En cours au Siège de l'ONU

AG/EF/442

L’ONU EST LE CADRE APPROPRIE POUR ETABLIR DES PRINCIPES DE COOPERATION MONDIALE EN MATIERE FISCALE, ESTIMENT DELEGATIONS ET EXPERTS

21/10/03
Communiqué de presse
AG/EF/442


Deuxième Commission

Table ronde


L’ONU EST LE CADRE APPROPRIE POUR ETABLIR DES PRINCIPES DE COOPERATION MONDIALE

EN MATIERE FISCALE, ESTIMENT DELEGATIONS ET EXPERTS


En prévision du Dialogue de haut niveau sur le financement du développement qui doit se dérouler les 29 et 30 octobre prochains, la Commission économique et financière (Deuxième Commission) a organisé ce matin une table ronde sur la coopération internationale en matière fiscale.  Coprésidée par le Président de l'Assemblée générale, M. Julian R. Hunte et le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. José Ocampo, cette table ronde a été l’occasion, pour des fiscalistes de renom, de procéder à un échange de vues sur trois groupes de questions intitulées: «mondialisation, investissement, commerce et concurrence fiscale»; «fuite des capitaux, blanchiment d’argent et évasion fiscale»; et «cadre institutionnel pour la coopération internationale en matière fiscale». 


Si le Président de l'Assemblée générale a rappelé que la fiscalité demeure le principal instrument de mobilisation interne des ressources nécessaires au financement du développement, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a pour sa part proposé la transformation du Groupe d’experts spécial sur la coopération internationale en matière fiscale, créé en 1967, en une «Commission de coopération internationale sur les questions fiscales», au sein du Conseil économique et social.  Cette proposition a été appuyée par la plupart des intervenants qui, s’appuyant sur le caractère neutre, transparent et universel de l’ONU, ont estimé que l’Organisation était le cadre approprié pour établir les principes généraux de cette coopération. 


Aujourd’hui, tous les pays à l’exception de 12, pratiquent le principe de la double imposition en taxant à la fois les revenus obtenus sur leur territoire national et ceux obtenus par leurs résidents hors de ce territoire.  Le danger, comme l’a expliqué le Président du Groupe d’experts sur la coopération internationale en matière de fiscalité, M. Antonio Hugo Figuero, est que ce système risque à terme de freiner la mobilité des capitaux.  M. Figuero préside un Groupe qui, parmi ses activités, compte l’actualisation de la Convention des Nations Unies sur la double imposition, et celle des traités fiscaux existant entre pays en développement et pays développés. 


Mondialisation, investissements, commerce et concurrence fiscale  


La question de la fiscalité internationale, qui remonte aux années 20, est bien plus ancienne que celle des échanges internationaux, a rappelé M. Reuven S. Avi-Yonah, Professeur à la Faculté de droit de l’Université du Michigan.  Il a ainsi jugé surprenant qu’alors que les questions commerciales font l’objet de traités multilatéraux, la fiscalité reste, elle, limitée à des accords bilatéraux.  Or, a-t-il prévenu, la libéralisation commerciale prônée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne pourra se réaliser sans un règlement préalable des problèmes fiscaux et, à cet égard, la mobilité des capitaux rend difficile le règlement de ces questions dans le cadre d’accords bilatéraux.  Par exemple, l’attraction de l’investissement étranger direct (IED) dépendant des avantages fiscaux que peuvent offrir les pays, les pays en développement se trouvent devant un dilemme face auquel ils sont obligés de céder la partie de leur souveraineté relative à la collecte des recettes fiscales.  Il est essentiel de se doter des moyens nécessaires au règlement de ces questions, a dit le Professeur Avi-Yonah en préconisant la transformation du Groupe d’experts en un groupe intergouvernemental permanent. 


En écho aux propos sur la complexité desdites questions, le Conseiller de la Morgan, Lewis and Bockius LLP, M. Sheldon Cohen a averti que la mise en place d’un régime fiscal international exigerait de tous les pays qu’ils renoncent à certains de leurs intérêts.  La grande erreur, a contredit le Président du Conseil pour le contrôle des activités financières du Ministère des finances du Brésil, M. Marcos Caramuru de Paiva, serait de continuer à limiter ces questions à des perspective liées au commerce ou aux investissements, au risque de perdre de vue leur caractère global.  La concurrence fiscale telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui représente un véritable danger pour les pays en développement en ce qu’elle rend imprévisible les flux de capitaux nécessaires à leurs progrès économiques et sociaux.  La communauté internationale doit pouvoir élaborer des principes généraux en la matière, et l’universalité de ces questions impose à l’ONU de prendre la direction des débats, a-t-il dit à son tour.


Ces trois interventions ont été suivies d’une série de questions dont la première a été posée par le Secrétaire général aux affaires économiques et sociales lui-même.  Etant donné que le Code de l’OMC relatif aux subventions impose des limites aux exonérations fiscales, quelle sera la division du travail entre cette Organisation et l’ONU, s’est-il interrogé.  Compte tenu des asymétries entre pays du Sud et pays du Nord, le principe du traitement spécial et différencié doit-il être pris en compte dans la coopération en matière fiscale, a demandé la représentante du Brésil.


Répondant à ces réflexions, le Professeur de l’Université du Michigan a précisé que le Code de l’OMC ne concerne que les biens visibles, les services et les activités financières n’étant pas couverts.  De plus, a-t-il argué, l’imposition de règles relatives à la concurrence fiscale est un exercice extraordinairement difficile auquel l’OMC n’est pas préparée.  Il a donc vu en l’ONU, l’Organisation ayant le mandat nécessaire pour «reprendre les choses en main».  Il conviendrait alors, a estimé le Ministre du commerce de la Barbade, Mme Lynette Eastmonde, que tous les aspects de la concurrence fiscale soient traités au sein d’une instance unique pour veiller aux intérêts de tous les pays.  L’instance en question doit bénéficier d’une forte présence des pays en développement, a renchéri le Professeur de l’Université du Michigan, en répondant dans le même temps à la question du Brésil. 


Fuite des capitaux, blanchiment de l’argent et l’évasion fiscale


Abordant la question à l’ordre du deuxième groupe thématique, M. David Spencer, Avocat auprès du Bureau juridique, a souligné la nécessité d’améliorer les institutions fiscales des pays en développement afin d’éviter l’évasion

fiscale et renforcer leurs capacités de mobilisation des ressources internes.  A cet égard, il a présenté les dispositions de l’Union européenne et de l’OCDE en matière de lutte contre la fuite des capitaux, comme l’échange automatique d’information fiscale entre les pays de l’Union européenne. 


De son côté, Mme Lynette Eastmond, Ministre du Commerce de la Barbade, a estimé que les grands pays du monde sont ceux qui ont les activités financières les plus importantes et donc qui connaissent les phénomènes les plus importants de fraude fiscale et de blanchiment d’argent.  Elle a souligné la contradiction de voir certains pays développés s’attaquer aux politiques d’incitation fiscale de certains pays en développement, tout en persistant à pratiquer le versement des subventions agricoles déstabilisantes à leurs producteurs.


Directeur du Programme de fiscalité internationale de la New York University, M. David Rosenbloom, a rappelé que «la fiscalité internationale concerne des milliers de milliards de dollars alors que nous avons peu d’experts sur cette question».  Face à la complexité de cette question, il a invité les Nations Unies à jouer un rôle croissant dans la mise en oeuvre de normes et de recommandations.  Car seule l’ONU peut se faire l’écho des points de vue divergents sur les différentes questions relatives à la fiscalité.  Mais ceci ne peut se traduire que par des recommandations, a-t-il prévenu, car la fiscalité n’a rien à voir avec les échanges commerciaux et les pays ne sont pas prêts à renoncer à leurs spécificités fiscales.


De son côté Marcos Caramuru de Paiva, Ministère des Finances du Brésil, a déclaré que l’identification des délinquants fiscaux devrait être du ressort du secteur public.  Il a souligné le parallèle entre la lutte contre la fraude fiscale et la lutte contre le blanchiment d’argent, même si la fraude fiscale n’a pas toujours un rapport avec le blanchiment d’argent.  Le monde ne sera pas prêt à faire face à ce problème sans un système d’échange d’information bien développé au niveau international.  Il a regretté que les débats sur la mise en place de normes internationales en matière de lutte contre la fuite des capitaux, le blanchiment de l’argent et l’évasion fiscale restent encore confidentiels.  Il a d’autre part insisté sur la nécessité de conjuguer le libre mouvement des capitaux avec la nécessité d’en connaître les opérateurs.  La mondialisation des flux financiers doit s’accompagner de l’identification de ceux qui sont à l’origine de ces opérations financières.


Cadre institutionnel intergouvernemental pour la coopération internationale en matière fiscale


Ici aussi, le renforcement de la capacité de l’ONU a été préconisé, entre autres, par M. Michael McIntyre, Professeur à la Wayne State University, qui a relevé les lacunes de la jeune institution qu’est l’OMC.  L’ONU, a-t-il affirmé, est la seule organisation capable d’établir des normes internationales applicables à 191 pays.  En la matière, il a encouragé la coopération avec des experts du monde entier et d’autres organisations internationales au sein d’une Commission fiscale ressuscitée.  L’importance de la notion de souveraineté a été soulignée par la Ministre du commerce de la Barbade qui a dit craindre une répartition géographiquement inéquitable dans la composition des groupes d’experts appelés à travailler aux côtés de l’ONU.   En l’occurrence, elle a jugé essentiel de reconnaître la divergence d’intérêts entre les différents groupes de pays en développement, ainsi que de veiller à ce que toute proposition soumise soit non discriminatoire et ne vise pas à pénaliser les pays qui dépendent des services financiers.  Faut-il donner à la future Commission fiscale un mandat sur l’ensemble des questions relatives à la fiscalité, dont celles dont traite l’OMC? s’est interrogé le Professeur de l’Université du Michigan avant de se prononcer pour le mandat le plus large possible, seul moyen, a-t-il dit, d’assurer le respect des décisions prises.  Se montrant sceptique, le Directeur de la NYU International Tax Program s’est demandé comment une telle instance pourrait forcer la main aux pays.  M. Rosenbloom a dit sa préférence pour une enceinte d’experts chargés de fournir des services consultatifs aux pays demandeurs. 


La mondialisation donne lieu à une plus grande complexité des problèmes.  Les Etats n’y sont pas toujours préparés.  Une coopération internationale est donc essentielle qui ne remettrait pas forcément en question le principe de la souveraineté, a déclaré le Président du Groupe d’experts en concluant le débat et ce faisant, en appuyant l’idée de faire de l’ONU une instance où les pays développés et les pays en développement pourront débattre de ces questions importantes.  


Les participants à la table ronde étaient saisis des documents suivants: le Régime fiscal des paiements d’intérêts entre pays et capitaux fugitifs: évolution récente de la question (ST/SG/AC.8/2003/L.10); Cadre international de la coopération internationale en matière fiscale (ST/SG/AC.8/2003/L.6); Fiscalité et développement du marché des actions: les politiques optimales pour les marchés financiers des pays en développement (ST/SG/AC.8/2003/L.5); Corrélations entre fiscalité, commerce et investissements (ST/SG/AC.8/2003/L.4)


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