AG/J/388

LES DELEGATIONS DEMEURENT DIVISEES SUR LE REGIME DES RESERVES AUX TRAITES

01/11/2002
Communiqué de presse
AG/J/388


Sixième Commission

23ème séance – matin


LES DELEGATIONS DEMEURENT DIVISEES SUR LE REGIME DES RESERVES AUX TRAITES


Certaines sont convaincues que la fragmentation

du droit international est un défi pour son évolution


Poursuivant ce matin l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa dernière session, les délégations ont de nouveau insisté sur la question des réserves aux traités.  Elles ont notamment exprimé leurs divergences quant au rôle du dépositaire des réserves.  Le représentant des Etats-Unis s’est opposé à ce que le concept de neutralité du dépositaire posé par les Conventions de Vienne sur le droit des traités soit altéré par l’octroi au dépositaire du droit de juger de l’illicéité des réserves.  Si la délégation de l’Australie estime que le rôle du dépositaire doit être limité à communiquer les réserves aux parties, celle de l’Italie considère, quant à elle, que les projets de directives n’entendent pas modifier le régime des réserves prévu par les Conventions de Vienne mais visent au contraire à éviter toute divergence d’interprétation.


La question du délai au cours duquel les parties peuvent présenter des objections aux réserves a également été évoquée.  D’aucuns préconisant l’application de la théorie de la réception plutôt que celle de l’émission en ce qui concerne le point de départ du délai.  S’agissant de la distinction entre les déclarations interprétatives conditionnelles et les réserves a aussi retenu l’attention des délégations.  Ainsi, de l’avis du représentant du Royaume-Uni, il n’est pas nécessaire de distinguer les déclarations interprétatives conditionnelles des réserves, car une telle distinction aurait des conséquences juridiques graves.  Pour la délégation du Guatemala, la distinction entre réserves et déclarations interprétatives ne peut s’appliquer qu’aux directives interprétatives conditionnelles.


La Sixième Commission a par ailleurs entendu M. Robert Rosenstock (Etats-Unis), Président de la Commission du droit international, lequel a présenté la troisième et dernière partie du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-quatrième session.


Dans ce cadre, certaines délégations ont soutenu que la fragmentation du droit international – un des nouveaux thèmes examinés par la Commission du droit international - contribue à sa vitalité et montre sa capacité à s’adapter aux nouvelles problématiques juridiques.  A cet égard, soulignant la nécessité de maintenir la cohésion du droit international, la délégation de la Finlande, qui s’exprimait au nom des pays nordiques, a rappelé le rôle de la Commission du droit international et préconisé que celle-ci adopte une approche plus «exploratoire» que codificatrice.  Même si, a reconnu le représentant, la codification est parfois utile lorsqu’il y a conflit d’interprétation de deux normes.  Il convient dans ce cas d’adopter une approche pragmatique, a souhaité pour sa part le représentant du Royaume-Uni.


Sont intervenus lors de ce débat, outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants: République islamique d’Iran, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Roumanie, Fédération de Russie, et Mexique.


La Sixième Commission reprendra ses travaux, lundi 4 novembre à 10 heures.


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-QUATRIÈME SESSION


Déclarations


M. UMBERO LEANZA (Italie) a indiqué que les projets de directives en matière de réserves n’entendent pas modifier le régime des réserves prévu par les Conventions de Vienne sur le droit des traités mais visent à éviter toute divergence d’interprétation.  En ce qui concerne le rôle du dépositaire quant à l’examen de la forme des réserves, M. Leanzaa précisé que le dépositaire est amené à jouer un rôle important sans que cela implique qu’il procède à une évaluation de la licéité de la clause.  Il joue en effet un rôle actif mais pas déterminant sur ce point.  Selon le représentant, le projet de directive élargit cependant la conception retenue par les Conventions de Vienne, lesquelles prévoient une intervention purement formelle du dépositaire.  De l’avis de sa délégation, le système résultant des Conventions de Vienne n’exclut pas cependant que le dépositaire soit amené à se prononcer sur la légalité même des réserves. 


Par ailleurs, la possibilité pour le dépositaire d’attirer l’attention de l’auteur de la réserve sur le caractère manifestement illicite de celle-ci, ne devrait pas se limiter à l’examen de la forme mais viser également le but et l’objet de la réserve.  En outre, a estimé M. Leanza, le dépositaire est tenu de communiquer aux parties le texte en cause et pourrait donc, à cette occasion, annexer l’échange de points de vues sur la réserve afin d’éclairer leur jugement.  Le dépositaire ne se substitue pas pour autant aux parties, a rappelé le représentant.  L’organe de contrôle a aussi un rôle à jouer en ce qui concerne l’appréciation des réserves mais celui-ci est pour l’instant mal défini, a regretté le représentant, tout en soulignant que les réserves ne doivent pas être trop générales.


S’agissant du retrait partiel des réserves, celui-ci constitue une modification de la réserve, cela permet donc aux parties, si elles le désirent, de formuler des objections, a estimé le représentant.  Enfin, en ce qui concerne justement le délai au cours duquel les parties peuvent présenter des objections, M. Leanza a indiqué que ce délai commence à courir à partir de la réception de la notification de la réserve par l’Etat ou l’organisation internationale.  A cet égard, il lui semble acceptable d’admettre la communication d’une réserve par courrier électronique ou par télécopie, à condition qu’elle soit confirmée par écrit.  Le représentant a précisé que c’est également la date de la réception et de non de l’émission de la réserve qui doit alors être prise en compte.


M. ALIREZA KAZEMI (République islamique d’Iran) a exprimé son appui à l’égard de l’approche générale adoptée par la Commission du droit international (CDI) reconnaissant les Conventions de Vienne sur le droit des traités comme un régime général pour les réserves.  Par conséquent, M. Kazemi soutient la décision de la CDI de ne pas entreprendre une révision majeure des Conventions et de se limiter à apporter plus de clarté sur les questions complexes que pose l’élaboration des projets de directives.  Cependant, deux points exigent une réflexion plus approfondie.


Le premier concerne la procédure à suivre pour les réserves illicites, a indiqué le représentant, estimant que la question de la compatibilité d’une réserve à un traité relève des prérogatives de l’Etat.  Ce droit ne peut être délégué au dépositaire.  Par conséquent, M. Kazemi a souhaité que le projet de directive pertinent soit supprimé et que la Commission étudie de manière plus approfondie la question.  Le second concerne le choix d’un organe de contrôle qui déciderait de l’illicéité d’une réserve.  Ceci, sous le régime instauré par les Conventions de Vienne, relève des prérogatives de l’Etat.  Il est vrai qu’il existe à présent une nouvelle tendance à déléguer exceptionnellement cette prérogative à un organe de contrôle.  Cependant, M. Kazemi a constaté qu’il s’agit bien là d’une exception qui ne devrait pas être prise en compte dans le projet de directive se rapportant à cette question, car après tout, le but est d’harmoniser le projet aux Conventions sur les traités.


M. JOHAN G. LAMMERS (Pays-Bas), commentant les projets de directives tels que proposés par le Rapporteur spécial, M. Alain Pellet, a déclaré que l’article intitulé «Formulation d’une réserve au plan international» ne devrait pas être inclus dans le futur guide.  Il semble que les projets de directives donnent autorité au dépositaire de formuler une réserve.  Or, ceci est une déviation des Conventions de Vienne sur le droit des traités, qui donnent clairement à l’Etat l’autorité de formuler une réserve.  Le rôle du dépositaire est de vérifier si la réserve est émise par une autorité compétente.  Il n’appartient pas au dépositaire, a expliqué M. Lammers, d’interpréter la nature de la réserve.


Par ailleurs, une réserve doit être communiquée.  De l’avis de M. Lammers, les projets de directives sont incomplets car ils omettent de mentionner l’obligation de cette communication.  Il serait peut-être préférable de combiner certains articles afin de décrire avec plus de clarté l’obligation de communication dont la responsabilité première appartient au dépositaire, a-t-il déclaré.  Quant à la date effective de la réception de la réserve, la délégation note que le texte proposé établit un système flexible basé sur la date à laquelle la réserve est reçue par l’Etat ou l’organisation internationale concernée.  Cependant, il serait intéressant de poser la question de savoir si ce système n’est pas en fait trop souple ou incertain.


M. ROBERTO LAVALLE-VALDES (Guatemala) a salué l’élaboration d’un guide de la pratique sur les réserves aux traités.  Abordant la question des déclarations conditionnelles et des déclarations interprétatives simples, il a estimé que ces dernières ne produisent que de façon exceptionnelle des effets juridiques.  Il serait donc préférable que les projets de directives fassent la distinction entre ces deux catégories.  La déclaration interprétative simple n’est pas mentionnée explicitement et il serait utile de se passer des déclarations interprétatives simples, mais ce n’est pas ce qui a été retenu, a regretté le représentant.  Il serait donc souhaitable de faire certains amendements au projet d’article 1.2 relatif à la définition des déclarations interprétatives et au projet de l’article 1.2.1, visant les déclarations interprétatives conditionnelles afin de les fusionner dans un même texte.  Certains projets d’articles s’appliquent aux deux catégories et ce n’est pas toujours opportun, a fait remarquer le représentant qui estime que le projet de directive 1.3 sur la distinction entre réserves et déclarations interprétatives ne peut s’appliquer qu’aux directives interprétatives conditionnelles et le projet d’article 1.3.1, sur la méthode de mise en oeuvre de la distinction entre réserves et déclarations interprétatives ne peut s’appliquer qu’aux directives interprétatives conditionnelles.


Les projets de directives 1.3.2 et 1.7.2, relatifs respectivement au libellé et à la désignation, et aux alternatives aux déclarations interprétatives, doivent quant à eux viser les deux formes de déclarations.  M. Lavalle-Valdes a ajouté que le projet de directive 1.5.3, concernant l’effet juridique de l’acceptation de la déclaration interprétative d’un traité bilatéral par une autre partie, doit s’appliquer aux déclarations interprétatives et ces dernières doivent être faites par écrit.  Sur le projet de directive 2.4.1, traitant de la formulation des déclarations interprétatives, le représentant a estimé qu’il n’est pas nécessaire de préciser les personnes habilitées à formuler des réserves.  La directive interprétative simple n’exige pas de confirmation, a t-il ajouté.


Enfin, de l’avis de sa délégation, la procédure en cas de réserves manifestement illicites pourrait être appliquée aux déclarations interprétatives conditionnelles.  Par ailleurs, M. Lavalle-Valdes s’est interrogé sur le fait de savoir si, pour une déclaration interprétative simple, un Etat qui devient partie à un traité multilatéral indique que c’est finalement une déclaration conditionnelle, l’interprétation de celle-ci pourra-t-elle être considérée comme une réserve?  A cet égard, le représentant a rappelé que l’interprétation des traités relève des seules parties.


Mme REBECCA JONASSEN (Nouvelle-Zélande) a déclaré que les déclarations interprétatives conditionnelles pouvaient poser certains problèmes dans la pratique.  En effet, elles peuvent, dans leur application, créer un effet similaire aux réserves.  Mme Jonassen a noté que ce problème a également été relevé par la Commission du droit international.  Pour ce qui est des réserves illicites, Mme Jonassen a précisé que certains ministères des affaires étrangères, particulièrement ceux de petite taille, n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour vérifier le caractère illicite de chaque réserve qui leur est communiquée.  Par conséquent, il serait utile que le dépositaire communique une note se référant au caractère illicite d’une réserve pour attirer l’attention de l’Etat.


De plus, la délégation est heureuse de constater qu’une étude plus approfondie des organes de suivi est envisagée par la Commission.  Cependant, il serait intéressant de se demander si ce sujet ne relève pas plutôt du projet de directive traitant de l’illicéité d’une réserve plutôt que d’une directive traitant de son retrait.  Se prononçant sur la possibilité d’émettre une réserve à un traité par courrier électronique ou par télécopie, suivie d’une confirmation par écrit, Mme Jonassen a déclaré que cette pratique, bien qu’étant une pratique moderne, ne reflète pas nécessairement une pratique habituelle.  Par ailleurs, ce moyen de communication soulève des problèmes d’authentification et de vérification.


M. RICHARD WOOD (Royaume-Uni) a rappelé qu’en ce qui concerne la protection diplomatique, la question du lien de nationalité et celle de l’épuisement des recours de droit interne constituent des points essentiels.  Des divergences subsistent cependant, a-t-il noté, tout en émettant des doutes sur la pertinence de la protection diplomatique des réfugiés et des apatrides.  En ce qui concerne la protection des équipages de navires, le Tribunal international du droit de la mer, appliquant en la matière la Convention sur le droit de la mer, a considéré que le navire était une entité unique et que peu importait la nationalité de l’équipage.  Même si la réclamation est faite en application de la Convention précitée, il s’agit d’une loi spéciale, a estimé le représentant, qui a préconisé que les projets d’articles contiennent des dispositions similaires à celles figurant dans l’article 55 du projet de texte sur la responsabilité des Etats.


S’agissant des réserves aux traités, M. Wood a appelé de ses vœux que la Commission du droit international (CDI) achève ses travaux sur la question des réserves manifestement illicites.  Le Royaume-Uni ne peut soutenir la proposition du Rapporteur spécial selon laquelle la constatation par un organe de contrôle de l’illicéité d’une réserve ne constitue pas en soi le retrait d’une réserve mais devrait cependant avoir des conséquences juridiques.  De l’avis de sa délégation, les conclusions de l’organe de contrôle relatives à ces conséquences ne sont pas déterminantes.  Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de distinguer les déclarations interprétatives conditionnelles des réserves, une telle distinction serait en effet dangereuse.  Le représentant a estimé qu’en ce qui concerne le rôle du dépositaire sur les réserves manifestement illicites, il convient de clarifier «l’expression manifestement illicite», et il n’est pas certain que le dépositaire soit ici plus fondé à intervenir que les Etats parties.


De façon générale, il est souhaitable que la Commission réexamine les commentaires des projets de directives afin qu’ils soient plus brefs et donc plus compréhensibles.  Faisant référence aux nouveaux thèmes traités par la Commission, M. Wood a insisté sur la question de la responsabilité des organisations internationales, jugeant que ce sujet doit être limité aux organisations intergouvernementales et qu’il convient d’élaborer à cette fin un régime distinct.  En outre, la CDI ne doit pas aborder la question de la fragmentation du droit international sous un angle négatif, a déclaré le représentant, car cela risque de faire croire que la diversité n’est pas positive.  A cette fin, il ne faudrait pas que la CDI, à l’instar de certaines institutions, ait une vue trop académique de la question mais adopte au contraire une approche pragmatique.


M. BOGDAN AURESCU (Roumanie), intervenant sur la question de la protection diplomatique, s’est félicité du fait que l’existence d’un lien effectif ne soit plus exigée et du fait que pour la mise en oeuvre de cette protection à l’égard des réfugiés et apatrides, le critère retenu soit celui de leur résidence habituelle et légale.  Pour ce qui est de la protection fonctionnelle des organisations internationales, le représentant a indiqué qu’elle incombe à l’organisation alors que la protection diplomatique relève du pouvoir discrétionnaire de l’Etat.  En outre, le représentant a fait sienne l’idée d’exclure du champ d’application la protection des personnels diplomatique et consulaire.  S’agissant de la protection diplomatique des équipages d’un navire, il a précisé qu’elle relève d’une loi spéciale et qu’il n’est donc pas nécessaire d’étendre la portée de la protection diplomatique à cette hypothèse.  De même, la protection diplomatique des actionnaires doit être envisagée lors de l’examen de la responsabilité des personnes morales.  L’intégration de la clause Calvo dans le projet de texte n’est pas utile, a fait remarquer le représentant.


Abordant la question des réserves aux traités, le représentant a salué les travaux de la Commission du droit international sur l’élaboration d’un guide pratique.  Il a indiqué que sa délégation appuie le nouveau projet de directive 2.5.9 sur la date à laquelle le retrait de la réserve prend effet.  Concernant les réserves manifestement illicites, de l’avis de M. Aurescu, les dispositions sur le rôle du dépositaire doivent être développées et comprendre à la fois l’examen du but et de l’objet de la réserve.  Si la réserve est manifestement illicite, le dépositaire doit en informer préalablement l’Etat auteur de celle-ci puis si l’auteur de la réserve ne procède pas à son retrait, le dépositaire doit

transmettre aux parties contractantes toutes les informations nécessaires afin qu’elles évaluent en connaissance de cause l’illicéité.  Par ailleurs, les conclusions d’un organe de contrôle sur le caractère manifestement illicite d’une réserve n’impliquent pas le retrait de cette réserve.  Le retrait ne peut être effectué que par un Etat souverain et ne doit pas contraindre non plus l’Etat à retirer sa réserve.  En conclusion, M. Aurescu a rappelé que les Conventions de Vienne ont conféré ce rôle aux seuls Etats parties, il serait inacceptable d’admettre ici que cela appartient aussi aux organes de contrôle.


M. ERIC ROSAND (Etats-Unis) a rappelé que les traités constituent aujourd’hui une des premières sources du droit international.  Il s’est donc félicité que la Commission du droit international continue à élaborer son guide sur les réserves aux traités et a souhaité à cet égard qu’elle aboutisse rapidement dans ses travaux.  Les Etats-Unis ne peuvent accorder leur soutien au projet de directive proposé par le Rapporteur spécial qui altère le concept de neutralité du dépositaire posé par la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Ainsi, le projet de directive donne au dépositaire le droit d’évaluer si les réserves présentent une incompatibilité avec un traité.  La délégation des Etats-Unis continue de croire que les réserves aux traités reçues par le dépositaire doivent circuler entre les parties pour que celles-ci puissent exercer l’action qu’elles jugent nécessaire.  Si une partie estime que la réserve est incompatible avec le sujet ou le but d’un traité, alors une action spécifique sur le fondement de la Convention de Vienne pourra être engagée.  Sur la question de la réception des réserves par courrier électronique, M. Rosand a indiqué que ce procédé n’est pas utilisé par son pays.


Par ailleurs, le représentant a salué les progrès accomplis par la CDI en ce qui concerne la protection diplomatique.  Les Etats-Unis examinent actuellement les projets d'articles et commentaires ayant été provisoirement adoptés par la Commission et accorde une attention particulière à la question de la protection par l'Etat de pavillon d’un navire aux membres de l’équipage ayant la nationalité d’un autre Etat.  En ce qui concerne la protection diplomatique des actionnaires et des personnes morales, M. Rosand a déclaré que le droit coutumier international reconnaît à l’Etat un pouvoir discrétionnaire quant à l’exercice de la protection diplomatique pour une société constituée ou ayant son siège social dans un autre Etat, le droit ne tient pas compte de la nationalité des actionnaires.  En ce qui les concerne, les Etats-Unis prennent en considération la nationalité des actionnaires pour décider de manière discrétionnaire de l’octroi de la protection à une société.  De l’avis de sa délégation, un Etat doit pouvoir exercer la protection diplomatique au nom des actionnaires ayant sa nationalité dans certaines circonstances et notamment en cas de pertes de profits dans une société constituée ou ayant son siège social à l’étranger.


S’exprimant sur la règle de la continuité de la nationalité, M. Rosand a estimé que cette question est déjà réglée par le droit coutumier international.  Selon lui, la date de réclamation comprend le laps de temps qui s’écoule entre le moment de la présentation de la plainte et la résolution de celle-ci.  C’est pourquoi, son pays ne peut accorder son soutien à l’actuel projet d’article 4.  En outre, il a rappelé que lors des débats qui se sont tenus devant la Sixième Commission sur ce sujet, il a été clairement dit que le lien de nationalité doit exister du début jusqu’à la fin de la réclamation internationale.  Cette règle a de plus été confirmée par la pratique juridictionnelle des Etats et constitue une

règle de droit coutumier international.  M. Rosand a donc appelé de ses vœux la révision du projet d’articles.  Il s’est ensuite exprimé sur les actes unilatéraux et a rappelé les doutes de son pays quant à l’utilité de cette notion.  S’agissant de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, le représentant a indiqué que ce thème doit être traité au regard des particularismes notamment régionaux.  Enfin, s’agissant des ressources naturelles partagées, il s’est montré sceptique quant au programme de travail de la Commission, regrettant notamment que la question des ressources transfrontières ne soit pas traitée.  Sur ce point, il a souhaité que la question des cours d’eau transfrontières, question essentielle pour les Etats, soit prise en compte par la Commission.


M. ROMAN A. KOLODKIN (Fédération de Russie) a souligné que son pays attache une importance particulière à la protection diplomatique.  Concernant la protection accordée par l’Etat de pavillon d’un navire aux membres de l’équipage ayant la nationalité d’un autre Etat, M. Kolodkin a déclaré que cela constitue une règle spéciale - lex specialis - et qu’elle ne devrait pas être traitée dans les projets de directives.  Ceci est important car figurent également dans ce cadre les problèmes liés aux pavillons de complaisance.  En effet, les Etats des pavillons de complaisance n’exercent pas souvent, sinon jamais, leur protection diplomatique et donc le sujet ne devrait pas être traité ici.  Deux autres questions estimées hors sujet par le représentant concernent la protection diplomatique par un Etat qui administre, contrôle ou occupe un territoire ou celle des organisations internationales à l’égard de personnes vivant sur un territoire qu’elle administre.  Cependant, le délégué a apprécié que le Rapporteur spécial ne traite pas des questions controversées pour ne pas imposer à tous les membres son avis.


Au sujet des réserves, le délégué a appelé la Commission à faire preuve de prudence, car il a estimé que si les parties n’en ont pas convenu autrement, ni le dépositaire ni l’organe de suivi ne peuvent émettre un avis sur la nature des réserves.  Par ailleurs, il convient d’examiner plus avant la question de la date à partir de laquelle la réserve entraîne des conséquences juridiques.  Concernant la possibilité d’émettre une réserve à un traité par courrier électronique ou par télécopie, suivie d’une confirmation par écrit, M. Kolodkin a constaté qu’il s’agissait là de méthodes contemporaines qui semblent favorables.  Cependant, la confirmation par écrit pose des problèmes de rétroactivité.  Il a souhaité qu’il y ait des conséquences juridiques avant la communication par écrit.


Mme KYM TAYLOR (Australie) a déclaré, concernant la communication des réserves, que son pays avait pour pratique d’émettre une réserve par télécopie ou courrier électronique, suivie d’une confirmation par écrit.  Par conséquent, l’Australie appuie les dispositions sur cette question.  Par ailleurs, examinant la question du rôle du dépositaire quant aux réserves illicites, Mme Taylor a estimé que ce rôle devrait être défini en conformité avec les dispositions des Conventions de Vienne sur le droit des traités.  Telles qu’elles sont actuellement libellées, ces dispositions établissent pour le dépositaire un rôle à caractère neutre et impartial.  Ce rôle doit être indéniablement limité à la communication des réserves aux parties.



Présentant la troisième et dernière partie du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, le Président de la CDI, M. ROBERT ROSENSTOCK (Etats-Unis), a précisé que cette partie englobe les chapitres VI (Actes unilatéraux), Chapitre VII (Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international), Chapitre VIII (Responsabilité des organisations internationales), Chapitre IX (Fragmentation du droit international: difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit international) et Chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission).


Insistant sur le Chapitre VI consacré aux actes unilatéraux, M. Rosenstock a rappelé la réticence de certaines délégations à traiter de ce sujet car elles estimaient que ce chapitre était une disposition fourre-tout décrivant les différents cas où les Etats sont responsables de façon autre qu’à travers une institution particulière.  Par ailleurs, des délégations se sont exprimées au sujet de la classification des actes unilatéraux, soulignant qu’il devrait être possible d’arriver à une tentative de classification des actes unilatéraux.  Quant au sujet même, certains ont exprimé le point de vue qu’il est parfaitement possible d’établir des règles générales minimales régissant les actes unilatéraux.  La Commission pourra par la suite procéder à l’examen approfondi d’un ou de plusieurs actes unilatéraux.  D’autres encore ont estimé qu’il fallait essayer de compléter les sujets à l’étude aussitôt que possible pour finaliser les projets de directives par la question de l’interprétation.  Par la suite, la Commission pourrait examiner les types d’actes unilatéraux et enfin, dans un troisième temps, réexaminer tous les principes établis dans l’étude des cas particuliers.


M. Rosenstock a estimé que les effets de la définition donnée des actes unilatéraux devraient être étendus aux Etats, aux organisations internationales, mais également aux autres entités ainsi que la Croix-Rouge par exemple.  Quant à l’interprétation des actes unilatéraux, de l’avis de certaines délégations, elle concerne principalement l’intention de l’Etat.  La CDI a également poursuivi ses travaux entamés en 1978 sur le Chapitre VII.  Le Groupe de travail a achevé ses travaux sur la responsabilité de l’Etat et a clairement indiqué que le manque de l’obligation de prévention par un Etat entraîne la responsabilité de ce dernier.  Cependant, il a été reconnu que des préjudices peuvent être causés quant bien même l’Etat en question prend toutes les mesures préventives nécessaires.  Dans le cadre de son examen du Chapitre VIII, la Commission a crée un Groupe de travail pour examiner l’application de l’approche adoptée pour l’examen de la responsabilité des Etats et a considéré les liens possibles avec l’étude du sujet de la responsabilité internationale. 


M. ALFONSO ASCENCIO (Mexique) a rappelé qu’il faut limiter l’étude de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international à la prévention de ces dommages.  La coopération en matière de droit international pour la responsabilité est particulièrement importante, a observé le représentant.  Lorsqu’il s’agit d’activités publiques, l’Etat doit assumer toute la responsabilité mais il pourra aussi assumer à titre subsidiaire la responsabilité lorsque les personnes privées impliquées ne peuvent l’assumer ou lorsque le responsable ne peut être identifié.


Concernant la responsabilité liée aux activités dangereuses, M. Ascencio a rappelé qu’il existe des textes qui l’envisagent, notant cependant qu’il y a des activités qui ne constituent pas en elles-mêmes des activités dangereuses pour lesquelles il convient de faire jouer le principe de précaution et le principe «pollueur payeur».  Pour ce qui est de la répartition de la prise en charge des pertes, ce sont les exploitants qui sont responsables et s’il y en a plusieurs, on peut établir leur responsabilité solidaire et commune, a déclaré le représentant; de même, on peut envisager l’intervention de fonds de compensation.


S’agissant de la procédure pour la transmission des règlements, le représentant a rappelé que cela relève des juridictions nationales et qu’il faut laisser la partie affectée choisir la juridiction appropriée.  On peut aussi exclure les mécanismes de règlement des différends ainsi que l’arbitrage.  Par ailleurs, M. Ascencio est d’avis que la Commission du droit international ne devrait pas changer l’intitulé du chapitre VII du projet de texte sans avoir défini précisément le contenu de ses travaux.  Il a rappelé que le but de ces derniers est de maximiser les possibilités de compensation pour les victimes et la restauration de l’environnement.


Faisant référence aux réserves aux traités, le représentant a insisté sur la nécessité de préciser les dispositions de la Convention de Vienne sans essayer d’établir un nouveau régime des réserves.  S’agissant des travaux de la Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme, sa délégation se dit préoccupée par le fait qu’elle ait commencé son étude alors qu’un autre organe des Nations Unies en est chargé.  La CDI devrait avoir le monopole de la question des droits de l’homme.  Par ailleurs, le Mexique estime que les organes de contrôle ne sont pas habilités à déterminer la validité d’une réserve; cependant, on ne peut pas empêcher un organe de contrôle de donner son avis.  Le représentant a toutefois émis des doutes quant à la possibilité pour celui-ci de se prononcer sur la légalité d’une réserve.


M. ERKKI KOURULA (Finlande), s’exprimant au nom des pays nordiques, a rappelé que la question de la responsabilité des organisations internationales est essentielle car, de plus en plus, ces organisations deviennent autonomes sur la scène internationale.  S’il y a des points communs avec la responsabilité des Etats, elle présente cependant des spécificités.  Concernant la fragmentation du droit international, M. Kourula a indiqué qu’il est impératif de maintenir la cohésion du droit international et la Commission du droit international est bien placée pour cette tâche.  Cette fragmentation n’est pas vraiment nouvelle et constitue à la fois un défi et un avantage, a-t-il estimé.  A cet égard, une approche plus exploratoire que codificatrice est préférable.  Cependant, la codification est parfois utile quand il y a des conflits sur l’interprétation de deux normes.  C’est pourquoi, on ne peut souscrire à l’avis négatif de la Commission du droit international sur cette question:  c’est au contraire, un signe de vitalité et de capacité à s’adapter aux nouvelles réalités juridiques.


M. Kourula a salué le fait que la Commission se soit attaquée à la fragmentation sous l’angle du droit des traités en choisissant comme base les Conventions de Vienne relatives au droit des traités.  A ce sujet, il a noté l’importance des règles spéciales et indiqué que les articles 31, 30 et 40 de la Convention de 1969 mériteraient d’être précisés.  Les dispositions sur le jus cogens, les obligations «erga omnes» et l’article 103 de la Charte des Nations Unies élargissent, selon lui, le champ d’application de la question.  En définitive, il est préférable,  selon M. Kourula, de s’entendre sur un texte qui n’ait pas un effet direct.  S’agissant des ressources naturelles partagées, la délégation finlandaise souligne que la coopération des Etats est essentielle et la création d’une ligne juridictionnelle claire contribue à réduire le risque de conflits inutiles.  Sur cette question, la Finlande souhaite que, contrairement à ce que préconise le Rapporteur spécial, il soit établi quelques règles générales.


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