LA SIXIEME COMMISSION ABORDE L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA CDI SUR LA PROTECTION DIPLOMATIQUE ET LES ACTES UNILATERAUX DES ETATS
Communiqué de Presse
AG/J/328
LA SIXIEME COMMISSION ABORDE LEXAMEN DU RAPPORT DE LA CDI SUR LA PROTECTION DIPLOMATIQUE ET LES ACTES UNILATERAUX DES ETATS
20001027La Commission juridique (Sixième Commission), poursuivant cet après-midi l'examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) a entamé son débat sur les chapitres V et VI du rapport, relatifs respectivement à la protection diplomatique et aux actes unilatéraux des Etats. Le Président de la CDI, M. Chusei Yamada, a présenté le second volet du rapport de la Commission, relatif à ces deux chapitres.
Concernant la protection diplomatique, la CDI a examiné cette année le premier rapport du Rapporteur Spécial. Comme la fait remarquer le Président de la CDI, le Rapporteur Spécial a considéré la protection diplomatique comme pouvant constituer un instrument de défense des droits de lhomme et a développé cette approche dans les articles proposés. Cette approche a été vivement critiquée par le représentant de la France, qui a estimé quelle était inopportune, ainsi que par le représentant de lIndonésie, pour qui elle ne fait que compliquer les choses. Pour le représentant de la France, les propositions du Rapporteur Spécial relatives à lexercice de la protection diplomatique en faveur des réfugiés et des apatrides ne sont absolument pas étayées par la pratique et sont même contraires à certaines conventions internationales, notamment lAnnexe à la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Autre point de désaccord, le représentant français soutenu en cela par le représentant des Etats-Unis - a estimé que lexercice de la protection diplomatique est une prérogative discrétionnaire de lEtat, qui tient compte, pour lexercer, des intérêts lésés de son national à létranger mais aussi dintérêts propres comme sa politique étrangère. Cette prérogative ne saurait donc être rendue obligatoire dans certaines circonstances, comme le proposait le Rapporteur Spécial.
Sur ces chapitres V et VI, le représentant de la France a fait une déclaration. En outre, les représentants de lIndonésie et des Etats-Unis ont également présenté leur point de vue sur ces deux chapitres dans une déclaration sur le rapport dans son ensemble.
La Commission avait auparavant achevé son débat sur le thème de la responsabilité des Etats, objet du Chapitre III du rapport. Sur ce thème, les représentants des pays suivants se sont exprimés cet après-midi: Algérie, Jordanie, Slovénie, Chypre, Indonésie, Pologne, Fédération de Russie, Koweït, Cuba, Brésil et Etats-Unis. LObservateur de la Suisse a également pris la parole.
Le débat sur la responsabilité des Etats se sera étendu sur cinq séances de la Commission et s'est concentré sur plusieurs points. Les délégations ont en général approuvé la nouvelle structure du projet d'articles, jugée plus claire et plus classique. Elles ont aussi noté que le contenu du projet d'articles a beaucoup évolué depuis son adoption en première lecture par la CDI en 1996. Plusieurs représentants se sont félicités de l'abandon du concept de "crime international", qu'ils ont jugé inapproprié en droit international, même si l'on ne peut nier que certaines infractions sont plus graves que d'autres. Certains orateurs ont estimé que la nouvelle notion de «violation grave d'obligations du droit international» constituait un possible compromis pour préserver les acquis. D'autres y ont vu au contraire une regrettable réminiscence du même concept de crime sous un autre nom. Certaines délégations ont demandé quelles devraient être les conséquences juridiques spécifiques de "violations graves". D'autres ont estimé que le concept, et d'autres qui lui sont liés dans le cadre du Chapitre III de la deuxième partie, manquent de précision. Ainsi, que sont les "obligations essentielles"? Qu'est-ce que la "communauté internationale dans son ensemble"? Doit-on y inclure, au moins dans certains cas, les individus ou les organisations non gouvernementales, lorsqu'il s'agit surtout des droits de l'homme? Si la réponse est non, ne devrait-on pas plutôt parler de "l'ensemble des Etats" ou de la "communauté des Etats dans son ensemble" ?
La question des contre-mesures a suscité un débat animé entre partisans et opposants de ce mode de réaction face à une violation du droit international. Plusieurs délégations ont fait remarquer que le recours aux contre-mesures était une spécificité des pays occidentaux et que ces derniers cherchaient surtout à les légitimer. Or, ces contre-mesures peuvent avoir un effet très variable selon la puissance de l'Etat qui y recourt et celle de l'Etat qui les subit. Elles risquent donc d'accroître encore les inégalités entre Etats. Certains se sont prononcés pour une énumération des contre-mesures interdites. D'autres orateurs se sont au contraire félicités de l'abandon de dispositions obligeant l'Etat lésé à proposer une négociation à l'Etat responsable avant de recourir aux contre-mesures ou interdisant celles-ci pendant une négociation, mesures jugées trop favorables à l'Etat responsable. On a également soulevé la question de l'étendue des contre-mesures que peut prendre un Etat intéressé au regard des contre-mesures prises par l'Etat directement lésé. Le problème a d'ailleurs été étendu aux obligations de réparation en général. Alors qu'un Etat lésé directement par une violation du droit international peut demander réparation du dommage causé, un Etat qui est seulement intéressé par cette violation peut-il demander davantage que la simple cessation de celle-ci?
La question de la forme juridique définitive du projet darticles a également été posée. Certains pays ont souhaité une forme non contraignante, comme des lignes directrices. On a même fait valoir que les travaux de la CDI, déjà utilisés par la Cour internationale de Justice pour ses travaux, avaient une valeur de référence en soi. D'autres en revanche ont estimé cette forme contraignante, car la CDI a une fonction de codification, donc normative. Plusieurs ont souhaité l'adoption sous forme de convention. D'autres ont évoqué une adoption sous la forme d'annexe à une déclaration de l'Assemblée générale. La représentante d'un pays opposé à une convention a fait valoir que le processus de négociation en vue de celle-ci permettrait à certains de vider totalement de son contenu un texte déjà faible.
La Commission juridique poursuivra, lundi 30 octobre, à 10 heures, l'examen des chapitres du rapport de la CDI relatifs à la protection diplomatique et aux actes unilatéraux des Etats.
EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
SUITE DU DEBAT SUR LA RESPONSABILITE DES ETATS
Déclarations
M. ABDALLAH BAALI (Algérie) a exprimé sa satisfaction au sujet des progrès réalisés par la Commission en ce qui concerne le thème de la responsabilité des Etats et a rendu hommage à M. James Crawford. La codification de la responsabilité des Etats est une alternative fondamentale au recours à la force comme moyen de règlement des différends entre les Etats et représente, en même temps, la meilleure garantie pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Sagissant de la question des contre-mesures, il a rappelé que sa délégation avait déjà par le passé fait état de sa réticence à accepter leur inclusion dans le projet darticles, par crainte dintroduire un régime équivalent à celui des sanctions dans les relations interétatiques et donnant ainsi le pouvoir aux Etats les plus puissants de rétablir une situation par eux- mêmes en invoquant une violation commise par un acte illicite. Il sest demandé si une entreprise de codification dans ce domaine ne serait pas de nature à légitimer les contre-mesures comme instrument dactions individuelles de coercition conduites par certaines puissances. Il a exprimé des préoccupations concernant les conditions dapplication de ces contre-mesures, mais sest félicité du contenu du nouvel article 51 qui énumère un certain nombre de contre-mesures interdites. Aux yeux de la délégation algérienne, il faudrait y ajouter toutes celles qui pourraient porter atteinte à la souveraineté, à lindépendance et à lintégrité territoriale des Etats. Il a aussi exprimé sa satisfaction de constater que la prise de contre-mesures est soumise aux conditions de proportionnalité et de procédures de règlement des différends. Il a parlé ensuite des contre-mesures collectives quil admet difficilement hors de tout cadre institutionnel et qui méritent une réflexion approfondie et de plus amples analyses. Sagissant du chapitre V de la première partie du projet, il a déclaré que sa délégation approuve pleinement les avis exprimés par la Commission. Il sest félicité par ailleurs que le texte prévoie que lEtat lésé qui prend des contre-mesures doit sacquitter des obligations relatives au règlement des différends et a relevé quil sagit de favoriser ainsi le principe de règlement pacifique des différends internationaux. Cependant, le représentant de lAlgérie a déclaré que sa délégation est davis quà lexception des règles obligatoires de règlement des différends inscrites dans les instruments juridiques contraignants opposables aux parties, le consentement des Etats demeure le facteur fondamental aux fins de recours à un quelconque mode de règlement. Il a noté enfin que cette question prendra sa place dans le projet en fonction de la forme que celui-ci prendra. Il a conclu en rappelant quil reste encore à la Commission à achever lexamen dun certain nombre de points laissés en suspens tels que la définition de lEtat lésé.
M. MAHMOUD D HMOUD (Jordanie) a exprimé sa satisfaction à propos des travaux de la Commission sur la responsabilité des Etats et considère que le projet darticles actuel représente une nette amélioration par rapport à la version de 1996. Il sest félicité de la suppression de lancien article 19 sur la distinction entre les responsabilités civiles et criminelles des Etats, car il était une source de controverses idéologiques entre les Etats, du fait des exemples de crimes internationaux cités. Il sest prononcé en faveur de la nouvelle deuxième partie du chapitre III intitulée violations graves des obligations essentielles envers la communauté internationale, mais a relevé que le concept de responsabilité criminelle dun Etat na pas complètement disparu puisque la notion de réparation est maintenue au paragraphe 1 du nouvel article 42. Il a noté limportance de la réaction collective de la communauté internationale à une violation grave dobligations envers elle dans son ensemble, mais il a estimé quelle ne doit pas se substituer aux mécanismes dapplication des mesures prévues au chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
En ce qui concerne la définition de lEtat lésé qui figure dans le projet darticles adopté en première lecture, il a observé quelle créait une confusion entre les droits des Etats lésés et ceux des Etats qui ne sont pas lésés directement par un acte illicite mais qui ont un intérêt légal à la cessation de la violation et le retour au status quo ante. Il sest dès lors félicité de la nouvelle partie 2 bis du projet qui distingue ces deux cas. Il nempêche, a-t-il déclaré, que des problèmes surgissent néanmoins dans la pratique, à propos de la capacité dun Etat dinvoquer la responsabilité, surtout dans le cas dune violation dobligations multilatérales. En ce qui concerne les obligations erga omnes, il a rappelé le débat qui soutend ce sujet. Il a estimé que ces obligations demeurent en effet mal définies en droit international. Des efforts de la part des juristes internationaux pour codifier de telles obligations sont nécessaires pour éviter des problèmes, a-t-il souligné.
Abordant la question des contre-mesures, il a estimé que leur application doit être réglementée pour préserver la souveraineté des Etats faibles contre les contre-mesures politiques qui ne sont pas définies. A son avis, les contre-mesures ne doivent pas être considérées comme un obstacle à lautorité dont le Conseil de sécurité est investi en vertu du chapitre VII de la Charte. Certains pensent que les dispositions sur les contre-mesures sont répressives, a-t-il remarqué, mais leur régime existe déjà en droit international pour donner réparation et revenir à la légalité. Il a averti que des contre-mesures excessives ou disproportionnées donnent le droit à lEtat auteur de la violation de faire de même enclenchant ainsi une escalade de contre-mesures qui doit être évitée, il a également évoqué les contre-mesures collectives pour lesquelles il faut respecter le principe de la proportionnalité. Il a aussi souhaité que lobligation faite à lEtat qui prend de telles mesures de coopérer autant que possible soit définie. Il a enfin exprimé lespoir que la CDI pourra finir le projet dici la fin de lannée 2001 et quil pourra être adopté sous la forme dune convention.
M. ANDREJ GRASSELLI (Slovénie) a estimé que des progrès importants ont été récemment accomplis en vue dachever cette entreprise importante quest le projet darticles sur la responsabilité des Etats. Il a rappelé que la troisième partie du projet de 1996 (règlement des différends) avait été supprimée en partant de lidée que le texte ne serait pas adopté sous la forme dune convention internationale. Or, comme il est trop tôt pour se prononcer sur la forme définitive sous laquelle le projet darticles sera adopté, une partie relative au règlement des différends devra être prévue.
Le représentant a souscrit au principe de réparation intégrale prévue à larticle 31. Pourtant, at-il fait remarquer, les tribunaux sont prudents dans lexamen des affaires de pertes non matérielles et une clause générale sans définition précise ne contribuera pas à éclaircir les choses, a-t-il estimé. En outre, peut-on appliquer les mêmes clauses de dommage moral à toutes les formes de réparations (restitution, compensation et satisfaction), at-il demandé. En outre, un Etat qui commet une violation na pas le même niveau de responsabilité pour un acte illicite commis de manière intentionnelle et/ou résultant dune simple négligence, et il faudrait en tenir compte dans l'article 31, a déclaré par ailleurs M. Grasselli.
M. Grasselli a ajouté quil est clair que les obligations envers la communauté internationale dans son ensemble sont celles qui trouvent leur origine dans la violation dune norme péremptoire du droit international. Le fait que le contenu de ces normes nest pas défini en pratique nempêche pas de les mentionner en tant que principe général. Toutefois, dans la pratique, ce principe général nest pas suffisant. La Slovénie a conscience des difficultés que soulève la notion de crime international, mais il existe une logique inhérente à cette distinction d'avec les autres actes illicites. Il nest pas question de rouvrir le débat sur les crimes et délits en droit international; au contraire, la formulation du rapporteur spécial constitue un bon compromis. Il nempêche que la question de la définition de ces violations graves reste ouverte, a remarqué le représentant.
M. Grasselli a noté avec satisfaction la voie choisie par la CDI pour ne pas définir de manière trop large la notion dEtat lésé et pour introduire une distinction entre Etats lésés dans leur capacité individuelle dune part, et de lautre, les Etats non directement lésés mais ayant un intérêt juridique au respect dune obligation. Les articles qui font référence à la responsabilité sur la base de la Convention de Vienne sur le droit des traités, clarifient les procédures et fixent des règles en ce domaine.
Enfin, sur les contre-mesures, le représentant a estimé que dun côté, il est nécessaire dinclure la question dans le cadre de la codification de la responsabilité des Etats et que, dun autre côté, il sagit dun sujet différent qui devrait être traité séparément. La CDI traite amplement de la question, y compris du droit des Etats, dans certaines conditions, de prendre des contre- mesures en cas de violations graves dobligations. Pour la Slovénie, des cas de violations graves peuvent se présenter qui rendent cette réglementation justifiable. Mais il existe un danger inhérent quune telle réglementation générale puisse servir de justification pour des abus.
M. A. J. JACOVIDES (Chypre) a rappelé à propos de la responsabilité des Etats que les obligations erga omnes sont désormais reconnues par la CIJ. Il a observé que de nombreux compromis ont dû être trouvés pour arriver à la modernisation du texte du projet darticles, mais a noté que dautres demeurent sans solution. Sagissant de la forme que doit prendre le projet, il a souscrit à la position des pays nordiques et de quelques autres Etats qui souhaitent une convention contraignante. Cependant, dautres solutions pourront être envisagées, à condition que certaines préoccupations majeures soient prises en compte, a-t-il indiqué. Il a justifié sa préférence pour la forme dune convention par son attachement au principe dégalité devant la justice et par la petite taille de son pays. Il a déclaré aussi quil attachait une grande importance aux mécanismes efficaces de règlement des différends, comme la délégation hongroise.
En ce qui concerne les contre-mesures, il a souhaité que, si elles devaient être maintenues, quelles soient mieux définies et fassent lobjet de procédures de règlement des différends. A son avis, les contre-mesures armées doivent être interdites. Dans le contexte de la responsabilité des Etats, la notion de Jus cogens doit être précisée. A propos du chapitre V, il a regretté, comme la délégation israélienne, que lexception relative à linefficacité de laccord de lEtat dans le cas dobligations préremptoires nait pas été retenue. Par ailleurs, le chapitre III représente un compromis sur la question des crimes et délits internationaux, quil a considéré comme acceptable. Il a aussi noté la différence entre les Etats lésés et les Etats intéressés par la cessation de la violation, mais cest lEtat effectivement lésé qui a droit à la réparation. Il a noté que le nouvel article 39 doit trouver sa place dans le projet.
M. DONILO ANWAR (Indonésie) intervenant sur lensemble du rapport de la CDI, a déclaré que le projet darticles sur la responsabilité des Etats, en particulier la Partie II, constitue une base valable pour la poursuite des travaux. Pour mener à bien sa tâche, la CDI doit faire en sorte que les principes acceptés du droit international soient bien reflétés dans le projet darticles. Les références aux contre-mesures devront par conséquent être brèves et générales. En tout état de cause, on devrait toujours passer par un règlement pacifique des différends plutôt que de recourir directement à des contre-mesures.
Concernant le thème de la protection diplomatique, le représentant a estimé que son utilisation au profit de la protection des droits de lHomme compliquerait le sujet. La CDI devrait se cantonner au concept strictement technique de protection diplomatique car il existe déjà des traités et des lois régissant la protection diplomatique des nationaux entre différents Etats. De même, lIndonésie estime que la question de lemploi de la force au profit de nationaux nentre pas dans le cadre de la protection diplomatique et ne peut être séparée du recours à la force en général et de lapplication de la Charte et dautres principes généralement acceptés du droit international. De même, les dispositions proposées par le Rapporteur général concernant la nécessité de lintervention humanitaire, reposent sur des principes du droit international qui ne sont pas considérés comme généralement acceptables et ne sauraient donc sinscrire dans le cadre de la protection diplomatique, a déclaré M. Anwar.
Concernant le thème des réserves aux traités, lIndonésie a souscrit aux conclusions de la CDI pour qui la Convention de Vienne a fixé un régime juridique pour les réserves applicables à tous les traités, a déclaré M. Anwar. Selon lui, la Convention a, au fil des ans, été appliquée de manière équitable et a facilité laccession aux traités multilatéraux. LIndonésie soutient donc le projet de la CDI de préparer plutôt un guide quun instrument juridique formel et estime que de telles lignes directrices constitueront une contribution utile et permettront aux Etats de signer et de ratifier les traités. Le représentant sest donc réjoui des progrès accompli par la CDI avec ladoption en première lecture du projet de lignes directrices.
M. WLADYSLAW CZAPLINSKI (Pologne) a déclaré quil serait souhaitable que le projet darticles soit adopté sous forme dune convention internationale, mais sa délégation se satisfera de toutes autres formes. Il a approuvé la structure actuelle du projet et a noté avec satisfaction que larticle 13 avait pour objectif dexclure la rétroactivité de la loi sur la responsabilité des Etats. Quant à larticle 31, il a souhaité quil soit amendé pour restreindre la possibilité de demander une réparation financière en cas de dommage moral.
Il a relevé limportance de larticle 32 et a suggéré son inclusion dans le chapitre IV du projet. Il a accepté les dispositions sur les violations graves mais a indiqué sa préférence pour lexpression communauté internationale dans son ensemble qui inclut les organisations internationales. Sagissant de la restitution, il a demandé un amendement à larticle 36 pour étendre les dispositions prévues à larticle 36(b) aux réparations prévues à larticle 37.
En ce qui concerne les contre-mesures, il a proposé que la CDI clarifie le point concernant le recours individuel des Etats aux contre-mesures en dehors des cas où sexerce la compétence du Conseil de sécurité. Pour les Etats lésés de façon indirecte, la délégation polonaise trouve que le sens de larticle 34 alinéa 2 nest pas clair. La Pologne est prête à accepter le projet darticles relatif à la situation des individus au regard de la Loi sur la responsabilité des Etats, mais son représentant sest demandé si cette question nest pas déjà régie par le droit international. Enfin, il sest félicité de larticle 58 sur la responsabilité pénale éventuelle des individus et a exprimé lespoir quil sera mis en uvre rapidement par la CIJ.
M. ROGACHEV (Fédération de Russie) a déclaré que la démarche densemble du Rapporteur Spécial est correcte car il nest pas tombé dans un excès de détails. Le nouveau projet est plus simple et plus court. Il est aussi innovant et cela pose parfois quelques problèmes. Ainsi, certaines dispositions concernant par exemple les contre-mesures, surtout collectives, ou la définition de lEtat lésé, devront être examinées plus en détail.
On sait que les contre-mesures sont efficaces, a déclaré le représentant, et cest pourquoi on en abuse parfois. Il faut donc les réglementer. Elles sont un moyen dobliger un Etat qui ne respecte pas ses obligations en vertu du droit international à le faire. La question de lautorisation des contre-mesures doit donc être examinée avec attention, notamment en ce qui concerne le droit de les exercer par des Etats qui ne sont pas directement lésés par le comportement internationalement illicite dun Etat. Sinon, de grandes puissances pourraient en effet prétendre exercer une fonction de police internationale.
Concernant les violations graves dobligations envers la communauté internationale dans son ensemble, le représentant a estimé que la notion de communauté internationale dans son ensemble est trop vaste et na pas de caractère juridique. On devrait donc supprimer la référence à cette «communauté internationale» et se limiter à la notion de «violations graves», a estimé M. Rogachev. Il a en outre regretté que le projet nait pas de définition du contenu de ces violations graves. On pourrait à cette fin utiliser les éléments de définition du crime contenus dans lancien article 19 du projet darticles adoptés en première lecture, a-t-il suggéré. En outre, une violation peut être grave sans être systématique.
La Fédération de Russie a une position souple concernant la forme sous laquelle sera adopté le projet darticles, a déclaré M. Rogachev, qui a suggéré une adoption sous forme de convention, par étapes.
M. AL-MELHEM (Koweit) a indiqué quil est attaché aux instruments internationaux relatifs à la souveraineté des Etats. Létablissement de la responsabilité des Etats est indispensable, conformément à la Charte des Nations Unies, a-t-il rappelé. Il a donc souligné limportance des contre- mesures, notamment pour amener lEtat responsable à cesser lacte illicite. Il a demandé que des critères précis soient élaborés pour définir lobjectif des mesures et la responsabilité de lEtat au regard de ses obligations dans le cas dobligations contradictoires, qui doit se faire par référence à la Convention de Vienne de 1969. Il sest prononcé en faveur de la forme dun traité ayant force obligatoire, mais est prêt à transiger sil y a adoption dun code de conduite. Enfin, il a souligné limportance dune coopération entre les instances internationales pour mettre en uvre les préceptes des Nations Unies ayant pour but de maintenir la paix.
Mme SORAYA ELENA ALVAREZ NUNEZ (Cuba) a rappelé que le premier rapporteur spécial de la CDI sur la question de la responsabilité des Etats fut un éminent juriste cubain, qui présenta six rapports à partir de 1953.
Cuba est consciente de la difficulté technique et politique de la définition du crime dEtat, a déclaré la représentante. Cuba sinquiète de ce qui semble être, dans larticle 41, une tentative de création dune catégorie supérieure de «violations graves», avec ses conséquences prévues à larticle 42, et ce, d'autant que ces deux articles sont liés à larticle 49 sur linvocation de la responsabilité par des Etats non lésés et à larticle 54-2, qui autorise tout Etat à prendre des contre-mesures, a-t-elle affirmé. La représentante a demandé que soit clarifiée la possibilité quont des Etats qui ne sont pas directement lésés par un acte internationalement illicite, de prendre des contre-mesures.
Mme Alvarez Nunez a estimé quil était préoccupant et contradictoire demployer des termes trop vagues dans larticle 41, comme celui de «communauté internationale». On devrait au moins parler de «communauté internationale dEtats» at-elle estimé. En outre, les dispositions autorisant des Etats non directement lésés à prendre des contre-mesures vont bien au-delà de ce qui est admis en droit international, a-t-elle déclaré. Cuba propose dexclure les articles 49 et 54 du projet qui ne font quintroduire des complications majeures dans le projet darticles.
Les contre-mesures sont sans doute lun des aspects les plus controversés, a déclaré Mme Alvarez Nunez. Dans la majorité de ces termes se dissimulent diverses formes de représailles, y compris armées, a-t-elle estimé. Il faut donc des définitions claires et des limites car les contre-mesures sont susceptibles de justifier de graves abus. Les dispositions qui aboutissent à ladoption de contre-mesures collectives sont également empreintes de risques. Il faudrait donc laisser de côté ces dispositions. Cuba est également préoccupée par les contre-mesures de caractère provisoire, quil faudra aussi supprimer. Les contre-mesures sont un ultime recours a rappelé la représentante, pour qui certaines contre-mesures, comme celles impliquant lemploi direct ou indirect de la force, devraient être interdites, car elles sont souvent un moyen dimposer des concepts politiques.
Il reste encore beaucoup de travail à faire pour parvenir à un document équilibré et il ne serait pas prudent daller au-delà de ce qui est admis par le droit international en adoptant des propositions révolutionnaires, a estimé Mme Alvarez Nunez.
M. MARCEL FORTUNA BIATO (Brésil) a estimé que le nouveau projet est équilibré et les innovations présentées de manière cohérente. Larticle 51 est particulièrement bienvenu et contribue à dissuader les Etats dabuser des contre-mesures. De même, lexigence de suspendre les contre-mesures lorsque le conflit est soumis à un arbitrage ou à un règlement judiciaire est conforme au principe selon lequel les contre-mesures doivent rester un instrument de dernier recours, ce qui évite den faire un instrument de coercition flagrante. Il a par ailleurs estimé que les droits des Etats qui ne sont pas directement lésés doivent être examinés plus avant. Il a estimé que les conséquences de la gravité de la violation sur la réparation posent encore des problèmes.
En ce qui concerne la formule adoptée pour surmonter le problème crucial de larticle 19, il la trouvée ingénieuse et a estimé quelle permet de cesser de débattre dune question conceptuelle pour soccuper des conséquences effectives des actes internationalement illicites. Par ailleurs, il a pris acte de la décision de supprimer la section sur le règlement des différends mais considère quil faut aller plus loin sur cette question. Sur la forme, il a estimé quun texte adopté par consensus serait plus efficient. Il a exprimé lespoir que le projet darticles sera conclu dès la prochaine session.
M. JAMES H. THESSIN (Etats-Unis) a exprimé sa satisfaction concernant la clarification qui a été donnée par la Commission sur la première partie du projet darticles en éliminant les articles inutiles. Il sest félicité de la suppression du concept de crime international et a souhaité que le projet soit modifié pour quil soit clairement disposé que le paiement des intérêts est obligatoire lorsque cela est nécessaire pour assurer une parfaite réparation. En ce qui concerne les contre-mesures, il a exprimé sa satisfaction que leur rôle dans le régime de la responsabilité des Etats soit reconnu, mais ne considère pas moins que les restrictions apportées à leur usage ne reflètent pas le droit international coutumier, notamment lobligation de négocier avant le recours aux contre-mesures. Aussi, sest-il inquiété des dispositions de larticle 53 qui peuvent être exploitées par lEtat responsable pour nuire davantage à lEtat lésé. Il a observé que si la CDI devait terminer ses travaux sur la responsabilité des Etats à sa prochaine session, elle naura que peu de temps pour apporter les modifications que de nombreux Etats comme les Etats-Unis estiment nécessaires.
Le représentant sest félicité de la suppression du concept de crime international, tout en reconnaissant que la nouvelle expression de violation grave est vague et risque de recouvrir toute violation dobligation internationale. Il a également exprimé sa préoccupation en ce qui concerne linterprétation qui pourrait être donnée de larticle 42, et qui considérerait que les réparations répressives sont autorisées. Il a donc invité la Commission à prêter une attention particulière à la proposition dune disposition de sauvegarde présentée par le Royaume-Uni. En ce qui concerne la définition de lEtat lésé, M. Thessin sest félicité de ce que la CDI ait fait une distinction entre les Etats directement lésés par lacte illicite et ceux qui ne le sont pas directement, espérant que la définition des premiers sera plus étroite. Il a évoqué ensuite la notion de communauté internationale dans son ensemble, dont il faut se méfier, à son avis, car elle peut être trop large. Quant à la forme sous laquelle le projet pourrait être adopté, il sest déclaré en faveur dune convention qui permettrait notamment à la Commission de laisser reposer le sujet relatif au règlement des différends, celui-ci ne recueillant apparemment pas le consensus de la communauté internationale.
La protection diplomatique est un sujet important, a-t-il observé, car elle constitue, sans aucun doute, un droit discrétionnaire de lEtat, en vertu du droit international coutumier. La protection diplomatique ne relève donc pas du même domaine. Sagissant des actes unilatéraux dEtats, il a estimé que les articles sur cette question diminueraient la faculté quont les Etats de recourir à des actes unilatéraux. Il a préféré, dans un premier temps, un simple recueil de la pratique des Etats. Sur la question des réserves aux traités, il sest félicité des travaux de la CDI. Il a déclaré attendre que la Commission développe un guide pratique sur le régime légal des déclarations de réserves et interprétatives. Enfin, en ce qui concerne les préjudices découlant dactivités dangereuses, il a trouvé que des négociations devraient être menées sur les produits dangereux.
M. VALENTIN ZELLWEGER (Observateur de la Suisse) sest félicité de lobjectif que la Commission du droit international sest fixé de mener à bien sa seconde lecture du projet darticles sur la responsabilité des Etats en 2001. Les progrès considérables réalisés récemment permettront sans doute datteindre cet objectif, at-il estimé. Certaines questions importantes doivent cependant encore être réglées.
La Suisse se félicite de la suppression de la notion de «crimes» et prend note de lapproche plus prudente, mais tout de même encore ambitieuse, de la notion de «violations graves d'obligations essentielles envers la communauté internationale». Cette approche semble intéressante et la Suisse y reviendra lorsquelle fera des commentaires écrits, a déclaré M. Zellweger.
Concernant les réparations, M. Zellweger a constaté que larticle 31 pose le principe de la responsabilité de la causalité. Il suffit quil y ait un rapport de cause à effet entre la violation du droit international par un Etat et un dommage pour que lEtat en question soit tenu responsable du préjudice causé. Cette forme de responsabilité très sévère est adaptée à bon nombre de situations mais il se peut, a expliqué M. Zellweger, quune violation mineure du droit international entraîne, par un concours de circonstances exceptionnelles, un dommage considérable sans que lEtat responsable ait pu prévoir de telles conséquences. LObservateur a donc suggéré de prévoir, dans certaines situations, une responsabilité limitée et atténuée en cas dabsence dintention de nuire ou en cas dimpossibilité pour lEtat de prévoir le dommage au moment où lacte internationalement illicite a été commis. Il serait inconséquent dintroduire dans larticle 40 une distinction entre la contribution intentionnelle ou par négligence de lEtat lésé au dommage si on ne peut lattribuer entièrement à lEtat responsable, a-t-il affirmé.
M. Zellweger a fait part de son accord sur lapproche générale de la CDI face aux contre-mesures, qui doivent être réglementées et limitées dans leur exercice. Les articles 50 à 55 contiennent un certain nombre de limites et conditions appropriées, a-t-il estimé. La Suisse considère cependant que les dispositions sur les contre-mesures devraient figurer dans une partie séparée du projet darticles. En effet, lordonnancement actuel pourrait laisser entendre que les contre-mesures découlent de la responsabilité dun Etat. Elles ne constitueraient alors quune variante possible de la «mise en uvre» de la responsabilité, ce qui ne correspondrait pas à la position de la Suisse.
M. Zellweger a fait part dune autre difficulté concernant les contre- mesures, dans la relation entre les articles 50 à 55 et larticle 23, dans le cadre dune liste très complète de circonstances excluant la licéité du fait dun Etat non conforme à une obligation internationale. Inclure une disposition sur les contre-mesures dans cette liste pose inévitablement la question
fondamentale de licéité et de la légitimité des contre-mesures dans des situations autres que la légitime défense, la détresse ou létat de nécessité, a affirmé lObservateur, qui a regretté que cette question essentielle soit restée sans réponse dans létat actuel du projet darticles.
DEBAT SUR LA "PROTECTION DIPLOMATIQUE" ET LES "LES ACTES UNILATERAUX DES ETATS"
Présentation du deuxième volet du rapport de la CDI
(Note: Le résumé du rapport de la Commission du droit international (CDI) a été publié dans le communiqué AG/J/325 du 24 octobre 2000)
M. CHUSEI YAMADA, Président de la Commission du droit international, a présenté le deuxième volet de son rapport, consacré aux chapitres V et VI du rapport de la CDI, à savoir «la protection diplomatique» et «les actes unilatéraux».
Concernant la protection diplomatique, M. Yamada a rappelé que la CDI est saisie du Premier rapport du Rapporteur Spécial. Celui-ci, at-il déclaré, sest efforcé de dégager les principaux problèmes que pose le sujet et particulièrement ceux qui ont suscité des controverses. Il a présenté neuf articles, dont seuls huit ont été examinés par la CDI, faute de temps. Dans son approche générale, le Rapporteur Spécial a adopté lopinion selon laquelle, malgré l'émergence de divers mécanismes de règlement des conflits, la protection diplomatique demeure un outil important pour la protection des individus sur la scène internationale. En dautres termes, alors que les individus participent au système juridique international et ont des droits conformément au droit international, leurs moyens restent limités. Le Rapporteur Spécial considère, en outre, que la protection diplomatique pouvait constituer un instrument de défense des droits de lhomme et a développé cette approche dans les articles proposés, a expliqué M. Yamada.
M. Yamada a ensuite présenté dans le détail les différents articles et les réactions quils ont suscitées au cours des débats à la CDI. Il a notamment constaté quil résulte de ces débats de la CDI que larticle 2 sur les conditions de recours à la menace ou à lemploi de la force comme moyen de protection diplomatique na pas sa place dans le sujet. Il a rappelé que larticle 4 sur le principe dun devoir de lEtat dassurer la protection diplomatique, sauf dans certaines conditions, a également été supprimé, le Rapporteur Spécial ayant reconnu quil avait tenté là de faire une proposition de lege ferenda, qui a rencontré une trop forte opposition.
Le président de la CDI a ensuite présenté le chapitre VI du rapport, consacré au thème des «actes unilatéraux des Etats». Sur ce point, la CDI a examiné le troisième rapport du Rapporteur Spécial et disposait également pour son débat dun rapport du Secrétaire général contenant les réponses reçues à un questionnaire présenté lannée précédente. Le président a rappelé que la CDI navait pas eu le temps dexaminer le rapport du groupe de travail. Elle a néanmoins estimé utile de disposer des commentaires des gouvernements sur certains points mentionnés au paragraphe 621 du rapport. A la demande de la CDI, le Secrétariat a donc envoyé aux Gouvernements une circulaire, le 2 octobre 2000. M. Yamada a invité les délégations à encourager leurs gouvernements respectifs à y répondre.
Déclarations
M. RONNY ABRAHAM (France) a rappelé que lexercice de la protection diplomatique, subordonnée à certaines conditions par la Cour permanente de justice internationale, soulève parfois des difficultés. Lexamen de cette question par la CDI est donc particulièrement opportun. Il a estimé que larticle Premier, paragraphe 1 est inopportun car incomplet. Il ne mentionne en effet que la première des conditions de lexercice de la protection diplomatique, à savoir lexistence dun dommage causé à un national en raison dun fait internationalement illicite imputable à un Etat. En revanche, il nenvisage pas la seconde condition, tout aussi importante, à savoir lépuisement des voies de recours internes. Les deux conditions devraient être rappelées dès le début, a-t-il estimé. La seconde le mériterait d'autant plus au regard du développement du droit international et des possibilités qui sont désormais offertes aux individus qui ont subi un dommage. La CDI devrait ainsi sintéresser à la question de savoir si le recours à une juridiction qui na pas de caractère national mais qui est accessible à tous peut ou non être considérée comme un «recours interne».
La protection diplomatique nest pas une action en tant que telle, a ajouté M. Abraham. Cest simplement la mise en mouvement dune procédure. Cest lun des moyens dengager la responsabilité de lEtat responsable du dommage. En outre, larticle 1-2, qui pose comme principe que la protection diplomatique peut, dans «certaines circonstances exceptionnelles» sétendre à des nonnationaux, soulève de sérieuses difficultés. Ce que propose en réalité le Rapporteur Spécial, à savoir la protection diplomatique en faveur des réfugiés et des apatrides, nest absolument pas étayé par la pratique et même contraire à certaines conventions internationales, notamment lAnnexe à la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, a affirmé le représentant.
Quant à larticle 2, il nest pas du tout acceptable puisquil pose le principe dune interdiction du recours à la force pour assurer la protection diplomatique, sauf dans certaines exceptions fixées par le rapporteur. La protection diplomatique est lengagement dune procédure de règlement pacifique dun différend visant à protéger les droits ou les biens dun national et na rien à voir avec la question de lemploi de la force, a affirmé M. Abraham. Cet article devrait donc être supprimé.
M. Abraham a déclaré que la protection diplomatique est une prérogative souveraine de lEtat. Son exercice est donc un droit de lEtat qui, pour lexercer, tient compte non seulement de lintérêt de son ressortissant lésé par un acte illicite dun autre Etat, mais aussi dun certain nombre déléments liés à la conduite de sa politique étrangère. Pour cette raison, la France a des difficultés avec l'article 4 qui prévoit, dans certaines circonstances, une «obligation juridique» de lEtat dexercer sa protection diplomatique. Le national dun Etat qui subit un préjudice; à létranger ne peut revendiquer aucun droit à la protection diplomatique, a estimé M. Abraham. Larticle sinscrit donc dans une perspective de lege ferenda et nest absolument pas étayé par la pratique des Etats. Il reflète linfluence prédominante dune «logique des droits de lhomme», a affirmé le représentant, qui a déclaré douter sérieusement de lopportunité de faire entrer létude de la CDI dans cette logique.
M. Abraham a également contesté les articles 5 et 6. Il a enfin regretté que le groupe de consultation informel ait décidé que le projet darticles ne traiterait pas de la protection fonctionnelle, comparable dans son principe même, à celle quexercent les Etats en faveur de leurs ressortissants.
Concernant le thème des actes unilatéraux des Etats, M. Abraham sest félicité de la suppression de lancien article Premier, qui nenvisageait que les actes juridiques unilatéraux, alors que des actes politiques peuvent aussi produire des effets juridiques. Il faut dabord élaborer une bonne définition des actes unilatéraux, a-t-il affirmé. A cet égard, la nouvelle définition est meilleure puisquelle met clairement laccent sur lintention de lEtat dans la formulation de lacte. Cette intention est tout aussi essentielle à la qualification de lacte quà la production de ses effets juridiques, a-t-il ajouté, et, à cet égard, il a fait état de la positon de la CIJ dans lAffaire des essais nucléaires.
M. Abraham a par ailleurs estimé que, si létude de la CDI nenvisage que les actes unilatéraux qui nont aucun lien avec les règles coutumières ou conventionnelles préexistantes, on risque de priver le sujet dune grande partie de son intérêt. La France est daccord pour exclure les actes relevant clairement du droit des traités, mais il ne faut pas pour autant exclure les actes unilatéraux pouvant contribuer à la mise en uvre de règles existantes. Il a également jugé utile de réfléchir, à la lumière de la pratique des Etats, à la manière dont lacte peut être porté à la connaissance de son destinataire. Il s'est en revanche félicité quait été écarté de l'étude le silence, car il ne peut, selon M. Abraham, être assimilé à un acte unilatéral car on ne saurait le considérer comme une manifestation de volonté non équivoque. Le représentant a déclaré ne pas voir dinconvénient à ce que le projet darticles sarticule autour de la distinction entre règles générales qui peuvent être applicables à tous les actes unilatéraux et les règles spécifiques applicables à certaines catégories particulières. De même, le Rapporteur Spécial pourrait, dans le cadre de létude des catégories spécifiques, se concentrer dans un premier temps sur les actes qui créent des obligations juridiques pour lEtat auteur.
Concernant enfin le programme de travail à long terme de la CDI, M. Abraham a affirmé que certains thèmes proposés - le risque de fragmentation du droit international, lexpulsion des étrangers, la corruption -, même sils sont intéressants dun point de vue juridique, ne correspondent absolument pas à ce quon attend de la CDI. Or, il est indispensable que les sujets que la CDI aura décidé détudier correspondent aux souhaits et aux besoins des Etats. M. Abraham a jugé particulièrement intéressant le sujet de la responsabilité des organisations internationales, ajoutant quun tel sujet devrait aussi traiter de la responsabilité des Etats membres dune organisation internationale à raison du comportement de celle-ci. Il sest également montré favorable aux thèmes proposés concernant «leffet des conflits armés sur les traités» et des «ressources naturelles partagées».
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