DES DELEGATIONS SE DECLARENT PREOCCUPEES PAR L’ILLICEITE DES RESERVES AUX TRAITES
Communiqué de presse AG/J/387 |
Sixième Commission
22ème séance – matin
DES DELEGATIONS SE DECLARENT PREOCCUPEES PAR L’ILLICEITE DES RESERVES AUX TRAITES
La Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi ce matin l’examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa cinquante-quatrième session. Les délégations ont insisté sur deux des chapitres du rapport, consacrés respectivement à la protection diplomatique et aux réserves aux traités.
Présentant les travaux accomplis par la CDI sur les réserves, le Président de la Commission, M. Robert Rosenstock (Etats-Unis) a rappelé que onze projets de directives sur la formulation et la communication de réserves et les déclarations interprétatives, accompagnés de commentaires fournissent les exemples et clarifications nécessaires. Ces projets de directives ont été renvoyés au Comité de rédaction, l’année dernière. La Commission avait également examiné le septième rapport du Rapporteur spécial, M. Alain Pellet portant sur des précisions concernant la formulation, les amendements et le retrait des réserves et des déclarations interprétatives. La Commission avait également renvoyé ces projets de directives au Comité de rédaction. De l’avis de M. Rosenstock, la possibilité d’émettre une réserve à un traité par courrier électronique ou par télécopie ainsi que les réserves illicites constituent deux points importants. A cet égard, la majorité des délégations ont souligné l’importance que représente l’illicéité d’une réserve.
Cette illicéité est constatée par l’organe de contrôle, en l’occurrence le dépositaire. Comme l’a déclaré le représentant de la France, l’établissement de l’illégalité d’une réserve par un organe qui a qualité pour ce faire a pour seule conséquence que ladite réserve est désormais tenue pour illégale. L’acte est donc réputé n’avoir jamais produit d’effet de droit. Mais l’établissement de l’illégalité ne constitue pas l’élimination de la réserve illégale; il ne l’annule pas ou ne la retire pas, comme l’indique le projet de directive, a soutenu le délégué de la France. Le représentant de la Suède, prenant la parole au nom des pays nordiques, a déclaré qu’en général, il n’était pas souhaitable de donner un rôle trop étendu au dépositaire.
Concernant la protection diplomatique, les délégations se sont dans l’ensemble félicitées des progrès réalisés par la Commission du droit international sur le champ d’application des sept projets d’articles adoptés à titre provisoire par la Commission. Cependant, le représentant de la France a constaté que d’une manière générale, la Commission semblait inclure dans le champ de l’étude des aspects qui n’en relèvent pas.
Aussi, a-t-il souhaité que la CDI étudie de manière plus rigoureuse la pratique des Etats en matière de protection diplomatique et qu’elle se limite à une codification de la pratique relative à la protection diplomatique et des règles coutumières qui en découlent. D’autres encore, notamment le représentant de la Suisse, se sont réjouis que les projets d’articles soient maintenant rédigés de manière à mieux mettre en évidence le caractère discrétionnaire de la protection diplomatique.
Outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Chypre, Pologne, République de Corée, Espagne, Guatemala, Autriche et Hongrie.
La Sixième Commission a par ailleurs entendu la présentation d’une série de projets de résolution dont l’adoption est prévue pour le lundi, 4 novembre. Le représentant de l’Egypte a présenté, au nom de ses coauteurs le projet de résolution intitulé «Rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation». Aux termes de ce projet de résolution, l’Assemblée générale déciderait, entre autres de considérer la question de l’assistance aux Etats tiers touchés par l’application des sanctions imposées par le Conseil de sécurité.
Le projet de résolution intitulé «Portée de la protection juridique offerte par la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé» a été présenté par la Nouvelle-Zélande, au nom de ses coauteurs. Par ce texte, l’Assemblée générale prierait le Secrétaire général de faire établir des dispositions types ou normalisées à incorporer dans les accords conclus entre l’ONU et les organisations non gouvernementales ou des organismes humanitaires. Le dernier projet de résolution relatif à la «Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et leurs biens» a été présenté par le Président de la Sixième Commission, M. Arpad Prandler (Hongrie).
La prochaine séance plénière aura lieu, demain vendredi 1er novembre à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-QUATRIÈME SESSION
Déclarations
M. A. J. JACOVIDES (Chypre) a estimé que le débat ne doit pas rentrer dans les détails car la Commission du droit international est un organe d’experts et a tout le temps pour s’y attacher. Les petits Etats sont limités quand il s’agit de faire des commentaires écrits, cette réunion peut donc leur permettre de s’exprimer. Le représentant a salué les progrès réalisés en ce qui concerne les réserves aux traités et a appelé de ses voeux qu’un guide de la pratique des réserves soit rapidement adopté sur la base des principes des Conventions de Vienne. A ce sujet, M. Jacovides a indiqué que la communication d’une réserve peut être faite par courrier électronique mais, pour être valable, elle doit être confirmée par écrit. Abordant la question de la protection diplomatique, le représentant a observé que la pratique est souvent contradictoire. A cet égard, le lien de nationalité constitue la question principale, a souligné M. Jacovides, en saluant l’adoption provisoire des articles 1 à 7.
Faisant référence à l’exercice de la protection diplomatique par l’Etat de nationalité des membres de l’équipage d’un navire, et par l’Etat de nationalité des actionnaires, il a rappelé que ces questions sont respectivement réglées par la Convention du droit de la mer et l’arrêt de la CIJ concernant l’affaire Barcelona Traction. Notant que des vues divergentes ont été exprimées pour ce qui est des actes unilatéraux des Etats, le représentant a suggéré que la CDI axe ses efforts sur certains actes. Les actes unilatéraux existent et peuvent constituer une source d’obligations comme l’a indiqué la jurisprudence de la Cour internationale de Justice.
S’agissant de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international, et notamment les dommages transfrontières, le représentant a estimé que les Etats devraient être libres de procéder à leurs activités même si un risque de dommages transfrontières peut exister. Dans ce cas, une forme de compensation doit être prévue pour les victimes innocentes et un régime d’assurance pourrait être mis en place, en tenant compte de la jurisprudence.
Evoquant la question de la responsabilité des organisations internationales, M. Jacovides a déploré l’absence de réglementation des différends, laquelle est une condition sine qua non du bon fonctionnement des Etats, mais cela vise aussi le fonctionnement des organisations internationales. A cet égard, il faut limiter l’examen aux organisations non gouvernementales. De l’avis de sa délégation, la fragmentation du droit international est une conséquence naturelle du droit international et ce peut être un signe de vitalité. Il a estimé que la question ne se prête pas à codification mais peut être traitée dans des textes.
M. Jacovides a fait sienne l’idée d’inclure les recommandations du Groupe de travail sur «le jus cogens et les obligations erga omnes». Le jus cogens, droit obligatoire, a besoin d’une élaboration contraignante. La situation actuelle n’est pas propice à la transparence pour l’élaboration d’une norme internationale, a t’il cependant déploré. Sur les autres questions, le représentant s’est félicité que la question des ressources naturelles partagées soit prise en compte. Il a salué la collaboration à cet égard entre la Cour internationale de Justice et les différentes organisations.
M. ZDZISLAW GALICKI (Pologne), se ralliant à la déclaration faite précédemment par la délégation de l’Allemagne, a estimé que l’intégration de la question de la fragmentation du droit international dans le programme de travail de la Commission du droit international constitue un point essentiel de ses travaux et réalise un pas vers la codification. L’étude de cette question ne doit pas se limiter à celle des aspects négatifs de la fragmentation mais il convient de s’attacher aussi aux effets positifs. La Pologne réaffirme qu’elle souhaite participer activement à cette réflexion dans le cadre de la CDI.
S’agissant de la protection diplomatique des organisations internationales, le représentant a salué les progrès réalisés par la Commission, notamment l’adoption des sept projets d’articles et l’introduction des articles 12 à 16 même si certains d’entre eux n’ont pas été renvoyés au Comité de rédaction. M. Galicki a tenu à exprimer ses doutes quant à l’extension de la protection diplomatique de l’Etat de pavillon d’un navire aux membres de l’équipage ayant la nationalité d’un autre Etat. L’extension abusive de la protection risquerait en effet d’affaiblir sa portée. Il convient donc de se référer aux règles en vigueur, notamment le droit de la mer. De même, le représentant a indiqué que son pays s’oppose à l’exercice de la protection diplomatique par l’Etat de nationalité des actionnaires et la position de la Cour internationale de Justice dans l’affaire Barcelona Traction ne justifie pas cette extension. Par conséquent, le représentant a conclu que l’ajout d’un critère relatif à la nationalité des actionnaires n’est pas pertinent.
M. SHIN KAK-SOO (République de Corée) a tenu à s’exprimer en premier lieu sur la protection diplomatique. Il a ainsi observé que l’article 3 du projet d’articles dispose que l’Etat en droit d’exercer la protection diplomatique est l’Etat de nationalité. Cet article ne requiert donc pas un lien effectif entre l’Etat et son ressortissant comme l’exigeait l’affaire Nottebohm. M. Shin a fermement déclaré qu’il partage l’avis de la Commission du droit international quant au fait que l’exigence d’un lien effectif ne doit pas être appliquée comme une règle générale mais comme une règle relative s’appliquant dans certains cas. L’affaire Flegenhiemer illustre cette interprétation. Le lien effectif peut être utilisé dans le cas de nationalités multiples afin de déterminer la nationalité prédominante, a estimé le représentant. Il a ainsi déclaré qu’il partage l’avis de la CDI lorsque celle-ci estime que si la condition de l’existence d’un lien effectif proposée dans l’arrêt Nottebohm était strictement appliquée, elle exclurait des millions de personnes du bénéfice de la protection diplomatique.
S’agissant du droit pour un Etat d’exercer la protection diplomatique à l’égard d’un apatride ou d’un réfugié, M. Shin a estimé que cette disposition constitue une avancée pour le droit coutumier international. Il a ainsi salué le fait que la notion de réfugié ne vise pas seulement la définition retenue dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967 mais concerne également des personnes qui ne répondent pas strictement à cette définition. Cette notion est susceptible d’être élargie. Reconnaissant l’importance historique de la clause Calvo dans le développement du droit international, M. Shin a noté que celle-ci est toujours utilisée dans la pratique des pays d’Amérique latine. Cependant, de l’avis de sa délégation, il n’est pas nécessaire d’inclure celle-ci dans le projet d’articles. C’est en effet un dispositif contractuel et un individu ne peut renoncer à la protection de son Etat.
En ce qui concerne la protection diplomatique exercée par l'Etat de nationalité du navire pour le préjudice subi par des membres de l’équipage, M. Shin, rappelant ici la solution retenue par le Tribunal international du droit de la mer en 1982, a estimé que la Convention de 1982 sur le droit de la mer ne comprend aucune référence accordant cette protection à l’Etat de nationalité. La Convention de 1982 a posé les règles d’une protection, a-t-il indiqué, estimant que de nouvelles dispositions seraient sans fondement. Faisant référence à la protection diplomatique de l’Etat de nationalité des actionnaires, le représentant a fait remarquer que des règles en la matière ont été posées dans l’affaire de la Barcelona Traction.
La Cour internationale de Justice avait dans cette affaire considéré trois aspects: la société se distingue de ses actionnaires quant à l’exercice des droits, le fait que les intérêts des actionnaires aient été affectés n’est pas suffisant pour activer la protection diplomatique, et enfin l’adoption de la protection diplomatique pour les actionnaires pourrait donner lieu à une concurrence de plaintes diplomatiques, créant ainsi une atmosphère de confusion. Trois exceptions existent cependant permettant la protection diplomatique des actionnaires. Le représentant a rappelé que cette question exige la conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux sur la protection des investissements. Selon lui, il y a peu de circonstances où l’Etat peut être autorisé à exercer la protection diplomatique à l’égard des actionnaires. Le représentant a en outre fait part de ses doutes quant à la question de savoir si l’Etat de nationalité de la majorité des actionnaires peut avoir le droit d’exercer la protection diplomatique ou si l’Etat dans lequel la société est constituée, refuse ou s’abstient d’exercer lui-même la protection diplomatique.
M. RONNY ABRAHAM (France), intervenant sur les projets d’articles relatifs à la protection diplomatique, a jugé le critère du préjudice subi par le national de l’Etat acceptable dans la mesure où il caractérise l’institution dans la mesure où c’est l’Etat qui répond à un fait qui lui a causé un dommage à travers une atteinte à un national. Mais c’est l’Etat qui subit le préjudice. Cependant, a déclaré M. Abraham, le 1er paragraphe de l’article 1er demeure insatisfaisant car le terme «action» est imprécis et contestable. Cette protection diplomatique n’est que la mise en mouvement d’une procédure par laquelle la réclamation d’une personne physique ou morale devient une relation juridique entre deux Etats. Le représentant a regretté que le second paragraphe de l’article 1er s’éloigne du principe classique de la protection diplomatique.
Par ailleurs, le représentant a estimé que le projet d’article 4 relatif à la continuité de la nationalité n’est pas acceptable. En effet, cette disposition, tout comme la précédente, reflète l’influence prédominante de ce que le représentant a appelé une «logique des droits de l’homme». Quant au projet d’article 6, sur le principe général selon lequel un Etat ne peut exercer sa protection diplomatique au profit d’un de ses nationaux à l’encontre d’un Etat dont celui-ci est aussi national, il est assorti d’une exception de la nationalité «prédominante» qui bouleverse la portée ce principe général. Or, dans la pratique, l’exception n’a été retenue qu’à l’issue de crises graves, lorsqu’il s’agissait de compenser les dommages infligés à des «économies nationales» en fragmentant le contentieux en une série de différends individuels.
Concernant les articles relatifs à la condition d’épuisement des recours internes, la distinction sur la nature de la règle - règle de procédure ou règle de fond - n’a pas lieu d’être à ce stade du projet, a estimé M. Abraham. Plus particulièrement, la mesure traitant du fait que les recours internes n’ont pas à être épuisés lorsque «l’Etat défendeur a renoncé expressément ou implicitement à exiger que les recours internes soient épuisés ou est empêchés de le faire par estoppel», est acceptable à la France comme principe général. Cependant, la Commission pourrait se demander dans quelle mesure l’estoppel n’est pas une forme de renonciation implicite, ce qui conduit à ne pas le mentionner. La Commission devrait donc étudier cette question de manière plus approfondie.
En conclusion, le représentant a estimé que le travail de la Commission sur le sujet est empreint d’une dérive consistant à inclure le champ de l’étude des aspects qui n’en relèvent pas. Par conséquent, a déclaré M. Abraham, il est préférable que la Commission étudie de manière plus rigoureuse la pratique des Etats en la matière et qu’elle se limite à une codification de pratique relative à la protection diplomatique et des règles coutumières qui en découlent.
M. JUAN ANTONIO YANEZ-BARNUEVO (Espagne), abordant la question de la protection diplomatique, a fait remarquer que son examen se situe dans le prolongement de la responsabilité. La Commission du droit international doit, selon lui, se baser sur la pratique et tenir compte des nouveaux enjeux. Le représentant a ainsi estimé que celle-ci doit se concentrer sur les conditions de la nationalité du demandeur et l’épuisement des recours internes et ne pas accorder trop de temps à d’autres questions.
Sur les sept premiers articles, M. Yanez-Barnuevo a estimé qu’il faut une bonne définition du concept même de protection diplomatique et celle-ci doit être distincte d’autres responsabilités comme la protection diplomatique et consulaire. Cette dernière peut être exercée même si la victime ne répond pas à tous les critères de la protection diplomatique. Le représentant a insisté sur le fait que c’est un droit ou une faculté et non une obligation pour l’Etat de nationalité. En ce qui concerne l’article 3, certains points méritent d’être clarifiés: ainsi, le concept d’acquisition de la nationalité aurait dû être plus développé et si on abandonne le critère du lien effectif posé par la jurisprudence Torenbaum, comment évaluer alors la nationalité, s’est interrogé le représentant. Sa délégation émet toutefois des doutes sur l’article 6 et préconise le développement de la notion de nationalité prédominante. Celle-ci serait la nationalité de l’Etat avec lequel la personne a un lien effectif. Selon lui, le projet relatif à la protection des apatrides et réfugiés est justifié par la pratique internationale.
S’agissant des propositions du Rapporteur spécial sur la règle de l’épuisement préalable des recours internes, le représentant a déploré que le fait de savoir s’il s’agit d’une question de forme ou de fond n’ait pas été soumis au Comité de rédaction et il faudrait que l’article 10 clarifie cela. En ce qui concerne l’article 14 qui pose des exceptions à la règle de l’épuisement, sa délégation est favorable à la première exception sur l’efficacité des recours. Le renoncement doit être explicite, a-t-il estimé car il conviendrait à cet égard de s’inspirer de la pratique relative à l’estoppel qui exige des actes explicites. Sur l’absence de lien volontaire, M. Yanez-Barnuevo a observé que ni la jurisprudence, ni la pratique ne vont dans ce sens. Sur l’exception des délais abusifs, il serait souhaitable de l’envisager dans le premier paragraphe de l’article 14.
Faisant référence à la charge de la preuve, le représentant a considéré que le projet d’article est trop procédural et qu’il serait préférable de l’amender. Rappelant que la clause Calvo est très utilisée dans la pratique latino-américaine, le représentant a estimé qu’un individu ne peut renoncer à un droit qui ne lui appartient pas. Enfin, M. Yanez-Barnuevo a indiqué que sa délégation n’adhère pas à l’idée de déléguer à l’Etat de nationalité le droit d’exercer sa protection diplomatique à l’égard des actionnaires d’une société implantée à l’étranger.
M. NICOLAS MICHEL (Suisse) a constaté que les articles sont maintenant rédigés de manière à mieux mettre en évidence le caractère discrétionnaire de la protection diplomatique. Concernant les conditions d’épuisement des voies de recours, le représentant a noté que ce sujet avait déjà été abordé l’année dernière dans l’article 10 qui prévoit que les voies de recours internes ne doivent être épuisées qu’en cas de formulation d’une réclamation internationale par un Etat. Il semble ainsi que le concept de «réclamation internationale par un Etat» peut être distinct de celui plus large de «l’exercice de la protection diplomatique». Le projet d’article comprend «l’action diplomatique» et les «autres moyens de règlement de différend». Concernant l’article 14 qui est une exception à la règle de l’épuisement des recours internes, la Suisse appuie la variante selon laquelle les recours internes ne doivent être épuisés que s’ils offrent une «possibilité raisonnable d’obtenir une mesure de réparation efficace».
Par ailleurs, en ce qui concerne le «lien volontaire» et le «lien de rattachement territorial», la Suisse estime que le sujet devra être étudié plus en détail, mais plutôt dans le contexte d’autres articles car il semble difficile de créer une règle séparée permettant d’écarter l’obligation d’épuiser les voies de recours internes. Abordant la question de la clause Calvo, la délégation soutient l’avis de ceux qui sont opposés à l’inclusion d’une telle clause dans le projet d’articles. En effet, cette clause de renonciation est difficile à concilier avec la conception même de la protection diplomatique.
M. ROBERTO LAVALLE-VALDES (Guatemala) a relevé que la question de savoir si la règle de l’épuisement des recours internes dans le cadre de la protection diplomatique est une question de procédure ou une question de fond a été au centre des débats tant à la CDI qu’à la Sixième Commission. La doctrine existe et affecte la jurisprudence sur la question et il semble opportun de les mentionner dans les commentaires. La variante relative aux conséquences pratiques de celle-ci n’est pas souhaitable et il serait plus approprié d’amender le texte de l’article 10, afin de préciser que cette personne peut être soit une personne morale soit une personne physique et qu’il existe un fait internationalement illicite pour invoquer la protection diplomatique, a fait remarquer le représentant.
Par ailleurs, ayant observé le lien existant entre la responsabilité des Etats et la protection diplomatique, M. Lavalle-Valdes a estimé que les normes relatives à la responsabilité de l’Etat sont de nature secondaire or, a-t-il ajouté, la protection diplomatique régit les conséquences de la violation du droit international. On peut donc considérer que la protection diplomatique est englobée dans les articles sur la responsabilité des Etats. Le représentant a mentionné à cet égard que l’article 44 adopté l’an dernier reflète les liens entre les projets sur la responsabilité et la protection diplomatique: la protection diplomatique vise aussi la responsabilité de l’Etat par des moyens différents.
Il a par ailleurs regretté que certains thèmes ne soient traités ni par la responsabilité ni par le protection diplomatique: ainsi, il a évoqué la question de savoir si lorsque le demandeur après épuisement des recours internes, renonce à demander la protection diplomatique, l’Etat appelé à l’exercer doit renoncer à sa propre action. Qu’en est-il de la victime décédée? Le représentant a également évoqué l’hypothèse d’une personne qui a subi la torture de la part des fonctionnaires d’un Etat: est-ce que dans ce cas, l’Etat de nationalité de la victime peut prendre des contre-mesures avant même l’épuisement des recours internes? Il serait utile que la CDI se penche sur ces questions, a suggéré le représentant.
Présentant le chapitre du rapport de la CDI consacré aux réserves, M. ROBERT ROSENSTOCK (Etats-Unis), Président de la Commission du droit international, a expliqué que tous les projets de directives relatifs à la formulation des réserves lato sensu seraient sans doute extrêmement utiles à la communauté internationale du fait qu’ils visent à codifier des règles techniques qui répondent à des besoins réels. Ainsi, le Rapporteur spécial a réaffirmé que le guide de la pratique ne serait pas un ensemble de règles contraignantes mais plutôt un «code de pratiques recommandées». De plus, certaines règles contenues dans les projets de directives ont force obligatoire parce qu’elles sont des règles de droit coutumier ou sont contenues dans les Conventions de Vienne sur le droit des traités. Il a également été jugé qu’il fallait transposer littéralement les règles des Conventions de Vienne car quoique incomplètes et parfois même ambiguës, les Conventions de Vienne constituent le point de départ incontournable de toute pratique en matière de réserves et un guide qui les ignorerait aurait peu de valeur juridique.
Par ailleurs, le 31 juillet 2002, la Commission a décidé de renvoyer au Comité de rédaction les projets de directives 2.5.1 (Retrait des réserves), 2.5.2 (Forme du retrait), 2.5.3 (Réexamen périodique de l’utilité des réserves), 2.5.5 (Compétence pour retirer une réserve au plan international), 2.5.5 bis (Compétence pour retirer une réserve au plan interne), 2.5.5 ter (Absence de conséquence au plan international de la violation des règles internes relatives aux retraits des réserves), 2.5.6 (Communication du retrait d’une réserve), 2.5.6 bis (Procédure de communication du retrait des réserves), 2.5.6 ter (Fonctions du dépositaire), 2.5.7 (Effet du retrait d’une réserve), 2.5.8 (Effet du retrait d’une réserve en cas d’objection à la réserve accompagnée du refus d’entrée en vigueur du traité avec l’auteur de la réserve), 2.5.9 (Date d’effet du retrait d’une réserve) (y inclus les clauses types y afférentes), 2.5.10 (Cas dans lesquels l’Etat réservataire peut fixer unilatéralement la date d’effet du retrait d’une réserve), 2.5.11 (Retrait partiel d’une réserve) et 2.5.12 (Effet du retrait partiel d’une réserve).
M. HANS WINKLER (Autriche) a fait sien l’avis de la Commission du droit international pour les projets de directives relatifs à la forme écrite des réserves et à la forme de la confirmation. En ce qui concerne la formulation des réserves, M. Winkler s’est interrogé sur la pertinence de la détermination au niveau international, car cela n’est ni prévu par la Convention de Vienne ni même compatible avec elle. Selon lui, la formulation des réserves devrait coïncider avec la conclusion d’un traité. Le projet de directive pertinent reprend l’article 7 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
M. Winkler a ainsi souligné qu’une réserve ne peut être formulée que par une autorité compétente pour signer un traité. En ce qui concerne la communication des réserves, il faudrait modifier le libellé du projet de directive précisant que la réserve doit être formulée dans une des langues du traité faisant foi. S’agissant enfin de la procédure en cas de réserves manifestement illicites, M. Winkler a noté que le texte fait la distinction entre l’illicéité absolue et l’illicéité relative. Dans le premier cas, le dépositaire peut être habilité à réagir et il serait souhaitable de le préciser dans le libellé de la directive. Sa délégation estime que le retrait partiel ou intégral de la réserve soit facilité à tout moment.
M. CARL HENRIK EHRENKRONA (Suède), prenant la parole au nom des pays nordiques, a déclaré que le guide de la pratique une fois terminé, sera d’une grande aide aux gouvernements pour régler les questions liées aux réserves aux traités. D’une manière générale, il est clair que les réserves ne devraient affaiblir l’objectif d’un traité. La pratique des réserves doit contribuer à une plus grande adhésion aux traités internationaux. Néanmoins, la tendance à réduire les réserves dans les traités sur les droits de l’homme est une bonne chose.
La question de réserve illicite est d’une importance particulière pour les pays nordiques. Par conséquent, étant donné sa complexité, il est souhaitable de l’examiner de manière plus approfondie dans le cadre du Groupe de travail. M. Ehrenkrona a également demandé à ce que le Rapporteur spécial traite ce sujet de façon constructive et approfondie. Les pays nordiques souhaitent qu’il puisse s’en occuper au plutôt. Toutefois, les pays nordiques s’inquiètent de la tendance des réserves qui font simple référence aux lois internes sans pour autant expliquer le détail de ces lois. Une réserve devrait donner assez de détails pour permettre aux autres Etats de pouvoir juger des conséquences juridiques de ces réserves. Rappelant que l’obligation des dépositaires est un sujet qui est traité dans les Conventions de Vienne, le représentant a souligné la nécessité pour le dépositaire d’informer l’Etat concerné en cas de réserve manifestement illicite. Si l’Etat ignore l’information, le dépositaire peut informer les autres Etats sur le caractère illicite. Les pays nordiques tiennent à faire remarquer qu’en général, il n’est pas souhaitable de donner un rôle trop étendu aux dépositaires.
M. RONNY ABRAHAM (France) s’est félicité de la définition des réserves retenue par la Commission du droit international, laquelle complète utilement les instruments conventionnels existants. En ce qui concerne le projet de directive relatif aux déclarations visant à limiter les obligations de leur auteur, et celui concernant les déclarations visant à s’acquitter d’une obligation par équivalence, il conviendrait de les intégrer dans l’article relatif à l’objet des réserves car en réalité, ils éclairent le sens du terme «modifier» employé dans ce dernier et confirment qu’il ne peut s’entendre comme visant l’extension par l’Etat réservataire tant de ses obligations conventionnelles que des droits qu’il tire du traité.
En ce qui concerne la définition des déclarations interprétatives, M Abraham a observé que le critère de distinction des déclarations interprétatives retenu par la Commission est celui de l’effet juridique que la déclaration vise à produire et, selon lui, la mise en oeuvre d’un tel critère devrait se fonder sur une confrontation objective du sens de la déclaration avec le sens du texte auquel cette déclaration s’applique. Par ailleurs, il est préférable que la déclaration interprétative soit effectuée dans un temps limité. S’agissant des déclarations interprétatives conditionnelles, le représentant s’est interrogé sur le fait qu’aucun critère ne la distingue de la déclaration interprétative. En réalité, les déclarations conditionnelles seraient une sous-catégorie de réserves, auquel cas pourquoi en faire une catégorie distincte? Il faudrait plutôt les assimiler aux réserves, a t-il estimé.
M. Abraham s’est ensuite intéressé à une question de procédure et plus particulièrement aux conséquences qu’une violation des règles internationales relatives à l’édiction des réserves peut avoir dans l’ordre juridique interne. Ainsi, la solution retenue par la Commission qui retient que la procédure est laissée au droit interne et que son non-respect est sans conséquence dans l’ordre international, lui paraît appropriée, et à cet égard, l’inclusion d’une directive calquée sur l’article 46 de la Convention de Vienne de 1969 qui permettait d’invoquer l’irrégularité au regard du droit national pour faire constater l’invalidité de la réserve, en cas de violation manifeste d’une règle interne d’importance fondamentale, serait utile. En revanche, M. Abraham a indiqué que sa délégation n’adhère pas vraiment au projet visant à confier au dépositaire une fonction d’évaluation car celui-ci doit se borner à communiquer la réserve, même si il l’estime illégale. Le projet de directive relatif au réexamen périodique de l’utilité des réserves ne semble pas présenter un intérêt particulier.
S’agissant de l’effet de la constatation par un organe de contrôle de l’illégalité d’une réserve, le représentant a indiqué que le projet de directive correspond bien à la pratique et à la théorie de la nullité. La constatation par l’organe de contrôle a pour conséquence que l’acte est réputé ne jamais avoir produit d’effet de droit. En revanche, il convient de s’interroger sur le fait de savoir si le réservataire peut en tirer tout seul les conclusions. A cet égard, le projet de texte prévoit le retrait total ou partiel de la réserve (sans préciser la question des effets dans le temps du retrait) mais la dénonciation peut aussi être envisagée, a estimé le représentant. Abordant en dernier lieu la question de la responsabilité internationale en cas de perte causée par un dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses, M. Abraham a fait sienne la proposition de la CDI sur le champ d’application, tout en se déclarant favorable à l’exclusion de la responsabilité des Etats pour méconnaissance de leurs obligations de prévention.
M. GYORGY SZENASI (Hongrie) a salué les travaux de la Commission du droit international sur la protection diplomatique et s’est rallié à l’opinion exprimée par la majorité des délégations concernant la nécessité d’adopter des nouvelles normes internationales sur cette question. La règle de l’épuisement des recours de droit interne doit retenir toute l’attention, a estimé le représentant. Ainsi, le principe selon lequel le droit d’exercer la protection diplomatique appartient à l’Etat de nationalité et non à l’individu lésé doit être réaffirmé. Il est nécessaire à cette fin de préciser ce qu’on entend par épuisement des recours et d’adopter une définition précise de cette notion ainsi que de celle du lien de nationalité, des non-nationaux, de la nationalité multiple et du statut des réfugiés et des apatrides.
Abordant ensuite la question des réserves aux traités, M. Szenazi a souhaité que la CDI s’inspire de la définition de «traité international» contenue dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. Il a insisté sur le fait que les réserves devraient impérativement revêtir la forme écrite afin d’éviter tout conflit quant à la définition des obligations juridiques des parties au traité. Enfin, pour ce qui est du rôle du dépositaire, le représentant a indiqué que son pays n’adhèrerait pas à la conception qui veut faire du dépositaire une simple «boîte aux lettres» sans lui permettre de porter une appréciation sur la légalité des réserves. En même temps, il a indiqué qu’il n’est pas nécessaire que le dépositaire ait trop de pouvoir pour juger de la légalité d’une réserve. Ce pouvoir relève des parties aux traités; il en va de même pour les déclarations interprétatives.
* *** *