LA SIXIÈME COMMISSION CONCLUT SON DÉBAT SUR LE PROJET D’ARTICLES
Communiqué de presse AG/J/358 |
Sixième Commission
14e et 15e séances – matin et après-midi
LA SIXIÈME COMMISSION CONCLUT SON DÉBAT SUR LE PROJET D’ARTICLES
RELATIF À LA RESPONSABILITÉ DES ETATS
Elle recommande à l’Assemblée générale de convoquer la session du Comité spécial
sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens du 4 au 15 février 2002
La Commission juridique (Sixième Commission), présidée par M. Pierre Lelong (Haïti), a achevé aujourd’hui l’examen du Chapitre IV du rapport de la Commission du droit international (CDI) portant sur la responsabilité des Etats. La plupart des délégations a souscrit à la recommandation de la CDI de procéder en deux étapes : dans un premier temps, l’Assemblée générale prendrait acte du projet d’articles sur la responsabilité des Etats et l’annexerait à une résolution, et dans un deuxième temps, elle envisagerait la possibilité de convoquer une conférence internationale de plénipotentiaires pour l’examiner en vue de l’adoption d’une convention sur le sujet.
Le représentant des Etats-Unis s’est opposé à ce que le projet d’articles devienne un instrument juridique international contraignant. Celui de la Grèce a, pour sa part, soutenu que le projet d’articles mérite de prendre le plus vite possible la forme d’une convention internationale. Le représentant de la Hongrie n’a pas exclu l’adoption éventuelle d’une convention, précisant toutefois que cette question devrait au préalable faire l’objet de discussions et d’une réflexion pendant quelques années, estimant que la convocation prématurée d’une conférence à cet effet risquerait de remettre en cause les compromis qui ont permis de finaliser le projet d’articles actuel.
Concernant la forme de la résolution devant être adoptée par l’Assemblée générale, le représentant de l’Argentine a proposé que celle-ci recommande aux Etats Membres d’assurer une large diffusion du projet d’articles, notamment auprès des universitaires et des tribunaux, et prévoit que cette question revienne à l’ordre du jour des prochaines sessions de l’Assemblée générale, afin que la Sixième Commission puisse décider, lorsque les délégations seront prêtes, de s’engager dans l’élaboration d’une convention.
Le délégué de la République tchèque a exprimé des préoccupations sur les changements de terminologie introduits dans le projet d’articles, notamment les notions de violations graves d’obligations découlant de normes impératives et d’obligation violée due à la communauté internationale dans son ensemble. Quel rapport y a-t-il entre ces deux notions et pourquoi avoir introduit deux régimes entraînant des conséquences différentes?, a-t-il demandé, prévoyant que cela pourrait susciter des controverses dans la pratique.
Le Chapitre V du rapport de la CDI intitulé “Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international” a été abordé par quelques délégués dont celui du Portugal, qui a précisé qu’il aurait souhaité que le projet d’articles sur ce thème comprenne les risques causés dans les zones situées au-delà des juridictions nationales, de même que le principe de précaution. Il a soutenu que le produit final en ce domaine devrait traiter de façon intégrée des questions de prévention et de responsabilité et que, par conséquent, son pays juge qu’il serait prématuré de s’engager dans la rédaction d’une convention sur ce thème.
Les représentants des pays suivants ont pris la parole aujourd’hui: Sierra Leone, Mexique, Grèce, Inde, Fédération de Russie, Mongolie, République tchèque, Cameroun, Portugal (sur les chapitres IV et V du rapport de la CDI), Etats-Unis (sur l’ensemble du rapport), Chili, Hongrie, Jordanie, Thaïlande, Venezuela, Argentine, Croatie, Irlande et Ukraine (sur tout le rapport).
A l’issue de sa séance de ce matin, la Sixième Commission a par ailleurs adopté sans vote le projet de résolution relatif à la "Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens", par lequel l'Assemblée générale prierait le Comité spécial sur les immunités juridictionnelles de se réunir du 4 au 15 février 2002, de lui faire rapport à sa cinquante-septième session sur les résultats de ses travaux et déciderait d'inscrire à l'ordre du jour provisoire également de sa cinquante-septième session la question intitulée "Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens". Après son adoption, la représentante du Royaume-Uni a fait une observation sur le titre de la convention qui ne devrait pas, selon elle, préjuger de la portée des travaux de la Commission du droit international.
La Sixième Commission reprendra ses travaux, demain vendredi 2 novembre à 10 heures.
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session (A/56/10 et Corr.1)
Déclarations:
M.ALLIEU KANU (Sierra Leone) a exprimé sa satisfaction pour le travail accompli par la Commission du droit international (CDI). Il a estimé que le projet d’articles sur la responsabilité des Etats constitue un texte général équilibré, alors que certaines questions étaient très controversées. Concernant la distinction faite entre les violations ordinaires et les violations graves de normes fondamentales, il a noté que la référence au “crime international d’Etat” a été évitée à la suite des controverses soulevées. Il s’est cependant dit préoccupé à l’égard de l’article 40 paragraphe 1, à cause de la notion de “norme impérative” qu’il considère suffisamment définie par la Convention de Vienne sur le droit des traités et aussi par la jurisprudence de la Cour internationale de Justice. Pour ce qui est de la référence à la “communauté internationale dans son ensemble”, que l’on retrouve dans de nombreux articles, M. Kanu a émis des doutes sur l’utilité de modifier l’expression qui figure également dans la Convention de Vienne, ayant à l’esprit le souci de ne pas porter préjudice aux droits des individus.
S’agissant des contre-mesures, la difficulté principale tient à l’équilibre qui doit être trouvé pour éviter des abus, a relevé le représentant, soulignant que sa délégation continue d’être préoccupée par la détermination unilatérale de la légitimité des contre-mesures. Le représentant s’est dit convaincu que plusieurs articles doivent être améliorés, notant toutefois que le chapitre II est fort utile et doit être préservé. En ce qui concerne la forme future du projet d’articles, il a estimé que la pertinence de l’adoption du projet d’articles mérite d’être dûment reconnue. Favorable à ce que l’Assemblée générale prenne note de ce projet de texte, il a appuyé la recommandation de la Commission, qui prévoit l’adoption par l’Assemblée d’une résolution comportant en annexe le projet d’articles.
M. JUAN MANUEL GOMEZ ROBLEDO (Mexique) s’est félicité de l’excellent travail accompli par la CDI sur des thèmes dont elle traite depuis de nombreuses années. La discussion sur la responsabilité des Etats a été riche en opinions divergentes et il a fallu surmonter une série de difficultés, a-t-il relevé. Cependant, comme tout produit du consensus, le projet d’articles sur la responsabilité des Etats contient des éléments qui créent des incertitudes, notamment en raison de l’absence d’un mécanisme de règlement des différends dans le texte final. Pour le délégué, cela se présente comme un contresens et apparaît comme si la communauté internationale cédait devant une fatalité. Abordant certains aspects concrets des articles, il a déclaré que, de façon générale, M. Gomez Robledo s’est félicité de l’élaboration de ce projet de texte. Il subsiste quelques ambiguïtés, a-t-il noté, en particulier dans les dispositions de l’article 25 sur l’état de nécessité. Cette condition doit être exceptionnelle, a-t-il rappelé, et il faudrait donc préciser que l’Etat qui l’invoque ne peut être le seul juge de l’existence de cette condition. Cette lacune met en évidence, de l’avis de la délégation mexicaine, la nécessité de prévoir un mécanisme de règlement des différends. Les articles 40 et 41, même après les améliorations apportées, présentent encore des difficultés, a considéré M. Gomez Robledo, ajoutant qu’il
aurait préféré l’élimination complète du chapitre III, deuxième partie, où
figurent ces articles. Pour justifier cette position, il a soutenu que la subjectivité prédomine dans ces articles. Il serait alors utile d’établir un seuil d’application pour l’article 41.
En ce qui concerne l’article 44 du même chapitre, M. Gomez Robledo a émis la crainte que les dispositions sur l’épuisement des recours internes soient appliquées de manière abusive. L’article 48, a-t-il considéré, ouvre la voie aux Etats d’exiger la responsabilité d’un Etat lorsque des règles ne sont pas impératives mais doivent être respectées par la “communauté internationale dans son ensemble”. Il a relevé qu’on ne connaît pas les limites de ces obligations. Tout en exprimant de nouveau ses doutes sur la pertinence du chapitre II de la deuxième partie, M. Gomez Robledo a estimé que ses dispositions permettraient d’orienter la conduite des Etats qui veulent utiliser les contre-mesures. Il s’est dit toutefois surpris que le texte n’utilise pas le terme proportionnalité”. De l’avis de sa délégation, en permettant à l’Etat lésé de prendre des contre-mesures urgentes, l’article 52 pourrait encourager des abus de ces mesures. En outre, l’inclusion de l’article 54 (“mesures prises par des Etats autres que l’Etat lésé”) n’était pas nécessaire de l’avis de M. Gomez Robledo. Quant à l’avenir du projet d’articles, une convention constitue pour lui la seule forme possible, mais il reconnaît qu’elle ne reflète pas le consensus. On peut donc procéder par étapes, à condition qu’on garde en vue l’adoption d’une convention à l’avenir. Par conséquent, il a proposé un temps de réflexion d’un an ou deux pour permettre aux Etats d’étudier plus avant le projet d’articles.
M. CONSTANTIN P. ECONOMIDES (Grèce) a qualifié le projet d’articles sur la responsabilité des Etats d’oeuvre monumentale qui constitue la matière la plus importante du droit international, plus importante à ses yeux que le droit des traités ou le droit de la mer. Il a indiqué que le projet d´articles allait combler un immense vide qui existait en droit international et ce, au cours d’une phase de transition au cours de laquelle le droit de la responsabilité des Etats, jusqu’à présent de nature exclusivement coutumière, est en voie de devenir un droit écrit, ce qui représente à ses yeux un énorme progrès. Ayant été adopté par la CDI par consensus, il a noté que le projet d’articles était donc le produit d’un très large compromis et le fruit d’un long mûrissement réunissant la science et la sagesse d’un grand nombre d’internationalistes éminents qui y ont travaillé pendant des décennies. Le représentant a accueilli l’introduction dans le projet d´articles du concept de «communauté internationale dans son ensemble» comme un élément très positif pour l’avenir de cette communauté et pour le droit international. Un autre point extrêmement positif du projet réside dans l’élan considérable qu’il donne aux normes impératives du droit international général (jus cogens) qui ont été adoptées pour la première fois par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. M. Economidès a regretté que la CDI ait supprimé du texte définitif du projet d’article 42 une clause prévoyant, en cas de violations graves, l’obligation pour l’Etat responsable d’avoir à verser des dommages-intérêts correspondant à la gravité de la violation, c’est-à-dire des dommages-intérêts punitifs. En outre, l’introduction du terme “grave” apporte une précision superflue car, dit-il, toute violation d’une règle impérative est, par définition, une violation grave.
Concernant le libellé du projet d’article 52 relatif aux conditions du recours à des contre-mesures, le représentant a maintenu que l’emploi de telles mesures, même pacifiques, appartient à une pratique archaïque et rétrograde fondée sur un rapport de force et tendant à favoriser les Etats puissants et aussi à miner l’autorité et le prestige du droit international. Il a estimé que cette disposition du projet d’article 52, qui fait passer l’action unilatérale -qui peut après tout ne pas être fondée- avant le règlement du différend selon le droit international, est critiquable à tous points de vue. Il a regretté fortement la disparition du paragraphe qui prévoyait que des contre-mesures autres que celles qui sont urgentes ne peuvent être prises, tant que les négociations se poursuivent de bonne foi. L’autre faiblesse importante du projet d´articles qu’il a identifiée réside dans l’absence de procédures concernant le règlement des différends, procédures qui auraient selon lui été fort utiles pour l’ensemble du droit de la responsabilité des Etats et indispensables pour la partie concernant les contre-mesures. M. Economidès a souhaité que la conférence de plénipotentiaires chargée de transformer le projet d’articles en une convention saura remédier à cette lacune. Dans l’ensemble, il a qualifié de nettement positif le projet de la CDI, précisant qu’il s’agit du projet de texte le plus important que la CDI ait présenté à la Sixième Commission depuis sa création. La Grèce estime que ce projet mérite de prendre le plus vite possible la forme d’une convention internationale, de préférence par le biais d’une conférence de plénipotentiaires.
M. P.S. RAO (Inde) a fait observer que le nouveau projet d’articles revêt plusieurs avantages et tient compte de la position des Etats dans des situations particulières. Sur l’introduction de la notion de violations graves d’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble, il a souhaité l’énumération d’exemples dans le texte, sur la base de ceux contenus dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. Concernant le chapitre III, parties 2 et 3, il a dit regretter la suppression des dommages punitifs qui avaient été prévus dans des projets d’articles antérieurs. Il a aussi exprimé des craintes que le nouveau texte sur les contre-mesures soit utilisé par des Etats plus puissants au détriment des plus faibles. Le représentant a indiqué que son pays préconise que, compte tenu de la complexité des questions couvertes et de l’équilibre délicat auquel est parvenu le projet dans son ensemble, l’Assemblée générale exprime son appréciation à la CDI pour la qualité de son travail et prenne acte du projet d’articles. Il a conclu en disant qu’après un délai raisonnable pour l’étude et la réflexion sur le projet d’articles, les Etats pourront envisager de l’adopter sous une forme appropriée.
M. DIMITRI LOBACH (Fédération de Russie) s’est joint aux félicitations déjà exprimées par de nombreuses délégations pour le travail accompli par la CDI. De l’avis de sa délégation, le texte du projet d’articles sur la responsabilité des Etats est bien équilibré. Faisant référence aux contre-mesures, la Fédération de Russie rappelle qu’elle a toujours souhaité que des dispositions en la matière soient incluses dans le texte. Alors que le droit des Etats autres que les Etats lésés d’avoir recours à des contre-mesures était prévu dans la version précédente du texte, le texte final n’en fait plus mention, a noté M. Lobach. Pourtant, a-t-il considéré, ce texte comportait des éléments valables, dans le cas notamment de l’Etat lésé qui n’est pas lui-même en mesure d’appliquer des contre-mesures. Tout en notant que les craintes d’abus l’ont emporté sur ses aspects positifs, il a approuvé ce changement, même si le nouvel article 54 lui semble imparfait. Il faut, dans tous les cas, que ces mesures soient licites, ce que la formule actuelle ne précise pas.
S’agissant du chapitre III (violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit international général), le représentant n’a émis aucun doute sur la validité de réclamer une peine particulièrement lourde. Il a considéré que les éléments nouveaux du nouveau projet d’articles auraient pu réduire le niveau de subjectivité, se déclarant peu convaincu par la définition de l’ensemble de ces obligations erga omnes. C’est pourquoi, la Fédération de Russie souhaite une meilleure définition de ces violations. Au sujet de l’article 41, le représentant a émis la crainte que la réparation des dommages qui est prévue soit une forme d’indemnisation inconnue du droit international. Par ailleurs, il a déclaré ne pas être certain quant au sens des conséquences particulières d’une violation grave. La Fédération de Russie se félicite par ailleurs qu’on n’ait pas parlé d’intervention humanitaire comme un acte de violation, dans le chapitre V. Enfin, il a préconisé l’élaboration d’une convention internationale qui devra servir de base essentielle de droit international et de facteur de stabilisation dans les relations internationales. Toutefois, compte tenu des difficultés qui sont rencontrées, il a appuyé la recommandation de la CDI visant l’adoption par l’Assemblée générale d’une résolution comportant en annexe le projet d’articles.
M. J ENKHSAIKHAN (Mongolie) a félicité la CDI pour le projet d’articles sur la responsabilités des Etats et les recommandations qui y sont associées. Ce projet de texte aura des incidences importantes sur les relations internationales, a estimé M. Enkhsaikhan, tout en notant avec satisfaction la simplification du langage utilisé dans la version finale du projet d’articles et les explications utiles trouvées dans les commentaires. De l’avis de sa délégation, le texte s’en trouve plus équilibré et il est appréciable que la notion de responsabilité pénale individuelle ait été supprimée. Tout en rappelant que son pays aurait souhaité qu’une distinction soit faite entre les violations ordinaires du droit international et les violations graves qui affectent tous les Etats et la communauté internationale dans son ensemble, M. Enkhsaikhan a cependant apprécié que l’explication donnée dans l’article 40 (2) fasse référence aux violations graves comme “un manquement flagrant et systématique” à l’exécution de l’obligation. En ce qui concerne l’article 41, qui prévoit les “conséquences particulières d’une violation grave d’une obligation en vertu du présent chapitre” (chapitre III: Violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit international général), il a déclaré soutenir cette disposition dans la mesure où elle est appliquée à des normes de jus cogens, et dès lors soutient la sanction collective de non reconnaissance et de non assistance. L’utilité de telles mesures a été démontrée dans l’affaire opposant la Namibie et la Rhodésie, a-t-il précisé.
En ce qui concerne l’article 48, portant sur l’invocation de la responsabilité par un Etat autre qu’un Etat lésé”, M. Enkhsaikhan a exprimé son accord. Quant à la question controversée des contre-mesures, il a félicité le rapporteur et la CDI pour les améliorations apportées au texte du projet d’articles qui lui semble plus équilibré que le précédent. Il a simplement regretté que l’article 54 de la version précédente du texte (droit d’un Etat non lésé de prendre des contre-mesures) ait été supprimé. En ce qui concerne la question du règlement des différends, il a estimé que ces dispositions pourront être examinées après avoir déterminé la forme que revêtira le projet d’articles. Sa délégation fait sienne la recommandation de la CDI selon laquelle l’Assemblée générale devrait prendre note du projet d’articles et l’annexer dans une résolution, en vue de convoquer ultérieurement une conférence de plénipotentiaires pour conclure une convention sur ce sujet.
M. MILOSLAV PETRÙ (République tchèque) a exprimé sa satisfaction à l’égard du projet d’articles sur la responsabilité des Etats, qu’il trouve plus détaillé et rigoureux quant à sa structure. Il a apprécié tout particulièrement l’équilibre dont font preuve les projets d’articles sur les contre-mesures. Il a exprimé certaines préoccupations cependant face aux changements de terminologie utilisée dans les articles 40, 41 et 48, soit la notion de violations graves d’obligations découlant de normes impératives et celle d’obligation violée due à la communauté internationale dans son ensemble. Quel rapport y a-t-il entre ces deux notions et pourquoi avoir introduit deux régimes entraînant des conséquences différentes, a-t-il demandé. Il a précisé que sa délégation s’inquiète tout particulièrement de voir qui décidera s’il y a violation grave d’une norme impérative ou non, prévoyant que cela suscitera éventuellement des controverses dans la pratique. Il a indiqué que son pays estime que l’Assemblée générale devrait prendre acte du projet d’articles et annexer son texte à la résolution. Il a ajouté que la République tchèque ne voyait aucun inconvénient à la recommandation de la CDI contenue dans le paragraphe 73 de son rapport, soit de recommander à l’Assemblée générale d’envisager la tenue d’une conférence de plénipotentiaires en vue de la conclusion d’une convention. Il a conclu en disant que ce projet d’articles, une fois adopté sous la forme d’une annexe à une résolution de l’Assemblée générale, fournira à la communauté juridique internationale des directives d’une valeur incomparable.
M. MARTIN BELINGA EBOUTOU (Cameroun) a rappelé les accomplissements de la CDI au cours de son quinquennat qui s’achève. S’agissant du projet d’articles sur la responsabilité des Etats, il a considéré la présente session de la Sixième Commission comme un moment exceptionnel, celui qui aura vu l’aboutissement d’un travail auquel la CDI a consacré pendant près d’un demi-siècle. Le représentant a considéré le projet d’articles globalement équilibré, reflétant en grande partie le droit coutumier et la pratique des Etats, tout en contenant des éléments de développement progressif du droit international dont certains suscitent des inquiétudes légitimes. C’est le cas des dispositions de l’article 48 (invocation de la responsabilité par un Etat autre que l’Etat lésé), qui constitue une disposition assez révolutionnaire. Il a estimé qu’il faudrait voir la portée et les conséquences pratiques de cette disposition avant de se faire une religion définitive.
M. Belinga Eboutou s’est dit encore plus préoccupé par le traitement des questions relatives aux contre-mesures. Il a fait valoir qu’il s’agit d’un instrument auquel ne peuvent recourir en général que les Etats les plus puissants. Cependant, il a rappelé que les contre-mesures sont désormais consacrées par la jurisprudence internationale. C’est pourquoi, il a estimé que la CDI a été bien inspirée d’enfermer cette pratique dans un régime strict. Le représentant a toutefois regretté que ce qu’il appelle “le bel équilibre de l’ancien article 53” se trouve rompu dans le cadre de l’article 52 actuel. Il a approuvé la suppression du terme provisoire, mais a du mal à admettre la disparition du paragraphe 4 de l’ancien article 53 (“des contre-mesures autres que celles visées au paragraphe 3 ne peuvent être prises tant que les négociations se poursuivent de bonne foi et ne sont pas dûment retardées”), qui donnait aux contre-mesures toute leur signification. Le représentant a fait observer que, dès l’instant que l’Etat qui est responsable des faits illicites susceptibles de provoquer la prise de contre-mesures négocie de bonne foi avec l’Etat lésé, il ne comprend pas pourquoi ce dernier aurait le droit de prendre des contre-mesures contre lui. Cet article
mérite de retenir l’attention des Etats. De l’avis de sa délégation, si l’objectif des contre-mesures est d’amener l’Etat responsable à s’acquitter des obligations qu’il a violées, les prendre contre l’Etat qui négocie de bonne foi reviendrait à lui infliger des sanctions.
Le représentant a poursuivi en expliquant que le projet d’articles pose aussi le problème de son articulation avec la Charte des Nations Unies, en matière de contre-mesures prises par un ou plusieurs Etats et les mesures qui peuvent être prises par le Conseil de sécurité au titre de l’Article 41 de la Charte. Les deux types de mesures peuvent-elles s’appliquer de manière concomitante sans porter atteinte au principe de proportionnalité des contre-mesures? C’est encore une matière à réflexion, a-t-il affirmé. Enfin, en ce qui concerne l’absence de clauses sur le règlement des différends dans le projet, il a estimé que si l’on introduit des dispositions sur les contre-mesures, il faut en inclure sur le règlement des différends. Sans ces dispositions, il faut l’intervention d’un tiers impartial pour dire si les contre-mesures sont légitimes, a suggéré M. Belinga Eboutou. Comment amener les Etats à soumettre ces différends devant un tiers impartial alors que certains Etats n’ont pas souscrit à la clause facultative de juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice et qu’il n’existe pas de convention universelle d’arbitrage. Selon lui, une clause compromissoire serait nécessaire dans le projet d’articles. La délégation camerounaise souhaite qu’une conférence diplomatique permette d’adopter une convention sur la base du projet d’articles.
M. ANTONIO VILHENA DE CARVALHO (Portugal) a estimé que cet important projet d’articles sur la responsabilité des Etats mérite d’être incorporé dans un instrument qui contribuera au respect du droit international. De l’avis de sa délégation, le travail de la CDI fait déjà autorité en codifiant la pratique de la communauté internationale en la matière et continuera certes d’être largement cité par les universitaires et praticiens du droit international. Sur la question des contre-mesures, il a estimé que la communauté internationale devrait appliquer une approche restrictive, compte tenu des inégalités existantes entre Etats. Un problème important identifié par le Portugal réside dans l’absence d’un organisme international compétent pour déterminer s’il y a eu violation du droit international, d’où l’importance d’envisager l’inclusion de mécanismes sur le règlement des différends dans une éventuelle convention sur la responsabilité des Etats. Par ailleurs, le représentant a souscrit au compromis recommandé par la
CDI et consistant à ce que l’Assemblée générale prenne acte du projet d’articles dans une résolution en gardant ouverte la possibilité de tenir une conférence internationale en vue de l’adoption d’une convention sur cet important sujet.
Le délégué s’est également prononcé sur le chapitre V du rapport de la CDI intitulé “Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international”, précisant que le Portugal se félicite de tout nouvel apport juridique susceptible de mieux protéger l’environnement. Il a cependant indiqué qu’il aurait préféré que le projet d’articles sur ce thème comprenne les risques causés dans les zones situées au-delà des juridictions nationales, de même que le principe de précaution. Il a réitéré la position de son pays qui a soutenu que le produit final en ce domaine devrait traiter de façon intégrée des questions de prévention et de responsabilité. Par conséquent, le Portugal juge que le projet d’articles manque d’équilibre et qu’il serait prématuré de s’engager dans la rédaction d’une convention alors que seulement deux aspects ont été traités.
M. WILLIAM TAFT (Etats-Unis) a loué les efforts des rapporteurs spéciaux qui se sont occupés du projet d’articles sur la responsabilité des Etats. Il n’est pas favorable à un instrument obligatoire et, de plus, juge que le temps n’a pas été suffisant pour que les Etats aient pu l’étudier à fond. Il s’est félicité de la révision de certains articles, en particulier la suppression de la référence à la violation grave tant contestée par les délégations. Sa délégation reste toutefois préoccupée par la distinction qui est faite entre les violations graves et les violations ordinaires, car cette distinction n’est pas classique en droit international coutumier, même si elle est moins ambiguë que la notion de crime d’Etat. Le délégué s’est dit par ailleurs préoccupé par la façon dont la CDI traite la question des contre-mesures, car certaines restrictions ne correspondent pas non plus au droit international coutumier. Dans quelle mesure, par exemple, la proportionnalité s’applique-t-elle, s’est interrogé M. Taft, considérant que le texte manque de précisions en la matière.
En ce qui concerne le contenu de la responsabilité internationale des Etats, M. Taft a noté que les dispositions de l’article 30 (b) sur la cessation et la non-répétition du fait internationalement illicite ne portent pas sur des aspects bien développés en droit international. Par ailleurs, il s’est réjoui de la définition que le texte donne à la notion des Etats lésés, même si elle risque, de l’avis de M. Taft, d’être encore trop large. Sa délégation estime que les exemples de la pratique des Etats fournis dans les commentaires ne sont pas suffisants. Abordant le chapitre V du rapport de la CDI intitulé “Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international”, la délégation des Etats-Unis félicite la CDI pour avoir finalisé son projet d’articles sur les dommages transfrontières. La réglementation doit se poursuivre dans la négociation, pour que certains points soient traités au cas par cas, a suggéré M. Taft, estimant qu’il s’agit d’une bonne tentative pour développer le droit international. Est-ce que les projets fédéraux sont couverts dans le cas de systèmes fédéraux de gouvernements, a-t-il demandé, tout en notant qu’à cet égard, les articles approuvés par la CDI vont quelque peu au-delà des accords régionaux.
Sur la question de la protection diplomatique, le représentant a noté que certains articles ont été renvoyés au comité de rédaction et a déclaré attendre pour faire part de ses commentaires. Il a estimé que le comité de rédaction devrait reformuler l’article 9 pour énoncer les règles de droit coutumier sur la continuité de la nationalité. Concernant l’épuisement des recours internes, il faudrait selon lui améliorer les dispositions en prévoyant que le ressortissant dont la plainte sera traitée doit seulement épuiser les recours internes disponibles et efficaces. Enfin, sur le sujet des réserves aux traités, le représentant a rappelé que les traités constituent la source principale de droit international et que le chapitre VI du rapport de la CDI décrit bien cette position. Les Etats-Unis appuient le travail accompli par la CDI sur ce thème, a indiqué M. Taft, évoquant ensuite un élément d’instabilité dans la pratique des traités, qui tient à la formulation tardive des réserves. Pour ce qui est du rôle du dépositaire, il s’est demandé si on peut refuser une réserve qui serait inadmissible. L’institution de dépositaire a été modifiée par la Convention de Vienne, a-t-il rappelé en précisant que les Etats-Unis, en leur qualité de dépositaire, auraient dans ce cas appelé l’attention du pays qui veut formuler ce type de réserve sur son caractère incompatible. Une divergence pourrait alors apparaître et les Etats signataires seraient avisés. S’agissant des actes unilatéraux des Etats, le représentant a indiqué que sa délégation examinera le questionnaire de la CDI et souhaite participer aux travaux de la Commission dans ce domaine.
MME ALEJANDRA QUEZADA (Chili) a exprimé sa reconnaissance envers la Commission du droit international (CDI) pour le travail accompli au cours de ces dernières années. Abordant la question de la responsabilité des Etats, elle a noté que l’expression “violations graves des obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble” a été retenue dans le projet d’articles. Elle a cependant indiqué que la formulation “communauté internationale dans son ensemble”, qui a remplacé l’expression “la communauté internationale des Etats dans son ensemble” ne répond pas aux attentes de sa délégation. Elle a souligné que l’obligation violée doit se référer à l’obligation due à la communauté internationale des Etats dans son ensemble, concept qui lui paraît mieux défini et clairement reconnu dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. Elle a ajouté qu’elle considère qu’avec la notion de violation grave, la CDI a réintroduit en quelque sorte la notion de crime international qui avait disparu du projet d’articles. Les violations, de quelque nature qu’elles soient, ne devraient pas entraîner de responsabilité sur le plan international. Qui pourrait déterminer s’il s’agit d’une violation grave ou mineure? a demandé la représentante.
Concernant l’article 54, relatif à la notion de contre-mesure, Mme Quezada a fait remarquer qu’il engendre une série de difficultés lorsque les contre-mesures sont prises à la demande de l’Etat lésé. Une intervention collective est à redouter à la lumière d’une certaine interprétation de cet article, a-t-elle averti. Cependant, elle a considéré que les modifications apportées à cet article, avec notamment un libellé plus nuancé, peuvent constituer une solution acceptable. S’agissant de la question du règlement des différends, elle a réaffirmé que cette question ne relève pas de la responsabilité internationale, notamment parce qu’il faudrait aborder cette notion dans un texte plus spécifique. C’est pourquoi, elle a appuyé l’idée d’exclure ces dispositions du projet d’articles. Enfin, sur la vision générale du projet, Mme Quezada a apprécié l’effort de codification, la structure et l’équilibre du projet d’articles. Elle a fait sienne l’idée que la Commission présente un projet de résolution à l’Assemblée générale qui prend note du projet et le fait figurer en annexe. Concernant la forme que devrait revêtir le projet d’articles, la délégation chilienne souhaite que la question reste inscrite à l’ordre du jour en vue d’adopter une éventuelle convention.
M. ARPAD PRANDLER (Hongrie) a souscrit à l’adoption du projet d’articles sur la responsabilité des Etats par une résolution de l’Assemblée et n’a pas exclu son adoption éventuelle sous la forme d’une convention, précisant toutefois que cette question devrait au préalable faire l’objet de discussions et d’une réflexion pendant quelques années. La Hongrie s’oppose à la convocation prématurée d’une conférence à cet effet qui risquerait de remettre en cause les compromis qui ont permis à la Commission du droit international de finaliser le projet d’articles actuel. M. Prandler a indiqué qu’il ne partageait pas l’avis de ceux qui préfèrent attendre une autre année avant que l’Assemblée générale ne prenne acte de ce document. Il a estimé qu’une nouvelle série de commentaires et d’observations par les gouvernements ne contribuerait pas à renforcer la cohérence et la logique du projet de texte actuel, qui représente un niveau minimum de consensus et, par conséquent, un équilibre acceptable.
Sur le fond du projet d’articles, M. Prandler a soutenu que la question de l’absence de mécanismes de règlement des différends devrait être réglée par la future conférence diplomatique. Il a rappelé que l’an dernier, la Sixième Commission envisageait l’adoption d’une convention sur la responsabilité des Etats, tandis que cette année, on n’envisage plus de convoquer à court terme une conférence diplomatique à cet effet. M. Prandler a signalé qu’il existe déjà d’autres mécanismes existants en matière de règlement des différends et ajouté qu’il n’était pas nécessaire de créer un régime spécial. Sur un autre sujet, il a dit que sa délégation acceptait la suppression de la notion d’infraction internationale, en comprenant qu’il ne fait pas de doute que cette modification fondamentale a rendu possible l’acceptation des notions de violations graves d’obligations découlant de normes impératives et celle de violations graves d’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble. Le représentant a conclu en exprimant une fois de plus la conviction de sa délégation que ce projet d’articles dont la mise au point a nécessité une cinquantaine d’années, pourra servir de code de conduite pour les Etats et contribuera à consolider les règles du droit international.
M. MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a manifesté son appréciation pour les travaux de la CDI, en particulier ceux accomplis au cours de sa dernière session. Il a émis l’espoir que la finalisation du projet d’articles sur la responsabilité des Etats aide la communauté internationale à conserver la règle de droit, rappelant que l’application de doubles normes et de mesures arbitraires se fait souvent au détriment du droit international. La deuxième lecture du projet d’articles est bien meilleure que la première qui date de 1996, a-t-il considéré, dans la mesure où le texte est plus équilibré et reflète la pratique des Etats, même si elle a été restreinte par la réalité des relations internationales.
S’agissant des contre-mesures, le représentant a apprécié les dispositions adoptées qui codifient ces pratiques et permettent d’éviter des contre-mesures arbitraires et politiques. Le projet de texte devrait ainsi éviter que leur application ne soit abusive. Toutefois, il y a toujours le risque de contre-mesures disproportionnées ou inutiles prises par un Etat lésé, ce qui rendrait celui-ci responsable de “fait internationalement illicite”. M. Hmoud a espéré que les sauvegardes prévues dans le texte restreindront dans la pratique ce genre de mesures. Sur la condition de proportionnalité, il a interprété la clause actuelle comme maintenant le droit de tout Etat à prendre des mesures licites à l’encontre de violations d’obligations erga omnes.
Le représentant se dit par ailleurs préoccupé par le fait que les contre-mesures puissent être prises par un groupe d’Etats et a donc suggéré de supprimer l’article 54. Il serait souhaitable de codifier des dispositions sur cette question afin de prévenir les contre-mesures collectives. En dépit du remplacement des dispositions sur le contre-mesures collectives par une clause de sauvegarde, M. Hmoud a relevé que le principe d’actio popularis est maintenu aux articles 41 et 48. Sa délégation apprécie cette approche qu’elle considère nécessaire en vue de l’élimination des dispositions sur le crime d’Etat. Le représentant a observé que le régime de l’actio popularis, qui prévoit des obligations spécifiques pour tous les Etats quand des violations graves des normes impératives sont commises, est nécessaire pour compléter le projet d’articles. Par ailleurs, il a pris note de la suppression de la notion de préjudice aggravé, ce qui est de nature à faciliter l’acceptation du projet d’articles par certaines délégations. La délégation jordanienne se dit satisfaite de l’abandon des articles relatif au règlement des différends. Quant à la forme future du projet d’articles, le représentant s’est rallié à l’idée d’adopter une convention, tout en préconisant que l’Assemblée générale adopte une résolution comportant en annexe le projet d’articles. Il a estimé cependant que l’objectif ultime est d’élaborer une convention dès que possible, pour ne pas affaiblir le texte actuel.
M. KRIANGSAK KITTICHAISAREE (Thaïlande) a dit que le texte final a bénéficié considérablement des nombreuses années que sa préparation a nécessitées, et qui ont contribué à la grande qualité du texte final. Le projet d’articles constitue, de l’avis de sa délégation, un résultat impressionnant qui servira à réguler les relations entre les Etats. Bien que généralement d’accord avec le projet d’articles, le représentant a fait part de quelques observations sur certaines dispositions. Il a dit apprécier le fait que les contre-mesures pouvant être prises, dans certains cas, par des Etats font l’objet de conditions bien définies qui fixent les limites à l’exercice de ce droit. Il a exprimé les préoccupations de sa délégation à l’égard de la notion, trop vague à son avis, de violations d’obligations dues à la communauté internationale. M. Kittichaisaree a aussi fait part de ses craintes face à l’utilisation de l’expression “mesures licites”dans le projet d’article 54, qui a remplacé celle de contre-mesures, estimant qu’elle manque de précision et risque par conséquent d’ouvrir la voie à des abus en matière d’intervention par des Etats autres que les Etats lésés. Il a estimé que la notion même de “graves violations” est également vague. Il a regretté que le projet d’articles ne comprenne pas de dispositions sur le règlement des différends. Le représentant a reconnu que cette lacune pourra être comblée par une conférence diplomatique, mais il aurait préféré que de telles dispositions soient incluses dans le projet de texte lui-même. Le représentant a dit craindre qu’une nouvelle conférence diplomatique pour l’adoption d’une convention remette en cause l’équilibre fragile auquel est parvenu le projet d’articles actuel, et ce, sans garantir que le nouvel instrument serait largement ratifié .
MME ANGELA CAVALIERE (Venezuela) a abordé la responsabilité des Etats, thème qu’elle considère le plus important dans les travaux de la CDI. La question a fait l’objet d’une analyse minutieuse, a-t-elle noté, et le texte est satisfaisant dans son ensemble. La forme d’une convention reste la plus appropriée pour couronner un travail aussi solide, a estimé Mme Cavaliere, sans s’opposer à l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale qui pourrait déboucher sur une convention, comme l’a recommandé la CDI. Elle a relevé que les tribunaux internationaux se sont déjà référés aux travaux de la Commission sur ce sujet, ce qui leur donne l’importance qu’il se doit. Le chapitre II de la troisième partie du projet de texte est très important pour sa délégation qui souhaite que cela permette d’éviter une utilisation abusive des contre-mesures. Celles-ci doivent encourager les Etats à respecter leurs obligations, a estimé la représentante, tout en mettant l’accent sur le principe de proportionnalité des mesures. En outre, lorsque l’Etat lésé n’agit pas de bonne foi, l’exception qui est prévue ne lui paraît pas très justifiée. La délégation vénézuélienne se félicite par ailleurs que la séparation des obligations en obligations erga omnes et en obligations particulières soit bien reprise aux articles 40 et 41. Elle appuie le texte du projet d’articles dans son ensemble, même si elle considère qu’il peut être amélioré.
S’agissant des réserves aux traités, la délégation vénézuélienne estime que des progrès considérables ont été accomplis dans l’élaboration d’un guide de la pratique. Elle juge que les déclarations interprétatives et conditionnelles sont assimilables aux réserves, en particulier pour les effets qu’elles produisent. Par ailleurs, Mme Cavaliere a exprimé l’avis que les dispositions sur la formulation tardive des réserves est compatible au principe “pacta sunt servanda”, à condition qu’il n’y ait pas d’objection à ces réserves. Elle a rappelé que les objections peuvent porter non seulement sur le contenu mais aussi sur le moment de la formulation de la réserve. Enfin, elle a considéré que le terme “formulation” devrait toujours être utilisé dans le même sens. En effet, “formuler une réserve” ne suppose pas nécessairement que cela entraîne des effets juridiques, puisqu’il peut y avoir des objections qui en empêchent les effets. En revanche, quand un Etat “prend un acte unilatéral”, cette mesure produit un effet juridique sans attendre la réaction du destinataire de l’acte. Cela peut créer des ambiguïtés même si les sujets sont différents, a-t-elle averti.
En ce qui concerne la question des actes unilatéraux des Etats, la représentante a estimé qu’il faut déterminer les critères qui permettent de classer les actes unilatéraux dans différentes catégories. Par ailleurs, elle a considéré qu’il faut prendre en compte la pratique des Etats dans ce domaine. Enfin, elle a émis l’espoir que le rapporteur spécial pourra présenter un nouveau rapport sur le sujet, avec des accords sur certains points et la mise en évidence des thèmes sensibles.
M. RICARDO BOCALANDRO (Argentine) a qualifié le projet d’articles sur la responsabilité des Etats de bien structuré, clair et offrant une bonne référence pour la jurisprudence internationale. Il s’est notamment félicité du traitement que le projet d’articles accorde à la question des violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit international général. Il a souscrit aussi au libellé concernant la question délicate des contre-mesures qui, a-t-il insisté, doivent être utilisées à titre exceptionnel et dont on doit empêcher tout abus. Il a appuyé la démarche en deux temps proposée par la CDI selon laquelle, dans une première phase, l’Assemblée générale adopte une résolution prenant note de l’excellent travail de la CDI et incorporant le projet d’articles en annexe. Le représentant a estimé que la résolution devrait recommander aux Etats Membres d’examiner le texte et d’en assurer une large diffusion afin qu’il soit connu et utilisé par les tribunaux. Il a reconnu que la raison d’être du projet de texte consiste à mettre au point une convention. A cet effet, il a recommandé que la résolution prévoie que cette question soit à nouveau inscrite à l’ordre du jour des prochaines sessions de l’Assemblée générale, afin que la Sixième Commission assure un suivi et décide, lorsque les délégations seront prêtes, d’aller de l’avant avec une convention. Il a conclu en indiquant que l’Argentine est disposée à participer à la rédaction d’une résolution contenant tous ces éléments.
MME IRENA CACIC (Croatie) a rappelé que le droit international n’est pas un phénomène statique. Lorsqu’on essaie d’évaluer le caractère adéquat du projet d’articles sur la responsabilité des Etats, il faut prendre en compte l’évolution de ce droit, a-t-elle précisé. Actuellement, a-t-elle relevé, le droit international s’attache à la protection de certaines valeurs partagées par la communauté internationale dans son ensemble, imposant des obligations erga omnes. Cette approche donne la prévalence aux intérêts collectifs, a-t-elle fait remarquer. Elle s’est en outre félicitée que la Commission ait pris soin de respecter l’objectif de codification. Le texte qui en résulte est bien équilibré, a estimé Mme Cacic, convaincue que les commentaires du projet d’articles constituent un outil important. Sur la forme que devrait revêtir ce texte, elle a considéré que l’adoption d’une résolution par l’Assemblée générale comme le propose la CDI serait la solution la plus simple pour une bonne reconnaissance et une publicité des dispositions. Mais on ne doit pas exclure la possibilité d’adopter le projet de texte sous la forme contraignante, a-t-elle ajouté. Dans cette attente, elle a préconisé que les gouvernements et les organes judiciaires internationaux entérinent ce texte et l’introduisent dans la pratique.
MME ALPHA CONNELLY (Irlande) a exprimé quelques doutes sur le chapitre III de la deuxième partie du projet d’articles sur la responsabilité des Etats. De l’avis de sa délégation, toutes les violations du droit international sont graves. Mme Connelly a mis en lumière une lacune du projet, à savoir l’absence d’une référence explicite à la protection des Etats tiers pouvant être affectés par des contre-mesures. Il importe que le droit international s’efforce de minimiser ces effets négatifs collatéraux. Concernant la forme que devrait revêtir le projet d’articles, Mme Connelly a tenu à souligner qu’il faisait partie d’un processus continu. La communauté internationale devrait maintenant réfléchir sur cette question, plutôt que de chercher à le codifier dès maintenant sous la forme d’une convention, ce qui risquerait de rouvrir le débat sur plusieurs des questions complexes et délicates. La représentante a insisté pour que le libellé de la résolution de l’Assemblée générale comporte des termes positifs félicitant la CDI pour son excellent travail, et réitéré que cette résolution devrait être adoptée dès cette année. De l’avis de la délégation irlandaise, il faudrait remettre à plus tard la décision sur l’adoption d’une convention. N’affaiblissons pas le travail de toutes ces années en prenant maintenant une décision hâtive pour codifier le projet d’articles, a-t-elle conclu, en rappelant la fameuse maxime latine festina lente.
M. VOLODYMYR KROKHMAL (Ukraine) a félicité la CDI pour les travaux qu’elle a accomplis ces dernières années. Il a estimé que le projet d’articles sur la responsabilité des Etats est bien équilibré et structuré, mais a rappelé que certains points restent controversés. Pour lui, il est donc prématuré de parler d’une conférence pour adopter une convention, car il faut du temps pour que les gouvernements examinent le projet en profondeur. Il a suggéré que l’on inscrive ce point à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée générale et s’est montré favorable à une résolution de celle-ci annexant le projet, comme l’a proposé la CDI. Sur la question des réserves aux traités, le représentant a émis l’espoir qu’on arrivera à une codification, estimant que le travail de la CDI devrait prendre la forme d’un instrument qui aiderait à régler les différends. De l’avis de sa délégation, il faut éviter de traiter des notions qui ne sont pas assez connues dans la pratique internationale.
En ce qui concerne la protection diplomatique, M. Krokhmal a rappelé qu’il s’agit de l’une des institutions les plus anciennes de la communauté internationale, qui reste aussi une des plus controversées. Il a souligné une autre question controversée, celle de la relation entre protection diplomatique et droits de l’homme. En cas de grave violation de la protection diplomatique, les droits de l’homme sont garantis au nom de l’obligation erga omnes, a-t-il rappelé. Mais l’individu doit avoir subi un préjudice, résultant d’un acte international illicite, après avoir épuisé les recours internes. Le représentant n’a pas souhaité que l’on modifie cette base de la protection diplomatique. Par ailleurs, s’agissant de l’emploi de la force pour garantir cette protection, il ne faut pas selon lui la considérer comme un moyen licite. La théorie d’intervention humanitaire a montré parfois l’exemple de l’abus de l’utilisation de la force à cet effet. Le représentant a rappelé que la Charte de l’ONU rejette aussi l’emploi de la force dans ce cas. Pour sa délégation, il est certain que l’Etat a un pouvoir discrétionnaire pour exercer la protection diplomatique, ce qui constitue plutôt un droit reconnu à un Etat qu’un devoir de l’Etat.
Abordant la question du lien effectif de cette protection avec la nationalité, le représentant a estimé que le lien devrait être fondé sur davantage de critères que la notion de résidence habituelle qui est très complexe. Il a demandé à la CDI de formuler une distinction plus précise à cet égard. Quant aux réfugiés et aux apatrides, il est difficile d’envisager des circonstances dans lesquelles la protection diplomatique serait obligatoire. Pour sa délégation, la protection diplomatique accordée à cette catégorie de personne est contestable. Enfin, sur le sujet des réserves aux traités, M. Krokhmal a estimé que la Convention de Vienne constitue la base essentielle et a déclaré appuyer le point de vue traditionnel. Il a souligné que les réserves tardives et les modifications aux réserves ne devraient pas être considérées comme des réserves à la lumière des articles 19 à 23 de la Convention de Vienne, et qu’il faudrait exiger l’acceptation des parties contractantes. Enfin, il a estimé qu’il faut éviter d’adopter l’interprétation de la pratique du délai de douze mois pour formuler des objections selon laquelle l’absence d’objection équivaudrait à un consentement à ces réserves.
CONVENTION SUR LES IMMUNITÉS JURIDICTIONNELLES DES ETATS ET DE LEURS BIENS
Présentation et adoption du projet de résolution A/C.6/56/L.7
Aux termes du projet de résolution relatif à la "Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens", l'Assemblée générale déciderait que le Comité spécial sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens se réunirait du 4 au 15 février 2002. Elle prierait le Secrétaire général de communiquer au Comité spécial les observations présentées par les Etats en application de sa résolution 49/61 du 9 décembre1994, ainsi que les rapports du groupe de travail à composition non limitée de la Sixième Commission créé en vertu des résolutions 53/98 du 8 décembre 1998 et 54/101 du 9 décembre 1999. L'Assemblée générale prierait également le Comité spécial de lui faire rapport à sa cinquante-septième session sur les résultats de ses travaux, et déciderait d'inscrire à l'ordre du jour provisoire de cette même session la question intitulée "Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens".
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