LES DELEGATIONS SEMBLENT DIVISEES SUR UNE DEFINITION LARGE DE LA RESPONSABILITE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
Communiqué de presse AG/J/403 |
Sixième Commission
15ème Séance – matin
LES DELEGATIONS SEMBLENT DIVISEES SUR UNE DEFINITION LARGE DE LA RESPONSABILITE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
Ce matin, les membres de la Sixième Commission ont précisé leur position sur divers aspects de la responsabilité des organisations internationales. Plusieurs délégations ont indiqué qu’il serait utile d’accorder un délai raisonnable pour étudier de manière approfondie la pratique, la jurisprudence et la doctrine sur la question de la responsabilité des organisations internationales, avant de poursuivre les travaux sur la codification.
La notion d’organisation internationale a fait l’objet d’un débat plus approfondi. Plusieurs délégations ont salué l’adoption dans le projet de texte d’une définition large, pouvant englober les organisations non gouvernementales. Le Gabon a ainsi plaidé pour l’adoption d’une définition fonctionnelle. En revanche, d’autres délégations, dont le Royaume-Uni, ont rappelé que les organisations internationales étaient composées d’Etats, et qu’il était important de recentrer la question sur les organisations intergouvernementales. A cet égard, le Canada a ainsi indiqué que la solution établie par la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales était pertinente. De manière unanime, les délégations se sont accordées pour considérer que la notion d’« entité » était vague et imprécise.
Par ailleurs, la question de l’attribution d’un comportement illicite à une organisation pose le problème de savoir ce qu’est un organe et qui doit trancher la question, a souligné le représentant du Royaume-Uni. A cet égard, le représentant d’Israël a indiqué qu’il serait utile de préciser que la responsabilité d’un Etat pour un acte illicite d’une organisation internationale ne pourrait être engagée que lorsque l’Etat agirait en tant que membre ou organe de l’organisation. Des divergences sont apparues sur la référence aux « règles de l’organisation » pour déterminer le caractère licite ou non d’un acte de l’organisation. Certaines délégations ont reconnu qu’à la différence de ce que prévoit le régime de responsabilité des Etats, une organisation internationale ne peut se retrancher derrière son « droit interne », qualifié par le projet d’articles de « règles de l’organisation », pour justifier une violation du droit international. Quant à la question concernant le régime de responsabilité des missions de maintien de la paix, de nombreuses délégations ont à nouveau rappelé qu’il était préférable d’étudier cette question particulière après avoir défini les principes généraux.
Outre celles mentionnées, ont pris la parole les représentants des pays suivants: Grèce, Etats-Unis, Chili, Argentine, Portugal, Fédération de Russie, Espagne et Bélarus.
La Sixième Commission poursuivra l’examen du rapport de la Commission du droit international demain, mercredi 29 octobre 2003 à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-CINQUIEME SESSION
Déclarations
Mme COLLEEN SWORDS (Canada) a indiqué que la question de l’attribution de comportement sera traitée l’an prochain. En réponse aux trois questions posées par la Commission, Mme Swords a estimé qu’il fallait faire référence au statut de l’organisation lorsque les organes ou leur équivalent sont les organisations internationales. Sur la question relative à la pertinence de la définition des organisations internationales, la représentante canadienne a rappelé la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales qui indique que le statut de l’organisation signifie les décisions, résolutions et actes constitutifs adoptés selon ce statut, et les pratiques établies au sein de l’organisation. Elle a affirmé que cette définition était pertinente. Si la Commission propose comme modèle le projet d’articles sur la responsabilité des Etats, elle devra se pencher sur les faits commis au nom des organisations internationales par des acteurs ou des personnes autres que les organes, et qui sont constitutifs d’abus de pouvoir. S’agissant de la mesure dans laquelle les forces de maintien de la paix relèvent des Etats ou des organisations internationales, la représentante a indiqué que la réponse était tributaire du statut constitutif et de l’entente entre les Nations Unies et l’Etat participant. Elle a affirmé qu’il semblait logique d’attribuer les responsabilités à l’ONU, mais qu’il se pouvait que les contingents agissent au nom de l’Etat qui les a envoyés.
M. RUSSEL MEZEME-MBA (Gabon) a déclaré que sur la question relative à l’attribution des comportements, il semblait aisé de faire un rapprochement entre le droit des Etats et ce que l’on peut qualifier de « droit interne » des organisations internationales. Toutefois, a-t-il ajouté, on ne peut se satisfaire de la définition donnée par la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales, le terme « actes constitutifs » étant limitatif. Il serait judicieux d’utiliser une expression plus générale faisant référence aux règles fonctionnelles de l’organisation. Concernant l’attribution de comportement aux forces de maintien de la paix, il serait préférable d’établir une distinction nette entre le comportement du personnel de maintien de la paix dans l’accomplissement de ses missions et son comportement dans le cadre de sa vie privée. La Commission du droit international (CDI) pourrait s’inspirer du régime de responsabilité prévu dans des accords passés entre l’ONU et les Etats fournisseurs de contingents. Si la délégation du Gabon est très satisfaite de l’extension du régime de responsabilité des Etats aux faits imputables aux organisations internationales, elle considère que la définition de l’organisation internationale est critiquable. La mention du critère de la personnalité juridique s’avère superflue; la notion d’entité parait également équivoque.
M. MICHAEL WOOD (Royaume-Uni) a indiqué qu’il s’associait à la position exprimée par l’Union européenne concernant la responsabilité des organisations internationales; il est très important que la Commission du droit international prenne en compte la pratique de tous les types d’organisations internationales, à laquelle les institutions européennes peuvent beaucoup contribuer. La question de la responsabilité des Etats avait été à l’ordre du jour de la Sixième Commission pendant des décennies, bien alors qu’elle portait sur une notion claire et uniforme en droit international. Dans le cas de la responsabilité des organisations internationales, le sujet est extrêmement varié, tandis que la pratique, la jurisprudence et la doctrine sont relativement peu abondantes. La Sixième Commission serait bien avisée d’étudier soigneusement ces questions, afin de dégager les domaines qui peuvent être codifiés, et ceux qui requièrent une étude plus approfondie. Sur la question de l’attribution de comportement, il est difficile de répondre sans connaître le contexte de la question, a indiqué M. Wood. La notion « d’organe d’une organisation internationale » est déterminante, mais comment déterminer ce qu’est un organe ? A demandé M. Wood. Au sein d’une organisation donnée, il peut très bien n’y avoir aucun organe en mesure de déterminer la question. Quant aux opérations de maintien de la paix, ces dernières couvrent des réalités très variées, dont le mandat peut être très différent. Abordant la question de l’organisation internationale, M. Wood a indiqué qu’il serait sans doute sage de garder la définition contenue dans des conventions antérieures.
Mme MARIA TELALIAN (Grèce), tout en estimant que les règles sur la responsabilité des Etats pourraient s’appliquer aux organisations internationales, a fait remarquer que cela n’empêchait pas de tenir compte des particularités propres aux organisations internationales. Elle a proposé une nouvelle définition dont les éléments correspondent à la réalité d’aujourd’hui, car les organisations internationales peuvent découler de divers instruments, contraignants ou non. S’agissant de la personnalité juridique, le projet d’article 2 définit les organisations internationales comme des entités possédant une personnalité juridique indépendante. La représentante a considéré que les commentaires du Rapporteur spécial concernant les fonctions des organisations internationales sont pertinents. S’agissant de l’attribution du comportement, elle a déclaré souscrire au projet d’article 3 qui reprend les critères de la détermination de la responsabilité des Etats. Par ailleurs, la représentante a jugé utile la référence aux règles de l’organisation. Quant à l’imputabilité d’un fait d’une mission de maintien de la paix à une organisation internationale, elle a recommandé que, compte tenu de la grande diversité des missions, l’examen de cette question soit approfondi.
M. STEPHEN MATHIAS (Etats-Unis) a estimé que la diversité des organisations internationales n’était pas uniquement fonctionnelle, mais peut être structurelle ou même conceptuelle. Il a déclaré apprécier les considérations qui ont conduit à l’adoption du projet d’article 2 sur la définition de l’organisation internationale, mais a indiqué qu’il était nécessaire d’approfondir l’examen de cette question. S’agissant de l’attribution du comportement, il a encouragé la Commission du droit international à se concentrer sur la façon dont la question à été traitée par le passé par les Etats, les organisations internationales, et les tribunaux judiciaires ou arbitraux. Concernant la question du maintien de la paix, le représentant a fait observer que le terme touchait à une vaste gamme de missions et que la CDI devait analyser toutes les pratiques dans ce domaine avant de proposer un projet d’articles. Il ne s’agit pas pour la Commission de mettre au point des règles sur la responsabilité des organisations internationales qui s’aligneraient sur celles relatives à la responsabilité des Etats, mais plutôt d’évaluer les règles pertinentes pour la question des organisations internationales, a-t-il conclu.
M. CLAUDIO TRONCOSO (Chili) a indiqué que le projet d’articles élaboré par la Commission du droit international n’indiquait pas clairement si le régime de la responsabilité des organisations internationales s’appliquerait aux faits illicites de l’organisation elle-même. Par ailleurs, on pourrait penser que la responsabilité des Etats pour le fait des organisations dont ils sont membres sera assez rare. Il serait utile que la CDI indique dans quels cas, cette responsabilité pourra être engagée. Quant à la définition de l’organisation internationale, l’expression « organe qui exerce des fonctions de direction » a été omise dans le texte, ce qui affaiblit le texte proposé. Quant aux faits illicites de l’organisation, il est difficile de renvoyer aux propres règles de l’organisation comme la responsabilité de l’Etat renvoyait au droit interne des Etats, car nombre des règles qui régissent les organisations relèvent du droit international.
M. ALAN BAKER (Israël) a indiqué qu’il serait sage d’accorder plus de temps à la question de la responsabilité des organisations internationales. Concernant la portée des articles, il serait utile de préciser que la responsabilité d’un Etat pour un acte illicite d’une organisation internationale ne pourrait s’appliquer que lorsque l’Etat agirait en tant que membre ou organe de l’organisation. La référence à la notion d’entité semble trop simple. Est-ce que toute « entité » peut être partie à une organisation internationale? Cela ne semble pas être la pratique suivie, a indiqué M. Baker, insistant sur la nécessité pour la CDI d’axer ses travaux sur les organisations intergouvernementales. Abordant la question des règles d’attribution, il a préconisé de se référer aux « règles de l’organisation ». Il n’existe pas d’acte constitutif type mais la référence aux règles régissant les nombreuses organisations internationales existantes contribuerait à faire une distinction entre leurs pouvoirs et leurs responsabilités. Parallèlement, il faudrait refléter le principe selon lequel la personnalité juridique d’une organisation doit suivre son acte constitutif et sa pratique. La définition des règles de l’organisation par la Convention de Vienne de 1986 paraît tout à fait adaptée. Quant aux forces de maintien de la paix, il serait souhaitable de régler les questions générales avant d’aborder les cas concrets. A priori, la responsabilité des missions devrait incomber à l’ONU. Souvent, un accord aura été conclu avec l’Etat, mais de très nombreux facteurs doivent être pris en compte, dont la question du contrôle effectif.
M. EUGENIO CURIA (Argentine) a appuyé la proposition de l’Autriche et de la Suède visant à revitaliser les débats sur le rapport de la Commission du droit international; il est important à cet égard d’obtenir communication du rapport de la CDI suffisamment à l’avance. Concernant l’attribution d’un comportement générateur de responsabilité à une organisation internationale, le représentant a estimé qu’il ne faudrait pas faire référence aux « règles de l’organisation internationale ». De même, dans la mesure où un Etat ne peut invoquer son droit interne pour justifier de la licéité de son comportement, une organisation internationale ne doit pas pouvoir se prévaloir de ses propres règles d’organisation pour justifier de la violation d’une obligation de droit international. Cela est particulièrement important à la lumière de situations récentes dans lesquelles une organisation a reconnu d’une certaine façon les erreurs commises dans la mise en œuvre de ses politiques concernant un Etat.
M. LUIS SERRADAS TAVARES (Portugal) a estimé que la référence au projet de convention sur la responsabilité des Etats était une bonne base pour la définition de règles sur la responsabilité des organisations internationales. Il a invité à tenir compte de leur spécificité et de leur diversité. Il a salué l’adoption des projets d’articles 1 à 3 et a fait à cet égard quelques observations. Ainsi, il a appuyé la définition fonctionnelle du projet d’article 2, tout en appelant la CDI à faire preuve de prudence à l’égard des entités autres que les Etats qui pourraient être mentionnées dans le projet d’article 2. Il est vrai que de nombreuses organisations participent aux côtés des Etats au sein des organisations internationales, mais en tant que membre associé ou affilié et sans posséder le droit de vote, a-t-il rappelé. La question se pose alors de savoir dans quelle mesure ces entités peuvent être tenues responsables internationalement. Le représentant s’est ensuite demandé si les organisations internationales pouvaient être créées par d’autres instruments internationaux et, ce, afin de distinguer les organisations internationales à proprement parler des autres. Sur la question de l’attribution d’un comportement, il a appuyé l’idée d’une définition générale qui contient une référence aux règles de l’organisation. De l’avis de sa délégation, la définition, telle que contenue dans la Convention sur le droit des traités entre les Etats et les organisations internationales et entre organisations internationales est adéquate et constitue un bon point de départ. S’agissant de la question de la responsabilité des missions de maintien de la paix, il a indiqué que les accords entre l’ONU et les Etats participants devaient contenir des dispositions spéciales sur la responsabilité et qu’il fallait de toute façon s’attarder davantage sur la pratique des organisations avant de décider d’imputer des comportements aux Etats ou aux organisations internationales.
M. VLADIMIR TARABRIN (Fédération de Russie) a indiqué que bien que les organisations internationales jouent un rôle important, de nombreux aspects de leur régime font encore l’objet de discussions. Les projets d’articles sur la responsabilité des organisations internationales exigent que la CDI examine aussi les actes de responsabilité illicite. L’adoption d’un projet d’article sur la question sera déterminante. La définition de l’organisation internationale est importante et le débat sur la question ne sera certainement pas stérile: cette définition constituera la pierre angulaire du projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales. La notion d’organisation intergouvernementale est inscrite dans tous les textes précédents. Le projet d’articles doit se limiter aux organisations intergouvernementales, a souligné le représentant. Cette précision faite, la définition proposée par la CDI est acceptable. Concernant la référence aux règles de l’organisation, il a estimé que le principe selon lequel il faut faire référence au droit international doit s’appliquer. Les règles de l’organisation permettront de définir les organes de ladite organisation. Sa délégation juge appropriée la définition des règles de l’organisation ainsi qu’elle est formulée dans la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales et entre organisations internationales, cette dernière paraît adéquate. Quant à la question de la responsabilité de l’Etat ou de l’ONU pour les missions de maintien de la paix, les rapports antérieurs de Roberto Ago apportent des précisions dans la mesure où ils indiquent que le contrôle effectif est déterminant.
M. JUAN ANTONIO YANEZ-BARNUEVO (Espagne) a indiqué qu’il serait utile pour la Sixième Commission d’avoir une vision claire de ses objectifs pour les cinq ans à venir et qu’elle résiste à la tentation d’ajouter de nouveaux thèmes d’étude. Abordant la question de la responsabilité internationale des organisations internationales, le représentant a indiqué que l’organisation internationale est d’une part un sujet passif, c’est-à-dire victime, et d’autre part un sujet actif, c’est-à-dire auteur d’un fait qui pourrait engager sa responsabilité internationale. Le projet d’articles élaboré par la Commission du droit international n’indique pas clairement s’il s’agit de l’un ou de l’autre. Curieusement, la position de sujet passif n’est pas abordée dans le cas où une organisation serait victime du comportement d’un Etat. L’Espagne considère que la Commission devrait garder à l’esprit la pratique développée et les travaux de doctrine concernant la responsabilité des organisations internationales. Par leur nature, les organisations internationales sont des sujets secondaires du droit international, créés par des Etats, et dont la variété est extrême. L’article premier du projet de texte semble contenir une contradiction. Quant à l’article 2 du projet de texte, nous comprenons que la CDI ne se soit pas limitée à la définition traditionnelle de l’organisation internationale. La restriction à la notion d’organisation intergouvernementale n’a jamais été satisfaisante, mais il faut encore trouver une formule adéquate, prenant en compte le fait que les Etats composent les organisations internationales. Par ailleurs, il serait utile de faire référence aux règles de l’organisation, à sa pratique et à la notion d’organe directeur. Sur la question des opérations de maintien de la paix, le représentant a suggéré de prendre en compte la variété de ces dernières et le critère du contrôle opérationnel.
Mme KAMENKOVA (Bélarus) a indiqué que le projet d’articles sur la responsabilité et l’attribution du comportement de l’organisation internationale devait inclure les règles de l’organisation, comprenant ce qu’on peut appeler le droit interne de l’organisation. Leur application, a-t-elle estimé, peut contribuer à résoudre la question de l’attribution des comportements illicites ainsi que les problèmes liés à l’attribution entre les organisations internationales et les États membres. Seules les règles de caractère normatif doivent être prises en compte, a-t-elle précisé. S’agissant des opérations de maintien de la paix, la représentante a insisté sur la nécessité d’établir une distinction entre, d’une part le degré de responsabilité de l’ONU et celui de ses Etats Membres qui fournissent des contingents militaires, et d’autre part une répartition fonctionnelle de la responsabilité. Il ne doit y avoir qu’un mandat, a-t-elle estimé, tout en faisant observer qu’il faut savoir dans quelle mesure l’ONU a un contrôle effectif de l’opération pour lui imputer la responsabilité d’un acte. Sa délégation ne juge pas pertinente l’idée d’engager la pleine responsabilité des Etats, convaincue qu’il faudrait examiner la question sur la base de la responsabilité solidaire.
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