DE NOMBREUSES DELEGATIONS SOULIGNENT LES DIFFICULTES POUR ETABLIR DES REGLES COMMUNES A TOUS LES ACTES UNILATERAUX
Communiqué de presse AG/J/389 |
Sixième Commission
24ème séance – matin
DE NOMBREUSES DELEGATIONS SOULIGNENT LES DIFFICULTES POUR ETABLIR DES REGLES COMMUNES A TOUS LES ACTES UNILATERAUX
Poursuivant l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, les délégations ont insisté essentiellement sur les actes unilatéraux et la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international. La plupart des délégations ont souligné les difficultés que posent la définition des actes unilatéraux et l’élaboration de règles communes à tous ces actes.
Le représentant de la Chine a indiqué que sa délégation fait une distinction entre l’acte unilatéral de nature purement politique pris par un Etat et l’acte qui engage la responsabilité de l’Etat et produit des effets juridiques sur le plan international, comme l’indique l’arrêt de la Cour internationale de Justice sur les essais nucléaires. Ces actes unilatéraux, a précisé le représentant de la Chine, qui engagent les Etats constituent une source supplémentaire d’obligations internationales, tout comme celles qui découlent des traités internationaux et du droit coutumier. Toutefois, les actes unilatéraux sont distincts de la conclusion de traités et dans de nombreux cas, des facteurs autres que l’intention de l’Etat interviennent, comme notamment les circonstances, des facteurs historiques ou des mesures prises par d’autres, réagissant contre ces actes unilatéraux. C’est pourquoi, une question aussi complexe ne devrait pas faire l’objet dans l’immédiat d’un cadre normatif.
La délégation des Pays-Bas a, quant à elle, souhaité que la CDI parvienne à établir une définition large et non exhaustive des actes unilatéraux. Dans l’ensemble, les délégations ont reconnu les difficultés qui affecteront nécessairement les travaux futurs de la Commission du droit international en la matière. La majorité de ces délégations ont également reconnu que la tendance est de considérer qu’il n’est pas possible d’appliquer des règles communes à tous les actes unilatéraux. D’autres encore ont considéré la possibilité d’élaborer une disposition définissant un principe «acta sunt servanda», ce qui permettrait une avancée dans la codification des règles applicables aux actes unilatéraux.
S’agissant de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, une majorité de délégations, dont la Suède, ont appuyé l’idée d’élaborer un texte qui couvre aussi bien la prévention que la responsabilité. Sur la notion même de la responsabilité, le représentant suédois a mis l’accent sur le rôle de l’exploitant dans la prise en charge de la perte. L’exploitant,
ayant la maîtrise directe des activités, devrait être le responsable principal dans tout régime d’imputation des pertes, conformément au principe de «pollueur payeur». Appuyant cette position, le représentant du Brésil a toutefois précisé que la responsabilité de l’exploitant ne devrait aucunement atténuer la responsabilité qui pourrait incomber à l’Etat.
La Sixième Commission (Commission juridique) a entendu ce matin, le Rapporteur spécial pour la protection diplomatique, M. Christopher John Robert Dugard (Afrique du Sud). Il a souligné l’importance pour la Sixième Commission de faire part à la Commission du droit international (CDI) de la pratique suivie par les Etats en matière de protection diplomatique et de lui indiquer également si les dispositions adoptées par la CDI répondent aux attentes des Etats. Il a toutefois regretté le peu de commentaires formulés par les délégations des pays en développement sur cette question. Le Rapporteur spécial a souligné que si les petits Etats ne s’expriment pas, les travaux de la Commission du droit international seront essentiellement guidés par les considérations des pays industrialisés et notamment des pays européens.
Outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants se sont exprimés: Nouvelle-Zélande, Portugal, Autriche, Italie, Uruguay, Sierra Leone, Bélarus, Myanmar, Viet Nam, et Grèce.
La Sixième Commission se réunira de nouveau, demain mardi 5 novembre à 15 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-QUATRIÈME SESSION
Déclarations
Mme ELANA GEDDIS (Nouvelle-Zélande) s’est exprimée au sujet de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant des activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Elle s’est félicitée des travaux de la Commission du droit international au sujet de la responsabilité internationale des Etats en cas de perte causée par un dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses. Ceci est important essentiellement pour les cas où les mesures préventives restent sans résultat ou lorsque le risque n’a pas été identifié à temps. La responsabilité de l’Etat traite en principe des actes de l’Etat qui sont contraires au droit international. Cependant, les mesures obligatoires développées par la Commission ne peuvent pas éliminer entièrement le risque d’accident. Ainsi, si une perte est causée en dépit d’une mesure de prévention, il n’existe pas d’acte contradictoire sur lequel une réclamation peut être fondée. Or, il est important que la victime ne soit pas privée d’un accès à la justice.
En ce qui concerne le choix de «dommage significatif» comme seuil de déclenchement du régime de réparation de la perte, la représentante s’est interrogée sur la nécessité d’un seuil en relation avec le niveau de la perte. Il est également intéressant de se demander si ce seuil doit être différent pour l’indemnisation et pour la responsabilité. De l’avis de la délégation néo-zélandaise, ce seuil doit s’appliquer aux deux éléments. De plus, les questions de responsabilité et d’indemnisation doivent être reliées à la personne, à la propriété et à l’environnement. Pour conclure, Mme Geddis a considéré qu’il était préférable pour la CDI de ne pas s’attarder sur la question des activités très dangereuses à ce point, mais d’axer plutôt ses efforts à l’élaboration de principes généraux qui, par la suite, serviront à établir un cadre pour des régimes plus détaillés.
Mme ELIN MILLER (Suède), s’exprimant au nom des pays nordiques sur la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, a souhaité que la Commission du droit international élabore un document traitant aussi bien de la prévention que de la responsabilité. Plus particulièrement, les pays nordiques souhaitent que, dans ses travaux futurs, la Commission se consacre essentiellement aux problèmes de l’environnement. A ce sujet, Mme Miller a fait siennes les recommandations du Groupe de travail sur le principe général selon lequel la victime innocente ne devrait pas participer dans un différend entre Etats. Cependant, ce principe n’affecte pas le droit des individus à une indemnisation pour le préjudice subi. De plus, il faut noter que le dommage à l’environnement ne peut se matérialiser que bien après l’incident causant le dommage à l’environnement.
Pour ce qui est du rôle de l’exploitant dans la prise en charge de la perte, ce dernier ayant la maîtrise directe des activités, devrait être le responsable principal dans tout régime d’imputation des pertes. Ceci ne devrait aucunement atténuer la responsabilité qui pourrait incomber à l’Etat. Ce qui importe c’est d’assurer l’indemnisation pour la perte. L’Etat, a estimé Mme Miller, est quant à lui responsable pour les pertes causées par l’absence de mesures préventives. Par ailleurs, entre deux Etats dits «innocents», L’Etat responsable pour l’exploitant devrait subir la responsabilité. De manière générale, la notion de «pollueur payeur» pourrait être un exemple à suivre dans le cadre de la prise en charge de la perte.
Au sujet des activités très dangereuses, il est important de savoir qu’elles exigent de la part des Etats une très grande prudence en matière de prévention. Mme Miller a rappelé que la Commission du droit international devrait tenir compte, dans ses travaux futurs, des accords déjà existants à ce sujet. De plus, concernant le choix du «dommage significatif» comme seuil de déclenchement du régime d’attribution de la perte, il n’y a pas en principe, dans le concept de délit civil en droit interne et du droit d’indemnisation, de dommage significatif pour déclencher le régime de réparation. Par conséquent, il ne semble pas nécessaire d’envisager de telles dispositions dans le projet de texte.
Mme Miller a fait observer, en conclusion, que l’individu ou l’entité ayant subi un préjudice devrait, par principe, avoir accès à la justice devant les tribunaux internes pour intenter un procès contre les exploitants responsables. Cependant, cette question de juridiction relève du droit international privé qui prend en compte les éléments de domicile et du site de l’exploitant. Quant aux différends entre Etats, il serait préférable de les soumettre à l’arbitrage.
Mme MARGERIDA REI (Portugal), s’exprimant sur la protection diplomatique, a jugé appropriée la disposition visant à limiter la portée de la clause Calvo aux différends nés d’un contrat contenant la clause, sans exclure le droit de l’Etat d’exercer sa protection diplomatique. Par ailleurs, elle a estimé que la Commission du droit international devrait traiter de la question de la protection fonctionnelle que les organisations internationales assurent à leurs fonctionnaires et de l’hypothèse où un Etat ou une organisation internationale administre ou contrôle un territoire. Exprimant sa satisfaction pour l'adoption provisoire des articles 1 à 7 des projets d’articles, elle a regretté cependant qu’en ce qui concerne les réfugiés et les apatrides, le critère retenu soit celui de l’existence d’une résidence légale et habituelle: ce critère lui semble trop ambitieux et pourrait avoir pour effet de limiter la protection et d’exclure certaines personnes de celle- ci.
S’agissant des réserves aux traités, les questions du caractère manifestement illégal, de la compatibilité, de l’admission des réserves et de la clarification du rôle de l’organe de contrôle méritent toutes l’attention de la Commission, a estimé la représentante. A cet égard, il est nécessaire de parvenir à l’adoption d’un ensemble de règles complet et cohérent.
En ce qui concerne la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, le Portugal attache une importance particulière à la prévention des dommages tranfrontières découlant d’activités dangereuses pour lesquelles des règles claires doivent être établies, notamment dans le cas où la prévention de ce dommage n’a pas eu lieu ou a été inefficace. S’exprimant sur la fragmentation du droit international, Mme Rei a noté que les dernières années ont vu se multiplier les régimes juridiques différents et la création d’instances juridictionnelles ayant parfois des compétences concurrentes.
C’est pourquoi, on ne peut pas dire aujourd’hui qu’il existe un système de droit international homogène et, à cet égard, l’étude de la Commission du droit international a mis en évidence les sujets sur lesquels des divergences existent, notamment: la Charte des Nations Unies et les obligations découlant du droit international, les immunités et les droits de l’homme, le commerce et les droit de l’environnement. De l’avis de sa délégation, il serait donc souhaitable que la CDI adopte des directives à l’instar de ce qui a été fait pour les réserves aux traités.
M. HANS WINKLER (Autriche), soulignant l’importance que son pays attache à la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, a rappelé que le non-respect de ses obligations de prévention par un Etat peut entraîner la responsabilité de celui-ci et, ce, conformément aux règles de droit international. Par ailleurs, M. Winklera salué les travaux réalisés par le Groupe de travail et, à l’instar de celui-ci, a estimé qu’un dommage peut exister même en l’absence de la violation d’une obligation internationale, ce qui implique dans tous les cas une indemnisation. A cet égard, il convient de raisonner plus en termes d’obligation d’indemniser que de prise en charge des pertes. De façon générale, le représentant a émis des doutes sur le champ d’application retenu, car, a-t-il estimé, les activités concernées sont les mêmes que celles relevant de la prévention du dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses. Il s’est également étonné du fait que le rôle de l’Etat ait été abordé seulement sous l’angle de la distinction exploitant privé/Etat, ce qui relève selon lui d’une conception un peu conservatrice.
S’agissant de la question de la fragmentation du droit international, le représentant a suggéré que l’approche retenue par la Commission du droit international permette d’aider les Etats à résoudre les différents conflits liés à la multiplication des régimes juridiques. A ce sujet, l’organisation d’un séminaire sur la question semble approprié. En revanche, contrairement aux conclusions du Groupe de travail, M. Winkler a estimé que la question de la création d’institutions judiciaires internationales et de son impact sur la cohérence du droit international lui semble importante. Pour ce qui est de la responsabilité des organisations internationales, le représentant a préconisé de cantonner l’étude aux organisations intergouvernementales car il serait irréaliste de l’étendre aux organisations non gouvernementales (ONG).
De l’avis de sa délégation, la question de la responsabilité des Etats Membres à raison d’un comportement qui est attribué à une organisation internationale, constitue également une question importante qu’il convient d’analyser, même si la pratique n’est pas très importante. Enfin, M. Winkler a attiré l’attention de la Commission sur le fait que certains organes de droits de l’homme ont reconnu la responsabilité des Etats pour la violation de droits de l’homme commise par des organisations internationales dont ils sont membres, même si les actes peuvent être attribués aux organisations internationales en question. A cet égard, la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire Matthews en est une illustration. Enfin, le représentant a fait sienne la position selon laquelle l’absence de dispositions concernant le règlement des différends constitue une lacune qu’il serait souhaitable de combler dans un texte autonome.
M. ROBERTO LAVALLE-VALDES (Guatemala) a expliqué la position de sa délégation sur la question des actes unilatéraux. Notant que de nombreuses délégations ont exprimé le point de vue que la réglementation de ces actes est complexe et diffuse, ce qui rend la codification difficile sinon impossible. Cependant, il n’est guère besoin de réfléchir longtemps pour se rendre compte que, quand bien même ces préoccupations sont véritables, il n’est toutefois pas vrai que les actes unilatéraux ne peuvent pas être réglementés. Une réglementation partielle est toujours possible. De l’avis de M. Lavalle-Valdes, il faut établir des normes générales qui permettent de classer les actes unilatéraux afin de déterminer s’ils peuvent ou non être codifiés. Mais ces catégories sont très hétérogènes et il est difficile de savoir comment les transposer à d’autres domaines.
Le représentant a regretté par ailleurs que les débats de la Commission du droit international au sujet des actes unilatéraux aient été très théoriques. La Commission devrait se pencher davantage sur la pratique que sur la théorie. Sa délégation, tout en reconnaissant la complexité de cette question, souhaite que la Commission soit en mesure de parvenir à un consensus. Il subsiste des ambiguïtés, a fait remarquer M. Lavalle-Valdes, tout en notant que bien souvent, les Etats auteurs de ces actes unilatéraux veulent créer ces ambiguïtés.
M. UMBERTO LEANZA (Italie) a indiqué qu’en ce qui concerne les actes unilatéraux contraires à une norme impérative de droit international, il appartient à l’Etat auteur de l’acte d’invoquer la nullité de cet acte. Cependant, l’Etat à l’égard duquel l’acte produit des effets juridiques peut lui aussi invoquer cette nullité s’il considère que l’acte est en contradiction avec le jus cogens. Selon le représentant, cette question mérite d’être clarifiée et il convient de se référer à cette fin aux articles 51 à 53 de la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités. Pour ce qui est des travaux préparatoires en tant qu’instruments d’interprétation des actes unilatéraux, M. Leanza a estimé qu’il faut tenir dûment compte de ces travaux préparatoires pour identifier l’intention effective de l’auteur de l’acte unilatéral.
En ce qui concerne la responsabilité internationale pour les conséquences découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, M. Leanza a estimé que la répartition de la prise en charge des pertes devrait s’effectuer entre ceux qui ont autorisé les activités dangereuses et ceux qui les gèrent ou en tirent profit, y compris les entités privées. De l’avis de sa délégation, la responsabilité subsidiaire de l’Etat devrait être engagée pour les dommages transfrontières causés par des activités dangereuses.
Le représentant s’est ensuite exprimé sur la question de la responsabilité des organisations internationales qui, selon M. Leanza, peut aujourd’hui être mise en œuvre lors de la violation d’obligations internationales coutumières et conventionnelles. L’organisation internationale peut voir sa responsabilité engagée comme elle peut aussi être victime et mettre en œuvre la responsabilité d’un tiers, a fait observer le représentant. Selon lui, il est possible d’appliquer à l’organisation internationale, et cela semble être admis implicitement par la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités, les règles applicables à la responsabilité des Etats. Ainsi, le rapport fournit plusieurs exemples de responsabilité et notamment un avis consultatif de la Cour internationale de Justice de 1949, dans lequel il est clairement dit que les organisations internationales ont le droit de porter plainte pour les dommages subis par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions.
M. Leanza a précisé que la notion même de la responsabilité visée concerne la responsabilité pour fait illicite. Sont par conséquent ici en cause soit le comportement illicite de l’organisation internationale, soit la violation par celle-ci d’une de ses obligations. M. Leanza a par ailleurs indiqué que, conformément aux conventions internationales, il faut entendre par organisations internationales, les organisations intergouvernementales bénéficiant de la personnalité juridique. Cela exclut donc les organisations non gouvernementales. S’agissant du champ d’application de la question, M. Leanza a indiqué que si celle-ci comprend des points communs avec la responsabilité des Etats, elle doit cependant être distincte et il convient de traiter plus particulièrement de ses aspects spécifiques.
Ainsi, la question de l’attribution du fait illicite à l’organisation internationale mérite toute l’attention. De l’avis de sa délégation, les règles applicables aux Etats peuvent aussi s’appliquer aux organisations internationales. Cependant, des situations particulières peuvent exister, notamment lors d’opérations de maintien de la paix ou bien encore lorsqu’il y a délégation de pouvoirs de la part d’un Etat. A cet égard, la notion de responsabilité subsidiaire de l’Etat est particulièrement importante. Faisant référence aux travaux futurs de la CDI, M. Leanza a estimé que la Commission pourrait se pencher notamment sur la possibilité de mettre en œuvre des contre-mesures et sur les procédures de règlement des différends. Il a indiqué que la question de la fragmentation du droit international n’est pas un thème qui se prête à codification, en dépit du fait qu’elle manifeste indéniablement un signe de vitalité du droit international.
M. GUAN JIAN (Chine) a déclaré qu’en ce qui concerne les réserves aux traités, la fonction de dépositaire telle qu’elle est décrite dans les projets de directives devrait respecter la lettre et l’esprit des dispositions des Conventions de Vienne à ce sujet pour préserver la stabilité du régime du droit des traités. Ainsi, le dépositaire est habilité à examiner si une réserve est émise en bonne et due forme et non pas à vérifier sa validité. La vérification de sa validité est une prérogative des Etats. M. Guan Jian a noté que les projets de directives n’ont pas clairement défini l’organe de suivi ou de contrôle des réserves. Par conséquent, la délégation appuie la décision de la Commission du droit international de ne pas renvoyer cette disposition au Comité de rédaction.
Concernant les actes unilatéraux des Etats, la Chine est de l’avis que dans les relations internationales, il existe des actes unilatéraux d’un Etat de nature purement politique et des actes qui engagent la responsabilité de l’Etat et produisent des effets juridiques sur le plan international. La seconde catégorie devient une source additionnelle d’obligations internationales, parallèle aux traités internationaux et au droit coutumier. Pourtant les actes unilatéraux sont distincts de la conclusion d’un traité. Ce sujet est donc très complexe et ne semble pas favoriser la formulation de règles ou de régimes. Cependant, il est important de rassembler des renseignements sur la pratique des Etats à ce sujet et d’entamer parallèlement une étude pour la codification de certains actes unilatéraux dont les effets juridiques sont plus faciles à déterminer. M. Guan Jian a donné des exemples qui pourraient faire l’objet de cette étude: la protestation à l’encontre de la conduite d’un autre Etat assujetti au droit international; la reconnaissance d’un autre Etat ou d’une situation; la renonciation d’un droit; et la promesse d’un engagement.
Mme SUSANA RIVERO (Uruguay) a rappelé que la protection diplomatique ne doit pas être trop étendue et qu’en conséquence, il serait souhaitable que la Commission du droit international se limite à l’examen du lien de nationalité et de l’épuisement des recours de droit interne. La prise en considération de la responsabilité fonctionnelle retarderait ainsi les travaux de la Commission, a estimé la représentante, suggérant que la Commission devrait les examiner à une date ultérieure. Concernant la protection diplomatique, la représentante a rappelé que cette prérogative appartient aux Etats, et que l’inclusion dans les projets d’articles la clause Calvo qui permet à un individu de renoncer à bénéficier de la protection diplomatique, n’est pas fondée.
S’agissant de la responsabilité internationale pour les conséquences découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, l'Uruguay, en raison notamment de sa situation géographique, attache beaucoup d’importance à cette question. Mme Rivero a ainsi salué le fait que la Commission du droit international ait achevé l’étude de la prévention et examine maintenant la responsabilité elle-même. Sa délégation ne peut juger de cette question sur le fond dans la mesure où elle ne dispose pas actuellement de tous les éléments; toutefois, elle souhaite avoir connaissance des mesures qui vont être prises à court terme. En ce qui concerne le seuil de mise en application du régime d’imputation des pertes, il convient d’envisager un seuil minimum car, a déclaré la représentante, il n’y a pas de raison que l’Etat lésé soit obligé d’assumer les conséquences de la pollution transfrontière.
M. CARL PEERSMAN (Pays-Bas) a déclaré, au sujet des actes unilatéraux, qu’il existe deux problèmes fondamentaux. Le premier concerne la définition des actes unilatéraux. Tout comme le Rapporteur spécial l’a expliqué dans le rapport de la Commission du droit international, il est préférable de donner une définition large et non exhaustive des actes unilatéraux. Il faut également préciser que l’intention d’un Etat de produire un effet juridique par voie de déclaration unilatérale, ne suffit pas forcément à produire cet effet en droit international. Il s’agit ensuite de savoir s’il est possible d’appliquer des règles communes à tous les actes unilatéraux. La délégation néerlandaise appuie cette idée. Le Rapporteur spécial estime quant à lui que la tendance est de considérer qu’il n’est pas possible d’appliquer des règles communes à tous les actes unilatéraux. La grande diversité des actes unilatéraux fait qu’il est difficile de les codifier et c’est pourquoi, il est nécessaire de les traiter séparément.
Le représentant a fait sienne la recommandation du Rapporteur spécial concernant l’autorité habilité à prendre des actes unilatéraux. Toute personne qui, par ses hautes fonctions, représente un Etat aux yeux des pays tiers, peut être considérée comme pouvant engager cette responsabilité. Traitant de la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, M. Peersman a déclaré que le problème de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses, se pose même lorsque l’Etat prend des mesures préventives. Or, il y a des lacunes en droit international sur cette question et, par conséquent, ces lacunes doivent être comblées pour que les personnes lésées puissent obtenir réparation pour le préjudice subi. Enfin, faisant référence au «dommage significatif» pour déterminer le point de départ du régime de réparation de la perte, la délégation néerlandaise estime que ce seuil doit être le même pour la prévention et la responsabilité.
M. ALLIEU I. KANU (Sierra Leone), confirmant le point de vue exprimé par l’Afrique du Sud, a déclaré que le peu de temps et les faibles ressources dont disposait sa délégation pour examiner le rapport de la Commission du droit international, ne lui permettaient pas de commenter tous les thèmes à l’ordre du jour. Il a insisté particulièrement sur la question de la protection diplomatique. Notant que la CDI a reconnu que le lien de nationalité pouvait établir le droit à la protection diplomatique. Celle-ci doit cependant être exercée par des moyens pacifiques de règlement. Ce dernier élément est crucial pour un petit pays en développement qui a commis un acte illicite contre le ressortissant d’un pays plus fort.
Passant rapidement en revue les questions des réserves aux traités et des actes unilatéraux des Etats, le délégué a reconnu que la possibilité d’émettre une réserve à un traité par courrier électronique ou par télécopie, suivie d’une confirmation par écrit reflète la pratique habituelle. Son pays fera de son mieux, dans la limite de ses ressources, pour répondre au questionnaire du 31 août 2002 invitant les Etats à fournir des renseignements sur leur pratique à ce sujet, a-t-il indiqué.
M. ANDREI POPKOV (Bélarus) a rappelé que la protection diplomatique est aujourd’hui régie par le droit coutumier et a déclaré que les travaux de la Commission du droit international permettront par conséquent de combler une lacune importante du droit international. Le représentant s’est rallié à la position de la Commission selon laquelle l’Etat n’est pas tenu d’exercer la protection diplomatique: c’est un pouvoir discrétionnaire. Selon M. Popkov, la personne qui souhaite bénéficier de la protection diplomatique doit avoir la citoyenneté et des liens juridiques solides avec l’Etat qui est appelé à l’exercer. S’agissant des réfugiés et des apatrides, les dispositions des projets d’articles élaborés par la CDI sont justifiées car elles permettent de protéger les personnes vulnérables ayant perdu tout lien avec leur Etat d’origine.
Cependant, la protection diplomatique de l’équipage d’un navire ayant la nationalité d’un Etat tiers ne relève pas des normes coutumières de protection diplomatique, a estimé le représentant. En revanche, il est possible de reconnaître la protection diplomatique de l’Etat de nationalité des actionnaires d’une société qui est constituée et a son siège social à l’étranger. De l’avis de la délégation du Bélarus, la règle de l’épuisement des recours de droit interne est une règle de droit coutumier essentielle pour la protection diplomatique et les exceptions à celle-ci doivent être limitées, notamment au cas où l’Etat responsable renonce à exercer les recours internes. S’agissant de la responsabilité internationale pour les conséquences découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, le représentant a estimé que la responsabilité incombe principalement à l’exploitant. La responsabilité subsidiaire de l’Etat peut être mise en œuvre si l’exploitant est défaillant, a t-il ajouté.
S’exprimant ensuite sur la responsabilité des organisations internationales, le représentant a indiqué qu’elle doit se limiter aux organisations intergouvernementales et viser la responsabilité matérielle. Pour ce qui est des réserves, M. Popkov s’est déclaré convaincu que l’élaboration d’un guide permettra de combler les lacunes actuelles, relevant cependant que la définition de réserves retenue par le projet de texte reste assez vague. Sa délégation estime qu’il ne faut pas sortir du cadre des Conventions de Vienne sur le droit des traités et admettre des réserves tardives. Par ailleurs, la communication de réserves peut s’effectuer par télécopie, mais elle doit être confirmée par écrit. La constatation de l’illicéité d’une réserve par l’organe de contrôle ne signifie pas retrait de la réserve. Cette constatation ne peut être faite que par l’auteur de la réserve.
Abordant en outre la question des actes unilatéraux, le représentant a noté que les travaux sur ce thème progressent lentement et font l’objet de divergences. La codification passe par la prise en compte des seuls actes juridiques même si c’est l’acte politique qui prévaut: la Commission du droit international doit donc faire la distinction entre les deux, a suggéré M. Popkov. Les actes unilatéraux peuvent constituer une source du droit international; c’est pourquoi, ils doivent être appliqués de bonne foi. En revanche, la question de la fragmentation du droit international marque une tendance actuelle du droit. A cet égard, le représentant a préconisé que la Commission prenne en compte les différentes pratiques des Etats ainsi que la jurisprudence de la Cour internationale de Justice.
M. WUNNA MAUNG LWIN (Myanmar), reconnaissant l’importance de la question de la protection diplomatique, a salué l’adoption provisoire des sept projets d’articles car ceux-ci reflètent, selon lui, le droit coutumier international tout en intégrant les éléments nouveaux. La conception du lien de nationalité retenue comme condition de la protection diplomatique est conforme au droit international coutumier et évite les abus. Des exceptions peuvent être envisagées cependant, a estimé le représentant. Il a observé que la question de savoir si la règle de l’épuisement des recours de droit interne constitue une règle de forme ou de fond a été largement controversée lors des débats. C’est pourquoi, il convient de procéder avec prudence en ce qui concerne la définition de la règle et de ses exceptions. Si la portée de celle-ci était étendue exagérément, cela pourrait aboutir à l’engorgement du tribunal local dont relève l’individu.
Pour ce qui est de la responsabilité des organisations internationales, le Myanmar, constatant l’intervention de plus en plus importante des organisations intergouvernementales, considère que cette question doit être traitée prioritairement par la Commission du droit international. A cet égard, le représentant a indiqué que les articles relatifs à la responsabilité des Etats pourraient guider la Commission à clarifier ce concept. Enfin, M. Wunna Maung Lwin a réaffirmé l’engagement de son pays dans l’élaboration et la codification du droit international.
M. SIDNEY LEON ROMEIRO (Brésil) s’est déclaré convaincu de la nécessité de recenser des règles communes pour les actes unilatéraux pour permettre la stabilité et la prévisibilité des relations entre Etats. De plus, en ce qui concerne la définition des actes unilatéraux, la délégation préfère une définition bien précise, avec une liste détaillée des actes unilatéraux considérant que des règles spécifiques devraient être adoptées à l’égard des effets juridiques.
Pour ce qui est de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, M. Romeiro s’est dit satisfait de l’examen de la notion de responsabilité. Il a estimé nécessaire d’élaborer des règles spécifiques concernant la responsabilité et la réparation. Les textes législatifs des Etats, a-t-il fait remarquer, ne suffisent pas à orienter les travaux de façon précise. De l’avis de sa délégation, il incombe en premier lieu à l’exploitant qui contrôle l’exploitation de prendre en charge la perte, conformément au principe de «pollueur payeur».
M. NGUYEN DUY CHIEN (Viet Nam) a indiqué qu’en ce qui concerne les réserves, il convient de se référer au régime actuel prévu par les Conventions de Vienne de 1969, 1978 et 1986 relatives au droit des traités. L’objectif des directives proposées par la Commission du droit international devrait être, selon le représentant, de clarifier la question de la forme des réserves et celle du retrait. Ces deux procédures doivent, dans tous les cas, être réalisées par écrit. En ce qui concerne l’autorité habilitée à formuler et à retirer la réserve, le représentant a estimé que le simple renvoi aux Conventions de Vienne n’est pas suffisant.
S’agissant du rôle du dépositaire, notamment pour déterminer le caractère manifestement illicite des réserves, il est impératif que le dépositaire agisse de manière impartiale: il ne fait que recevoir et déposer les réserves et cela, conformément aux Conventions de Vienne, a t-il ajouté. L’Etat auteur des réserves jugées illicites doit prendre les mesures nécessaires pour les rectifier, mais il ne doit pas être contraint de le faire parce qu’un organe a constaté l’illicéité de sa réserve. La délégation du Viet Nam souligne que les parties concernées doivent faire preuve de coopération pour faire face aux problèmes liés à la responsabilité internationale pour les conséquences découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international. L’Etat responsable doit donc informer l’Etat lésé de toutes les conséquences que l’activité dangereuse implique. Cette coopération doit se fonder sur le respect mutuel, a conclu le représentant.
Mme FANI DASCALOPOULOU LIVADA (Grèce) a indiqué que la protection diplomatique est au cœur du droit international et mérite d’être codifiée. En ce qui concerne la question de savoir s’il faut ou non accorder la protection diplomatique à l’équipage d’un navire de la nationalité d’un Etat tiers, Mme Dascalopoulou Livada a estimé que cette possibilité pouvait être envisagée: l’arrêt Saiga, rendu par le Tribunal international du droit de la mer, a déjà en effet posé les fondements d’une telle protection. En revanche, la protection diplomatique des actionnaires, examinée au regard de la jurisprudence «Barcelona Traction» ne semble pas opportune.
De même, la protection fonctionnelle des organisations et le fait de savoir si l’Etat devrait exercer la protection diplomatique pour les habitants des territoires qu’il contrôle, sont autant de questions qui ne relèvent pas de la protection diplomatique, a estimé la représentante. S’agissant de la règle de l’épuisement des recours internes, le fait qu’elle soit une règle de forme ou de fond n’est pas essentiel, de même que la question du déni de justice. En revanche, en ce qui concerne les exceptions à la règle de l’épuisement des recours, les dispositions du projet de texte sur la renonciation de l’Etat défendeur pose problème, notamment en raison du manque de précision de l’estoppel. Mme Dascalopoulou Livada s’est interrogée aussi sur la nécessité de maintenir le lien volontaire.
Elle a considéré que la clause Calvo est une règle d’exception, suggérant de remanier le projet d’article 16 qui y fait référence. Évoquant les projets d’articles 1 à 7, la représentante a fait remarquer que la disposition qui permet à un Etat d’accorder sa protection diplomatique à une personne qui n’a pas sa nationalité au moment du préjudice crée une exception qu’il est nécessaire de préciser. L’article relatif à la multiple nationalité et à la réclamation à l’encontre d’un pays de la nationalité aurait dû être inclus dans l’article relatif à la multiple nationalité et à la réclamation à l’encontre d’un Etat tiers.
S’exprimant ensuite sur les actes unilatéraux, Mme Dascalopoulou Livada a déclaré que c’est un domaine vaste et complexe, précisant toutefois que ces actes constituent une source du droit international. C’est pourquoi, il faudrait élaborer des méthodes de travail afin d’identifier, entre autres, les points communs et les différences existant entre les différents actes. De l’avis de sa délégation, la règle commune qui sera adoptée ne doit pas être trop détaillée, et il est préférable, dans un premier temps, d’élaborer un texte avec un minimum de règles, le reste pouvant être étudié par la suite.
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