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AG/J/356

DIVERGENCES DE VUES SUR LA FORME QUE DEVRAIT PRENDRE LE PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITE DES ETATS ELABORE PAR LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL

29/10/2001
Communiqué de presse
AG/J/356


Sixième Commission

11e séance – matin


DIVERGENCES DE VUES SUR LA FORME QUE DEVRAIT PRENDRE LE PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITE DES ETATS ELABORE PAR LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


La Commission juridique (Sixième Commission) a entendu ce matin la présentation du rapport de la Commission du droit international (CDI), faite par son président, M. Peter Kabatsi (Ouganda).  Après cinquante ans de travaux pour élaborer un projet d’articles sur la responsabilité des Etats, la CDI a pu, grâce à une session fructueuse, finaliser cette année le projet d’articles sur ce thème, ainsi que celui de la prévention des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses, s’est réjoui le Président de la Sixième Commission, M. Pierre Lelong (Haïti).


Alors que la Commission du droit international recommandait que l’Assemblée générale envisage la possibilité, à un stade ultérieur et compte tenu de l’importance du sujet, de convoquer une conférence internationale de plénipotentiaires pour examiner le projet d’articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite en vue de l’adoption d’une convention sur le sujet, les délégations ont exprimé un avis partagé sur la forme que devrait prendre le projet d’articles.  Certains pays, comme la Finlande, ont vu un avantage à ce que le projet d’articles soit annexé à une résolution de l’Assemblée générale, car cela permettrait aux juristes d’en faire une référence de droit international dans un délai très bref.  De l’avis de la délégation française, une déclaration de l’Assemblée générale ne constituerait pas la meilleure solution si elle devait avoir pour résultat définitif le rejet de la forme conventionnelle.  Sans prendre de position définitive, le représentant de la France a suggéré que l’Assemblée générale prenne note du projet, dans une résolution, puis recommande qu’une convention soit négociée sur la base du projet d’articles.


Pour le délégué du Royaume-Uni, il n’est peut-être pas opportun pour la Sixième Commission de prendre une décision cette année sur le projet d’articles, alors que toutes les délégations ne sont pas encore bien familiarisées avec le texte.  Le représentant du Maroc a en outre fait observer, quant à lui, qu’un effort de plus de 45 ans mérite qu’on s’y attarde avant de le livrer définitivement à tous ceux qui seront appelés à s’en inspirer.  Il a donc proposé la création d’un groupe de travail à composition non limitée ou le recours à toute autre procédure agréée par la Commission de manière à se pencher sur les grandes options du projet et à recommander à l’Assemblée générale la forme la plus appropriée pour son adoption.


Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Royaume-Uni, Finlande (au nom des pays nordiques), Maroc, Nouvelle-Zélande, Belgique, Chine, France et Pakistan.


La Sixième Commission reprendra ses travaux, mercredi 31 octobre à 10 heures.


Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session (A/56/10)


La Commission du droit international (CDI) a tenu sa cinquante-troisième session à son siège, à l’Office des Nations Unies à Genève, du 23 avril au 1er juin 2001 pour la première partie de sa session et du 2 juillet au 10 août 2001 pour la seconde partie, sous la présidence de M. Peter Kabatsi (Ouganda).


Alors que la question de la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses demeurait inscrite dans son programme de travail depuis 1978, sous le chapitre "Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international" (p. 393 à 470), la CDI a décidé de recommander à l’Assemblée générale l’élaboration d’une convention internationale sur la base du projet de préambule et d’une série de 19 projets d’articles qu’elle a adoptés lors de sa dernière session.  Ce projet de convention s’appliquerait aux activités non interdites par le droit international et qui comportent un risque de causer un dommage transfrontière significatif de par leurs conséquences physiques. Le projet d’article sur l’évaluation du risque recommande, par exemple, que toute décision relative à l’autorisation de telles activités repose sur une évaluation du dommage transfrontière possible, dont une évaluation de l’impact sur l’environnement.  D’autres projets d’articles portent sur les consultations sur les mesures préventives, l’échange d’informations, la sécurité nationale et les secrets industriels.  On y préconise une série de mesures visant le règlement par des moyens pacifiques de différends causés par des dommages transfrontières, notamment par voie de négociations, médiation, arbitrage ou règlement judiciaire et, à défaut d’accord au terme d’un délai de six mois, par la convocation d’une commission d’enquête impartiale.


Concernant la question des “réserves aux traités” (p. 470 à 543), mise à l’ordre du jour à la suite de la résolution 48/31 de l’Assemblée générale (9 décembre 1993), la CDI a adopté lors de sa dernière session 12 projets de directives concernant la formulation des réserves et des déclarations interprétatives, renvoyant toutefois à son Comité de rédaction quelque 13 autres projets de directives sur la forme et la notification des réserves et des déclarations interprétatives.  Résultera de ce travail un guide de la pratique en matière de réserves, sous la forme de projets de directives accompagnés de commentaires et peut-être aussi de clauses types, qui se révéleraient utiles pour la pratique des Etats et des organisations internationales. 


Le Chapitre III du rapport de la Commission (page 26) invite les gouvernements à exprimer des observations sur certains points liés aux “réserves aux traités”.  Constatant que les déclarations interprétatives conditionnelles sur les traités tendent à être soumises au même régime juridique que les réserves elles-mêmes, la Commission envisage de renoncer à inclure des projets de directives spécifiquement consacrés aux déclarations interprétatives conditionnelles dans son projet de guide.  La Commission souhaite en outre recevoir l’avis des gouvernements sur la question de la formulation tardive d’une réserve qui, indique le rapport, “doit demeurer exceptionnelle”.  Il a également été suggéré de préciser dans le futur guide s’il appartient au dépositaire d’un traité de refuser de communiquer aux Etats et organisations internationales intéressés une réserve manifestement illicite, notamment lorsqu’elle est interdite par une disposition de ce traité.


Un autre sujet pour lequel la CDI a consacré une importante part des travaux de sa dernière session est la question de la "responsabilité des Etats", traitée dans le chapitre IV (p. 29 à 393).  La Commission a examiné le quatrième rapport du Rapporteur spécial sur ce point et achevé l'examen en deuxième lecture du projet d'articles y relatif.  Elle a ainsi pu recommander à l'Assemblée générale de prendre acte du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite et d'envisager la possibilité de convoquer une conférence internationale de plénipotentiaires pour examiner ledit projet, en vue de l'adoption d'une convention sur ce sujet.  Considérée dès 1949 comme sujet se prêtant à codification, la question de la responsabilité des Etats a été étudiée par la CDI à partir de 1955.  Lors de la dernière session qui a vu s'achever l'examen du projet d'articles, les principales questions en suspens étaient les violations graves d'obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble, les contre-mesures, les dispositions relatives au règlement des différends et la forme que prendrait le projet d'articles.  Par ailleurs, le titre "responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite" a été substitué à "responsabilité des Etats" qui n'était pas jugé assez clair.


Pour ce qui est de la "protection diplomatique" (p. 543 à 560), la Commission a examiné le chapitre du premier rapport du Rapporteur spécial, consacré à la continuité de la nationalité et à la cessibilité des réclamations, qu'elle n'avait pas examiné à la session précédente, tout en tenant des consultations officieuses ouvertes à tous sur ces deux points.  Elle a en outre renvoyé au Comité de rédaction le projet d'article 9, sur ces mêmes points, et les projets d'articles 10 et 11, relatifs à l'épuisement des recours internes.  Dans son rapport, la Commission a aussi exprimé le souhait de recevoir des observations de la part des Etats sur les exceptions qui peuvent être apportées à la règle de la continuité de la nationalité, en particulier sur les exceptions à la règle concernant les cas de changement involontaire de nationalité résultant d'une succession d'Etats, du mariage ou de l'adoption.


S’agissant du point relatif aux "actes unilatéraux" (p. 561 à 571), la Commission a examiné le quatrième rapport du Rapporteur spécial qui proposait les projets d'articles a) et b) sur les règles d'interprétation applicables aux actes unilatéraux.  En outre, la CDI a entendu le rapport oral du Président du Groupe de travail chargé de la question et a approuvé la proposition tendant à demander aux Etats des informations complémentaires sur leur pratique relative aux actes unilatéraux.


En outre, la CDI a poursuivi ses échanges traditionnels d'informations avec la Cour internationale de justice, le Comité juridique interaméricain, le Comité européen de coopération juridique et le Comité de conseillers juridiques sur le droit international public du Conseil de l'Europe, l'Organisation consultative juridique afro-asiatique et le Comité international de la Croix-Rouge. 


La Commission a décidé de tenir sa prochaine session à l'Office des Nations Unies à Genève, en deux temps, du 6 mai au 7 juin et du 8 juillet au 9 août 2002.


Présentation du Rapport


M. PETER KABATSI, président de la Commission du droit international (CDI), a présenté le premier des quatre volets de son rapport, consacré aux trois premiers chapitres introductifs et au chapitre IV relatif à la responsabilité des Etats.


Rappelant que c'est la dernière année du quinquennat de la CDI, le président s'est réjoui des travaux fructueux accomplis lors de la dernière session.  Il a notamment cité l'achèvement des travaux sur le thème de la responsabilité des Etats, un des premiers sujets traités par la Commission dès sa création, et sur la question de la prévention des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses.


S'agissant du chapitre IV relatif à la responsabilité des Etats, il a expliqué que la CDI avait travaillé sur la base du quatrième rapport du rapporteur spécial, M. James Crawford (Australie), traitant des questions en suspens, ainsi que d'un document contenant les recommandations écrites des Etats. Pour donner un aperçu du projet d'articles, le président a choisi de mettre l'accent sur les principales modifications apportées cette année.  Il a indiqué tout d'abord que le titre du chapitre est devenu "Texte du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite", pour clarifier la distinction à faire avec la responsabilité de l'Etat en droit interne.  Cela permet aussi de faire la différence avec la "responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international".  Dans sa première partie intitulée "Le fait internationalement illicite de l'Etat", le contenu du chapitre II a été peu modifié, mais l'ordre des articles a été revu pour une plus grande logique.  Mis à part quelques changements, le contenu du chapitre V sur les "Circonstances excluant l'illicéité" demeure le même.  Le président a relevé que la modification la plus significative dans ce chapitre porte sur la disposition relative au respect des normes impératives, qui apparaît comme une exclusion générale, au lieu de l'approche au cas par cas qui avait été initialement retenue.


M. Kabatsi a aussi apporté des précisions sur la référence à la "communauté internationale dans son ensemble", expression qui est utilisée tant par la Cour de internationale de Justice que par l'Assemblée générale.  Il a expliqué les inquiétudes exprimées à l'égard de cette formulation, par rapport à l'expression "communauté internationale des Etats dans son ensemble" qui figure à l'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Cependant, cette dernière expression se rapporte principalement à la définition des normes impératives pour les besoins de la Convention de Vienne.  En ce qui concerne la deuxième partie -"Contenu de la responsabilité internationale de l'Etat"-, qui a trait aux conséquences juridiques de la responsabilité, le président a relevé peu de changements importants dans les deux premiers chapitres.  Il a évoqué, dans le chapitre I, la définition de la notion de préjudice (article 31) qui a été élargie.  S'agissant du chapitre III de la deuxième partie, modifié après l'élimination de la notion de "crime d'Etat", il a été retenu qu'il s'applique à la "responsabilité internationale qui résulte d'une violation grave par l'Etat d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général".  Pour la Commission, cette vision est conforme à la notion de "norme impérative" bien définie par la Convention de Vienne sur le droit des traités.


Abordant la troisième partie, M. Kabatsi a expliqué qu'elle comporte deux chapitres et 13 articles portant sur les conditions dans lesquelles un Etat lésé est en droit d'invoquer la responsabilité d'un autre Etat si une obligation a été violée, ainsi que sur les contre-mesures qu'il peut prendre pour que cessent ces violations et obtenir réparation.  Il a fait part des principales modifications apportées au projet d'articles de l'an dernier, notamment sur la question des contre-mesures à l'égard de l'Etat responsable de violations.  Par exemple, il a attiré l'attention sur le fait que dans le nouvel article 54, la Commission utilise désormais l'expression "prendre des mesures licites" plutôt que des "contre-mesures" contre l'Etat responsable de violations.


Le président a ensuite abordé la question du règlement des différends, rappelant que la CDI a décidé de ne pas inclure cette question dans le projet d'articles.  Il a expliqué ce choix en indiquant que la Commission traitera des mécanismes de règlement des différends élaborés lors de la première lecture du projet d'articles au titre de moyens possibles pour régler les différends portant sur la responsabilité des Etats, laissant ainsi à l'Assemblée générale le soin de déterminer le type d'articles qui devraient être inclus dans une éventuelle convention qu'elle pourrait envisager d'élaborer. 


M. Kabatsi a exprimé des préoccupations concernant la forme à donner au projet d'articles ainsi qu'aux recommandations de la Commission à cet égard, qui ont été largement débattues par la CDI.  Il s'agissait pour la Commission, a-t-il expliqué, de décider si elle allait simplement recommander à l'Assemblée générale de prendre bonne note du rapport ou si elle devait plutôt en favoriser l'adoption sous la forme d'une convention internationale.  Il a précisé que la Commission a finalement décidé de recommander à l'Assemblée générale de prendre acte du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite dans une résolution, et d'annexer le projet d'articles à la résolution, comme elle l'a déjà fait l'an dernier pour une autre question soumise par la CDI, à savoir la question de la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d'Etats.  Il a ajouté que la Commission a décidé également de recommander que l'Assemblée générale envisage la possibilité, à un stade ultérieur et compte tenu de l'importance du sujet, de convoquer une conférence internationale de plénipotentiaires pour examiner le projet d'articles en vue de la conclusion d'une convention sur le sujet.  Le président a aussi indiqué que la CDI a estimé que la question du règlement des différends pourrait être traitée par cette même conférence internationale, si celle-ci considérait qu'il faudrait prévoir un mécanisme juridique de règlement des différends dans le cadre du projet d'articles.


Déclarations:


M. MICHAEL WOOD (Royaume-Uni) a exprimé son admiration à l’égard de la rigueur et de la clarté des travaux de la CDI, qui a en outre le mérite d’analyser avec prudence la jurisprudence et la pratique des Etats.  Il a estimé que ce n’est pas parce que les travaux de la CDI aboutissent à une convention que l’on peut les qualifier de succès, tandis que d’autres projets qui n’ont pas donné lieu à un instrument ont pu cependant apporter une contribution importante au droit


international.  En ce qui concerne l’achèvement du projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat, il s’est félicité de ce projet qu’il considère fondamental pour la structure du droit international et les relations internationales dans leur ensemble.  Au titre des améliorations notables, M. Wood a cité les dispositions sur les contre-mesures et la clarté générale du texte du projet.  Néanmoins, certains points préoccupent encore M. Wood, comme la notion vague des “violations graves” et la notion peu claire d’obligation due à la communauté internationale dans son ensemble”.  Dans la mesure où les délégations viennent de recevoir la version finale du projet d’articles, M. Wood a émis des doutes sur l’opportunité pour la Sixième Commission de se prononcer cette année sur ce sujet.  S’agissant des recommandations de la CDI, il a apprécié les premières mais estime que la convocation d’une conférence n’est pas une sage décision.  De l’avis de sa délégation, une telle conférence n’aboutirait pas à la ratification d’une convention.  Le Royaume-Uni opte pour l’adoption par l’Assemblée générale d’une résolution qui annexerait le projet d’articles et le recommanderait aux Etats.


M. MARTTI KOSKENNIEMI (Finlande), au nom des pays nordiques, a d’abord présenté une analyse historique du projet d’articles sur la responsabilité des Etats.  Il a indiqué que les pays nordiques étaient prêts à accepter les dispositions du second chapitre de la troisième partie de ce texte concernant les contre-mesures, en reconnaissant à quel point ce type de recours constitue généralement une question extrêmement délicate en droit international.  Nous sommes d’accord pour dire que leur usage ne peut pas être exclu et considérons que le projet d’articles se révélerait très incomplet s’il ne contenait pas de telles dispositions, a-t-il ajouté, estimant cependant que l’approche proposée pèche par une tendance au bilatéralisme plutôt qu’au multilatéralisme.  Il a aussi indiqué que la position du projet d’articles concernant le règlement des différends aurait idéalement dû être rédigée en termes plus forts, rappelant à cet effet que, sur la base de projets antérieurs, des dispositions plus fermes nécessiteraient toutefois une plus grande propension des Etats à se plier à des législations plus contraignantes.  Il a ensuite abordé l’article 54, qu’il a qualifié de clause la plus controversée, portant sur les mesures prises par des Etats autres qu’un Etat lésé, soutenant qu’il est dommage que la CDI ait été forcée de diluer ce projet d’article pour en faire une simple clause d’exclusion.  Il a ajouté toutefois que le projet s’achemine dans une certaine mesure vers une reconnaissance d’un droit des Etats lésés de recourir à des contre-mesures, selon des modalités et limites qui devront être précisées ultérieurement par le droit international.  Le libellé semble cependant fermer la porte à des mesures collectives, a-t-il déploré.  Sur la forme finale des articles, simple annexe d’une résolution de l’Assemblée générale plutôt qu’une convention, le représentant a dit trouver cette forme appropriée puisqu’elle garantirait une adoption rapide du projet d’articles par l’Assemblée générale.  Celle-ci constituerait la référence internationale la plus reconnue par les juristes dans le domaine de la responsabilité des Etats.  Les pays nordiques se félicitent donc de l’adoption de ces articles très importants par la Commission et ce, après quelque 52 ans de travail.  Les articles ne sont pas parfaits mais, dans la pratique, ils permettront de régler éventuellement plusieurs détails, a-t-il conclu.


M. MOHAMED BENNOUNA (Maroc) a considéré que le projet sur la responsabilité des Etats est un des piliers du droit international.  Le travail que nous avons entre les mains est un vrai monument qui vient compléter l’architecture du droit international dans ses parties essentielles, a-t-il déclaré.  Il a rendu largement hommage aux rapporteurs spéciaux qui ont travaillé au fil des sessions, notamment Roberto Ago qui a choisi d’axer les travaux de la Commission sur le fait internationalement illicite.  En revanche, M. Bennouna a dénoncé le caractère “boiteux” du compromis qui a mené à ouvrir un autre chantier au sein de la CDI, celui de la “responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international”, où la responsabilité serait fondée sur la survenance du dommage lui-même.  Il a approuvé le choix de la Commission de s’atteler à l’élaboration de quelques principes et mécanismes souples en matière de prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses.


Le représentant a considéré que le projet finalisé sur la “responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite” représente la pièce centrale de tout le dispositif.  Il a estimé que le projet est très équilibré et qu’il reflète en grande partie l’état du droit positif en la matière.  Sur la question des contre-mesures, il s’est interrogé sur l’opportunité de la faire figurer dans le projet.  Il est vrai que le principe avait été posé dans l’article 22 de la première partie, mais il a demandé si l’on ne pouvait pas estimer que la réglementation de ces réactions étatiques à l’illicite était l’unique moyen d’empêcher ou de limiter précisément l’usage abusif qui peut en être fait.  Le représentant s’est dit disposé à se joindre à cet argument s’il y a respect strict des conditions de recours à la contre-mesure énoncées au chapitre II, notamment l’obligation préalable de notification et de négociation avant tout recours à la contre-mesure.  Enfin, M. Bennouna a déclaré attacher la plus grande importance à l’article 53 qui exclut des contre-mesures les droits de l’homme, le droit humanitaire, l’interdiction d’emploi de la force ou la menace de le faire et toutes les normes impératives de droit international.  Personne en effet ne peut prendre prétexte d’un acte illicite pour menacer ou recourir à la force, ou pour ne pas honorer ses obligations en matière humanitaire.  Il a d’ailleurs rappelé que la contre-mesure ne peut avoir, dans le droit de la responsabilité internationale, un caractère punitif.


De l’avis de la délégation marocaine, il reste encore à expliquer le lien qui existerait entre les contre-mesures individuelles et les contre-mesures collectives, adoptées par une organisation internationale, comme les sanctions non militaires de l’ONU prises en vertu de l’article 41 de la Charte.  La question de savoir si, lorsqu’une organisation comme l’ONU recourt à une telle sanction, toute contre-mesure individuelle des Etats doit cesser, n’a pas été traitée.  Le projet de la CDI indique bien que les articles sont sans préjudice de la Charte des Nations Unies, mais il n’y a pas de réponse dans la Charte elle-même.  Le représentant a par ailleurs indiqué que sa délégation approuve pleinement la décision judicieuse de ne pas se référer au concept controversé de “crimes internationaux de l’Etat” qui aurait eu pour risque de faire échouer l’ensemble du projet.  Il lui a paru également approprié que la Commission ait choisi de consacrer un ensemble de dispositions aux “violations graves d’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble”.


Concernant la recommandation de la CDI visant à ce que l’Assemblée générale prenne acte du projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, M. Bennouna a considéré que cela consisterait à se contenter d’un rôle peu glorieux et incompatible avec la nature politique de la Sixième Commission.  Un effort de plus de 45 ans mérite qu’on s’y attarde avant de le livrer définitivement à tous ceux, praticiens et universitaires, qui seront appelés à s’en inspirer, a-t-il souligné.  Il a donc proposé la création d’un groupe de travail à composition non limitée ou le recours à toute autre procédure agréée par la Commission de manière à se pencher sur les grandes options du projet et à recommander à l’Assemblée générale la forme la plus appropriée pour son adoption.


M. BILL FIELD (Nouvelle-Zélande) a félicité la Commission du droit international pour son travail sur la responsabilité des Etats pour la commission d’actes illicites, qualifiant le projet d’articles de bien articulé et bien équilibré.  Il s’est dit heureux de ce que la CDI ait apporté des modifications au projet d’articles sur la base des observations exprimées à la Sixième Commission l’an dernier.  De l’avis de sa délégation, la troisième partie du projet d’articles constitue un progrès majeur, notamment en raison du nouvel article 48 qui reconnaît aux Etats le droit d’intervenir, même s’ils n’ont pas été lésés.  Il a indiqué que son pays souscrit à l’inclusion de dispositions sur les contre-mesures, ajoutant que ce recours avait déjà été admis dans le droit coutumier par la Cour internationale de Justice.  Il a noté que l’article à cet effet est bien équilibré et qu’il garantira que l’emploi de contre-mesures soit proportionné et ne remplace pas les moyens de régler de bonne foi les différends.  Il a dit considérer que l’article 54, sous sa forme actuelle, en tant que clause de dérogation, joue un rôle important dans l’équilibre du projet actuel.  Il importe donc, de l’avis de M. Mansfield, d’évaluer ce projet d’articles dans sa globalité, plutôt que dans chacun de ses articles, puisqu’il résulte d’un équilibre délicat, précisant qu’il faudrait éviter de recommencer sa négociation.  La Nouvelle-Zélande espère que le projet d’articles sera adopté sous la forme d’une convention pour qu’il garde toute son autorité, et ne souhaite donc pas qu’il soit adopté rapidement en annexe d’une résolution de l’Assemblée générale.


M. EVERT MARECHAL (Belgique) a rappelé que, pendant longtemps, le droit international s’est tenu dans le domaine de la responsabilité des Etats à la relation simple qui existe entre la commission d’un fait illicite et l’obligation d’en réparer les conséquences dommageables.  Il a félicité le Rapporteur spécial James Crawford pour son action énergique qui a permis la finalisation du projet d’articles.  La codification de la responsabilité internationale est importante et constitue une oeuvre complexe, a-t-il noté.  Parmi les réalités nouvelles dont il est tenu compte, M. Maréchal a cité les dispositions relatives à la violation grave d’obligations à l’égard de la communauté internationale dans son ensemble, la définition de l’Etat lésé et les contre-mesures.  Il s’est félicité que la CDI soit parvenue à supprimer la notion controversée de crimes d’Etat pour axer son approche sur la reconnaissance de l’existence d’une catégorie spéciale de violations particulièrement graves et assujettir ces violations à un régime plus rigoureux de responsabilité internationale des Etats.  Plutôt que d’établir une distinction entre crimes et délits internationaux, M. Maréchal a relevé que la Commission s’est attachée à la conception des normes impératives qui a l’avantage d’être connue par la Convention de Vienne sur le droit des traités.


En ce qui concerne la définition de “l’Etat lésé”, M. Maréchal a estimé que c’est à juste titre que la Commission a établi un équilibre adéquat entre les formes de réparation fondées sur le principe de réparation intégrale et la souplesse requise pour ne pas alourdir indûment l’obligation de réparation.  Enfin, le représentant a estimé périlleuse la tentative de la Commission en ce qui concerne les contre-mesures, dans le souci de les réglementer pour en limiter l’utilisation.  Les contre-mesures devraient être appliquées de manière proportionnelle et objective, a-t-il rappelé.  S’agissant de la forme du projet d’articles, M. Maréchal a approuvé la recommandation de la CDI qui vise à demander à l’Assemblée générale d’en prendre note, en vue d’envisager ultérieurement la convocation d’une conférence intergouvernementale pour l’adoption d’un traité.


MME XUE HANQIN (Chine) a qualifié le projet d’articles de la CDI de très rigoureux dans sa teneur et équilibré sur les questions controversées.  Concernant la seconde partie du chapitre III, relative à une des questions les plus controversées, à savoir la notion d’infraction des Etats remplacée par celle de violations graves du droit international, la représentante a exprimé les préoccupations de la Chine qui estime que cette notion demeure une source d’incertitude parce qu’elle manque de clarté et risque de ce fait d’être interprétée différemment par certains Etats et de donner lieu à des abus en matière d’intervention par des Etats tiers non lésés.  Elle a rappelé que la Chine reconnaît pleinement le droit légitime des Etats lésés à recourir à des contre-mesures mais craint qu’un élargissement de ce droit à des Etats tiers devienne source d’abus.  La représentante a déploré que le projet d’article 54, devenu une clause d’exception permettant d’utiliser des mesures licites, ne précise pas suffisamment la définition de ces mesures licites, ce qui pourrait être interprété comme un moyen d’introduire des contre-mesures.  Elle a par ailleurs noté la disparition de clauses sur le règlement des différends.  La Chine souhaite que des mécanismes de règlement des différends soient réintroduits par l’Assemblée générale, mais pas au point d’en faire une objection formelle à l’adoption du texte soumis par la CDI.  Mme Xue a souhaité que le projet d’articles soit adopté par l’Assemblée générale en annexe à une résolution, tout en précisant que la Chine demeure ouverte à ce qu’il devienne éventuellement une convention.


M. RONNY ABRAHAM (France), après avoir regretté une publication tardive du rapport de la CDI dans toutes les langues officielles des Nations Unies, a félicité M. James Crawford, Rapporteur spécial, pour sa volonté d’abandonner la logique pénaliste qui imprégnait le projet d’articles sur la responsabilité des Etats adopté par la Commission en première lecture.  Il s´est également dit satisfait que l’on ne s’attarde pas sur la définition d’obligations primaires.  S’agissant des violations graves d’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble, il s’est interrogé sur la nouvelle qualification du fait internationalement illicite contenue dans le paragraphe premier du nouvel article 40.  M. Abraham a rappelé que son pays avait proposé qu’on utilise une expression de la Convention de Vienne de 1969, à savoir les “violations graves d’obligations dues à la communauté des Etats dans son ensemble” et a constaté que cela n’a pas été retenu puisque le paragraphe fait référence à la notion de “norme impérative”.  Par ailleurs, au même article, il n’a pas adhéré à la distinction entre les violations “graves” et celles qui devraient être considérées comme ordinaires.  Les conséquences que l’on pourrait en tirer seraient particulièrement


inopportunes.  Tout en se félicitant de la suppression de l’ancien paragraphe 1 de l’article 41, M. Abraham a estimé que le nouveau paragraphe 1, qui porte sur le principe de coopération des Etats pour mettre fin par des moyens licites à toute violation grave au sens de l’article 40, soulève quelques difficultés dans la mesure où il reste ambigü quant à sa portée.  Il ne faudrait pas qu’il encourage certains Etats à recourir à des contre-mesures de façon abusive, a-t-il averti. 


En ce qui concerne les contre-mesures, M. Abraham a rappelé que la France aurait préféré que le chapitre V de la première partie soit intitulé ”circonstances excluant la responsabilité”.  De l’avis de sa délégation, les dispositions relatives aux contre-mesures n’ont pas leur place dans un projet d’articles qui concerne la responsabilité des Etats.  Malgré cette réserve de principe, M. Abraham a considéré cependant que le régime défini au chapitre II de la deuxième partie du projet de texte permet maintenant de mieux savoir ce qui serait possible ou non dans ce domaine.  Il reste néanmoins indispensable de concilier la nécessité des contre-mesures et celle d’en limiter les abus.  Il a donc souscrit, sur le fond, à l’approche générale retenue par le rapporteur spécial dans son quatrième rapport.  Pour les mesures que peut prendre l’Etat lésé, il a estimé que l’Etat devrait avoir le droit de prendre des mesures urgentes, même si le différend est en instance devant une cour ou un tribunal.  Quand les contre-mesures sont prises par un Etat autre que l’Etat lésé, a estimé M. Abraham, l’article 54 n’apparaît pas tellement comme une clause de sauvegarde.  Cette question mérite d’être approfondie.


M. Abraham  s’est félicité de la décision de la CDI de ne pas inclure les dispositions relatives au règlement des différends dans le projet d’articles.  Quant à la forme que devrait prendre le projet d’articles, la France n’a pas encore de position définitive, estimant toutefois qu’une déclaration de l’Assemblée générale ne serait pas la solution la plus appropriée si elle devait avoir pour résultat définitif le rejet de la forme conventionnelle.  L’Assemblée générale pourrait donc prendre note du projet, dans une résolution, et recommander qu’une convention sur cette question soit négociée sur la base du projet d’articles.


M. ROSS MASUD (Pakistan), tout en intervenant sur l’ensemble du contenu du rapport de la CDI, a insisté notamment sur la question de la responsabilité des Etats.  A cet égard, il a rappelé que la Commission a travaillé depuis plus de quatre décennies sur le sujet, notant que certaines parties du projet de texte pourraient créer certains problèmes.  Le Pakistan recommande donc la tenue d’une conférence diplomatique pour négocier une convention sur la question de la responsabilité des Etats.  Plutôt que d’adopter le projet d’articles en annexe à une résolution de l’Assemblée générale, M. Masud a suggéré que la résolution remercie la CDI pour s’être acquittée avec succès de sa tâche.  Abordant la question des litiges transfrontaliers, il a indiqué que les projets d’articles doivent être retravaillés, estimant prématuré de les adopter dans leur format actuel.  De l’avis de sa délégation, ce travail pourrait être accompli par un groupe de travail de la Sixième Commission.  Concernant les réserves aux traités, le représentant a soutenu que les conventions existantes ont jusqu’ici bien servi les besoins de la communauté internationale, ajoutant qu’elles sont largement


acceptées et devenues normes de droit coutumier.  Il ne serait pas bon de les remettre en cause maintenant, a-t-il dit.  Le Pakistan estime qu’un régime strict concernant les réserves comme celui proposé par la CDI et la mise en place d’un mécanisme de contrôle nuiraient à l’adoption universelle des traités.  De l’avis de sa délégation, il revient aux Etats de faire en sorte que leurs réserves soient compatibles avec le droit international.  Le Pakistan souscrit par ailleurs au travail de la CDI sur la protection diplomatique et considère que, compte tenu de son programme de travail important, la Commission ne devrait pas tenir sa prochaine session en deux parties à Genève.


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