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AG/J/386

LES DELEGATIONS S’INTERROGENT SUR LE CHAMP D’APPLICATION DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE

30/10/2002
Communiqué de presse
AG/J/386


Sixième Commission

21ème séance – matin


LES DELEGATIONS S’INTERROGENT SUR LE CHAMP D’APPLICATION DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE


Le Président de la Cour internationale de Justice souligne la contribution de la jurisprudence de la Cour dans les domaines des droits de l’homme et de l’environnement


Notion délicate à codifier s’il en est, la protection diplomatique, qui autorise un Etat à se substituer à un de ses ressortissants en raison d’un préjudice subi par ce dernier du fait d’un autre Etat, a de nouveau été au centre du débat tenus ce matin en Sixième Commission (Commission juridique).  Se félicitant des avancées réalisées récemment, concrétisées notamment par l’adoption provisoire par la Commission du droit international (CDI) des sept premiers articles du projet de texte sur la question, les délégations se sont cependant interrogées sur la pertinence de certains de ses fondements.


Certaines délégations, à l’instar de la République tchèque, ont réaffirmé avec vigueur la nécessité de l’existence de celui-ci pour la mise en œuvre de la protection diplomatique et se sont, par conséquent, opposées à ce que celle-ci soit étendue à des hypothèses où le lien de nationalité n’apparaît pas: ainsi, de l’avis de plusieurs délégations, le droit de l’Etat de nationalité d’un navire de présenter une réclamation au nom de l’équipage et éventuellement aussi des passagers, quelle que soit la nationalité des personnes concernées, ne semble pas justifié.  A l’inverse, en ce qui concerne la protection diplomatique d’actionnaires d’une société dont la constitution et le siège social sont à l’étranger, d’aucuns, comme le représentant du Japon, se sont prononcés en faveur d’une délégation de la protection diplomatique à l’Etat dans lequel la société est constituée.  Exceptionnellement, cette protection diplomatique pourra être reconnue à l’Etat de nationalité des actionnaires et, ce, dans le cadre de conditions très précises.


Par ailleurs, la question de l’épuisement des recours de droit interne a également été très controversée.  Le fait de qualifier celle-ci de règle de procédure ou de fond a retenu plus particulièrement l’attention des délégations.  Les différentes exceptions proposées par le projet d’articles n’ont pas fait l’unanimité et il convient plutôt de s’attacher à définir précisément l’effectivité de ces recours, a fait remarquer le représentant de l’Inde.  Les avis étaient en outre partagés sur l’opportunité d’inclure ou non la clause Calvo – clause de renonciation - dans le projet de texte.


Outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Autriche, Pays-Bas, République islamique d’Iran, Maroc, Italie, Israël, et Mexique.


Comme chaque année, la Sixième Commission a entendu en début de séance le Président de la Cour internationale de Justice (CIJ).  L’actuel Président, M. Gilbert Guillaume (France), tout en faisant observer que le rôle de la Cour demeure particulièrement chargé, s’est réjoui de la confiance que les Etats continuent de témoigner à la Cour.  Cet accroissement des activités de la Cour lui a permis de développer sa jurisprudence dans des domaines les plus divers, a fait remarquer M. Guillaume, soulignant la contribution significative de la Cour en particulier dans les domaines des droits de l’homme et du droit de l’environnement.


La Sixième Commission reprendra ses travaux, demain jeudi 31 octobre à 10 heures.


ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE


M. GILBERT GUILLAUME, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), passant en revue les travaux de la Cour, a indiqué qu’au cours de l’année 2002, elle rendra trois importants arrêts et plusieurs décisions de caractère procédural.  Il en ressort aussi que le rôle de la Cour demeure particulièrement chargé puisque malgré une activité contentieuse soutenue, vingt-quatre affaires demeurent en instance au Palais de la Paix.  Nous nous réjouissons de la confiance que les Etats continuent à nous témoigner et poursuivrons nos efforts pour y répondre, a déclaré M. Guillaume.


Cet accroissement des activités de la Cour lui a permis de développer sa jurisprudence dans des domaines les plus divers, a-il précisé, en mettant l’accent sur deux domaines considérés trop souvent comme relevant des spécialistes, à savoir les droits de l’homme et le droit de l’environnement.  Rappelant un arrêt de 1923 sur les Colons allemands de Pologne, M. Guillaume a rappelé que la Cour permanente de Justice internationale avait jugé que l’égalité garantie par les traités impliquait non seulement que les termes de la loi évitent d’établir un traitement différentiel, mais encore qu’aucune discrimination de fait ne soit créée à travers un texte d’apparence égalitaire.


La jurisprudence de la Cour a ainsi évolué et précisé notamment en 1935 lorsqu’elle a jugé que «l’égalité en droit exclut toute discrimination, l’égalité en fait peut, en revanche, rendre nécessaires des traitements différents en vue d’arriver à un résultat qui établisse l’équilibre entre des situations différentes».  La Cour a posé les bases d’une action positive en faveur des minorités.  Elle a eu aussi l’occasion de se prononcer sur la question des droits de l’homme et notamment sur la portée de la Convention des Nations Unies de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.  Elle a ainsi indiqué que les principes contenus dans la Convention obligent les Etats en dehors de tout lien conventionnel.


Par ailleurs, la Cour internationale de Justice s’est prononcée sur le droit des peuples pris en tant que tels.  Ainsi, le mandat confié à la Société des Nations à l’Afrique du Sud sur le Sud-Ouest africain l’avait été dans l’intérêt des habitants du territoire et de l’humanité en général.  La Cour a également pris parti dans l’affaire du Détroit de Corfou et jugé que les Etats sont tenus à certaines obligations qui découlent non seulement de textes conventionnels, mais également du fait de l’existence de certains principes généraux et bien reconnus, tels que des considérations élémentaires d’humanité.


En 1980, la Cour a estimé que les considérations humanitaires doivent être appréciées en fonction des principes de base mais également au regard de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949.  La Cour est parfois intervenue alors même qu’elle n’y était pas invitée et l’affaire de la Barcelona Traction en est une bonne illustration.  Dans cette affaire, la Cour a noté que les obligations qui relèvent des Etats en ce qui concerne les droits de l’homme sont des obligations «erga omnes».  M. Guillaume a souligné que la Cour internationale de Justice a donc largement contribué à l’évolution des droits de l’homme au XXème siècle.


Le droit de l’environnement a lui aussi connu des progrès considérables.  Le principe posé dans l’affaire du Détroit de Corfou et posant l’obligation pour tout Etat de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins contraires aux droits des autres Etats, a trouvé un écho privilégié dans le domaine de l’environnement.  En 1996, la Cour s’est penchée sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires et a posé que l’obligation générale qu’ont les Etats de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres Etats ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps des règles du droit international de l’environnement.


Enfin, le Président de la Cour, citant un arrêt de 1997, a fait référence au concept de développement durable, lequel traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l’environnement.  Le droit et la justice ont fait d’immenses progrès au cours du siècle qui vient de s’achever.  De nouvelles branches du droit international sont apparues et les juridictions internationales spécialisées se sont multipliées.  Cette évolution correspond à celle de la société et des relations internationales.  Dans cette nouvelle configuration, la CIJ, organe judiciaire principal des Nations Unies, conserve un rôle essentiel.  Elle seule peut aborder tous les domaines du droit et les replacer dans une perspective d’ensemble.  Sa jurisprudence dans les domaines des droits de l’homme et de l’environnement montre qu’elle y est jusqu’à présent parvenue.


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-QUATRIÈME SESSION


Déclarations


M. TOMOAKI ISHIGAKI (Japon) a salué les progrès accomplis par la Commission du droit international, notamment l’adoption des projets de directives sur les réserves aux traités et des projets d’articles sur la protection diplomatique qu’il juge bien équilibrés.  De même, il a observé que la Commission a examiné la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international et a entamé l’examen de nouveaux sujets comme la responsabilité des organisations internationales, la fragmentation du droit international et les ressources naturelles partagées.


En ce qui concerne la protection diplomatique, le représentant s’est félicité de la rédaction équilibrée et conforme au droit coutumier international des projets d’articles notamment en ce qu’ils posent que l’Etat qui exerce la protection diplomatique est l’Etat de la nationalité.  Si il y a des exceptions, elles doivent être limitées, a estimé le représentant.  Deux questions intéressent plus particulièrement la protection diplomatique: le droit d’un Etat d’exercer la protection diplomatique et les possibilités pour un Etat d’assurer la sécurité de ses ressortissants dont les droits sont entravés par un Etat.  De l’avis de M. Ishigaki, la nature discrétionnaire de la protection diplomatique restreint la protection offerte par les droits de l’homme, et la question des apatrides ou des réfugiés en est une illustration.  Ainsi, plutôt que d’assouplir les conditions de mise en œuvre de la protection diplomatique, il serait plus judicieux que les Etats cherchent des moyens efficaces pour protéger leurs ressortissants à l’étranger.

Sur la question de la protection diplomatique étendue aux membres de l’équipage et passagers d’un navire ayant la nationalité d’un autre Etat, le Japon, à l’instar d’autres délégations, est d’avis que cette question est déjà suffisamment réglée par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.  Par ailleurs, le représentant s’est dit favorable à ce que l’on délègue le droit d’exercer la protection diplomatique à l’Etat dans lequel une société est constituée et a son siège social.  Exceptionnellement, cette protection diplomatique pourra être reconnue à l’Etat de nationalité des actionnaires, dans le cadre de conditions très précises.


M. HANS WINKLER (Autriche) a noté que le Rapporteur spécial semblait éviter certaines questions qui, selon lui, ne sont pas au centre du domaine de la protection diplomatique.  Cependant, la pratique a démontré que ces questions peuvent engendrer des problèmes majeurs, comme l’exercice de la protection diplomatique par des organisations internationales à l’égard de personnes employées par elles ou encore la protection diplomatique des navires et aéronefs.  Or, il est clair, par exemple, qu’étant donné le rôle croissant joué par les organisations internationales, ces fonctionnaires ont besoin d’une protection diplomatique.  Un autre problème nécessitant un examen plus approfondi concerne le cas où un Etat délègue à un autre son droit d’exercer la protection diplomatique.  A ce sujet, la délégation autrichienne est en désaccord avec les conclusions du Rapporteur spécial qui consistent à ne pas examiner cette question.  Le représentant a précisé que de tels cas existent aux termes d’accords bilatéraux.


Ainsi, l’Autriche et la Suisse ont conclu un accord concernant la protection consulaire mutuelle de leurs ressortissants dans des pays tiers.  Bien que cet accord concerne la protection consulaire, il est évident que la question peut aussi se poser au sujet de la protection diplomatique.  Par conséquent, la question des organisations internationales des navires et aéronefs devrait être examinée dans le cadre des travaux de la CDI sur la protection diplomatique, a estimé M. Winkler, même si cette question n’a nullement besoin d’être abordée immédiatement, mais plutôt lors de la seconde phase de l’étude de la protection diplomatique.


Concernant les projets d’articles, M. Winkler a considéré que les articles 12 et 13 sont superflus.  L’article 12 qui décrit la condition de la règle de l’épuisement des recours internes, est de nature théorique et n’ajoute rien aux projets d’articles.  Quant à l’article 13 qui traite du déni de justice, il n’a pas sa place ici car il s’agit d’une règle primaire et non d’une règle secondaire.  Cependant l’article 14, concernant la règle d’épuisement des recours internes, est primordial.  De plus, la délégation est en faveur des options 2 et 3 de l’article 14 qui concernent respectivement, l’épuisement des recours internes lorsqu’ils n’offrent aucune perspective raisonnable de succès, et lorsqu’ils n’offrent aucune possibilité raisonnable d’obtenir une mesure de réparation efficace.


Enfin, faisant référence à la clause Calvo visée à l’article 16, - qui est une clause de renonciation -, le représentant a indiqué que sa délégation va encore plus loin que le Rapporteur spécial, qui n’avait proposé que de supprimer une partie de cet article, et propose que l’article soit supprimé dans son intégralité.  En effet, les relations entre l’individu et l’Etat relèvent de la compétence de l’Etat et non pas de celui de la protection diplomatique.


M. JOHN LAMMERS (Pays-Bas) a déclaré être, en ce qui concerne la question de l’épuisement des recours internes, de l’avis du Rapporteur spécial concernant le problème posé par la nature de la règle de l’épuisement des recours internes.  Le Rapporteur spécial établit une distinction entre les dispositions de procédure et les dispositions de fond.  Quant bien même la délégation apprécie le caractère controversé de cette question, M. Lammers a regretté que dans son analyse finale, la Commission du droit international n’ait pas renvoyé le projet d’article au Comité de rédaction.  Sa délégation considère que la distinction est importante.  Par conséquent, elle ne s’opposerait pas à ce que la Commission examine de manière plus approfondie la question.


Par ailleurs, a noté M. Lammers, la Commission était divisée de manière égale sur la question de la clause de renonciation dite Calvo.  A ce sujet, la délégation appuie l’idée selon laquelle l’individu n’a pas un droit à la protection diplomatique, celle-ci relève de la discrétion de l’Etat qui est libre de l’accorder ou non à l’individu.  Cependant, il est important de noter qu’en droit international, rien n’empêche l’individu d’exercer son droit de demander la protection diplomatique à son Etat de nationalité.  Ceci est un droit différent de celui qui consiste à accorder la protection diplomatique.  En effet, la façon dont l’article 16 a été traité jusqu’à présent favorise uniquement l’interprétation selon laquelle il n’existe pas de droit de l’individu à la protection diplomatique.  M. Lammers a donc regretté que la CDI n’ait pas adopté la recommandation du Rapporteur spécial de renvoyer le premier paragraphe de l’article 16 qui traite de ce sujet, au Comité de rédaction.


M. MOHAMED BENNOUNA (Maroc) a rappelé que par la protection diplomatique, l’Etat cherche à faire respecter en la personne de ses ressortissants le droit international.  En ce qui concerne la question de savoir si la protection accordée par l’Etat de pavillon d’un navire aux membres de l’équipage ayant la nationalité d’un autre Etat, pour le représentant, cette question est déjà réglée par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, en particulier son article 94.  De même, la délégation marocaine n’est pas favorable à l’inclusion de la protection fonctionnelle d’une organisation internationale pour ses agents dans le champ d’application de la protection diplomatique.


En revanche, il convient de s’interroger sur le droit pour l’Etat de nationalité des actionnaires d’exercer la protection diplomatique à leur égard.  Cela pourrait être possible pour l’Etat de nationalité de la majorité des actionnaires ou si l’Etat dans lequel la société a été constituée refuse ou s’abstient d’exercer lui-même la protection.  Il peut s’agir également de la situation où la société a la nationalité de l’Etat auteur de préjudice.  Si le Maroc n’est pas favorable à la première, il l’est pour la seconde afin de mettre en confiance les investisseurs étrangers.


Évoquant ensuite la règle de l’épuisement des recours internes, M. Bennouna a considéré que celle-ci est une règle de procédure et non de fond sauf dans l’hypothèse où l’Etat territorial est compétent en premier lieu et qu’en s’abstenant de réparer le dommage, il viole le droit international, auquel cas la règle de l’épuisement des recours internes est bien une règle de fond.  En ce qui concerne le projet d’article 14 relatif aux exceptions à la règle de l’épuisement des recours internes, M. Bennouna est favorable à la disposition qui prévoit cette possibilité quand les recours n’offrent aucune possibilité raisonnable d’obtenir une mesure de réparation efficace.

En revanche, il ne lui paraît pas nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles un Etat renonce à exiger que les recours internes soient épuisés, de manière expresse ou implicite, ou qu’il soit empêché de le faire par le biais de l’estoppel (fin de non-recevoir).  Il appartient au juge ou à l’arbitre de le vérifier.  De même, de l’avis de sa délégation, l’absence de lien volontaire entre l’individu lésé et l’Etat défendeur – autre exception - n’est pas pertinente.  Enfin, la charge de la preuve devrait être déterminée par les codes de procédure, les juges ou arbitres et non par le projet d’articles.


Faisant référence à la clause Calvo, le représentant n’a pas jugé utile de l’inclure dans le projet de texte car cette clause relève d’un lien contractuel entre un individu et un Etat et non pas des relations entre deux Etats: la renonciation contractuelle par le ressortissant lésé n’a aucune incidence sur la protection diplomatique.  M. Bennouna a suggéré que l’on ne pousse pas trop loin le perfectionnisme juridique afin d’arriver rapidement à l’adoption de grands principes utiles aux Etats et aux praticiens du droit.


M. SAEID MIRZAEE-YENGEJEH (République islamique d’Iran) a remarqué que les sources de codification étaient abondantes en matière de protection diplomatique; cependant, il appartient à la Commission du droit international d’utiliser pleinement ces sources, en accord avec le droit international coutumier, pour l’élaboration des projets d’articles sur la question.  Le droit coutumier devrait constituer la base de travail de la Commission qui devra toutefois garder un esprit ouvert quant au développement sur ce sujet.  Le représentant a également appuyé l’idée du Rapporteur spécial qui consistait à se limiter, dans l’examen de la protection diplomatique, aux questions relatives à la nationalité des réclamations et à la règle de l’épuisement des recours internes pour ainsi permettre d’atteindre les objectifs établis pour le quinquennat.


Concernant la question de la protection fonctionnelle des organisations internationales de leurs employés, l’Iran partage l’opinion de la Commission expliquant que cela est une exception au principe de nationalité exercée uniquement dans l’intérêt de l’organisation concernée et que, par conséquent, elle devrait être exclue de l’étude de la protection diplomatique.  Cependant, M. Mirzaee-Yengejeh a souhaité que la Commission clarifie la question des réclamations concurrentes.  A ce sujet, la Cour internationale de Justice a noté, dans son avis consultatif du 11 avril 1949, que les réclamations concurrentes ne devraient pas résulter en deux réclamations ou deux actes de réparation.


Pour ce qui est de la protection accordée par l’Etat de pavillon d’un navire aux membres de l’équipage ayant la nationalité d’un autre Etat, M. Mirzaee-Yengejeh a fait sienne la recommandation du Rapporteur spécial consistant de ne pas inclure cette question dans le sujet à l’examen.  Ainsi, l’argument qui consiste à dire que la Convention sur le droit de la mer a étendu le champ d’application de la protection diplomatique ne semble pas bien fondé.  Il existe plusieurs mécanismes établis par le droit de la mer et le droit maritime pour protéger l’intérêt des membres de l’équipage d’un navire.  Cette analyse s’applique également à la question de la nationalité des aéronefs.


A l’instar de la majorité des délégations, le représentant a estimé que les projets d’articles 12 et 13 exigeant l’épuisement des recours internes pour que la protection diplomatique puisse s’exercer, n’ajoutent rien à l’ensemble des projets d’articles.  Par ailleurs, faisant référence au projet d’article 15 relatif à la charge de la preuve, M. Mirzaee-Yengedeh a considéré que cette question n’a pas sa place au sein des projets d’articles.  La charge de la preuve est un sujet complexe et les règles qui gouvernent l’admissibilité de la preuve sont en principe traitées par le droit interne des Etats ou par les organes judiciaires internationaux.


M. THIRUNAVUKKARASU (Inde) s’est félicité de l’adoption par la Commission du droit international de sept projets d’articles sur la protection diplomatique et a rappelé l’importance de la codification de cette question.  Il a souligné à cet égard l’évolution récente en matière de protection diplomatique: ainsi, le développement des transports et des communications multiplie les hypothèses où le ressortissant d’un Etat subit un préjudice dans un autre Etat avec lequel il n’est pas directement lié.  De l’avis de sa délégation, la protection diplomatique doit servir les intérêts des individus mais celle-ci ne devrait pas aller au-delà et devenir obligatoire pour l’Etat de la nationalité.


L’Inde n’est pas favorable à l’extension de la protection diplomatique à l’égard des réfugiés ou des apatrides, qui permet à un Etat d’exercer la protection diplomatique à l'égard d’une personne apatride ou d’un réfugié si ces personnes au moment où le dommage a été causé et à la date à laquelle la réclamation a été officiellement présentée, ont leur résidence légale et habituelle sur son territoire.  De l’avis de la délégation indienne, une telle disposition nuirait à l’Etat de résidence légale et habituelle.


Selon M. Thirunavukkarasu, les projets d’articles 12 et 13, relatifs à l’épuisement des recours internes, devraient être supprimés et incorporés dans les projets d’articles 10 et 11.  La question de l’épuisement des recours internes est au centre du droit coutumier international et de la protection diplomatique.  La question de l’effectivité des recours internes est donc cruciale et il convient de déterminer avec précision cette notion et les exceptions qu’elle implique.  L’exception visant l’absence de lien volontaire entre l’individu lésé et l’Etat défendeur, doit constituer la base des discussions, a estimé le représentant, suggérant par ailleurs que la charge de la preuve devrait faire l’objet d’un texte séparé traitant des questions de procédure.


M. UMBERTO LEANZA (Italie) a insisté sur les projets d’articles 14, 15 et 16 qui traitent respectivement de la règle de l’épuisement des recours internes, de la charge de la preuve et de la doctrine Calvo.  S’agissant de l’épuisement des recours internes, l’article 14 alinéa a) affirme, par trois options, que la règle de l’épuisement préalable ne peut s’appliquer lorsque les recours sont manifestement futiles, n’offre aucune perspective raisonnable de succès, ou n’a aucune possibilité d’obtenir une mesure de réparation efficace.  La délégation favorise la deuxième option.  Cependant, elle souhaite, le cas échéant, de la formuler pour exprimer de manière adéquate l’idée de fond qu’un recours ne doit être épuisé qu’en présence d’un motif bien fondé de succès.  La règle de l’épuisement préalable des recours internes, a réitéré M. Leanza, est nécessaire aux fins de l’exercice du droit à la protection diplomatique et non pas en tant que règle de procédure pour l’exercice de ce droit.


Concernant la charge de la preuve, il incombe à l’Etat défendeur de prouver qu’au recours introduit dans un cadre international s’applique la règle de l’épuisement préalable des recours internes et que ces derniers n’ont pas été épuisés.  Il revient à l’Etat défendeur de prouver l’éventuelle existence d’une des exceptions de l’article 14.  De plus, il y a lieu de signaler les différences existant entre la Common law et le droit romain germanique relativement aux questions connexes avec la charge de la preuve.  Enfin, la Clause Calvo est une clause selon laquelle les différends en matière de traitement des étrangers seraient du ressort exclusif des tribunaux de l’Etat local.  A ce sujet, il faut noter que personne ne peut astreindre un Etat accusé d’avoir violé les règles sur les étrangers à traiter la question sur le plan international ou moyennant un arbitrage, s’il n’a pas au préalable des obligations conventionnelles à cet égard.


M. MILOSLAV PETRU (République tchèque) s’est félicité des avancées réalisées sur la protection diplomatique reflétant ainsi l’évolution récente du droit international.  La règle de l’épuisement des recours internes, qui  prévoit que la protection diplomatique ne peut être mise en oeuvre que si tous les recours de droit interne ont été épuisés, a toujours joué un rôle important pour la protection diplomatique et constitue un préalable à l’exercice de celle-ci, a indiqué le représentant.  Cependant, les projets d’articles 12 et 13 ne sont pas nécessaires car cette question est déjà couverte par le projet d’article 11.  De l’avis de sa délégation, les dispositions du projet d’article 14 qui envisagent des exceptionsà la règle de l’épuisement des recours internes constituent une base solide de négociation.  En ce qui concerne la clause Calvo, par laquelle une personne liée de son fait avec un Etat dont elle n’est pas ressortissante accepte de renoncer à demander la protection diplomatique de son Etat de nationalité et de s’en remettre exclusivement aux recours internes pour l’exécution du contrat, M. Petru a estimé qu’il s’agit là d’un lien contractuel entre un individu et un Etat et non pas d’un principe de droit international.  Il n’est donc pas nécessaire de l’inclure dans le projet de texte.


Le représentant a approuvé le fait que le projet d’article 1er confirme la conception classique reconnaissant le droit exclusif d’un Etat d’exercer la protection diplomatique pour protéger les intérêts d’un de ses ressortissants lésé par un autre Etat, ce qui la distingue d’autres formes de responsabilité internationale.  A cet égard, M. Petru a appuyé fermement le projet d’article sur les apatrides et réfugiés, qui est une exception à l’article 1er.  Le droit de l’Etat de nationalité d’un navire de présenter une réclamation au nom de l’équipage et éventuellement aussi des passagers, quelle que soit la nationalité des personnes concernées, n’est pas justifié car c’est le lien de nationalité qui donne le droit à un Etat d’exercer la protection diplomatique. Par ailleurs, M.Petru a jugé intéressants les travaux de la CDI sur la responsabilité des organisations internationales et a appuyé à cette fin les travaux de celle-ci.


M. YORAM DINSTEIN (Israël), passant en revue tous les sujets dont traite le rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, a exprimé sa satisfaction concernant l’idée de limiter le champ d’application des projets d’articles sur la protection diplomatique essentiellement aux réclamations de l’Etat de nationalité et à l’épuisement des recours internes.  Le délégué a longuement expliqué que cela permettrait de mieux achever l’examen des travaux envisagés.


Par ailleurs, M. Dinstein s’est attardé sur le sujet des réserves aux traités.  Plus précisément, concernant la possibilité d’émettre une réserve à un traité par courrier électronique ou par télécopie, le représentant a estimé qu’on ne peut plus fermer les yeux sur l’utilisation universelle du courrier électronique ou de la télécopie comme moyen de communication immédiat.  Il est vrai que le courrier électronique risque de disparaître, mais cela est également vrai pour le courrier postal.  Toutes craintes concernant ces moyens de communication des réserves devraient être dissipées, car une confirmation par écrit sera exigée.


M. JUAN MANUEL GOMEZ ROBLEDO (Mexique), faisant référence aux  projets d’articles 3 et 4 sur la protection diplomatique, adoptés à titre provisoire par la CDI, a estimé que la Commission devrait aborder l’examen de la protection diplomatique des personnes morales une fois que celui de la protection diplomatique des personnes physiques sera terminé.  Sa délégation regrette que la CDI ait décidé de ne pas renvoyer au Comité de rédaction les projets d’articles 12 et 13 concernant la règle de l’épuisement des recours internes.  En revanche, elle se félicite du renvoi de l’article 14, relatif aux exceptions à cette règle qu’elle considère comme essentielle pour la sauvegarde de l’intérêt des parties car cela vise à offrir de plus grandes garanties d’accès aux juridictions internationales.  De plus, M. Gomez Robledo s’est déclaré en faveur de l’incorporation de règles concernant la charge de la preuve dans le projet d’article 14.


Par ailleurs, le représentant a déploré le fait que le projet d’article relatif à la clause Calvo n’ait pas été adopté par la Commission puis renvoyé au Comité de rédaction.  De la l’avis de sa délégation, aucune étude au sujet de la protection diplomatique ne peut être considérée complète sans cette clause.  Il importe de noter que la Constitution mexicaine comprend cette clause.  C’est pourquoi, le Mexique souhaite l’inclusion de la clause Calvo qui, selon son représentant, n’a guère d’incidence sur la souveraineté des Etats.


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