AG/EF/446

L’IMPACT SOCIOECONOMIQUE DU MICROCREDIT EN FAVEUR DE LA DEMARGINALISATION DE LA FEMME, THEME D’UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIEME COMMISSION

23/10/03
Communiqué de presse
AG/EF/446


Deuxième Commission

Table ronde


L’IMPACT SOCIOECONOMIQUE DU MICROCREDIT EN FAVEUR DE LA DEMARGINALISATION DE LA FEMME, THEME D’UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIEME COMMISSION


Les aspects économiques, sociaux et politiques de la question complexe du microfinancement et son impact sur la démarginalisation des femmes ont été abordés, cet après-midi, par plusieurs spécialistes de la question, dont la Ministre des affaires étrangères d’El Salvador, dans le cadre d’une Table ronde intitulée “Microcrédit, élimination de la pauvreté et démarginalisation des femmes”.  Organisée par la Deuxième commission, cet événement intervenait dans le cadre des préparatifs de l’Année internationale du microcrédit qui sera célébrée en 2005, et de la fin, en 2006, de la Décennie des Nations Unies pour le microcrédit.


Le microcrédit fait l’objet d’une attention particulière de la part de la communauté internationale depuis plusieurs années, puisque dès 1997 le Sommet mondial de Washington sur la question a fixé comme objectif de permettre à 100 millions de personnes l’accès à ce service d’ici 2006.  C’est quand les investissements étrangers se font rares et que le niveau des échanges commerciaux sont au plus bas, que le microcrédit s’avère décisif pour libérer des moyens favorisant l’entreprenariat local, a souligné un intervenant à la table ronde.


Présentant le processus en cours, M. Anwarul Chowdhury, Secrétaire général adjoint et Haut Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et des petits Etats insulaires en développement, a indiqué que le nombre de personnes bénéficiant du microcrédit est passé de 7,6 à 41,6 millions depuis 1997.  Sur la base d’une moyenne de cinq personnes par famille dans les pays en developpement, on peut considérer que 200 millions de personnes bénéficient aujourd’hui des avantages sociaux générés par le microcrédit.  M. Chowdhury a en outre indiqué que 600 parlementaires du monde entier ont sollicité la Banque mondiale, les banques régionales de developpement, et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), pour qu’ils doublent leurs contributions aux programmes de microcrédit.


S’agissant de l’impact du microcrédit sur la démarginalisation des femmes, l’ensemble des intervenants ont défini ce service comme un moyen de promouvoir la participation de la femme à la vie économique.  Notant que près de la moitié des 6 milliards d’habitants de notre planète vivent avec moins de deux dollars par jour, dont 1,2 milliard avec moins d’un dollar par jour, le Président de la Deuxième Commission, M. Iftekhar Chowdhury, modérateur de la la table ronde, a indiqué que les femmes, qui représentent 70% des personnes les plus pauvres au monde, portent une part excessive du fardeau de la pauvreté. 


Illustrant l’impact du microcrédit sur la démarginalisation de la femme, la Ministre des affaires étrangères d’El Salvador, Mme Maria Eugenia Brizuela de Avila, a défini le microcrédit comme un moyen de briser le cycle de la féminisation de la pauvreté.  En 2002, a-t-elle expliqué, les banques salvadoriennes ont accordé 65% de lignes de crédits aux entreprises de taille moyenne et 35% aux petites entreprises.  Parmi ces dernières, 26,7% ont été accordées à des petites entreprises dirigées par des femmes.  El Salvador compte quelque 300 000 microentreprises qui représentent 58% du travail des femmes; ce taux tombant à 44% quand il s’agit des petites entreprises.  A El Salvador, a-t-elle encore indiqué, la «Maison du crédit» et la «Banque des travailleurs» représentent 47% du marché total des microcrédits; les coopératives, les ONG et les banques financières représentant respectivement 36%, 13% et 4% de ces financements. 


En ce qui concerne la mise en œuvre du microfinancement sur le terrain, le Directeur exécutif de la Foundation for International Community Assistance(FINCA), M. Rupert Scofield, a présenté la contribution de son réseau mondial d’institutions financières viables, qui a consenti 170 millions de dollars de prêts à quelque 250 000 clients, dont plus de 91% de femmes réparties dans 22 pays.  Se targuant d’un taux de remboursement de plus de 98%, le Directeur de FINCA a indiqué que ses 18 000 «Banques de village» encouragent les femmes à se rassembler en groupes de 20 ou 30 pour postuler à des prêts qui vont de 50 à 500 dollars.  Ce principe de «garantie collective» permet au groupe de pallier le défaut de paiement d’un de ses membres.  Dans le même ordre d’idées, M. René Azokli a présenté les actions de son Projet d’appui au développement des microentreprises (PADME), institution de microfinancement qui a décaissé 114 498 microcrédits pour un montant total de plus de 118 millions de francs CFA depuis avril 1994 en réalisant un taux de remboursement record de 99,78%.  Actuellement, le PADME affiche un encours de crédit de 18 millions de dollars pour 35 000 clients et un taux d’autosuffisance financière de 181%.  Fort de son expérience, M. Azokli a souligné la nécessité d’élaborer des politiques nationales et un système réglementaire souple, adaptés aux spécificités des institutions de microfinance et des microentreprises.


Ces présentations ont été suivies de questions et de commentaires de la part des délégations.  Répondant à une question du représentant du Zimbabwe sur les domaines d’action potentiels de l’ONU pour promouvoir les objectifs du Sommet de Washington, le M. Chowdhury, Haut Représentant pour les PMA, les pays sans littoral et les petits Etats insulaires en développement, a présenté la contribution considérable des organismes de l’ONU, dont le PNUD, l’UNIFEM, ou le FIDA, dans le cadre du microcrédit.  Mais, a-t-il déploré, les programmes de microcrédit ne sont toujours pas insérés dans les stratégies de réalisation des Objectifs de développement du Millénaire (ODM).  Il a appelé à un examen minutieux de la question des ressources pour déterminer quelle part de leur budget les organismes de l’ONU doivent consacrer au microcrédit.  Un travail est en train d’être mené avec le PNUD, par exemple, pour compiler les meilleures pratiques en matière de microcrédit, a ajouté le Directeur exécutif du Fonds d’équipement des Nations Unies.  Répondant à une question de la représentante de la Suède sur la différence entre les concepts de microcrédit et de microfinance, le Directeurgénéral du PADME a précisé que la dernière notion se rapporte à toutes les activités liées aux services financiers sans exclusion, dont le microcrédit, qui n’est donc qu’une partie de la microfinance.


S’agissant des questions des représentants du Yémen, de l’Ethiopie et du Burkina Faso sur les conditions de mise en œuvre du microfinancement et la possibilité de simplifier les conditions d’octroi du microfinancement aux plus démunis, M. Scofield (FINCA) a déclaré qu’il était important que les législations nationales ne restreignent pas arbitrairement les taux d’intérêts appliqués par les sociétés de microfinancement.  Car, a-t-il précisé, les taux d’intérêts sont la principale garantie de durabilité du principe de microfinacement. 


Poursuivant la série de questions, le représentant de la Fédération internationale des établissements humains a attiré l’attention de la Commission sur les difficultés que rencontrent les associations à but non lucratif comme la sienne dans la mobilisation des ressources financières.  Les Nations Unies peuvent apporter un appui dans ce domaine, a estimé le représentant de la France.  A l’Organisation, le représentant a aussi dévolu un rôle dans la diffusion des bonnes pratiques, la création d’une synergie avec tous les types d’institutions engagées dans la microfinance; et l’apport d’un appui aux initiatives des pays ou régions en déficit d’intiatives et ou dans le besoin en ce qui touche les ressources financières. 


Le représentant ne s’est pas dit convaincu de la nécessité de laisser aux Nations Unies le leadership dans ce domaine, compte tenu des avantages comparatifs d’autres organisations.  La question n’est pas de donner aux Nations Unies un rôle dominant, a corrigé la Ministre des affaires étrangères d’El Salvador.  Elle a tout de même appelé l’ONU à faire valoir son expérience dans la sensibilisation des gouvernants, le renforcement des capacités, et la mobilisation des capitaux de départ.  L’ONU peut encourager une vision durable de la microfinance, a-t-elle estimé.


Mais, de manière pratique, comment aider les pays à exploiter le potentiel de la microfinance? s’est inquiété le représentant de la Norvège.  Le Directeur général du PADME a estimé que l’action doit s’articulier autour de trois axes, à savoir une définition claire des micros, petites et moyennes entreprises; la mise en place d’un cadre réglementaire favorable au milieu des affaires; et le renforcement des capacités humaines.  L’erreur serait d’envisager la microfinance dans le cadre strict de projets de développement, a ajouté le Directeur exécutif du Fonds d’équipement des Nations Unies en jugeant important que ce domaine soit perçu comme une partie intégrante du secteur financier.


A leur tour, les représentants du Nigéria, de Tuvalu, de Bélize, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et du Timor-Leste ont soulevé les questions de l’accès à la microfinance dans les zones urbaines; des conditionnalités des programmes mis en place, de leur viabilité et du coût de leur évaluation; de la composante épargne du microcrédit, de la capacité des bénéficiaires à accéder aux systèmes financiers traditionnels, du taux élevé de remboursement; d’un cadre administratif souple assurant l’accès aux crédits de tous; et de l’accès à la microfinance des pauvres vivant dans les pays développés. 


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