LA PARTICIPATION DES GRANDS GROUPES A LA MISE EN ŒUVRE D’ACTION 21 PERCUE COMME UNE CONDITION SINE QUA NON DE LA REALISATION DES OBJECTIFS DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Communiqué de presse ENV/DEV/637 |
Comité préparatoire du Sommet mondial
pour le développement durable
Quatrième session – 2ème séance
LA PARTICIPATION DES GRANDS GROUPES A LA MISE EN ŒUVRE D’ACTION 21 PERCUE COMME UNE CONDITION SINE QUA NON DE LA REALISATION DES OBJECTIFS DU DEVELOPPEMENT DURABLE
BALI, 27 mai 2002 -- La gestion du développement durable a été, cet après-midi, au centre du dialogue multipartite que le Comité préparatoire du Sommet mondial sur le développement durable* a organisé dans le cadre de sa quatrième et dernière session qui se tient, depuis ce matin, au Centre international de conférences de Bali. Ce dialogue de deux jours a pour objectif de permettre aux neuf «grands groupes» identifiés dans Action 21 - Programme d’action adopté au Sommet Planète Terre de Rio en 1992- de faire le point des progrès accomplis dans la mise en œuvre de ce Programme et de préconiser les actions à entreprendre.
Ces «grands groupes» sont les femmes, les enfants et les jeunes; les peuples autochtones; les ONG; les collectivités locales; les travailleurs et les syndicats; les représentants des milieux du commerce et de l’industrie et ceux de la communauté scientifique et technique ainsi que les agriculteurs. A la suite de la présentation des documents concertation, ils ont entamé un débat avec les Etats membres au cours duquel la question des partenariats à mettre en place entre eux et les gouvernements, d’une part, et entre eux-mêmes, d’autre part, pour mettre en œuvre Action 21 aux niveaux local, national, régional et international, a été posée.
Dans ce contexte, le rôle des autorités locales dans la réalisation des objectifs de développement durable, la responsabilisation des grands groupes commerciaux et industriels ainsi que la bonne gouvernance ont occupé le centre du débat. De manière générale, les participants se sont mis d’accord pour que le projet de «document d’application», négocié à Bali et qui sera soumis à l’approbation du Sommet, contienne les modalités précises d’une participation pleine et entière de chaque grand groupe aux processus de prise de décision en matière de développement durable.
Demain, mardi 28 mai, le Comité préparatoire tiendra parallèlement deux dialogues multipartites sur les thèmes du «Renforcement des capacités aux fins du développement durable» et du «Cadre des initiatives en matière de partenariat concernant les grands groupes». Les rapports de ces deux dialogues seront présentés au cours d’une séance plénière prévue pour le mercredi 29 mai.
* Le Sommet mondial sur le développement durable se tiendra du 26 août au 4 septembre à Johannesburg en Afrique du sud.
Exposés des grands groupes
La représentante du grand groupe des femmes a présenté un document de concertation intitulé «les femmes revendiquent une planète pacifique et salubre» (A/CONF.1999/PC18/Add.1). Elle a indiqué que depuis Rio, les gouvernements n’ont pas été avares d’engagements pour obtenir l’égalité entre les hommes et les femmes. Il est temps de leur demander de mettre en place des politiques de gestion efficace pour le développement durable notamment en termes de gouvernance mondiale, de gouvernance régionale, de transparence et de responsabilité. Elle a jugé nécessaire de mettre en place des mécanismes institutionnels pour faire le lien entre les politiques et programmes du développement durable et la mobilisation des ressources. Elle a plaidé pour des partenariats entre l’ONU, les institutions de Bretton Woods et l’OMC. L’intégration des femmes dans la mise en oeuvre du développement durable doit être coordonnée par les femmes au niveau des Nations Unies, a-t-elle insisté en demandant une instance permanente en la matière. Elle a demandé aussi la conclusion d’une convention sur la responsabilité des entreprises. Les femmes, doivent avoir accès aux processus de prise de décision à tous les niveaux, a-t-elle souligné.
La représentante du grand groupe des populations autochtones a présenté un document intitulé «engagements et priorités des peuples autochtones» (A/CONF.199/PC/18/Add.3). Elle a jugé que le document d’application en cours de négociations ne changera que peu de choses à la situation actuelle des peuples autochtones. Elle a estimé que ce document est un recul par rapport aux engagements contenus dans Action 21 qui avaient le mérite de renforcer le rôle des populations autochtones. Elle a défendu les principes de respect des territoires autochtones et de leur souveraineté, de la gouvernance pour le développement durable, du développement des connaissances traditionnelles des populations autochtones et de la responsabilisation de ces populations. En la matière, elle a estimé que le Forum permanent des Nations Unies, dont la première session a eu lieu la semaine dernière, peut jouer un rôle important.
Les Nations Unies, a-t-elle encore dit, doivent promouvoir le respect des traités et autres arrangements conclus entre les peuples autochtones et les Etats dans lesquels ils vivent. Elle a demandé aux donateurs de mobiliser des fonds pour la mise en oeuvre ces accords. Elle a aussi demandé des mécanismes et procédures pour faire en sorte que le secteur privé respecte des normes élevées dans tous les domaines.
Présentant son document de concertation A/CONF.199/PC/18/Add.4, le représentant du grand groupe des ONG a fixé comme priorité la bonne gouvernance à savoir la participation de la société civile aux processus de prise de décisions et le respect des droits de l’homme. Il faut une mise en oeuvre pratique de ces principes reconnus dans Action 21. Il a jugé qu’en la matière les dispositions prévues dans le projet de document d’application représentent un pas dans la bonne direction. Mais il faut aller plus loin et mettre au point des indicateurs pour suivre la bonne gouvernance et la démocratie. Venant aux rôles des institutions de Bretton Woods et l’OMC, il a dénoncé leur caractère prééminent sur les Nations Unies alors même que l’OMC, par exemple, continue par ses mesures de compromettre l’équilibre de la croissance économique nécessaire au développement durable. Les entreprises continuent de tirer parti de leurs activités au détriment des pauvres.
Le Comité préparatoire doit donc affirmer la primauté des accords sur l'environnement par rapport aux règles de l’OMC. En la matière, il faut respecter le principe de la responsabilité commune mais différenciée et les règles commerciales équitables. Concluant sur la question spécifique de la responsabilité des entreprises en matière de développement, il a qualifié les mesures prises de «totalement insuffisantes». Il faut des règles nationales et internationales pour assurer la responsabilisation des entreprises, notamment vis-à-vis de l’ONU. A ce propos, le représentant s’est dit préoccupé par le fait que l’ONU subit de plus en plus l’influence du secteur privé. Ce qui ne peut conduire au succès dans le développement durable, a-t-il dit.
A son tour, la représentante du grand groupe des travailleurs et des syndicats a présenté son document de concertation A/CONF.199/PC/18/Add.6. Elle a plaidé que tous les travailleurs participent à la mise en oeuvre du développement au niveau national et international. Elle a dit attendre le jour où ces travailleurs pourront amener leurs employeurs à mener des actions en ce sens dans les domaines notamment de l’énergie, de l’eau, des ressources naturelles ou encore des changements climatiques. Les syndicats ont déjà signé des milliers d’accords avec des employeurs incluant des clauses relatives à l’environnement. En outre, des infrastructures existent sur la sécurité du travail qui peuvent être étendues aux problèmes de développement et d’environnement.
Pour la prochaine décennie et jusqu’en 2012, les syndicats vont entreprendre des évaluations des lieux de travail pour mesurer les progrès accomplis dans l’utilisation de l’énergie, de l’eau ou encore de la sécurité sur le lieu de travail. Ces évaluations ont déjà commencé dans différentes industries mais le but est de toucher les quelque deux millions de lieux de travail. La représentante a espéré qu’un jour il sera possible d’insérer ces évaluations dans les directives de l’OCDE et dans d’autres documents de base. Le mouvement syndical est prêt à encourager des millions de travailleurs dans le monde à s’associer à cet effort. Il revient aux gouvernements de leur donner les outils nécessaires pour que ceci se produise, a conclu la représentante.
La représentante du grand groupe des autorités locales a présenté son document de concertation A/CONF.1999/PC/18/Add.5 en souhaitant que Johannesburg permette de passer d’Action 21 à «l’action tout court». Ce faisant, les gouvernements seront obligés de coopérer avec la société civile et les autorités locales qui, par exemple, prennent des décisions sur l’utilisation de l’énergie, de l’eau et des ressources naturelles. Les villes et les autorités locales savent de première main ce que le partenariat signifie. La gouvernance locale est donc une partie intégrante de la gouvernance en matière de développement durable. Ce qu’il faut c’est s’entendre sur la répartition des tâches et définir plus précisément le rôle des gouvernements locaux qui doivent être reconnus comme l’un des quatre niveaux de gouvernance. L’action locale peut faire bouger le monde, a conclu la représentante.
De son côté, le représentant du grand groupe des entreprises et de l’industrie, présentant son document de concertation A/CONF.1999/PC/18/Add.8) a souligné que la bonne gouvernance s’applique à tous les niveaux et surtout à son milieu. Il a demandé que soient accordées une plus grande ouverture, transparence et responsabilité. Il s’est félicité de la conceptualisation des partenariats de type 2 en souhaitant que le Sommet de Johannesburg représente une réunion véritable de parties prenantes du développement durable.
Parlant du rôle des entreprises au niveau local, comme dans le droit foncier ou de l’utilisation des ressources en eau, il a indiqué que ce rôle a montré à quel point le partenariat local est possible entre les entreprises et les communautés locales. Les entreprises acceptent pleinement leur responsabilité et reconnaissent qu’en la matière tout découle d’une vision à long terme et d’un partenariat avec les populations locales.
Le document de concertation du grand groupe des milieux scientifiques et techniques (A/CONF.1999/PC/18/Add.8) a été présenté par son représentant qui a plaidé pour une meilleure coordination entre gouvernements et scientifiques en matière de gouvernance de développement durable. Il a par exemple plaidé pour un lien institutionnel entre la Commission du développement durable et les milieux qu’il représente. Il a souhaité que ces milieux se concentrent plus avant sur une recherche intégrant les trois piliers du développement, à savoir la croissance économique, le développement social et la protection de l’environnement. Ce faisant, il faut un partenariat avec les autres parties prenantes.
A son tour, le représentant du grand groupe des agriculteurs a, conformément à son document de concertation (A/CONF.199./PC/18/Add.9), souligné que l’activité agricole est au coeur des trois piliers du développement durable ainsi qu’à une autre dimension celle de la santé. L’agriculture est un secteur fragile qui est soumis aux caprices du climat ou des variations des prix. Le secteur nécessite des politiques liant la gestion des marchés intérieurs et la libre concurrence; l’accès aux ressources naturelles et leur gestion intégrée, ou encore le développement des zones rurales et l’efficacité des services publics fondamentaux. Il faut des politiques qui ont en leur coeur l’exigence de la sécurité alimentaire en privilégiant la production vivrière. En matière de gouvernance, les gouvernements nationaux ne peuvent réaliser tout cela seuls.
Il faut donc favoriser l’émergence d’organisations agricoles représentatives capables de négocier. Il faut soutenir des actions permettant l’organisation des agriculteurs de la base au sommet, a insisté le représentant. Pour les agriculteurs, le développement durable est considéré comme une nécessité et non comme une contrainte imposée d’en haut. L’accroissement du commerce est une bonne chose s’il bénéficiait aux populations agricoles, aux communautés rurales et à l’enrichissement des Etats. Il faut rechercher des voies qui répondent au mieux à ces exigences et réévaluer, ce faisant, les différents accords internationaux. En cela, la libéralisation du commerce ne constitue pas la panacée.
La représentante du grand groupe des jeunes a présenté son document de concertation intitulé “priorités et initiatives de partenariats en matière de développement durable” (A/CONF.1999/PC/18/Add.2). Elle a plaidé pour des engagements réels en matière de développement durable, en particulier dans les domaines du commerce et des marchés financiers. Elle a souligné l’importance qu’il y a à responsabiliser les entreprises en souhaitant que leur impose une obligation réditionnelle. La représentante a plaidé pour l’annulation de la dette des pays en développement et la reconnaissance de la dette écologique des pays développés. Elle a soulevé la question de la corruption pour demander une plus grande responsabilité des autorités locales. Elle a terminé par un appel à une implication plus avant des jeunes aux processus de prise de décisions, en particulier par la création de “conseils de jeunes” et par le renforcement du rôle du Conseil économique et social pour lui permettre de prendre mieux en compte les contributions des différents groupes dont les jeunes.
Dialogue multipartite
Ouvrant le dialogue, le représentant des Etats-Unis a réaffirmé l’engagement de son pays à assurer le succès du Sommet mondial sur le développement durable par la mise en place d’un nouveau type de partenariats qui devra être à la base de la gestion ou de la gouvernance du développement durable. Le Sommet doit produire plus que de belles paroles et les Etats-Unis entendent bien travailler à un plan d’action qui reprenne les objectifs de Monterrey et mette l’accent sur la bonne gouvernance. Pour les Etats-Unis, toutes les parties prenantes ont un rôle à jouer dans l’objectif collectif du développement durable et en la matière, il serait utile que les délégations soient composées d’un plus grand nombre d’experts. La Commission du développement durable pourrait donner plus d’importance à la question des partenariats avec les parties prenantes, a encore estimé le représentant. Insistant sur la question des partenariats comme pilier de la gestion du développement durable, le représentant de l’Afrique du Sud les a voulus aux niveaux national, régional et international. Les gouvernements ne peuvent plus agir seuls, a-t-il souligné. Le plus grand défi à relever entre gouvernements et autres parties prenantes est d’aller au-delà des négociations et d’assurer une mise en oeuvre effective des mesures qui seront préconisées.
Dans le cadre de ces partenariats, la question de la capacité des autorités locales à établir des plans d’action a été posée par le Président du Comité préparatoire. Le représentant de ce grand groupe a invoqué les plans de développement intégré mis en place par les autorités locales dans certains continents comme l’Afrique. Il a, en outre, insisté sur la nécessaire répartition des tâches entre les gouvernements nationaux et les autorités locales. Pour la représentante de l’Union européenne, le rôle effectif des autorités locales dans le développement durable ne peut être possible en l’absence de démocratie, du respect des droits de l’homme, de l’existence l’état de droit et de l’existence des règles économiques qui offrent à tous la possibilité de s’épanouir. En tant que représentant d’un Etat fédéral, le représentant de la Belgique a réaffirmé la nécessaire synergie entre tous les niveaux de gouvernement en matière de développement durable. Il a, de manière générale et ce, à l’instar de son homologue de l’Espagne, considéré que la participation des citoyens et le respect de tous les droits humains sont les conditions essentielles de la réalisation du développement durable.
Doutant, pour sa part, de l’opportunité de discuter de la bonne gouvernance, la représentante du grand groupe de femmes, a dit craindre que les défenseurs de ce concept ne l’aient conçu que pour justifier la baisse de l’APD et la mauvaise répartition de l’investissement étranger direct. La bonne gouvernance peut bénéficier à tout le monde, a réaffirmé le représentant du grand groupe des entreprises et de l’industrie qui a souligné, une nouvelle fois l’impact de la bonne gouvernance sur l’attraction de l’APD et de l’IED.
Revenant sur la question de l’évaluation des lieux de travail proposée par le grand groupe des travailleurs et des syndicats, le Président du Comité préparatoire s’est entendu répondre qu’il faut un certain nombre de critères dont les droits et les obligations des travailleurs pour leur permettre d’entreprendre des actions avec leurs employeurs. Dans ce cadre, il s’est livré à une vive critique des tendances mondiales à la privatisation des ressources en eau. Les services de l’eau doivent bien être fournis par quelqu’un et de manière efficace, a souligné le représentant du grand groupe des entreprises et de l’industrie en voyant dans la privatisation la meilleure manière de procéder. Répondant à cette remarque, une représentante du grand groupe des femmes a démontré comment la privatisation a mis en danger le développement social en Indonésie du fait que la population a subi une augmentation des prix qui l’a conduite à l’endettement. Plutôt que la privatisation, la représentante du grand groupe des ONG a préconisé la décentralisation des services publics de fourniture d’eau; d’autres préconisant les mêmes mesures pour les domaines de la santé et de l’éducation.
A propos de cet échange, le Président du Comité préparatoire s’est demandé comment effacer la mauvaise image du secteur privé dans la réalisation des objectifs de développement durable dont la modification des modes de production et de consommation non durables. La représentante du Conseil œcuménique s’est prononcée pour un cadre internationalement contraignant pour les entreprises qui serve d’exemple pour les niveaux régionaux et nationaux. En matière de responsabilisation des entreprises, il faut collaborer aux niveaux international, national et local, a dit en écho le représentant du Danemark en rejetant l’idée que l’on se limite au niveau national. Le représentant de la Finlande a, en la matière, fait part de l’«engagement informel en vigueur dans son pays qui pourrait, selon lui, s’appliquer aux niveaux régional et international. Le représentant du grand groupe des entreprises et de l’industrie a salué le Pacte mondial du Secrétaire général de l’ONU comme un premier pas dans la bonne direction.
La question de l’établissement d’un lien entre les décideurs politiques et la communauté des scientifiques, a été posée par le Président du Comité préparatoire. Le problème se pose dans le domaine des déchets nucléaires, a souligné le représentant du grand groupe des peuples autochtones qui a rappelé que cela a été le choix de son gouvernement. Il s’est, en écho aux questions du Président du Comité préparatoire, demandé comment faire en sorte que les scientifiques soient associés plus efficacement à la prise de ce type de décisions qui ont des effets sur les populations, en particulier les peuples autochtones et surtout lorsqu’il s’agit de l’exploitation des terres. Des appels ont été lancés par une autre représentante de ce grand groupe à une réforme du droit foncier pour assurer aux peuples autochtones un droit à la parole.
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