PAR LA VOIX DE SON COMMISSAIRE AU COMMERCE, L’UNION EUROPEENNE SOUHAITE UNE REPRISE RAPIDE DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES DE L’OMC
Communiqué de presse AG/EF/450 |
Deuxième Commission
Table ronde 31 octobre 2003
PAR LA VOIX DE SON COMMISSAIRE AU COMMERCE, L’UNION EUROPEENNE SOUHAITE UNE REPRISE RAPIDE DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES DE L’OMC
Cancùn n’était pas un accident mais l’émanation d’un problème profond qu’il faut analyser et disséquer, a estimé le Commissaire européen au commerce, M. Pascal Lamy, que la Commission économique et financière (Deuxième Commission) a invité, cet après-midi, à donner son avis sur le statut des négociations commerciales après l’échec, en juillet dernier dans la ville mexicaine, de la cinquième Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Aux côtés du Commissaire européen, la Commission a fait appel au Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et technologiques du Ministère des relations extérieures du Brésil, M. Clodoaldo Hugueney; et au représentant de l’«Instituto del Tercer Mundo», M. Roberto Bissio.
Le Commissaire européen a imputé l’échec de Cancùn non pas à une confrontation Nord-Sud, mais plutôt à une fatigue généralisée due aux pressions et aux défis constants de la mondialisation et de la libéralisation commerciale. A cela, il a ajouté les problèmes systémiques et institutionnels de l’OMC elle-même, “Organisation qui n’est pas le modèle de gouvernance mondiale dont nous rêvions tous”. Le Secrétaire général adjoint du Ministère des relations extérieures du Brésil a, lui, invoqué le manque de préparation pour expliquer cette “Chronique d’une mort annoncée” qu’a été Cancùn. Il a regretté que des questions importantes soient restées en suspens jusqu’à la tenue de la Conférence de Cancùn, en citant celles liées à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (Accord TRIPS) et celles relatives aux modalités de négociations sur les questions agricoles. L’échec de Cancùn est tout simplement imputable au refus des pays du Nord d’écouter le point de vue des pays du Sud, a tranché le représentant de l’Instituto del Tercer Mundo.
Après ce diagnostic, les invités de la Deuxième Commission ont défini leur vision de l’avenir des négociations en insistant sur la question clef de l’agriculture, dont notamment celle touchant au coton, et sur les “Questions de Singapour” à savoir l’investissement, la politique de la concurrence, la «transparence des marchés publics» et la facilitation des échanges. En toutes choses, les orateurs ont préconisé l’option multilatérale, de préférence aux accords bilatéraux voire régionaux.
L’Union européenne, a assuré le Commissaire européen, réaffirme que les “Questions de Singapour” ne sont pas des obstacles, mais bien des clefs du développement. M. Pascal Lamy a ensuite reconnu que le texte final de Cancùn, dit “Texte Luiz Ernesto Derbez”, n’a pas su capter l’importance de questions comme le
coton, en s’alignant trop sur la position des Etats-Unis. Le Commissaire a saisi cette occasion pour rappeler les concessions de l’Union européenne concernant les normes du travail; les conventions agricoles; et la circulation des travailleurs du secteur tertiaire.
L’objectif à atteindre, a-t-il dit, est d’être prêt le 15 décembre prochain pour la réunion du Conseil général de l’OMC qui doit se tenir à Genève. L’Union européenne, a-t-il annoncé, mènera, dès le 2 décembre, des consultations informelles entre ses membres, mais aussi avec les Etats-Unis, le Groupe des 20, le Groupe des 90, le Japon et d’autres. M. Lamy a enfin attiré l’attention de la Commission sur le dernier communiqué de l’Union européenne qui, réitérant sa préférence pour l’approche multilatérale, prévient que l’engagement de tous est indispensable au succès des négociations.
Questions-réponses
Répondant aux questions du représentant de l’Instituto del Tercer Mundo et du représentant du Pakistan sur les liens entre l’échec de Cancùn et celui de Singapour et les sources de ces échecs, le Commissaire européen au commerce a tout d’abord souligné les efforts déployés en Europe pour faciliter l’émergence de nouveaux marchés. Il a reconnu que les barrières non tarifaires ne cessent d’augmenter et qu’elles deviendront de plus en plus importantes dans une société vieillissante où l’on s’intéresse davantage à la santé et à la protection des consommateurs. Tout en réfutant la thèse d’une conspiration à Cancùn, il a déclaré: “nous sommes en train de revoir notre position sur une vingtaine de questions parce que nous savons que nous ferons face à un grand problème si le processus reste paralysé”.
M. Pascal Lamy a attiré l’attention sur les conséquences de dispositions commerciales à géométrie variable, en expliquant qu’abaisser la taxe sur le thon à 10% serait une bonne nouvelle pour certains pays asiatiques, mais une mauvaise nouvelle pour l’Afrique.
Il a aussi insisté sur le potentiel de la coopération Sud-Sud en matière de négociations commerciales, en qualifiant d’erreur l’idée que le succès de ces négociations reposent uniquement sur une dimension Nord-Sud. A titre d’illustration, il a indiqué que les marchés de la Chine, du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud, des pays en développement émergeants, représentent un meilleur potentiel de croissance pour les pays les moins avancés (PMA) que les marchés américains ou européens. Le Commissaire européen a donc appelé les pays du Sud à progresser en matière de négociations commerciales dans leurs intérêts respectifs.
Rejetant toute tentative de diviser les pays du Sud en groupes divergents et d’encourager, ce faisant, une certaine discrimination, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et technologiques du Ministère des relations extérieures du Brésil, M. Clodoaldo Hugueney, a rappelé que la libéralisation du commerce agricole rapporterait quelque 400 milliards de dollars d’ici 2015. «Comparez ces chiffres aux estimations relatives à l’aide publique au développement» (APD), a-t-il dit avant d’encourager une reprise rapide des négociations commerciales. Il a rappelé que le Cycle du développement, adopté en
2001 par l’OMC à Doha, met le développement au centre de l’activité commerciale. La position adoptée par le G-20 reste sur la table, a-t-il conclu, en plaidant pour une libéralisation rapide et complète des échanges commerciaux. Le traitement spécial et différencié ne saurait être une solution, a-t-il noté en soulignant que «la solution est simple; elle exige simplement que les pays du Nord tiennent enfin compte des intérêts des pays en développement».
A son tour, M. Roberto Bissio, de l’Instituto del Tercer Mundo, a regretté l’immobilisme ambiant justifié par le prétexte fallacieux selon lequel toute disposition en faveur de tel ou tel pays en développement aurait forcément des conséquences négatives sur d’autres. Il s’est interrogé sur la représentativité et la légitimité de l’OMC, lorsque l’on connaît les difficultés qu’ont les 90 pays en développement à faire entendre leur voix au sein de cette Organisation de 146 membres.
Répondant à une question du représentant du Réseau du Tiers Monde sur les moyens de revitaliser le système commercial international dans l’intérêt du développement des plus démunis, le Commissaire européen au commerce, tout en reconnaissant la nécessité de réformer l’OMC, a regretté que personne ne soit prêt à s’affranchir de cette mission de modernisation. En ce qui concerne l’élimination des subventions agricoles et des aides à l’exportation, il a estimé que les négociations auraient dû commencer à Cancùn sur la base d’un consensus “explicite”. Il a fait siens les propos de M. Bissio, selon lesquels des problèmes de procédures existent, et a déclaré qu’il est impossible de débuter des négociations au sein de l’OMC sans s’entendre préalablement sur les modalités de ces négociations.
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