis détermine s’il faut définir des règles générales ou établir un régime particulier à chaque catégorie d’actes.


Concernant la question des réserves, la représentante a proposé que des clauses-types figurent dans une annexe, et suggéré que certaines parties du commentaire relatives aux décisions adoptées devraient être éliminées.  S’agissant de la définition des objections aux réserves, le Guatemala est favorable à la deuxième version du projet de directive 2.6.1, qui semble plus complète et qui respecte la licéité des réserves aux traités.  En toute hypothèse, a ajouté la représentante, le Guatemala appuie l’opinion du Rapporteur spécial selon laquelle une objection d’effet « extrême » est illicite.  Le Guatemala appuie pleinement les conclusions du Rapporteur spécial sur les  « quasi-objections ».  Par ailleurs, a indiqué Mme Taracena Secaira, sa délégation approuve l’idée de motiver les objections aux réserves, qui est d’une importance extrême dans le cas où l’Etat qui émet l’objection estime que la réserve est illicite.

M. LUIS SERRADAS TAVARES (Portugal) a soutenu le maintien de la question des actes unilatéraux à l’ordre du jour des travaux de la CDI.  Toutefois, a-t-il estimé, il serait plus utile de poursuivre l’étude de la pratique des Etats, et de se limiter aux divers types d’actes unilatéraux stricto sensu.  Abordant la question des réserves aux traités, M. Serradas Tavares a déclaré qu’il importait de garder à l’esprit le régime consensuel de la Convention de Vienne sur le droit des traités et le principe général de droit de la « stabilité juridique ».  Il n’est pas souhaitable d’élargir la portée des réserves et la définition des objections aux réserves.  Les réserves sont une exception aux traités, et devraient le rester.  Le guide de la pratique pourrait même être incompatible à la Convention de Vienne sur le droit des traités, dont les dispositions sont d’ailleurs suffisantes.  Concernant la question des ressources naturelles partagées, le Portugal fera de son mieux pour fournir toutes les informations nécessaires concernant les eaux souterraines.


M. JOHAN G. LAMMERS (Pays-Bas), intervenant sur le thème des réserves aux traités, a noté que le projet de directive 2.6.1 proposait une définition des objections fondée sur le fait que la Convention de Vienne n’en contenait pas.  Il a néanmoins relevé que la Convention de Vienne distinguait deux types d’intentions de la part de l’Etat qui formule l’objection, à savoir celle visant à empêcher l’application des dispositions d’un traité et celle visant à empêcher l’entrée en vigueur d’un traité.  Le représentant s’est demandé si la définition proposée comprenait tous les types d’intention qui pouvaient motiver une objection.  Il a rappelé que les objections n’empêchaient pas l’entrée en vigueur du traité entre l’Etat réservataire et l’Etat objectant, si ce dernier n’exprime pas expressément sa volonté dans ce sens et a noté que cette option n’avait pas souvent été retenue dans les relations conventionnelles, en raison notamment de la multiplication des traités internationaux pour lesquels les réserves invitent plutôt à des interprétations.  C’est un type d’objection fondé sur les aspects qualitatif et substantiel des réserves et qui prête moins d’attention aux aspects juridiques formels des relations conventionnelles.  Le représentant a suggéré que la CDI envisage ce type d’objection dans un guide sur la pratique relative aux réserves, et qu’elle réexamine son projet de principes directeurs.  Il a estimé qu’il ne faudrait pas trop se référer à la Convention de Vienne.  Une définition plus large serait plus réaliste, si elle devait s’avérer nécessaire.  De l’avis de sa délégation, l’intention de l’Etat objectant détermine les conséquences juridiques de son objection.  Concernant les avantages et désavantages d’une définition claire des fondements d’une objection, le représentant a considéré que cette question était plutôt d’ordre politique.  Un Etat n’est pas tenu de motiver son objection.  A cet égard, la pratique des Etats était inconsistante.  S’agissant de l’élargissement du champ d’application d’une réserve, il a rappelé qu’une réserve ne pouvait plus être émise après qu’un Etat se soit engagé en faveur du traité, faisant observer qu’en modifiant  ce principe, on affaiblirait le droit des traités.


Abordant ensuite la question des actes unilatéraux, le représentant a regretté que les travaux de la CDI se soient pour l’instant limités à la méthodologie.  Il a noté que le thème des actes unilatéraux stricto sensu avait été élargi au comportement des Etats pouvant produire des effets similaires, et recommandé l’élaboration d’un projet d’articles dans les deux cas.  Prétendre que la question des actes unilatéraux ne peut être étudiée que sur un plan sociologique, et qu’elle ne peut donner lieu à codification ne tient pas compte de l’importance de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, qui démontre que le concept d’acte unilatéral relève du droit, et qu’il produit sans aucun doute des conséquences juridiques, a indiqué M. Lammers.  Après l’affaire des essais nucléaires, nul ne peut ignorer que la notion d’acte unilatéral relève du droit et qu’un acte pris unilatéralement par un Etat peut de toute manière produire des effets juridiques.  Le Rapporteur spécial a commencé son étude par la reconnaissance, a-t-il indiqué, mais il faudrait encore examiner d’autres actes tels que la promesse, la renonciation, et la protestation et étudier les effets du silence et de l’acquiescement.  Leur dénominateur commun est l’expression de la volonté d’un Etat en vue de créer des obligations ou d’autres effets juridiques dans le cadre du droit international.  M. Lammers a indiqué qu’il n’était pas surpris que les Etats n’aient fourni à la CDI qu’un nombre réduit de réponses concernant leur pratique, car cette dernière est difficile à retracer.


M. CARL HENRIK EHRENKRONA (Suède), s’exprimant au nom des pays nordiques, a déclaré que la définition des objections contenue dans le projet de la CDI était trop restrictive.  La pratique des pays nordiques est de formuler des objections aux réserves qui sont considérées comme incompatibles avec le but et l’objet du traité.  Cela est vrai en particulier des réserves aux traités en matière de droits de l’homme.  Les réserves incompatibles sont invalides ipso facto et elles ne sont donc pas permises.  Cela signifie que l’acceptation tacite par un autre Etat ne permettrait pas de « réparer » cette interdiction.  Ces réserves étant interdites, les objections pourraient être considérées comme facultatives, a-t-il fait remarquer.  Cependant, les pays nordiques estiment qu’elles ont l’avantage de faire connaître la position des autres Etats parties à la Convention et de clarifier leur position juridique.  L’Etat auteur de la réserve ne peut invoquer une réserve interdite.  Il est clairement inacceptable, a-t-il ajouté, que les grandes réalisations récentes du développement du droit international risquent d’être gravement affaiblies en raison de l’insuffisance d’un régime juridique régissant les objections aux réserves interdites.  Ainsi, 64 réserves de cette sorte ont été répertoriées, concernant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et la Convention relative aux droits de l’enfant.  « Franchement, nous ne voyons pas d’argument convaincant en faveur des Etats qui accèdent à d’importants traités multilatéraux avec l’intention clairement exprimée d’ignorer certaines ou toutes de leurs dispositions clefs par le biais de réserves interdites de grande ampleur », a déclaré le représentant.  Concernant l’affaire de la Mer d’Iroise, M. Ehrenkrona a indiqué que l’intention de l’Etat auteur d’un acte unilatéral, qu’il s’agisse d’une réserve, d’une objection ou d’une simple déclaration interprétative inconditionnelle, constitue certainement un élément essentiel lorsqu’on évalue la portée de cet acte.  L’évaluation d’éventuelles conséquences devrait être examinée séparément.  Sa délégation insiste pour que les objections soient spécifiques et transparentes.


M. RONNY ABRAHAM (France) a appuyé la définition des actes unilatéraux retenue par le Groupe de travail de la CDI qui met l’accent sur l’intention.  Cette définition indique qu’un tel acte peut emporter d’autres effets juridiques que des obligations: il peut être un moyen de conserver des droits ou d’en créer, a-t-il fait remarquer.  Sur ce point, il a souhaité que la définition souligne l’importance que revêt l’autonomie dans la détermination du caractère purement unilatéral de l’acte considéré.  Il a déclaré que l’extension du champ de l’étude aux comportements d’Etats risquait de retarder les travaux sur les actes unilatéraux et qu’il était préférable de formuler des directives les concernant plutôt qu’un projet d’article.  Sur la question des réserves aux traités, M. Abraham s’est attardé en premier lieu sur le retrait et la modification des déclarations interprétatives conditionnelles, considérant qu’elles constituaient une catégorie particulière de réserves et qu’il faudrait poursuivre l’examen de cette question séparément de celle des réserves tant que la question de leur licéité et de leurs effets respectifs n’était pas tranchée.  S’agissant de l’aggravation de la portée des réserves, le représentant a déclaré qu’il serait souhaitable que le guide pratique mentionne cette éventualité et en précise les contours.  La possibilité d’aggraver la portée d’une réserve dépend de l’acceptation de l’ensemble des parties au traité.  Il a déclaré que le projet de directive 2.3.5 participait au développement progressif du droit.  Il a souhaité que la CDI améliore la définition des objections et précise les effets de l’objection pouvant être prononcée à son encontre.  S’agissant de la définition des objections, M. Abraham a rappelé qu’une objection est une réaction à une réserve qui vise à rendre inopposable les effets d’une réserve, et que l’intention est déterminante.  Il a appelé à retenir une définition étroite des objections aux réserves afin de laisser une plus grande place à ce que le Rapporteur spécial appelle « le dialogue réservataire », c’est-à-dire la procédure de débat qui s’instaure entre l’Etat réservataire et ses partenaires.


M. IVO M. BRAGUGLIA (Italie) a exprimé son inquiétude quant au délai que s’accorde la Commission pour examiner les questions les plus importantes du point de vue pratique en matière de réserves.  La définition d’objections aux réserves devrait comprendre l’ensemble des réactions négatives qu’un Etat pourrait avoir à l’égard des réserves, qu’elles visent le contenu ou le caractère tardif de celles-ci.  Par ailleurs, les effets des objections devraient être limités à ceux définis dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Même s’il s’agit d’une des parties les moins satisfaisantes de la Convention, a déclaré M. Braguglia, la Commission devrait rester fidèle à son mandat et ne rien modifier au régime conventionnel.  L’Italie estime que la motivation des objections est utile, même si ce type de règle produit rarement un effet important en pratique.  La Commission, ayant déjà adopté une règle autorisant la formulation de réserves tardives si aucun Etat contractant ne formule d’objection, devrait adopter une règle parallèle concernant l’aggravation tardive de la portée d’une réserve, a suggéré le représentant.


M. JIA GUIDE (Chine) s’est d’abord prononcé sur la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international.  Il a déclaré adhérer aux propositions du Rapporteur spécial sur les dommages transfrontières.  Faisant référence au caractère subsidiaire de la responsabilité de l’Etat, il a déclaré que celle-ci devait consister en des mesures préventives et en la création d’un fonds pour l’attribution équitable des pertes.  Sur les activités à hauts risques, le représentant a souligné la nécessité de faire preuve de souplesse pour la création d’un système de garantie, compte tenu de la diversité des régimes juridiques en la matière.  Il a appelé à trouver un compromis sur le caractère subsidiaire du régime d’attribution des pertes qui ne porte pas préjudice aux régimes de responsabilité nationaux en vigueur.  Les personnes qui assurent l’autorité ou le contrôle au moment de l’incident devraient être tenues responsables.  Passant ensuite à la question des réserves aux traités, le représentant a fait sienne l’approche retenue par la CDI sur l’aggravation des réserves qui vise à leur appliquer les règles sur la formulation tardive d’une réserve.  L’absence d’objection à cet élargissement par les autres parties signifie leur acceptation.  Cette exigence d’agrément par les autres parties n’encourage pas l’aggravation des réserves.  Le représentant a estimé qu’il existe deux types d’objections, à savoir l’inadmissibilité d’une réserve et leur admission concomitamment à une objection sur d’autres fondements.  Il a rappelé qu’en pratique, un Etat objectant ne donne pas les motifs de son objection.  Le « dialogue réservataire », comme l’appelle le Rapporteur spécial, est très pertinent.  Sa délégation souhaite que le silence d’un Etat ne soit pas interprété comme une acceptation des objections, suggérant à cet égard l’adoption d’une définition des objections qui retienne les effets juridiques définis implicitement ou expressément par la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Abordant enfin la question des actes unilatéraux, le représentant a jugé pertinente la démarche du Groupe de travail visant à étendre le champ de l’étude et a souhaité qu’à cet égard, des principes directeurs ou des projets d’articles soient adoptés rapidement.


M. YUKIHIRO WADA (Japon) a souligné l’importance que son pays attachait au dialogue sur le mécanisme d’émission de réserves et d’objections.  Afin de clarifier l’intention des pays émettant les réserves et les objections, il serait utile de recourir à un mécanisme de « dialogue sur les réserves », dont les modalités ne devraient pas être déterminées à l’avance, car les Etats peuvent clarifier leurs intentions de multiples façons.  Le Japon estime que l’intention de l’Etat qui a émis une objection à une réserve détermine la nature et les effets de cette objection.  Il est vrai, a déclaré M. Wada, que la Convention de Vienne sur le droit des traités ne contient pas de définition spécifique de l’objection, mais elle expose toutefois des règles de conduite utiles.  L’intention de l’Etat permettra de déterminer s’il entend ne pas appliquer la portion du traité sur laquelle porte la réserve, s’il entend entraver l’application de l’ensemble du traité, ou s’il n’émet qu’un commentaire sans effet juridique.  Quant au terme d’objection, il ne devrait pas être défini de façon restrictive, car il existe une grande variété de formulations et de format pour les déclarations en la matière.  L’étude de la pratique des Etats sera précieuse à cet égard.  Le Japon, a rappelé son représentant, avait signalé l’utilité de la pratique du Conseil de l’Europe, qui recense les réserves émises par les membres et les non membres du Conseil.


M. BOGDAN AURESCU (Roumanie) s’est exprimé sur les différents thèmes abordés dans le rapport de la Commission du droit international (CDI).  S’agissant de la responsabilité des organisations internationales, il a accueilli la définition de l’organisation internationale fondée sur la personnalité juridique internationale.  Il a souhaité que la Commission fasse référence dans les « règles de l’organisation » de l’attribution d’une conduite.  Il a suggéré de prendre en compte en parallèle le concept de capacité internationale dont les limites sont contenues dans les « règles de l’organisation » en tant que droits et obligations conférés par les Etats aux organisations internationales.  M. Aurescu a déclaré que son pays s’en tenait à la définition contenue dans l’article 2 de la Convention de Vienne de 1986.  Les règles régissant la responsabilité des missions de maintien de la paix doivent, selon lui, être trouvées dans les statuts des forces et des missions ou dans les accords avec le pays hôte.  Concernant la protection diplomatique, le représentant a salué l’approche retenue par la Commission qui retient le critère de l’arrêt « Barcelona Traction » selon lequel seul l’Etat de nationalité de la société peut invoquer la protection diplomatique, et non celui de la nationalité des actionnaires.  Il a souhaité que la CDI retienne la notion de la protection fonctionnelle des organisations internationales à l’égard de leurs fonctionnaires.  Par ailleurs, il a suggéré de retenir la lex specialis pour ce qui est des membres de l’équipage d’un navire battant pavillon d’un Etat dont ils n’ont pas la nationalité.  Abordant ensuite la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités non interdites par le droit international, le représentant a rappelé que le sujet était difficile à traiter.  Il a précisé cependant que les exigences procédurales et substantielles que l’Etat peut faire peser sur l’opérateur doivent, en plus des mesures préventives, avoir trait à l’assurance et la notification.  La responsabilité de l’opérateur peut être fondée sur le principe du « pollueur payeur »; celle de l’Etat doit être subsidiaire, éventuellement collective.  De l’avis de sa délégation, le texte final devrait relever davantage de la « soft law ».  M. Aurescu a également formulé quelques commentaires sur la question des actes unilatéraux des Etats et celle des réserves aux traités.


M. A.J.JACOVIDES (Chypre) s’est exprimé sur les différents sujets traités par la Commission du droit international.  Il a déclaré s’aligner sur la position de l’Union européenne concernant la responsabilité des organisations internationales.  S’agissant de la protection diplomatique, il a souligné le rôle prééminent joué par les tribunaux internationaux créés en vertu de conventions bilatérales d’investissements, et par le CIRDI.  Il a rappelé que ces régimes particuliers confèrent directement aux investisseurs étrangers des droits pour lesquels un tribunal international tranchera.  Il a indiqué que cela allait bien au-delà du droit international coutumier qui n’envisage que la protection des entreprises.  M. Jacovides s’est ensuite penché sur la question des dommages transfrontières et a déclaré qu’alors que le principe de la responsabilité était admis par les droits nationaux, il n’était pas sûr qu’elle soit admise pour ce qui est des dommages transfrontières.  Il a invité la CDI à poursuivre ses travaux sur ce thème.  Il a ensuite déclaré reconnaître l’existence des actes unilatéraux des Etats en tant qu’institution du droit international soumise à certaines conditions de validité et qui est source d’obligations internationales.  Sa délégation fait sienne la définition proposée par le Rapporteur spécial, en souhaitant que la Commission poursuive son étude sur les actes unilatéraux stricto sensu.  S’agissant des réserves aux traités, il a appuyé les projets d’articles proposés qui, selon lui, restent dans la ligne des Conventions de Vienne de 1969 et 1986. Par ailleurs, il a accueilli favorablement la définition des objections proposée, dans le projet d’article 2.6.1.


M. CLAUDIO TRONCOSO (Chili) a déclaré que son pays reconnaissait les actes unilatéraux des Etats comme une des sources importantes d’obligations internationales, l’étude de la pratique se révélant précieuse à cet égard.  Le Chili approuve l’analyse de la CDI concernant un type particulier d’acte unilatéral comme la reconnaissance, qui a permis d’écarter d’autres formes de reconnaissance ne constituant pas des actes unilatéraux au sens strict, notamment le silence ou la reconnaissance conventionnelle.  Il serait utile de mener une étude sur tous les actes unilatéraux au sens strict et sur les règles communes qui les régissent, en particulier les causes de nullité.  M. Troncoso a indiqué que certains actes tels que les déclarations relatives à l’adhésion d’un Etat à un traité antérieurement conclu ou la reconnaissance par un Etat de la juridiction obligatoire d’un tribunal international devaient être exclus de cette catégorie car ils relevaient d’un régime conventionnel particulier.  Abordant la question des réserves aux traités, M. Troncoso a rappelé la distinction entre aggravation d’une réserve et réserve tardive, en indiquant que leur régime était similaire.  A cet égard, il a souligné que bien qu’exceptionnelles, ces réserves ne devaient pas être interdites.  L’interdiction risquerait d’avoir des conséquences plus radicales, comme la dénonciation d’un traité, alors que l’aggravation de la réserve pouvait avoir une justification légitime comme la modification de la Constitution d’un Etat.  Il importe seulement d’adopter un critère strict fondé sur la bonne foi.  L’unanimité de l’acception semble pleinement satisfaire à cette exigence.  Concernant le retrait des déclarations interprétatives, M. Troncoso a indiqué qu’elles pouvaient intervenir à n’importe quel moment, et que le critère de l’aggravation n’était pas pertinent, puisque ces déclarations ne modifient pas les effets juridiques des réserves.


M. EUGENIO CURIA (Argentine), abordant la question de la protection diplomatique, a rappelé l’attachement de sa délégation aux solutions tirées de l’arrêt de la CIJ Barcelona Traction.  La protection diplomatique d’une personne morale devrait être exercée par l’Etat de nationalité de la société, et non celui des actionnaires.  Passant au thème de la responsabilité internationale pour les conséquences découlant d’activités dangereuses qui ne sont pas interdites par le droit international, M. Curia a exprimé l’approbation de sa délégation quant aux travaux de la CDI.  Il est souhaitable par ailleurs de poursuivre le développement de normes générales régissant la responsabilité des opérateurs d’activités dangereuses et de prendre en compte le principe « pollueur payeur ».  Sur la question des réserves aux traités, l’Argentine estime qu’il faut limiter la formulation tardive de déclarations interprétatives ou de déclarations interprétatives conditionnelles.  M. Curia a noté que le rapport de la CDI, dans sa définition des objections, a omis de préciser si l’Etat ou l’organisation internationale qui émet une objection doit être ou non une partie contractante.  Faisant référence à l’affaire de la délimitation du plateau continental de la Mer d’Iroise, l’Argentine estime que, comme l’avait décidé le Tribunal international pour le droit de la mer, toute réaction à une réserve ne constitue pas une objection, et que l’intention représente l’élément principal pour déterminer la portée d’une objection.  Evoquant la question des ressources naturelles partagées, M. Curia a indiqué qu’à la lecture du rapport, il est probable qu’il faudra mettre en place un régime plus rigoureux pour prévenir la contamination des eaux souterraines que pour celui des eaux superficielles.  Il a rappelé que l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et le Brésil, qui partageaient un des réseaux aquifères les plus vastes au monde, avaient mis en place un projet régional de protection de l’environnement à cet égard.


M. HANS WINKLER (Autriche) a exprimé la préoccupation de sa délégation quant à l’accroissement du nombre et de la complexité des règles de conduite en matière de réserves, qui dépassera bientôt le nombre des articles de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.  Ce dont les juristes ont besoin, a-t-il indiqué, c’est d’un guide concis de la pratique des réserves, et non d’un traité sur la question.  M. Winkler a précisé que les règles de conduite ne devraient pas imposer de nouvelles obligations aux Etats, notamment l’obligation de procéder à une révision périodique de leurs réserves, qui ne figure pas dans la Convention de Vienne.  Il a attiré l’attention sur le retrait des réserves avec effet rétroactif en matière de droits de l’homme, qui peuvent avoir des effets en droit pénal.  Il importe de clarifier le point de savoir si le retrait d’une telle réserve peut avoir pour effet d’alourdir les obligations de l’Etat qui procède au retrait.  L’Autriche n’est pas favorable au droit d’élargir la portée des réserves existantes.  Comme dans le cas des réserves tardives, l’Autriche est opposée aux réserves « per se ».  Abordant le thème des actes unilatéraux, M. Winkler a noté que le rapport se limitait à la reconnaissance, notamment parce que les autres aspects étaient beaucoup trop politiques.  Il ne semble pas approprié de traiter du thème de la « reconnaissance » sous l’intitulé « Actes unilatéraux » sans solliciter l’autorisation à l’Assemblée générale, a-t-il estimé.  L’Autriche n’est pas convaincue de la nécessité de maintenir ce thème à l’ordre du jour.  A défaut, l’étude devrait se limiter aux actes unilatéraux stricto sensu, et se fonder sur un examen  approfondi de la pratique des Etats.  Il serait préférable de ne pas formuler de dispositions juridiques dans le prochain rapport sur la question.


M. REMIGIUSZ A. HENCZEL (Pologne) a rappelé que le manque d’information concernant la pratique des Etats était un des principaux obstacles à la codification en matière d’actes unilatéraux.  Un autre facteur très important, a-t-il ajouté, est la différence très subtile existant entre les actes unilatéraux qui ont pour but de formuler des obligations juridiques à l’égard des Etats, et ceux qui ont un but exclusivement politique.  Le manque de clarté entretenu sur la question peut d’ailleurs permettre à certains Etats d’éviter d’être juridiquement tenus par leurs déclarations unilatérales.  Concernant les réserves aux traités, la Pologne a salué l’utilité du « guide de la pratique », tout en notant qu’il devenait de plus en plus complexe et casuistique.  Il serait utile d’établir une distinction claire entre réserves et autres déclarations.  M. Henczel a proposé d’éliminer le projet de directive 2.1.8 relatif à la procédure en cas de réserve interdite, qui offre des compétences trop étendues au dépositaire.  S’agissant de la formulation de réserves tardives et de déclarations interprétatives, le représentant a proposé d’utiliser le terme « opposition » au lieu du terme « objection ».  Par ailleurs, la délégation de la Pologne a suggéré de définir une limite temporelle pour la formulation tardive de réserves et de déclarations interprétatives.


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