En cours au Siège de l'ONU

AG/EF/354

L’ABSENCE DE CONSENSUS SUR LA TENUE D’UNE CONFERENCE SUR LES MIGRATIONS NE DOIT PAS ENTRAVER LA COOPERATION INTERNATIONALE ESSENTIELLE EN LA MATIERE

05/10/01
Communiqué de presse
AG/EF/354


Deuxième Commission

9e séance – matin


L’ABSENCE DE CONSENSUS SUR LA TENUE D’UNE CONFERENCE SUR LES MIGRATIONS NE DOIT PAS ENTRAVER LA COOPERATION INTERNATIONALE ESSENTIELLE EN LA MATIERE


La Commission économique et financière (Deuxième Commission) a ouvert ce matin un débat thématique sur la question des migrations internationales et du développement, y compris la question de la convocation d’une conférence des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement, qui aborderait les questions liées aux migrations.


Après une brève présentation du rapport du Secrétaire général à la Commission sur cette question, par M. Joseph Chamie, Directeur de la Division de la population, qui en a relevé les grandes lignes, le représentant de l’Iran, a déclaré, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, que la majorité des Etats ayant répondu aux demandes du Secrétariat des Nations Unies sur la question des migrations avait estimé nécessaire à ce sujet l’organisation d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU.  Sur les 78 réponses envoyées par des Etats et reçues par le Secrétariat, a précisé le représentant, 46 se sont déclarées favorables à la tenue d’une conférence, tandis que 26 pays exprimaient des réserves et que 5 soutenaient la tenue d’une rencontre internationale sous certaines conditions.  Tout examen de la question des migrations et du développement et toute recherche de solution durable devraient prendre en considération un certain nombre d’éléments cruciaux qui sont, entre autres, l’existence des nouvelles réalités économiques de la mondialisation, qui sont basées sur un système transfrontalier; la paupérisation et la marginalisation de régions entières, certaines dans le monde développé, et les inégalités croissantes qui existent entre pays riches et pays en développement.  


Répondant à la position du Groupe des 77 et de la Chine, le représentant de la Belgique a estimé, au nom de l’Union européenne et des pays qui lui sont associés, que compte tenu de la complexité et de la disparité des phénomènes migratoires, ces questions devaient être examinées au sein des mécanismes appropriés du système des Nations Unies, plutôt que dans le cadre d’une conférence internationale de l’ONU.  Consciente de l‘importance de la question des migrations internationales, a dit le représentant, l’Union européenne, qui tient à réaffirmer la souveraineté de chaque Etat sur sa politique migratoire, et qui estime essentielle la lutte contre les trafics illégaux de main-d’oeuvre et de personnes humaines, dont les femmes et les enfants, va organiser une Conférence européenne sur les migrations les 16 et 17 octobre prochains à Bruxelles, afin  de débattre des migrations et des diverses responsabilités des gouvernements et de l’Union en la matière.  Les thèmes suivants seront débattus lors de cette Conférence: gestion des migrations, politiques du marché de l’emploi et migrations, partenariats avec les pays d’origine en vue de la gestion des flux migratoires, et intégration des immigrants.


Reconnaissant le droit des Etats à formuler eux-mêmes leurs politiques migratoires, le représentant du Mexique a cependant estimé que la condition et le statut des travailleurs migrants et des personnes étrangères vivant en situation d’expatriés méritent que la communauté internationale engage un dialogue et énonce des règles et des normes universelles garantissant le respect de leurs droits et de leur dignité.  Le Mexique par conséquent l’organisation d’une conférence internationale sur les migrations internationales et le développement, a dit le représentant, appuyé en cela par le représentant du Pérou qui a émis le souhait que la liberté de circulation des personnes soit érigée au même rang de dogme de la libéralisation de l’économie mondiale que celle de la circulation des capitaux.


Outre les délégations citées, la Commission a aussi entendu les représentants de la Fédération de Russie, de l’Equateur, de la République de Corée, et de l’Egypte, ainsi que les représentants de l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM), et de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge.


Pour l’examen de la question des migrations internationales et du développement, la Commission était saisie, en plus du rapport du Secrétaire général, d’une lettre datée du 7 septembre 2001, adressée au Secrétaire général par l’Ambassadeur de la République islamique d’Iran auprès des Nations Unies (A/56/358). 


Avant d’ouvrir son débat sur les migrations internationales et le développement, la Commission a entendu, au titre du point de son ordre du jour relatif à la science et à la technique au service du développement, les déclarations de la Libye et du Mexique, ainsi que les représentants de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).  


La Deuxième Commission poursuivra ses travaux le jeudi 11 octobre en examinant les sous-points relatifs aux liens entre le système financier international et le développement, et entre la crise de la dette extérieure et le développement, dans le cadre de son examen des questions macroéconomiques.


QUESTIONS DE POLITIQUE MACROECONOMIQUE


Science et technique au service du développement


M. AHMED A. EL-ATRASH (Libye) a fait part de l’inquiétude des pays en développement devant la réticence de leurs partenaires des pays développés de mettre la science et la technique au service du développement.  La marginalisation des pays du Sud, a-t-il dit, a créé une sorte de sous-développement et un gel du processus de développement qui maintiennent le fossé technologique à des dimensions considérables et ce, malgré le Plan d’action de Bangkok et la Déclaration de la Havane.  Partant de ce constat, le représentant a encouragé la création d’un groupe de travail chargé de ces questions au sein de la Commission de la science et de la technique.  Etant donné que la CNUCED est chargée de ces questions, il a jugé utile d’inclure une dimension scientifique et technique dans ses différents programmes.  A cet égard, le représentant s’est félicité du réseau mis en place par la Conférence.  Il a terminé en encourageant la Commission de la science et de la technique à participer au Sommet mondial sur le développement et au Sommet sur la société de l’information.  Il a aussi appelé à la mobilisation de ressources financières pour permettre à la Commission d’assumer son mandat.


M. CARLOS VALERA (Mexique) a déclaré que les recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général sur la question des technologies sont très importantes. Le Mexique les soutient. Nous estimons crucial le transfert des connaissances techniques entre pays développés et pays en développement, et entre secteurs public et privé.  Des ressources financières supplémentaires sont nécessaires pour faciliter l’accès des pays en développement au réseau d’informations numériques existant et pour en mettre les ressources et les données au service du développement.  La délégation du Mexique soutient la création de groupes de travail sur les questions liées aux technologies, dont celles de l’information et de la communication (TIC), pour créer les conditions d’un dialogue harmonieux entre secteurs privé et public et entre pays du Sud et du Nord.


M. OROBOLA FASEHUN, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), a souligné que la technologie est conduite par la créativité et l’innovation grâce à la protection des droits intellectuels.  Dans ce cadre, il a indiqué que l’OMPI détient des informations sur toutes les formes de technologies anciennes et nouvelles qui sont maintenant disponibles sur l’Internet.   L’OMPI a aussi créé une Division pour les services d’infrastructures et la promotion de l’innovation et mis en place un système de prix pour stimuler la créativité et la compétition.  L’OMPI, a ajouté le représentant, a participé à l’adaptation du système de propriété intellectuelle pour la création de richesses dans les pays en développement.  Elle a, par ailleurs, mis en place un programme pour combler le fossé numérique, intitulé, WIPOnet.  Pour l’heure, elle est en train d’établir un modèle de clauses contractuelles concernant la propriété intellectuelle et l’accès aux ressources génétiques et au partage des bénéfices, a aussi indiqué le représentant.


M. ALFATIH IBRAHIM HAMAD, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a invité les membres de la Commission à garder à l’esprit les spécifiés des mandats des diverses organisations et institutions.  L’UNESCO est d’accord avec la déclaration faite par l’Union européenne sur la question des technologies et de leur usage.


MIGRATIONS INTERNATIONALES ET DEVELOPPEMENT, Y COMPRIS LA QUESTION DE LA CONVOCATION D'UNE CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LES MIGRATIONS INTERNATIONALES ET LE DEVELOPPEMENT QUI ABORDERAIT LES QUESTIONS LIEES AUX MIGRATIONS


Rapport du Secrétaire général (A/56/167)


Ce rapport a été établi conformément à la demande formulée par l'Assemblée générale dans sa résolution 54/212 du 22 décembre 1999.  Il résume les politiques nationales relatives aux migrations internationales et les vues des gouvernements concernant la convocation d'une conférence des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement; décrit les activités que les organisations compétentes ont menées récemment aux niveaux régional et international, compte tenu de l'expérience acquise dans le cadre des initiatives qu'elles ont prises en ce qui concerne la gestion des migrations et les politiques en la matière; et passe en revue les mécanismes du système des Nations Unies dans le cadre desquels il serait possible d'examiner les questions liées aux migrations internationales et au développement.


Dans le premier chapitre du rapport, le Secrétaire général note que les migrations internationales font l'objet d'une attention croissante de la part des gouvernements.  Selon la base de données sur les politiques en matière de population constituée par la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales de l'ONU, au milieu des années 70, les migrations étaient considérées comme une question d'importance secondaire par de nombreux gouvernements, qui se bornaient le plus souvent à édicter des règlements concernant les frontières nationales. Mais au cours des décennies qui ont suivi, ces gouvernements ont été de plus en plus nombreux à adopter des mesures pour contrôler les flux migratoires.  Ainsi, en 1995, le pourcentage de pays ayant adopté des politiques visant à faire baisser leur taux d'immigration était de 35% contre seulement 6% en 1976, alors que le nombre de pays ayant pris des mesures pour le maintenir ou opté pour la non-intervention tombait de 87% à 61%.  Les pays développés, note le Secrétaire général, se sont montrés les plus enclins à restreindre l'immigration.  De même, le pourcentage de pays qui se sont employés entre 1976 et 1995 à faire baisser leur taux d'émigration est passé de 13% à 20% alors que parallèlement, celui des pays qui cherchaient à le maintenir ou cherchaient à intervenir pour ne pas le modifier tombait de 83% à 75%.  Ces tendances, précise le Secrétaire général, ont cependant été observées aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement.  Compte tenu de l'inquiétude croissante que suscite la mobilité des populations à l'échelle internationale et du fait que l'on ne comprend guère les liens qui existent entre ce phénomène et le développement, on a continué à examiner la possibilité de convoquer une conférence sur les migrations internationales et le développement.  C'est ainsi que dans le cadre du suivi de la Conférence internationale sur la population et le développement, la Division de la population du Secrétariat de l'ONU a sollicité à trois reprises, depuis 1995, les vues des gouvernements sur la question.  La plupart des 47 gouvernements  qui se sont déclarés favorables à la conférence ont proposé qu'elle soit d'ordre analytique et technique, de nombreux gouvernements jugeant qu'il s'agissait d'examiner les principaux aspects des migrations internationales et du développement, tels que les causes, les conséquences, l'ampleur et les tendances de ces migrations et leurs incidences positives et négatives sur le développement des pays d'origine et de destination ainsi que de transit.  D'autres gouvernements en revanche, y ont vu l'occasion de mieux défendre les droits des migrants, en particulier ceux des travailleurs migrants et des réfugiés dans les pays hôtes, alors que d'autres ont estimé que la conférence permettrait d'élaborer des stratégies ou politiques susceptibles de faciliter la maîtrise des flux migratoires et le dialogue entre les pays concernés afin qu'ils puissent mieux coopérer au niveau bilatéral ou multilatéral.


S'agissant du processus préparatoire de la conférence, presque tous les gouvernements qui se sont exprimés sur la question ont fait valoir que des réunions régionales permettraient de dégager un premier consensus sur les problèmes particulièrement complexes que posent les migrations internationales et le développement, et qu'il faudrait donc convoquer des réunions régionales, voire sous-régionales, avant la conférence.  La plupart se sont déclarés favorables à l'idée selon laquelle il faudrait constituer un comité préparatoire à la conférence, mais ont formulé des propositions différentes au sujet de la fréquence et de la durée de ses sessions.  Concernant le secrétariat de la conférence, un certain nombre de pays ont proposé qu'il soit composé de membres du personnel des organismes de l'ONU et autres organismes compétents, tandis que d'autres évoquaient la possibilité d'y inclure des représentants ou des experts d'Etats Membres de l'ONU, ou encore qu'y soient représentées de manière équitable les régions ou qu'y soit assurée une participation des ONG.


Un certain nombre de départements, programmes, institutions spécialisées et autres organismes des Nations Unies s'occupent de divers aspects des migrations internationales, soit directement, soit indirectement sous l'angle de la relation entre ce phénomène et le développement.  Parmi eux, la Division de la population, la Division de statistique, les Commissions économiques régionales, et le Comité des politiques du développement ont mené des activités dans le domaine des migrations internationales et du développement.  La Commission pour la prévention du crime et la justice pénale a également mené un certain nombre d'activités, du fait que la traite des personnes et ses rapports étroits avec la criminalité transnationale organisée sont venus rendre plus difficile la gestion des migrations.  Définir une stratégie internationale de lutte contre la criminalité transnationale, y compris la traite des personnes, est devenu l'une des grandes priorités de la Commission.   Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s'est également impliqué dans le traitement de la question.  Jusqu'à une date récente, note le rapport, le HCR avait toujours pris soin d'opérer une distinction très nette entre les réfugiés et les autres catégories de migrants pour bien faire ressortir le statut juridique et les besoins de protection particuliers des bénéficiaires de ses activités.  Il reconnaît toutefois de plus en plus la pertinence des questions liées au développement, et le fait que l'on ne peut pas toujours dissocier strictement les flux de réfugiés des mouvements migratoires.  Les mouvements de réfugiés qui se sont révélés être le résultat de persécutions politiques, religieuses ou ethniques, trouvent sans doute aussi leur origine dans les problèmes liés à la pauvreté, au sous-développement et à la compétition entre groupes sociaux pour l'accès à des ressources peu abondantes.  En ce qui la concerne, l'Organisation internationale du travail (OIT) dont l'un des mandats est la protection des travailleurs employés dans un pays différent de leur pays d'origine grâce à la définition de normes internationales relatives au traitement des travailleurs migrants, a adopté un certain nombre de normes s'appliquant à toutes les catégories d'origine des travailleurs, et deux conventions internationales relatives aux droits des travailleurs migrants.   Il s'agit de la Convention concernant les travailleurs migrants (No 97), révisée en 1949, et de la Convention sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l'égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants (No 143) de 1975, qui sont toutes deux en vigueur.  L'OIT aide également les gouvernements à évaluer leurs politiques en vue de prévenir les abus et les discriminations contre les travailleurs étrangers; elle leur fournit aussi une assistance technique lors de la négociation d'accords bilatéraux ou multilatéraux sur les migrations de travailleurs, et elle mène des recherches sur des questions en rapport avec les migrations internationales, dont une grande partie permet de mieux appréhender les relations qui existent entre les migrations et le développement.   Au niveau des organisations régionales, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont adopté des politiques de régulation des activités migratoires.  Le Conseil a notamment diversifié ses activités concernant les migrations clandestines et doit organiser, au courant de ce mois, en Grèce, une conférence sur les migrations clandestines et la dignité des migrants.  Le Conseil favorise la protection des migrants à long terme, des personnes admises dans le cadre du regroupement, et des travailleurs migrants, en adoptant des recommandations et des principes directeurs ou en facilitant la ratification des conventions.  Quant à l'Union européenne (UE), elle estime qu'une approche intégrée et globale est fortement souhaitable pour améliorer la gestion des migrations.  Pour l'UE, il faudrait que les Etats définissent clairement les conditions auxquelles les ressortissants d'autres Etats doivent satisfaire pour être admis sur son territoire et pouvoir y rester, tout en spécifiant leurs droits et leurs obligations et en faisant en sorte que les personnes concernées aient un accès à ces informations et qu'il existe des mécanismes garantissant une application équitable de cette approche.


Dans le dernier chapitre du rapport, le Secrétaire général suggère une série de mécanismes à envisager pour l'examen du lien entre les migrations internationales et le développement.  Constatant qu'au cours des 10 dernières années l'ampleur et la complexité de la mobilité transfrontalière se sont accrues, que les migrations sont devenues une source de préoccupation croissante pour la communauté internationale et que leur corrélation avec le développement suscite des questions extrêmement complexes, le rapport note que des efforts se poursuivent afin d'examiner dans quelle mesure les migrations répondent à la dynamique du développement et dans quelle mesure elles peuvent avoir des répercussions sur le processus de développement.  On se rend de plus en plus compte que les politiques et programmes qui visent à résoudre durablement les problèmes de migration doivent prendre en considération l'environnement social, économique et culturel des pays ou régions concernées.  En particulier, recommande le Secrétaire général, les mouvements de retour devraient être examinés sous un angle humanitaire et dans l'optique du développement, et il est de plus en plus admis que les programmes de développement dans les pays et régions d'origine des migrants peuvent être conçus de façon à optimiser les avantages que les migrations internationales sont capables d'engendrer.  Les organismes du système de l'ONU pourraient, estime le Secrétaire général, utiliser certains mécanismes pour mieux examiner la question de la corrélation entre migrations internationales et développement, qui pourrait se trouver au coeur de leurs travaux, et notamment au niveau des stratégies et des programmes de développement.  Ces questions pourront être intégrées dans les programmes de travail des organismes compétents, en particulier dans les travaux des commissions régionales.  Sur le plan politique, les migrations internationales demeurent un sujet délicat sur lequel il n'existe pas de consensus au niveau international.  Néanmoins, la création d'enceintes en vue de l'établissement d'un dialogue pourrait instaurer la confiance et la coopération nécessaires à la gestion des migrations.  Relevant l'importance des statistiques existant sur la question, le Secrétaire général indique que l'ONU poursuit et intensifie ses efforts afin de rassembler des données fiables.  En vue de soutenir les efforts de cette nature, l'ONU pourrait continuer de promouvoir l'application des "Recommandations en matière de statistiques des migrations internationales".  Compte tenu du fait que les migrations clandestines et le trafic de migrants sont des phénomènes qui se répandent dans le monde entier, il faudrait, estime le Secrétaire général, que les activités de recherche transcendent les analyses qui sont habituellement faites sur les migrations et s'intéressent aux difficultés des migrants, une question qui a reçu peu d'attention dans les études antérieures.  Enfin, l'ONU pourrait continuer de donner le ton en promouvant la ratification de divers instruments internationaux relatifs aux migrations internationales.  L'Assemblée générale a ainsi invité instamment les Etats à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, et de devenir partie à la Convention relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967.  Plus récemment, l'Assemblée a adopté le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir le trafic de personnes, en particulier des femmes et des enfants, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, et les a ouverts à la signature.


Débat général


      M. NASSROLLAH KAZEMI KAMYAB (Iran), au nom du Groupe des 77 et de la Chine,  a estimé que toute politique et solution durables à la question des migrations internationales doit se fonder sur un certain nombre d’éléments essentiels dont les réalités économiques au-delà des frontières nationales et les déséquilibres croissants entre les pays développés et les pays en développement.  En conséquence, la question du lien entre les migrations et le développement doit être examinée sur la base d’une responsabilité commune de toutes les nations et d’une coopération internationale pour combler le fossé entre le Nord et le Sud.  Seules des politiques globales, cohérentes et efficaces en matière de migrations internationales, fondées sur un partenariat véritable et d’une compréhension commune pourront optimiser les avantages des migrations internationales.  Il faut, a insisté le représentant, adopter une série de mesures pratiques aux niveaux national, régional et international et trouver un dénominateur commun pour faire fonctionner un système de migrations internationales profitable à tous. 


Un dialogue entre pays d'origine, pays de transit et pays de destination devrait mener à une meilleure gestion de la question des migrations et du développement, a poursuivi le représentant en arguant que les flux actuels des migrations illégales découlent des lacunes des politiques pratiquées jusqu’ici et du besoin urgent de renforcer la coopération internationale.  Venant à la convocation d’une conférence sur le sujet, le représentant a souhaité que cette question, qui n’a pas encore recueilli de consensus, ne compromette pas la coopération internationale nécessaire en la matière.  Il a enfin souligné la nécessité pour les organes, les institutions, les fonds et les programmes du système des Nations Unies ainsi que les autres organisations internationales de déployer des efforts continus et renforcés dans le domaine des migrations internationales et du développement.


M. MICHEL GOFFIN (Belgique) a déclaré, au nom de l’Union européenne et des pays qui lui sont associés, que l’Union européenne est attachée à la mise en place d’une politique commune en matière d’immigration et de mouvements de personnes au sein de l’Union.  A cette fin, elle va organiser une Conférence européenne sur les migrations les 16 et 17 octobre prochains à Bruxelles, afin de débattre des migrations et des diverses responsabilités des gouvernements et de l’Union en la matière.  Les thèmes suivants seront débattus lors de cette Conférence: gestion des migrations, politiques du marché de l’emploi et migrations, partenariats avec les pays d’origine en vue de la gestion des flux migratoires, et intégration des immigrants.  D’autre part, en cette année qui marque le 50ème anniversaire de la Convention de Genève, l’Union européenne pense qu’il faut réaffirmer le droit au statut d’asile de toutes les personnes qui ont besoin d’une protection internationale.  En matière d’immigration, il faut aller vers une politique globale tenant compte de différents paramètres: partenariats avec les pays d’origine, gestion des flux migratoires, intégration, emploi, etc.  Cette politique doit également englober la lutte contre l’immigration illégale. Il faut en particulier s’attaquer à la traite des êtres humains et au trafic des migrants, qui a pris des proportions alarmantes, du fait des activités de réseaux sans scrupules liés au crime organisé.  Les victimes de ces filières, attirées par l’illusion d’une vie meilleure, ne trouvent souvent, au bout de voyages dans des conditions parfois effroyables, qu’une situation précaire, en butte à toutes les exploitations.  Il faut mettre fin à ces trafics qui bafouent la dignité humaine.  L’Union européenne se réjouit à cet égard de l’adoption par la 55ème session de l’Assemblée générale, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de ses Protocoles additionnels contre le trafic des migrants et contre la traite des personnes, particulièrement les femmes et les enfants.  L’Union européenne appelle tous les Etats Membres à ratifier ces instruments qui ont été signés par ses 15 membres.


Les migrations sont un phénomène complexe, et l’examen de la façon dont elles participent de la dynamique des processus de développement, ainsi que les répercussions éventuelles qu’elles peuvent avoir sur ceux-ci, mériterait davantage d’attention dans le cadre des recherches sur les phénomènes migratoires, notamment en ce qui concerne l’impact de l’exode des cerveaux sur les pays d’origine, que le dernier rapport sur le développement humain aborde dans sa réflexion sur les technologies nouvelles.  Les programmes de développement pourraient tenir compte du rôle des migrations sur la situation des pays d’origine et du pays d’accueil, de façon à optimaliser les potentialités qu’elles offrent.  Il serait utile d’explorer les possibiltés de renforcer la coordination entre les différents organismes des Nations Unies, tant au niveau des  politiques menées sur le terrain qu’au niveau des recherches menées dans ce domaine et la collecte de données statistiques.  L’Union européenne, a dit le représentant, considère les migrations internationales comme un sujet important.  Cependant, elle est d’avis que compte tenu de la complexité des problèmes migratoires, ces questions devraient être examinées au sein des mécanismes appropriées du système des Nations Unies, plutôt que dans le cadre d’une Conférence internationale.


M. DIMITRY I. MAKSIMYCHEV (Fédération de Russie) a souligné que, dans le contexte de la mondialisation, la mobilité de la population s’est accrue faisant de la migration internationale un véritable phénomène ayant des répercussions considérables sur l’ensemble des problèmes liés au développement.  La Fédération de Russie, a-t-il indiqué, est un pays d’origine et de destination et considère la question des migrations internationales comme un facteur démographique de grande importance qui est pris en compte dans les politiques de population et du développement économique et social.  L’analyse des flux migratoires et des liens entre ceux-ci et le développement a été prise en compte dans la conception du développement démographique pour la période allant jusqu’en 2015.  Il est indispensable, a estimé le représentant, de développer la coopération internationale dans le domaine de la collecte des données et de leur analyse.  Il est utile, a-t-il insisté, de diffuser les meilleures pratiques sur l’intégration du problème migratoire dans la stratégie du développement et l’ONU doit apporter une contribution de poids à cette entreprise.  Au cours des dernières années, a indiqué le représentant, à cet égard, le Secrétariat de l’ONU et les autres organes du système des Nations Unies ont effectué des études utiles sur les phénomènes migratoires.  Cette activité mérite d’être appuyée et doit se poursuivre, a-t-il conclu.


M. VALERA (Mexique) a déclaré que la participation d’un grand nombre d’institutions aux recherches pour trouver des solutions aux problèmes que posent les migrations internationales est une preuve de l’importance croissante de ce phénomène.  Aucun pays n’échappe aux questions que posent les migrations internationales.  Selon l’Organisation internationale sur les migrations (OIM), le nombre de migrants est aujourd’hui d’environ 150 millions de personnes à travers le monde, dont un grand nombre de femmes et d’enfants.  Les liens entre migrations et développement sont complexes et mettent en jeu de multiples facteurs, historiques, culturels, démographiques, politiques ou économiques.  Le Mexique a, depuis un certain nombre d’années, exprimé son soutien à la tenue d’une conférence internationale sur la question des migrations.  Etant donné les différences de perspectives sur les migrations, le Secrétaire général a relevé à juste titre dans son rapport que les migrations étaient devenues un sujet de plus en plus sensible sur le plan politique.  Le Mexique reconnaît le droit souverain des Etats sur leurs politiques migratoires nationales, mais il considère aussi que le traitement des étrangers n’est pas une question qui relève de la seule souveraineté des pays d’accueil.  Les migrations et les travailleurs étrangers méritent qu’on leur accorde un statut internationalement légitimé et basé sur des normes agréées par la communauté internationale.


M. HUMBERTO JIMENEZ TORRES (Equateur) a souligné que les mouvements migratoires se sont intensifiés d’une manière tellement importante qu’ils sont devenus un phénomène véritablement mondial.  Cette augmentation découle de mécanismes et de causes formels et informels et ce sont ces derniers dont tirent parti des groupes et individus sans scrupules.  Avec eux, les migrants sont soumis à des régimes d’exploitation où on leur refuse les droits les plus élémentaires de l’être humain.  Le représentant a reconnu les effets économiques et sociaux des migrations internationales pour les pays d’origine et les pays de destination.  Il a estimé, en effet, que dans ces pays les migrants ont la capacité de stimuler les trois secteurs de l’économie.  Il s’agit donc d’une contribution positive qu’il faut exploiter.  Le représentant a donc appelé au renforcement du dialogue fondé sur le principe de responsabilité partagée.  Il est indispensable, a-t-il conclu, d’approfondir les mécanismes de protection des droits des migrants et de leur famille. 


M. ROBERT G. PAIVA, Organisation internationale pour les migrations (OIM), a déclaré que l’OIM a vu son travail se modifier dramatiquement au cours des changements et des tendances qui se sont développés au niveau mondial en matière de migrations au cours de la décennie écoulée.  Ces changements, a estimé le représentant, ont parfois été spectaculaires.  Au cours de cette décennie, on a assisté à la montée de la demande mondiale pour des travailleurs spécialisés dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC), ce qui a provoqué des modifications dans les schémas de migration internationale de main d’oeuvre.  Au même moment, l’OIM a aussi observé les changements qui se faisaient en matière de droit d’asile, ce droit étant de plus en plus remis en question dans les pays développés, ce qui a donné naissance à des flux d’immigration illégale.  L’OIM travaille avec la communauté internationale pour faire face aux nouveaux défis, dont ceux qui viennent d’être cités. Nous promouvons une meilleure compréhension des nouvelles tendances migratoires et nous aidons les gouvernements à améliorer leurs capacités de gestion des migrations.  Nous créons des solutions pragmatiques qui peuvent être appliquées pour faire face à des problèmes concrets et travaillons à inciter à la mise en place d’un dialogue international qui pourrait fournir des réponses collectives aux besoins des pays concernés et aux migrants eux-mêmes.  Pour mettre à la disposition des Etats et du public le résultat de nos travaux, nous avons publié en l’an 2000 le premier “Rapport mondial sur les migrations” qui contient des analyses sur les tendances migratoires au niveau régional et mondial.  La prochaine édition de cette publication sera disponible en 2002.


Au mois de décembre de cette année, l’OIM célébrera les 50 années de sa création. En 1951, nous étions une organisation avec un mandat temporaire, destinée à faire face aux problèmes migratoires nés de la Deuxième guerre mondiale et qui affectaient le monde occidental.  Aujourd’hui, l’OIM opère dans environ 90 pays, et travaille dans des domaines allant de la réinstallation de réfugiés au rapatriement d’immigrants illégaux, en passant par la conduite de campagnes d’information en faveur du respect des droits des travailleurs migrants et de leur dignité.  Mais malgré le côté dramatique et vital de ces problèmes, il est dommage que la communauté internationale n’en reconnaisse pas encore vraiment l’importance.


M. ENCHO GOSPODINOV, Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a souligné les formes nouvelles et inattendues de vulnérabilités auxquelles la migration conduit trop souvent.  Il a expliqué, en effet, qu’en dehors des facteurs économiques et sociaux bien connus, d’autres phénomènes expliquent la migration, comme l’accroissement de la pression démographique ou la disparité croissante entre les riches et les pauvres dans le pays d’origine.  Du côté du pays de destination, bien souvent les changements démographiques ont créé une demande accrue de main-d’oeuvre.  La vulnérabilité des migrants s’explique donc, a dit le représentant, par des facteurs contradictoires qui rendent difficile la recherche de solutions.  Le représentant a tout de même trouvé préoccupant de voir que les gouvernements se montrent réticents et incapables de traiter sérieusement des problèmes multisectoriels qui naissent autour de la question des migrations et tout en attirant la main-d’oeuvre qualifiée, ils érigent des barrières supplémentaires à l’immigration.  Il en découle que la migration ne fonctionne plus comme un facteur de relocalisation des personnes mais comme un facteur d’enrichissement de certains pays au détriment d’autres.  Si ceci explique le lien entre migration et développement, cela explique surtout pourquoi la discrimination et la violence sont devenues de véritables problèmes dans certains pays où la migration a pourtant été un facteur important du développement. 


Jusqu’ici, a poursuivi le représentant, peu de choses ont été faites pour réfléchir à la manière dont la migration, qui est une cause de vulnérabilité, doit être abordée.  Citant un exemple, il a expliqué que les barrières contre l’immigration ont conduit de nombreuses personnes à tenter une entrée illégale ou à rechercher l’asile politique ou économique compliquant ainsi le sort de véritables candidats à l’asile.  Cette situation a également conduit au développement du trafic des personnes qui accroît encore la vulnérabilité des migrants.  Aujourd’hui donc, les politiques migratoires ont contribué à renforcer la vulnérabilité des migrants, des réfugiés et des personnes déplacés.  Les


gouvernements ne peuvent pas revenir en arrière.  La race humaine est une espèce migratoire.  Si les gouvernements peuvent, pour un certain temps, contrôler les flux migratoires, ils ne pourront indéfiniment contenir ces flux et empêcher les progrès qu’ils apportent en matière de développement, a conclu le représentant.


M. LEE HO-JIN (République de Corée) a estimé que la mondialisation avait accéléré les phénomènes migratoires.  Ces mouvements de population ne sont cependant pas toujours bien vus dans les pays développés, alors que ceux-ci devraient les considérer comme une source d’enrichissement à la fois culturel et aussi, bien souvent, économique.  Les migrations doivent être considérées dans le contexte général des efforts déployés par l’ONU pour lutter contre la pauvreté, et la Corée pense que le lien entre migrations et développement devrait être soigneusement examiné, même si le consensus international n’existe pas encore en la matière.  Nous sommes d’avis que les mécanismes existant au sein des institutions internationales et de l’ONU pourraient être utilisés pour créer plus de coordination et de cohérence sur les recherches qui sont menées en ce moment sur la question.


M. AHMED EL-SAID RAGAB (Egypte) a cité comme causes de l’augmentation des flux migratoires, l’élargissement du fossé entre Nord et Sud; l’existence au Nord d’un marché du travail capable d’absorber une main-d’oeuvre hautement qualifiée; la détérioration des économies du Sud avec son lot du chômage et de la baisse du niveau de vie; et la multiplication au Sud des zones de conflits.  Le lien entre la migration et le développement est complexe, a dit le représentant.  Les pays du Sud, a-t-il estimé, ne peuvent réussir leur processus de développement sans des mesures internationales au niveau économique.  Il faut renforcer l’ordre économique international pour aider les pays du Sud dans leur développement et renforcer ainsi leur capacité de garder leurs ressources humaines, facteur essentiel du développement.  Abordant la question de la convocation d’une conférence internationale sur les migrations internationales, le représentant a espéré que les obstacles actuels n’entraveront pas la vision globale de la question qui doit être examinée du point de vue de la responsabilité commune et de la coopération internationale.  Il a, pour sa part, appuyé la tenue d’une telle conférence pour la contribution qu’elle pourrait faire à la recherche de solutions à ce problème.


M. BUSTINZA.(Pérou) a dit qu’en tant que ressortissant d’un pays “non développé”, il avait le sentiment que la “liberté” et le discours qui est tenu sur ses “valeurs” sont des choses réservées à une minorité d’êtres humains, citoyens de certains Etats.  Il n’y a qu’à aller dans certains consulats pour solliciter un visa pour se rendre compte de la triste réalité du monde, a dit le représentant.  Le Pérou est prêt à soutenir la liberté de circulation des capitaux si elle s’accompagne aussi de la liberté de voyage des personnes et de celle du transfert des technologies.


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