En cours au Siège de l'ONU

POP/1118

Commission de la population et du développement achève une session fructueuse, malgré des désaccords sur un texte qui a dû être retiré

« Assurer une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tout âge », tel fut le thème de la cinquante-huitième session de la Commission de la population et du développement qui s’est achevée aujourd’hui. Cet organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC) a tenu toute la semaine des débats animés entre experts et délégations, mais n’a pas pu parvenir à un consensus sur le projet de résolution en rapport avec le thème des travaux, ledit texte ayant été, par conséquent, retiré par la présidence.

Les délégations ont néanmoins manifesté leur accord sur le fait que de nombreux objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 liés à la santé ne sont pas en voie d’être atteints, alors que le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) du Caire, qui date de 1994, a déjà plus de 30 ans. 

« Il nous reste encore un long chemin à parcourir pour véritablement parvenir à une vie saine et au bien-être pour tous à tout âge », a reconnu la Présidente de la session, Mme Catharina Jannigje Lasseur (Pays-Bas).  Tirant les leçons des dissensions sur certains éléments, elle a invité les États Membres à poursuivre le dialogue, les appelant à s’écouter les uns les autres, sans jugement, y compris lorsque sont exprimés des points de vue différents. « Nous pouvons apprendre des réussites et des difficultés des autres; elles nous inspireront à faire mieux », a-t-elle positivé.

Faisant le bilan des travaux, Mme Lasseur s’est félicitée d’une session fructueuse, avec un nombre record de 116 États Membres ayant pris la parole lors du débat général, dont une soixantaine d’intervenants de haut niveau, et plus de 30 événements parallèles.  Selon elle, cela montre que le Programme d’action de la CIPD et le forum de la Commission de la population et du développement sont bien vivants et dynamiques.

La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) s’est toutefois désolée qu’avec l’échec des négociations sur le projet de résolution retiré, ce sont une fois de plus les pauvres qui sont mis à l’écart.  « Et, comme toujours, ce sont les femmes et les filles les plus vulnérables et ayant le moins accès aux services de santé qui portent le plus lourd fardeau des problèmes de santé et des décès évitables. »  Mme Natalia Kanem a donc demandé aux délégations d’« aller plus loin pour garantir qu’aucune femme ne meure inutilement de causes entièrement évitables liées à la grossesse et à l’accouchement ». 

« En tant que communauté internationale, nous devons faire mieux pour réduire les inégalités d’accès aux soins de santé, notamment par le financement et le renforcement de la coopération et des partenariats internationaux », a-t-elle encore plaidé.  Elle a rappelé que la Commission est la gardienne du Programme d’action de la CIPD, lequel a amélioré la vie de millions de personnes à travers le monde.  « Malgré des positions opposées, j’espère que nous pourrons convenir que ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise », a-t-elle encouragé.

Si l’absence de résultat consensuel sur le thème spécial de cette année est regrettable, la session a été riche en contenu et particulièrement intéressante, avec de nombreuses présentations sagaces et des discussions franches, réfléchies et interactives, s’est consolée la Sous-Secrétaire générale chargée de la coordination des politiques au Département des affaires économiques et sociales (DESA).  Mme Bjørg Sandkjær n’a pas manqué de remercier au passage tous les acteurs de l’organisation de cette session.

Explications de position sur un texte controversé

Le texte proposé par la Présidente de session (E/CN.9/2025/L.4) portant sur le thème de la session et qui a été retiré ce matin était intitulé « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ».  Si elle avait adopté ce texte, la Commission aurait, entre autres, demandé instamment aux États Membres de garantir le droit à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, et d’avancer plus rapidement dans l’instauration de la couverture sanitaire universelle d’ici à 2030.  Elle aurait également invité les États Membres à assurer un accès universel aux soins de santé sexuelle et procréative.  Cette dernière demande a largement été commentée par les délégations.

Le Nigéria a regretté l’absence de consensus sur le texte final, mais a expliqué que, selon lui, le projet remettait en cause ses valeurs éthiques et religieuses ainsi que ses législations nationales.  A contrario, la République islamique d’Iran a regretté que certaines préoccupations exprimées n’aient pas été suffisamment prises en compte dans le texte final, notamment en ce qui concerne le rôle de la famille.  Elle a également déploré l’absence de mention aux mesures coercitives unilatérales qui restreignent l’accès des populations aux médicaments et aux matériels médicaux.

Le Burundi a salué le retrait du texte, qui, a-t-il souligné, ne précisait pas que le développement ne peut être durable qu’avec la mère et la famille en son centre.  De même, il a souligné que le terme « genre » doit être compris comme désignant exclusivement le sexe biologique, à savoir les hommes et les femmes.  La Malaisie a, elle aussi, salué le retrait du texte, pour respecter l’intégrité du processus, mais s’est déclarée préoccupée par l’incapacité de progresser de la Commission.  La Fédération de Russie a dit espérer qu’à l’avenir, on précisera que la famille est le socle des sociétés humaines.  Le Bélarus a, dans le même sens, déploré le fait que l’on ignore le rôle de la famille dans la société.  Selon lui, la Commission est devenue une enceinte de promotion de concepts ne faisant pas l’unanimité. 

Il est déplorable que la Commission soit utilisée pour faire avancer des intérêts controversés, a renchéri le Cameroun en signalant la présence dans le texte de « mentions problématiques » sur les droits sexuels et procréatifs.  Affirmant respecter la décision de retrait du texte, il a dit compter sur un libellé consensuel en 2026.  Djibouti s’est montré moins optimiste, arguant que l’absence de consensus risque d’aboutir au durcissement des positions et de menacer l’existence même de la Commission.  Il a également fait valoir que les droits sexuels et procréatifs n’ont jamais été définis de façon convenue dans un quelconque document consensuel et négocié au sein de l’ONU.  Le Saint-Siège a d’ailleurs regretté que l’accent ait été mis sur les droits à la santé sexuelle et procréative, estimant que cela avait fait dérailler le processus.

Dans ce contexte, l’Égypte a confirmé qu’il était nécessaire de retirer le projet de résolution afin de préserver le principe de décision consensuelle de la Commission.  Les États-Unis ont rappelé la promesse du Gouvernement du Président Trump d’appuyer les familles, de promouvoir la santé des femmes et de protéger les enfants.  Ils ont aussi réitéré leurs réserves sur le Programme 2030 et les ODD, regrettant que cette position de principe ne soit pas apparue dans le projet de texte.  Pour l’Argentine, il était essentiel que tous les avis soient pris en compte, or le texte final ne tenait pas compte de cette diversité de positions, selon elle. 

Un texte néanmoins très soutenu en faveur de la santé sexuelle et procréative

Au contraire, l’Uruguay a estimé que, bien qu’imparfaite, la version finale du texte reflétait un équilibre appuyé par une majorité de délégations.  Il est vrai que beaucoup ont soutenu ce texte, comme l’Allemagne qui a promis de continuer à œuvrer pour protéger les droits à la santé sexuelle et procréative.  Au nom de l’Union européenne, la Pologne a exprimé les mêmes regrets et a, elle aussi, réaffirmé son attachement au droit à la santé, notamment à la santé sexuelle et procréative, et à la couverture sanitaire universelle.  Le Danemark a réitéré son engagement en faveur du droit de toute personne de prendre des décisions libres et éclairées sur son propre corps et son identité de genre, sans discrimination, stigmatisation, violence ou coercition.  Il a ajouté, de même que la Finlande, la Norvège et l’Espagne, qu’il continuera à défendre le droit à la santé sexuelle et procréative.

Pour expliquer l’importance d’inclure ces questions dans une résolution de la Commission, la Suède a rappelé que des millions de femmes et de filles meurent faute de services de santé maternelle, une injustice due à un accès inadéquat aux services de santé sexuelle et procréative.  Un autre argument a été avancé par le Portugal: l’accès universel à la santé sexuelle et procréative est essentiel pour autonomiser les femmes et les filles.  Même son de cloche du côté de la France qui a répété que les droits sexuels et procréatifs sont des conditions de l’égalité de genre et favorisent l’autonomisation des femmes et des filles. Pour le Royaume-Uni, il n’est pas normal que la santé sexuelle et procréative fasse débat au vu de son importance, notamment pour les femmes et filles et les populations vulnérables.

Le Mexique a appelé la communauté internationale à ne pas faire marche arrière, regrettant que certains aient renié et remis en cause des engagements pris il y a des années, après d’âpres négociations.  Déplorant lui aussi le manque de consensus, le Paraguay a appelé à ne pas oublier les situations spécifiques de chaque pays. Pour la Tunisie, cette question de la santé procréative ne doit pas être édulcorée ni politisée.  Un avis partagé par nombre de délégations telles que la République dominicaine, le Japon, l’Australie qui parlait au nom du CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), ou encore la Chine, qui ont toutes exprimé leur déception devant le manque de consensus. 

Le Chili a promis qu’il allait continuer à défendre le consensus tandis que la Colombie a demandé de réserver une place de choix aux groupes vulnérables et marginalisés.  L’Algérie a dit retenir tout de même de la session que les échanges furent riches d’enseignements, suivi par la République de Moldova qui a salué « une bonne session » et le Liban qui a apprécié ces travaux menés dans une ambiance conviviale.  Dubitative, la Gambie a demandé si la prochaine session serait différente.  Réaliste, le Bangladesh, comme le Costa Rica, a appelé les États à s’en tenir à leurs engagements précédents. 

Parmi les autres regrets exprimés, l’Afrique du Sud , a nom d’un groupe de 35 pays, a exprimé sa préoccupation quant au fait que des droits fondamentaux sont aujourd’hui foulés au pied.  « On ne peut permettre à quelques-uns d’hypothéquer nos aspirations communes et l’avenir de tant de personnes. »  Alors que le droit au développement, le développement durable et l’accès universel à la santé sexuelle et procréative sont remis en cause et que les crises creusent les inégalités, la coopération mondiale est indispensable, a-t-elle souligné.  Dans le même esprit, le Brésil a déploré que la sécurité alimentaire ou la lutte contre le racisme aient manqué dans le texte retiré, avant d’appeler les pays du Sud à se joindre à lui afin de continuer à promouvoir le multilatéralisme. Il faut œuvrer en faveur d’un consensus dans l’intérêt de nos populations, a conclu le Pérou.

Procédures et adoptions

La Commission a par ailleurs décidé (E/CN.9/2025/L.5) que la soixantième session, en 2027, aura pour thème spécial: « Population, élimination de la pauvreté et développement durable ».  Elle a également adopté l’ordre du jour provisoire de la cinquante-neuvième session de la Commission (E/CN.9/2025/L.2), avant d’adopter le rapport de la présente session (E/CN.9/2025/L.3) qui a été présenté par la rapporteuse, Mme Joselyne Kwishaka (Burundi).  Toutes ces décisions seront soumises à l’assentiment de l’ECOSOC.

En fin de séance, la Fédération de Russie s’est émue qu’un membre de sa délégation ait reçu son visa du pays hôte tardivement, au moment où les travaux étaient déjà entamés à New York.

Session 2026

Après la fin de la cinquante-huitième session, la Commission de la population a brièvement ouvert sa cinquante-neuvième session afin d’élire les membres du Bureau.  C’est ainsi qu’ont été élus M. Zéphyrin Maniratanga (Burundi), qui présidera cette prochaine session, et trois Vice-Présidents, à savoir M. Arb Kapisyzi (Albanie), Mme Sasha-Kay Kayann Watson (Jamaïque) et Mme Stéphanie Toschi (Luxembourg). L’élection du vice-président issu du Groupe des États d’Asie et du Pacifique a été reportée à une date ultérieure.

 

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