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AG/J/326

DIVERGENCES PERSISTANTES EN SIXIEME COMMISSION SUR LA NOTION DE "VIOLATIONS GRAVES ET D'OBLIGATIONS ESSENTIELLES ENVERS LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE"

25 octobre 2000


Communiqué de Presse
AG/J/326


DIVERGENCES PERSISTANTES EN SIXIEME COMMISSION SUR LA NOTION DE "VIOLATIONS GRAVES ET D'OBLIGATIONS ESSENTIELLES ENVERS LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE"

20001025

Les contre-mesures, les notions de «violations graves» et «d’obligations essentielles envers la communauté internationale dans son ensemble» ainsi que les dispositions relatives aux réparations ont été ce matin, une fois encore, les principaux thèmes du débat à la Commission juridique (Sixième Commission), qui poursuivait l’examen du chapitre du rapport de la Commission du droit international (CDI) consacré à la responsabilité des Etats. La forme juridique définitive à donner au projet d’articles a également été évoquée par plusieurs délégués.

Alors que les délégations se félicitent en général du travail accompli par la CDI sur le projet d’articles, que ce soit depuis 1953 ou dans la restructuration entreprise récemment, la représentante de l’Egypte, a posé la question de savoir si, compte tenu de l’évolution constante et rapide du droit international qui rend pratiquement impossible de dresser un tableau complet et précis de l’état des relations internationales, la CDI doit, après plus de 40 ans, continuer à suivre les tendances émergentes du droit international ou aller rapidement à l’adoption d’un ensemble de règles qui, après quelques années, risquent de n’être plus adaptées?

La représentante de la Croatie a en revanche estimé qu’il ne fait aucun doute que la définition de la responsabilité internationale des Etats dans le cadre d’un instrument juridique contraignante contribuera au renforcement de cette responsabilité au regard du droit international. C’est pourquoi la Croatie souhaite l’adoption des articles sous forme d’une convention, instrument normatif.

La forme finale du projet d’articles a été abordée ce matin par d’autres délégations, qui se sont à nouveau divisées entre partisans d’un texte contraignant (Slovaquie) et défenseurs d’une forme plus souple, comme une déclaration (Iraq) ou de simples directives. Parmi les opposants à l’adoption sous une forme de convention, la représentante de l’Egypte a exprimé des craintes de voir certains Etats, au cours du processus de négociations en vue d’un texte contraignant, vider de tout contenu substantiel le projet et le rendre suffisamment ambigu afin d’échapper à de nouvelles obligations.

Concernant les contre-mesures, les représentants ont en général souhaité qu'elles soient bien encadrées, de manière à éviter les abus. En outre, les représentants de l'Iraq et de la Nouvelle-Zélande ont demandé que l'on s'assure que ces contre-mesures seront suspendues ou arrêtées dès qu'aura cessé la violation qui leur a donné naissance. Pour la Sierra Leone, elles ne doivent pas être utilisées comme des armes politiques par des Etats forts, à l'encontre d'Etats faibles, notamment d'Etats en développement.

Les orateurs se sont de nouveau interrogés sur le sens des dispositions du Chapitre III de la Deuxième Partie du projet d'articles (articles 41 et 42), relatifs aux "violations graves d'obligations essentielles envers la communauté internationale". Indépendamment de l'existence non contestée d'actes internationalement illicites plus graves que d'autres, certains, comme le représentant de l'Italie, ont jugé logique que tous les aspects relatifs au comportement illicite soient traités de manière uniforme. D'autres, comme le représentant de la Sierra Leone, ont vu, à l'instar du délégué du Japon lundi, le spectre du "crime international" dans la notion de "violations graves". Certains représentants ont mis l'accent sur l'imprécision de certaines acceptions. Ainsi, que sont les "obligations essentielles"? Qu'est-ce que la "communauté internationale dans son ensemble"? Doit-on y inclure, au moins dans certains cas, les individus ou les organisations non gouvernementales, lorsqu'il s'agit surtout des droits de l'homme?

Enfin, plusieurs représentants ont pris position sur les dispositions concernant les formes de réparation. Plusieurs ont estimé que le principe de base de la réparation intégrale est justifié. Pour la représentante de la Croatie, ce concept exprime la seule manière juste de porter remède aux dommages causés. Les modalités de cette réparation doivent ensuite être examinées au cas par cas, ont noté certains représentants. Le représentant de l'Iraq s'est inquiété des dispositions sur la compensation, jugeant que celle-ci ne doit pas être excessive, sans quoi elle deviendrait un mécanisme de représailles contraire au droit international et à l'objectif de paix. La notion de satisfaction, bien que nouvelle, a généralement été jugée acceptable, notamment pour les dommages non matériels.

Lors du débat, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Nouvelle-Zélande, Espagne, Italie, Egypte, Iraq, Australie, Sierra Leone, Hongrie, Slovaquie et Croatie.

La Sixième Commission poursuivra son examen du chapitre du rapport de la CDI sur la responsabilité des Etats vendredi 27 octobre, à 10 heures. SUITE DU DEBAT SUR LA RESPONSABILITE DES ETATS

Déclarations

Mme VICTORIA HALLUM (Nouvelle-Zélande) a estimé que le projet d’articles sur la responsabilité des Etats est désormais plus cohérent. Il est susceptible de susciter un large consensus et la Nouvelle-Zélande souhaite qu’il forme la base du texte qui sera adopté par la Commission du droit international.

Concernant l’article 30 sur les assurances et garanties de non-répétition que doit donner un Etat responsable, Mme Hallum a estimé qu’elles étaient nécessaires quand bien même il n’y aurait qu’un simple risque de répétition. Cette assurance est en outre appropriée quand la violation est particulièrement grave et ce, même si le risque de répétition est minime. Concernant la réparation, la restitution in integrum au sens général doit être considérée comme la meilleure forme de réparation, a estimé Mme Hallum. Néanmoins, elle n’est parfois pas suffisante. L’indemnisation doit être examinée de manière souple. En ce sens, la Nouvelle-Zélande approuve l’approche de l’article 37. Concernant la quantification des réparations, la représentante a estimé qu’il est inutile de trop entrer dans les détails. La satisfaction constitue le corollaire d’une déclaration par une Cour ou un Tribunal constatant qu’un acte internationalement illicite a été commis. Il est donc juste de l’inclure comme une forme de réparation. En outre, la satisfaction peut être un moyen de réparation pour des formes de dommage non matériel.

La représentante s'est félicitée de la suppression de l’article 19 ancien, concernant les crimes internationaux. Les longs débats autour de ce thème ont distrait l’attention de la CDI. Mme Hallum s’est félicitée de la nouvelle approche des violations d’obligations prévues en droit international et contenue dans le chapitre III de la partie II.

Mme Hallum a estimé que la nouvelle partie II bis témoigne de changements positifs dans la structure du projet d'articles. Elle a exprimé sa préférence pour l’évolution conceptuelle de la notion d'Etat responsable que pour celle du droit d’un Etat d’invoquer la responsabilité, ainsi que la distinction faite entre Etats lésés et Etats ayant un intérêt juridique au respect d’une obligation (articles 43 et 49). Cette évolution reconnaît le droit à un Etat lésé d’invoquer la responsabilité internationale et des réparations, mais reconnaît aussi que d’autres Etats, bien que non lésés, ont un intérêt au respect d’une obligation internationale. Cette dernière catégorie doit se voir reconnaître le droit d’invoquer la responsabilité pour une violation d’obligation internationale, mais pas celui d’obtenir les réparations prévues pour les Etats directement lésés.

Mme Hallum a rappelé que les contre-mesures sont autorisées par le droit international. La Nouvelle-Zélande est donc favorable à l’inclusion de dispositions prévoyant leur réglementation. Toutefois, elle considère que les contre-mesures doivent être à la fois nécessaires et proportionnées dans leur application. Il faut s’assurer qu’elles n’entraînent pas d’abus et qu’elles seront suspendues ou arrêtées lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. En outre, s’il existe des cas où les contre-mesures sont nécessaires, elles ne devraient pas en principe prendre la place du règlement pacifique des différends et ne devraient pas être imposées si des négociations de bonne foi sont en cours pour tenter de résoudre un différend. Ces contre-mesures ne devraient pas être limitées à la non-application d’une obligation réciproque, et des Etats devraient pouvoir suspendre l’application d’obligations qui n’ont pas de lien avec l’obligation violée, à condition, là encore, que les principes de réversibilité et de proportionnalité soient respectés. Enfin, la Nouvelle- Zélande soutient le droit accordé, dans l’article 54, aux Etats juridiquement intéressés, de prendre des contre-mesures.

M. AURELIO PEREZ GIRALDA (Espagne) a remarqué la clarté du nouveau projet et a indiqué qu’il présenterait bientôt par écrit ses observations, se contentant aujourd’hui de commentaires sur la forme, la structure et le contenu le plus significatif du projet d’articles. En premier lieu, il a indiqué sa préférence, pour l’adoption du texte sous la forme d’un projet de convention (instrument contraignant) plutôt que sous la forme d’une déclaration, bien que cette dernière puisse être une solution provisoire. Il s’est félicité du caractère bien structuré du projet d’articles. En ce qui concerne la règle d’épuisement des recours internes, d’une importance cruciale dans le régime de la responsabilité des Etats, il a noté que l’article 45 laisse ouverte la question de la nature juridique de cette règle, mais a estimé que les dispositions qui y sont relatives devraient être considérées comme des conditions préliminaires, incluses dans la première partie du projet. Il en est de même pour l’article 56 (ancien article 37) qui devrait être rédigé de façon positive et indiquer que l’existence du régime de responsabilité ne doit pas l’emporter sur les règles impératives du droit international.

A propos du contenu du projet, il a abordé la question des violations graves et s’est prononcé en faveur d’un régime plus sévère. Il est difficile, a-t-il reconnu, d’écarter les opinions de certaines délégations qui trouvent une connotation pénale à l’expression “crime international”, mais il a déclaré que pour sa part il ne voyait pas d’inconvénient à l’utilisation de cette expression. Il a proposé une définition par consensus de la communauté internationale, qui restera critiquable, certes, mais sera acceptable faute d’une autre solution. A son avis, ce régime aggravé peut avoir de multiples conséquences. Tout d’abord, il doit inclure une soumission expresse aux règles internationales sur la responsabilité pénale de l’individu. Ensuite, il faut accepter l’inclusion du concept de “dommages et préjudices qui sont proportionnels à la gravité de la violation”. La Commission devrait les approfondir en précisant le contenu de l’article 42 par des commentaires. Il a estimé que l’incertitude persistera néanmoins et c’est pourquoi il est favorable à un régime de règlement des différends dont l’importance est évidente. Il a regretté d’autant plus cette omission que la CDI écarte apparemment l’hypothèse de l’adoption des articles sous forme d’une convention contraignante. Cela permettrait pourtant de formuler des réserves relatives au recours à la CIJ et à l’arbitrage obligatoire qui figurait dans le projet de 1996.

Par ailleurs, il a indiqué que sa délégation se félicite de ce qu’on ait éliminé du projet certaines dispositions rédigées de façon imprécise, comme l’ancien article 43. Il a indiqué sa préférence pour la règle du nouvel article 36 ainsi que pour l’article 38 relatif à la “satisfaction”. S’agissant des contre-mesures, les articles 50 à 55 lui paraissent meilleurs; il a néanmoins souhaité qu’une nouvelle rédaction puisse tenir compte de ce qui résultera des controverses nées de la question de l’application des contre-mesures. En particulier, il s’est félicité de ce que les “contre-mesures interdites” ne comprennent plus les “mesures extrêmes d’action politique ou économique

concertée destinées à menacer l’indépendance politique de l’Etat auteur d’un acte internationalement illicite”. S’agissant des alinéas b) et c) de l’article 51, il a relevé qu’ils visent la protection de la vie et de l’intégrité physique de l’être humain, sujets qui ne peuvent être laissés de côté en aucune circonstance.

M. UMBERTO LEANZA (Italie) a fait remarquer que la doctrine italienne a fourni une contribution significative au développement progressif du droit international dans le secteur de la responsabilité internationale. A propos du projet d’articles, il s’est félicité de ce que la CDI ait donné l’occasion aux gouvernements de l’examiner dans sa globalité, après les nombreuses versions qui se sont succédé au cours des longs travaux. Abordant la partie I du projet, il a souscrit aux modifications et aux précisions apportées, et s’est notamment félicité de l’élimination de l’article 34 bis qui était inutile et de l’adoption de l’article 23 qui semble pertinent.

Il a examiné ensuite la partie II du projet, sur laquelle la Commission a beaucoup travaillé cette année et qui a abouti à une meilleure articulation du projet d’articles. En effet, il a estimé qu’il est logique que tous les aspects relatifs au comportement des Etats qui ont subi l’acte illicite soient traités de manière uniforme dans une section ad hoc du projet. Il a également approuvé le libellé des articles 28, 29 et 30, car il est approprié de traiter dans un seul article les notions de cessation de l’acte illicite et d’offre de garanties de non-répétition de cet acte. De plus, il a estimé que les assurances et garanties de non-répétition de l’acte illicite apparaissent comme indispensables en de nombreuses hypothèses. Il a accueilli favorablement les articles 31, 32, 33 et 34, bien qu’il ait trouvé quelque peu exagérées les préoccupations manifestées au cours des travaux de la CDI concernant l’expression “réparation intégrale” puisque cette réparation ne sera déterminée qu’à la lumière des cas d’espèce. Il a souligné l’importance de la nouvelle disposition visée à l’article 34 en ce qu’elle élargit la portée du projet d’articles vers une responsabilité à l’égard de toute la communauté internationale.

Dans le chapitre II de la deuxième partie (formes de réparation), M. Umberto Leanza a constaté que les détails excessifs ont été évités, ainsi que la référence à l’Etat lésé en tant qu’ayant droit à réparation. Il a approuvé le libellé des articles 35 à 40 ainsi que le choix qui a été fait de laisser les autres détails au commentaire qui accompagnera le projet. La référence à l’indépendance politique a été supprimée (article 36) et cela évite des abus. En ce qui concerne l’article 38, il aurait été préférable de s’en tenir exclusivement au fait que la satisfaction ne doit pas humilier l’Etat lésé.

Quant au chapitre III de la deuxième partie, sur les violations graves d’obligations internationales, il a rappelé que le gouvernement italien reconnaît l’existence d’actes illicites spécialement graves dénommés “crimes internationaux” à côté de faits illicites “ordinaires” dénommés “délits internationaux”. La diversité des régimes de responsabilité prévue par le droit international coutumier devrait être codifiée dans le projet et perfectionnée, a-t-il déclaré, et le régime spécial de la responsabilité envers la communauté internationale n’est pas un régime de type pénal. Il a indiqué que la solution de compromis, c’est-à-dire la suppression du mot “crime” est acceptable. Il a ensuite rappelé les trois cercles concentriques dont parle la doctrine, soit celui des obligations erga omnes, celui intermédiaire et le troisième qui inclut les dispositions dont la violation constitue un crime international de l’Etat. Concernant l’article 42, il l’a considéré acceptable. Dans la partie II bis, il a noté la logique de la distinction entre l’Etat lésé et les autres Etats qui ont la capacité d’invoquer la responsabilité. Il a également souscrit au choix de la Commission de ne pas fixer de critères stricts ni de procédures rigoureuses quant aux modalités d’invocation de la responsabilité (article 44), et s’est référé, à cet égard, à la jurisprudence internationale. Il s’est déclaré satisfait des articles 46, 47, 48 et 49, ce dernier introduisant la notion d’intérêt collectif.

Sur la question des contre-mesures, il a relevé que le projet est le résultat d’un compromis et a estimé qu’il est préférable au précédent. Il considère que les articles 51 et 52 sont acceptables, et que l’article 53 concerne une question sur laquelle la pratique internationale n’est pas univoque puisqu’il n’y a pas de règle qui prévoit la mise en œuvre de moyens pacifiques de règlement d’un conflit avant l’adoption de contre-mesures. S’agissant de l’article 54, il a estimé qu’il serait opportun d’unifier les articles 50B et 50A et la formule souple par laquelle on établit l’obligation de coopération entre les Etats qui adoptent des contre-mesures, notamment à la lumière du principe de proportionnalité. Il a enfin donné son accord à la quatrième partie du projet d’articles, qui contient des dispositions générales. Il a suggéré, à cet égard, de supprimer l’article B, tout en explicitant l’article 56 sur la lex specialis qui, dans son libellé actuel, impliquerait une restriction excessive des règles générales sur la responsabilité internationale, en vidant cet exercice de presque toute sa valeur.

Mme LAMIA A. MEKHEMAR (Egypte) a déclaré que nous assistons aujourd’hui dans le monde à des changements systémiques, y compris dans le domaine du droit international. Or, l’élément le plus important d’un système, ce sont ses règles. Vu les changements actuels, il est pratiquement impossible de dresser un tableau complet et précis de l’état des relations internationales et du droit international. La question posée aux membres de la CDI et de la Sixième Commission est donc la suivante: Après plus de 40 ans, la CDI doit-elle continuer à suivre les tendances émergentes ou aller rapidement à l’adoption d’un ensemble de règles qui, après quelques années, risquent de n’être plus adaptées?

Mme Mekhemar a approuvé la position du Rapporteur spécial pour qui les dispositions de la Partie II du projet d’articles ne préjugent pas des droits créés au profit de toute personne autre qu’un Etat, du fait qu’un acte internationalement illicite a été commis par un Etat.

Concernant la pertinence d’une distinction entre Etat lésé spécifiquement par un acte internationalement illicite et Etats juridiquement intéressés, il doit être clair que l’Etat lésé doit faire partie de ceux à qui l’obligation internationale violée est due, a déclaré la représentante. La CDI devrait donc faire la distinction entre le «droit à une obligation» et «l'intérêt au respect d’une obligation», a-t-elle ajouté. Il y a là deux notions différentes qui comportent des conséquences différentes et des effets sur deux questions liées; l’invocation de la responsabilité de l’Etat, et le droit de demander des réparations ou de prendre des contre-mesures. Certains Etats, a estimé Mme Mekhemar, pourraient demander à exercer des droits que ne leur accorde pas l’état actuel du système juridique international.

La représentante a estimé que la CDI avait bien fait de supprimer la notion de crimes internationaux. Néanmoins, elle est désormais confrontée à un nouveau problème, à savoir sa référence à des «violations graves» d’«obligations essentielles» dues «à la communauté internationale dans son ensemble». Il est vrai que certains instruments internationaux contiennent des violations qualifiées; mais elles sont limitées au strict domaine d'application de ces instruments et ne reflètent pas les règles générales de la responsabilité des Etats. En fait, la notion de «violations graves» de l’article 41 repose sur une terminologie qui requiert elle-même une définition. Par exemple, que sont les «intérêts fondamentaux» protégés, a demandé Mme Mekhemar?

La notion d’obligation erga omnes mérite elle aussi une plus grande considération. Et la notion de jus cogens, - la plus importante innovation depuis la Convention de Vienne sur le droit des traités -- continue de soulever des questions et ne semble pas bénéficier d’une interprétation universelle quant à son application dans certains domaines, a ajouté la représentante. Quant à la notion d’obligations «dues à la communauté internationale dans son ensemble», elle semble suggérer qu’alors que certains pays comptent, d’autres ne compteront pas. Dans une communauté internationale d’Etats venant d’horizons politiques, sociaux et économiques diversifiés, il faut trouver des dénominateurs communs et non se soumettre aux desiderata d’une élite autoproclamée.

Les articles sur les limites et les conditions des contre-mesures fournissent un ensemble très utile de règles permettant de recourir à des actes autrement interdits. Il faut donc les examiner avec attention. Dans le droit coutumier actuel, il ne semble pas y avoir de règle qui requiert le constat par un tiers d’un acte internationalement illicite avant le recours aux contre- mesures, ni une obligation de négocier. Il faudrait aussi prendre en compte certains types de contre-mesures qui ne peuvent elles-mêmes être arrêtées une fois qu’on y a recouru.

Il est par ailleurs important de respecter le parallélisme entre deux grandes branches du droit international: le droit des traités et le droit de la responsabilité internationale, a déclaré la représentante. C’est vrai, les deux domaines n’ont jamais été si proches dans les travaux de la CDI. Mais le projet d’articles actuel ne doit pas effacer toute distinction entre ces deux grandes branches en ce qui concerne les violations d’obligations contractuelles.

Enfin, la représentante s’est opposée à l’idée d’adopter le projet d’articles sous la forme d’un texte juridiquement contraignant. L’Egypte estime en effet que le processus de négociations en vue d’un texte contraignant causera du tort à un projet déjà affaibli et tombera dans les mains de représentants sans merci, qui veilleront à ce que le projet soit vidé de tout contenu substantiel et rendu suffisamment ambigu pour que leur gouvernement ne soit pas soumis à de nouvelles obligations, a déclaré la représentante.

M. MOHAMMED ABDULAZIM (Iraq) a indiqué que les autorités compétentes de son pays auraient souhaité faire des observations devant la Sixième Commission. Cependant, à cause des difficultés rencontrées, notamment du fait de l’embargo actuellement subi et de la transmission tardive des documents, cela n’a pas été possible. Il a cependant indiqué que sa délégation présentera des observations écrites dans le délai prévu. En ce qui concerne les contre-mesures, il a fait état de la préoccupation que lui inspire le contenu de l’Article 50. Il a estimé que les grandes puissances ont tendance à manipuler ces mesures pour défendre leurs intérêts. Les contre-mesures doivent être exceptionnelles et

proportionnelles, a-t-il soutenu, et doivent être arrêtées dès qu’il est mis fin à l’acte illicite. Il a déclaré son appui notamment aux articles 52 et 53. Il a estimé que les contre-mesures ne doivent pas être considérées comme des mesures de rétorsion ou un moyen de saper l’indépendance d’un Etat.

S’agissant de la question de la réparation, il faut, a-t-il suggéré, apporter des précisions, en se fondant sur des normes internationalement reconnues et en se référant à des décisions d’arbitrage international. Il a déclaré que le paragraphe 3 de l’Article 38 sur la question de la proportionnalité est fort approprié, dans la mesure où il peut permettre d’éviter des abus. Par conséquent, la compensation ne doit pas être excessive, au risque de devenir un mécanisme de représailles contraire aux normes du droit international et à l’objectif de paix. Enfin, la codification permettra de recourir à la force plutôt qu’en faisant valoir la primauté du droit. Il a enfin accepté une solution de compromis pour l’adoption du projet, par une déclaration de principe par l’Assemblée générale.

Mme CATE STEAINS (Australie) s’est félicitée de la suppression de l’ancien article 19 sur la distinction entre crimes et délits internationaux. Elle a appuyé les nouveaux articles 41 et 42 concernant les violations d’obligations essentielles. Ces articles remplacent avantageusement l’ancien article 19 tout en évitant l’emploi du mot «crime» avec son implication pénale. Il reste cependant que la notion «d’intérêts fondamentaux» n’est pas claire. Est-elle différente des «intérêts essentiels» mentionnés dans l’article 26 relatif à la situation de nécessité, a demandé la représentante? La notion de nécessité doit, en ce qui la concerne, être très strictement limitée pour mettre un frein aux abus. Une explication de la nature et de la portée des intérêts envisagés serait utile.

En matière de réparation, la représentante s’est félicitée de l’inclusion d’un article relatif aux intérêts. L’Australie accepte la nouvelle formulation de la définition de l’Etat lésé, qui fait une distinction essentielle entre violation d’obligations bilatérales et d’obligations envers la communauté dans son ensemble. Il faudrait toutefois préciser certaines dispositions de l’article 49 concernant les obligations envers la communauté internationale dans son ensemble.

Concernant la forme finale des articles, l’Australie souhaite l’adoption sous une forme de code ou de déclaration plutôt que sous la forme d’un instrument à caractère obligatoire.

M. ALLIEU I. KANU (Sierra Leone) s’est félicité de la suppression de la distinction entre délits et crimes internationaux. Toutefois, a-t-il remarqué, le fait que la CDI se soit concentrée sur les notions d’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble et de violations graves, ne met pas vraiment fin à la controverse sur la notion de crime international. La notion de violations graves est finalement assez semblable et la Sierra Leone est sur ce point d’accord avec la déclaration du représentant du Japon, pour qui, le projet d’articles reste «hanté par le fantôme du crime international». Le représentant a estimé par ailleurs que la notion de «communauté internationale dans son ensemble» est trop vague. Concernant les assurances et garanties de cessation et de non renouvellement d’un acte internationalement illicite (article 30), le représentant a déclaré que c'est là un domaine sensible qui touche à la relation entre droit interne et droit international. Dans le cas où l'acte internationalement illicite trouve son origine dans l'application de la loi interne, les assurances et garanties de non-répétition pourraient constituer un moyen d’obliger l’Etat responsable à modifier sa législation interne, a-t-il remarqué.

Concernant les réparations, le principe général défini à l’article 31, est celui d’une réparation intégrale des préjudices, a rappelé M. Kanu. Mais la pleine réparation n’est possible que si les dommages sont quantifiables. Ce n’est pas toujours le cas et la notion doit donc être revue.

A propos des conséquences de violations graves d’obligations envers la communauté internationale dans son ensemble (article 42), le représentant a répété que la notion de «communauté internationale dans son ensemble» est trop vague et trop vaste, car elle semble laisser la possibilité de considérer comme en faisant partie, des individus ou des organisations non gouvernementales. De fait, l’évolution récente du droit international humanitaire et en particulier le recours croissant aux interventions humanitaires, semblent justifier l’octroi à la communauté internationale des droits de regard sur la façon dont les Etats respectent leurs obligations. En outre, dans le cas de violations des droits de l’homme, il est approprié d’accorder aux victimes le droit à une procédure permettant d’invoquer la responsabilité de l’Etat. M. Kanu a en outre estimé que la notion d’Etat lésé (article 43) reste trop floue et devrait être davantage précisée.

Le représentant a pris note des observations faites à propos des obligations erga omnes. Certains ont estimé que ces obligations devraient être envisagées à la lumière des droits humains fondamentaux tels qu’ils dérivent du droit international, a-t-il rappelé, en prenant note avec prudence des vues des délégations qui ont critiqué la tentative de distinguer entre les droits fondamentaux de l’homme et les autres droits. Créer une hiérarchie au sein des droits de l’homme est sans doute contraire aux récents développements du droit, a-t-il affirmé. Mais on ne peut nier que la communauté internationale accorde la priorité aux droits civils et politiques par rapport aux droits économiques, sociaux et culturels. M. Kanu s’est dit d’accord avec le Rapporteur spécial sur le fait que les droits humains ne peuvent pas tous être pris en compte comme faisant partie des obligations erga omnes.

M. Kanu s’est associé aux délégations qui souhaitent une réglementation des contre-mesures pour empêcher qu’elles ne soient utilisées comme armes politiques par des Etats forts contre les pauvres et les faibles, principalement contre des pays en développement. Il s'est dit préoccupé de l’absence de disposition prévoyant clairement que les contre-mesures ne sont légitimes dans les relations entre les Etats que dans un sens relatif.

M. GYORGY SZENASI (Hongrie) s’est félicité des efforts accomplis par la CDI pour aboutir au projet d’articles et a indiqué qu’il présentera ses observations détaillées par écrit. Il a précisé, en ce qui concerne la forme du texte, qu’il restait souple, une déclaration de l’Assemblée générale pouvant être un instrument très utile même si elle n’a pas de force contraignante. Il a appuyé l’article 31 qui prévoit la réparation pour préjudice matériel et moral ainsi que des réparations complètes. De même, il a approuvé le nouveau libellé de l’article 33 sur les conséquences d’un acte internationalement illicite, qui permet de fournir une protection appropriée et une délimitation fondamentale. L’article 37 sur la réparation prévoit de couvrir notamment les pertes de profit, ce qui est important pour la Hongrie. En ce qui concerne l’article 38, il a noté qu’il introduit un nouvel élément, la satisfaction, avec toutefois des garanties indispensables formulées au paragraphe 3. Sur la question de la négligence contributoire, il a noté que la Commission préparatoire considère que l’obligation de l’Etat lésé d’atténuer les dommages n’est pas clairement étayée par le droit international. Certains instruments juridiques abordent l’atténuation et la Hongrie attend les commentaires annoncés à ce sujet.

En ce qui concerne le chapitre III, il a pensé que de nombreuses préoccupations exprimées quant aux violations graves pourraient être atténuées par des efforts concertés pour traiter le problème dans sa globalité. S’agissant des contre-mesures, la Hongrie estime que cette question reste sensible, vu les abus possibles. M. György Szénási a souligné les exigences de proportionnalité et de la nécessité de viser un objectif unique qui est d’obtenir un comportement responsable de l’Etat auteur de l’acte illicite. Il a proposé aussi que l’Etat lésé calibre ses contre-mesures pour éviter des conséquences irréversibles. Il a estimé que la CDI peut revenir à la question lorsqu’elle examinera les mécanismes de règlement des conflits. Il a rappelé l’importance accordée par la délégation hongroise à la question du règlement des différends, en tant que condition indispensable pour assurer le bon fonctionnement du régime de responsabilité d’Etats. Enfin, il a précisé qu’il ne serait pas inutile, à défaut d’adopter des règles contraignantes, d’adopter le texte sous forme de déclaration.

M. JAN VARSO (Slovaquie) a estimé que le projet d’articles sur la responsabilité des Etats mérite d’être adopté sous forme d’un régime légal international afin de protéger les Etats qui respectent le droit et contraindre ceux qui ne le font pas à le respecter. Il a évoqué le droit romain et la philosophie de ce droit comme des éléments pouvant aider la Commission à élaborer un tel régime, notamment par la classification simple des normes de fond et des normes de procédure. Il a expliqué sa première proposition qui est de revoir l’ensemble du projet sous ces deux angles, puis de préciser les règles de conduite des Etats. Il a estimé qu’une ligne rationnelle doit partir du principe pacta sunt servanda. Il faut aussi amener les Etats à remplir leurs engagements internationaux, a-t-il noté. Les articles 44, 45 et 43 constituent une bonne base, mais une question n’est pas réglée: celle de l’inclusion d’un règlement pacifique des différends. En ce qui concerne la formulation, il a préféré la simplicité aux détails. Il a déclaré qu’il est important de savoir qui peut déclarer qu’un acte illicite commis par un Etat doit être considéré comme tel. Les articles 46 ter, quarter et quinquies le précisent mais pourraient être clarifiés. Les normes de procédure doivent faire référence aux principes permettant d’invoquer la responsabilité d’un Etat, a-t-il ajouté.

Sur les points les plus controversés, il a abordé le problème des articles concernant la responsabilité primaire d’un Etat. Il a indiqué qu’il semble que le texte concerne uniquement la responsabilité secondaire, mais que dans ce cas il faut identifier les règles de responsabilité primaire qui ont été violées. Il a averti que les Etats doivent avoir à l’esprit la principale mission du droit international qui est de faire respecter les obligations internationales. Cela permet d’éviter une discussion artificielle sur la nécessité de distinguer les règles de droit classique et celles qui sont les plus importantes, de même que les crimes des délits. Il a ensuite relevé que le principe de droit pacta sunt servanda a d’autres conséquences, comme l’identification de la norme violée, l’utilisation des contre-mesures proportionnelles et l’exigence d’un moyen approprié de réparation. Il a enfin rappelé que les règles de procédure en la matière doivent régler en particulier deux questions: 1) quand peut-on et qui doit décider qu’une obligation internationale a été violée; 2)qui, d’un point de vue procédural, peut invoquer la responsabilité d’un Etat dans le cas de la violation d’une obligation bilatérale ou multilatérale.

L’autre question controversée est celle des contre-mesures dont les pays puissants peuvent abuser, a-t-il relevé. Elles sont cependant nécessaires, mais le contenu des articles doit être rédigé avec beaucoup de précaution. Il a conclu en recommandant que le texte soit adopté sous la forme d’une Convention classique.

Mme LJERKA ALAJBEG (Croatie) a déclaré que l’établissement d’un cadre juridique concernant la responsabilité des Etats est très important car nous assistons malheureusement à des violations répétées d’engagements internationaux. Il ne fait aucun doute que la définition de la responsabilité internationale des Etats dans le cadre d’un instrument juridique contribuera au renforcement de la responsabilité des Etats au regard de leurs obligations internationales. C’est pourquoi la Croatie souhaite l’adoption des articles sous forme d’une convention. Au cas où cette option l’emporterait, le chapitre sur le règlement des différends devrait en faire partie intégrante.

La Croatie se félicite de la révision de la structure du projet d’articles, rendu plus simple et plus claire. Elle a apporté son soutien à l’inclusion de la partie II bis sur les conséquences de la responsabilité, qui permet de faire la distinction entre les conséquences juridiques pour l’Etat responsable d’un acte internationalement illicite et l’invocation de ces conséquences par la victime principale de la violation ou, dans certaines circonstances, par d’autres Etats. Ceci permet d’éliminer certaines ambiguïtés de l’article 40, a estimé Mme Alajbeg.

La représentante a soutenu les dispositions concernant les assurances et garanties de cessation et de non-répétition, ainsi que les dispositions relatives à une réparation intégrale. A ceux qui s’inquiètent de la notion de «réparation intégrale», notamment quant à la quantification du dommage, la représentante a déclaré que le concept de réparation intégrale exprime la seule manière juste de porter remède aux dommages causés. Les modalités de cette réparation doivent ensuite être examinées au cas par cas, conformément aux dispositions du projet d’articles.

Mme Alajbeg a estimé que les dispositions sur les contre-mesures sont très litigieuses car elles risquent de fortement limiter dans la pratique l’application du projet d’articles. Elle a approuvé le concept du Rapporteur Spécial, selon lequel les contre-mesures doivent consister en la suspension par l'Etat lésé d’obligations envers l’Etat responsable, en vue d’obliger ce dernier à se conformer à son obligation de cessation et à apporter réparation. Il faut avoir à l’esprit le préalable fondamental à la prise de contre-mesures, a ajouté la représentante: il faut être certain qu’il y a un acte internationalement illicite. On peut se demander si on peut à cet égard toujours faire confiance à un constat par le seul Etat lésé.

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