En cours au Siège de l'ONU

AG/J/321

AVIS PARTAGES A LA SIXIEME COMMISSION CONCERNANT LA COMPETENCE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE EN MATIERE D'AGRESSION

19 octobre 2000


Communiqué de Presse
AG/J/321


AVIS PARTAGES A LA SIXIEME COMMISSION CONCERNANT LA COMPETENCE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE EN MATIERE D’AGRESSION

20001019

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale doit être défendu à tout prix et la Commission préparatoire n'a "ni le temps ni le mandat" d'en renégocier les dispositions: ces propos de l'Observateur de la Suisse résument la position exprimée par de nombreuses délégations à la Commission juridique (Sixième Commission), qui poursuivait ce matin l’examen du point de son ordre du jour intitulé: "création d'une Cour pénale internationale".

Les représentants se sont tous félicités de l'adoption par la Commission préparatoire du projet de règlements de procédure et de preuve et du projet d'éléments de crimes, considérés comme l'étape la plus importante vers la création de la Cour pénale internationale depuis la signature du Statut de Rome, le 30 juin 1998. Parmi les travaux futurs de la Commission, beaucoup ont insisté sur la définition du crime d'agression et la reconnaissance de la compétence de la Cour relativement à ce crime. Pour de nombreuses délégations, la définition de l'agression devrait reposer sur celle donnée par l'Assemblée générale dans sa résolution 3314. En revanche, les opinions restent divergentes sur les relations entre la Cour et le Conseil de sécurité, notamment en ce qui concerne la compétence de la Cour en matière d'agression. Certaines délégations, comme la République démocratique du Congo, souhaitent que la Cour puisse se prononcer d'office sur le crime d'agression au cas où le Conseil n'agirait pas. En revanche, la Fédération de Russie a estimé qu'on ne pourrait décider d’une responsabilité pénale individuelle pour agression que si le comportement d'un Etat avait été préalablement qualifié de crime d'agression, et a rappelé que seul le Conseil de sécurité est fondé à qualifier l’acte d’un Etat d'agression.

Au cours du débat de ce matin, les représentants des pays suivants ont pris la parole: République de Corée, Saint-Marin, Kenya, Cuba, Fédération de Russie, Trinité-et-Tobago, Ghana, Mexique, Arabie saoudite, Brésil, Fidji, République démocratique du Congo, Cambodge et Angola. Les Observateurs de la Suisse et du Comité international de la Croix-Rouge ont également pris la parole.

La Sixième Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, ses travaux sur le projet de création d'une Cour pénale.

Création d’une cour pénale internationale

Débat

M. SUH DAE-WON (République de Corée) a noté avec satisfaction l'adoption par la Commission préparatoire des projets de règlements de procédure et de preuve et d’éléments de crimes. Ces projets sont le fruit de longues négociations. En raison du caractère complexe et délicat des problèmes examinés, les résultats obtenus méritent d'être salués, a ajouté le représentant. Il a estimé que le compromis obtenu ne porte pas atteinte au Statut de Rome ni aux aspects essentiels de la Cour: son honnêteté, sa transparence et sa rigueur. Les documents obtenus représentent donc un succès satisfaisant.

De nouvelles étapes sont désormais nécessaires et plus d’une difficulté nous attendent, a déclaré M. Suh, qui a cité, à cet égard, la question de la répartition des contributions des Etats parties et celle d’une possible contribution des Nations Unies au financement de la Cour, ce que doit encore examiner la Commission préparatoire. Celle-ci doit aussi préparer un projet d'accord sur les privilèges et immunités de la Cour et de ses membres. Elle doit aussi poursuivre son travail sur la définition du crime d’agression et des conditions d’exercice de la compétence de la Cour face à ce crime. Malgré les difficultés, la République de Corée estime que le précieux élan actuel permet d’espérer que la Commission préparatoire sera en mesure de mener à bien son travail jusqu’à la création de la Cour pénale internationale.

La République de Corée a signé le Statut de Rome en mars, a rappelé le représentant. Elle effectue en ce moment les travaux préparatoires nécessaires à la ratification, qui aura lieu à l’issue de ce processus interne, lequel suppose notamment la révision des lois coréennes en matière d’extradition et d’entraide judiciaire. A cet égard, la République de Corée souhaite que les Etats échangent des informations concernant les mesures nécessaires à l’entrée en fonction de la Cour, y compris les mesures concernant les révisions de leur législation interne. Le représentant a noté à cet égard l’intéressante législation globale mise en place par le Gouvernement canadien sous le nom de Loi sur les crimes contre l’Humanité et les crimes de guerre. La République de Corée continuera de travailler activement avec les autres Etats afin de parvenir au plus tôt à la création effective de la Cour pénale internationale. Elle continuera à participer activement aux travaux de la Commission préparatoire.

M. Gian Nicola Filippi Balestra (Saint-Marin) a rappelé que son pays a été le premier pays européen à ratifier le Statut de la Cour pénale internationale. La Cour sera un instrument essentiel pour prévenir et enquêter sur toutes les violations flagrantes du droit humanitaire international qui ont marqué ces siècles derniers, et réprimer les individus qui ont heurté la conscience de l’humanité. Sa délégation souscrit pleinement à la déclaration faite par le Secrétaire général dans son rapport sur les activités de l’Organisation pour l’an 2000, et rappelle, à cet égard, qu’en adoptant le Statut de Rome, les pays ont fait preuve de leur conviction que le respect du droit devrait prévaloir dans la vie des hommes et des femmes de toutes les nations. A ce jour, le Statut a recueilli 112 signatures et 20 ratifications. Malheureusement, on est loin des 60 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur. De nombreux pays ont cependant manifesté leur intention de faire progresser ce processus. La communauté internationale devrait tirer profit de ce climat politique propice. C’est pourquoi, Saint-Marin encourage les Etats qui ne l’ont pas encore fait à envisager la signature ou la ratification de cet instrument dès que possible.

M. FARES M. KUINDWA (Kenya) a informé la Commission que son gouvernement, qui a signé le Statut de Rome, prend actuellement les mesures internes nécessaires à sa ratification. Son pays, a-t-il ajouté, fera tous les efforts nécessaires en vue de la création de la Cour. Depuis 1994, le Kenya a participé activement aux travaux et négociations visant à créer la Cour. Il se félicite des résultats obtenus par la Commission préparatoire, notamment de l’adoption au printemps des projets de règlements de procédure et de preuve et le projet d’éléments de crimes. Ces deux documents constituent une partie intégrante du fonctionnement de la Cour. Ce résultat a supposé des compromis parfois délicats. Le Kenya remercie tous les Etats pour leurs efforts, et particulièrement le Président de la Commission préparatoire, M. Philippe Kirsch. Le Kenya salue également les pays qui ont signé et ratifié le Statut de Rome. Le représentant a remercié le Secrétaire général pour le haut rang de priorité qu’il a accordé, lors du Sommet du millénaire, à la signature et à la ratification du Statut de Rome. Il a également remercié les ONG, les organisations intergouvernementales et les autres entités qui ont contribué à sensibiliser les Etats et les populations. Il a remercié les délégations qui ont contribué aux fonds d’affectation spéciale permettant à des représentants des pays les moins avancés et à d’autres pays en développement de participer aux travaux de la Commission préparatoire.

Le crime d’agression reste à définir, comme il faut également établir le budget pour la première année de fonctionnement de la Cour, les règles financières, les accords avec le Pays hôte et avec les Nations Unies, a rappelé le représentant. Le Kenya estime que le projet de règlement financier actuel peut servir de base utile pour les discussions. Il faut que tous les Etats parties continuent de faire preuve de bonne foi, comme lors des travaux passés de la Commission préparatoire, a-t-il ajouté. Il a demandé à tous les Etats de réitérer leurs engagements en vue d’assurer un bon fonctionnement de la Cour.

Il est temps que la communauté internationale crée la Cour pénale internationale, afin de mettre fin à l’impunité, a déclaré le représentant, qui a soutenu le projet de tenir en 2001 deux sessions de deux semaines de la Commission préparatoire.

MME SORAYA ELENA ALVAREZ NUNEZ (Cuba) a déclaré que l’adoption des textes sur les éléments constitutifs de crimes et les règlements de procédure et de preuve en juin dernier par la Commission préparatoire pour la Cour pénale internationale, constitue une étape importante dans le processus visant à la mise en place de la Cour. Elle a estimé qu’il faudrait axer les travaux des prochaines sessions de la Commission préparatoire sur la définition du crime d’agression. La délégation cubaine reconnaît l’importance de toutes les propositions faites à cet égard. Cuba s’oppose à toute restriction de la compétence de la future Cour pénale internationale. Il faut s’en tenir strictement aux dispositions de son Statut.

M. VLADIMIR Y. TARABRIN (Fédération de Russie) a déclaré que son pays avait signé le Statut de Rome le 13 septembre. L’adoption du Statut de Rome en 1998 a ouvert une nouvelle page dans le droit international, a–t-il estimé. Le fait qu’il y ait aujourd’hui presque autant d’Etats à avoir signé le Statut que d’Etats qui avaient voté en sa faveur à la Conférencede Rome témoigne de l’irréversibilité du processus engagé depuis plusieurs années. Le Statut a été le résultat d’un compromis difficile mais bien équilibré, a déclaré le représentant. Il n’est pas parfait, mais il contient un ensemble de documents fondamentaux pour que la future Cour puisse contribuer à la mise en œuvre des principes de la Charte.

Le représentant a souligné l’importance des efforts déployés par la Commission préparatoire. Des résultats de ses efforts dépendra un soutien universel ou non à la Cour, a–t-il estimé, et à cet égard, il a rendu hommage au Président de la Commission préparatoire. L’adoption du projet de règlements de procédure et de preuve et du projet d’éléments de crimes constitue une étape importante. Ces deux documents constituent, avec le Statut lui-même, une assise solide pour la future Cour et il est important que ces documents aient été adoptés par consensus.

La Fédération de Russie accorde une importance capitale à la définition du crime d’agression, a déclaré le représentant. La Commission préparatoire devra pour le définir se baser sur le droit international existant, a rappelé M. Tarabrin. Conformément à ce droit, l’agression est commise par un Etat. Donc, il ne peut y avoir de situation où la responsabilité pénale individuelle d’auteurs d’agression soit reconnue tant que n’est pas établi le fait qu’il y a eu agression de la part d’un Etat. Or, conformément à la Charte, la qualification d’un fait comme une agression commise par un Etat ne peut venir que du Conseil de sécurité. De ce fait, la décision de qualifier le comportement d’un Etat de crime d’agression n’est pas seulement un préalable indispensable à l’exercice de la compétence de la Cour, c’est aussi un élément important de la définition du crime d’agression, a poursuivi le représentant. Donc, dans le cas où il existe une présomption de crime d’agression commis par un individu, la Cour ne doit pouvoir agir qu’une fois que le Conseil de sécurité aura déterminé l’existence de cet acte d’agression de la part d’un Etat. Le représentant a ajouté que, du point de vue de la Charte, la Cour ne peut être autorisée à demander au Conseil de sécurité de prendre une mesure dans l’exercice de sa responsabilité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. La Cour ne peut pas non plus obtenir le droit de qualifier elle-même le comportement d’un Etat de crime d’agression, a–t-il ajouté. Quant à la définition même du crime d'agression, la Fédération de Russie a proposé une définition générale fondée sur le Statut du tribunal de Nuremberg, a rappelé M. Tarabrin, qui a déclaré ne pas s’opposer à une définition plus détaillée prenant pour base la résolution 3314 de l’Assemblée générale.

MME GAILE ANN RAMOUTAR (Trinité et Tobago), au nom des 14 membres de la CARICOM, a rappelé que ces pays ont toujours appuyé la création d’une Cour pénale internationale permanente depuis que cette question a été réinscrite à l’ordre du jour des Nations Unies en 1989, à l’initiative du Président de Trinité-et-Tobago. Se félicitant du nombre croissant de signatures et de ratifications du Statut de Rome – dont les ratifications de la Barbade et de la Jamaïque -, Mme Ramoutar a estimé que l’on ne peut retarder davantage l’entrée en fonction de la Cour pénale internationale alors que des crimes les plus odieux continuent d’être perpétrés. Pour sa part, Trinité-et-Tobago a déposé auprès de son Parlement un projet de loi visant la ratification du Statut de Rome. Les Etats membres de la CARICOM se félicitent des efforts déployés au niveau régional par les gouvernements, les organisations et les organisations non gouvernementales, pour encourager la ratification de cet instrument. En mai 2000, le Comité international de la Croix-Rouge a tenu un séminaire régional sur la CPI à Port of Spain, dans le cadre duquel les Etats membres de la CARICOM ont réaffirmé leur engagement en faveur de la ratification du Statut de Rome. A cet égard, la délégation de Trinité-et-Tobago fait sienne la proposition de la Communauté économique des Etats d’Afrique australe, visant la création d’un fonds d’affectation spéciale pour assister les pays en développement à mettre en œuvre une législation nationale appropriée. Mme Ramoutar a exprimé l’espoir que l’approche constructive qui a marqué les travaux des sessions précédentes de la Commission préparatoire, inspirera les travaux futurs concernant la négociation des autres instruments à son ordre du jour. Il incombe à la communauté internationale de garantir que les accords futurs seront conclus dans le même esprit et le même objectif que ceux du Traité de Rome.

M. NANA EFFAH-APENTENG (Ghana) a rappelé que son pays a ratifié le Statut de Rome et a lancé un appel aux Etats pour qu’ils en fassent autant, afin qu’on arrive rapidement à la ratification par les 60 Etats nécessaire à l’entrée en vigueur du Statut de Rome. Les tribunaux pénaux internationaux ad hoc constituent une possibilité de rendre la justice au niveau national ou international mais ne peuvent remplacer une approche plus systématique permise par une cour pénale permanente, a estimé le représentant. Si le Ghana comprend les réserves de certains Etats qui ne sont pas près à ratifier le Statut, il estime cependant que les compromis nécessaires avaient déjà été faits pour obtenir le plus large soutien possible. Le Ghana est donc, tout compte fait, satisfait du Statut de Rome.

Le Ghana est satisfait des résultats obtenus en juin par la Commission préparatoire avec l’adoption du projet de règlements de procédure et de preuve et du projet d’éléments de crimes, a déclaré le représentant, qui a exprimé le souhait que la prochaine session permette de nouveaux progrès, surtout en ce qui concerne la nécessité d’assurer l’indépendance financière de la Cour.

Concernant le crime d’agression, le représentant a estimé que les propositions actuelles constituent une base importante pour la poursuite d’un dialogue approfondi sur la définition du crime et les conditions d’exercice de la compétence de la Cour. Il a estimé que la résolution 3314 de l’Assemblée générale, adoptée après 20 ans de discussions, ne pouvait que constituer une bonne base pour cette définition. Toutefois, en raison de la compétence du Conseil de sécurité pour se prononcer sur l’existence d’un acte d’agression, il faudra obtenir un accord. Les relations entre la Cour et le Conseil de sécurité, particulièrement sur ce point, doivent être définies.

M. JORGE PALACIOS (Mexique) a décrit le processus de ratification complexe requis par la Constitution mexicaine, expliquant pourquoi le Mexique n’a signé le Statut de Rome que le 7 septembre dernier. En dépit du fait que les amendements à la Constitution sont nécessaires, le Mexique a décidé de le signer plutôt que d’opter pour une adhésion au Statut après la clôture des signatures le 31 décembre 2000. L’option de l’adhésion n’aurait pas été compatible avec les principes sur lesquels repose la création de la Cour pénale internationale et n’aurait pas non plus reflété la participation active du Mexique dans les négociations. Le Mexique souhaite se joindre aux efforts de la communauté internationale pour lutter contre les crimes internationaux les plus graves et contre leur impunité. A cet égard, la délégation mexicaine se félicite du nombre croissant de signatures et de ratifications du Statut de Rome. M. AL-SOAIBI (Arabie saoudite) a déclaré que l’adoption du projet de règlements de procédure et de preuve et celle du projet d’éléments de crimes constituent une base essentielle pour la future Cour pénale, et que ces documents seront une aide précieuse pour les juges. Toutefois, le travail n’est pas achevé. Il faudra encore définir le crime d’agression et les relations entre la Cour et le Conseil de sécurité, concernant notamment l’exercice de la compétence de la Cour en cas d’incapacité du Conseil de déterminer l’existence d’une agression. Le représentant a demandé au rapporteur de consacrer davantage de réunions officieuses et de consultations à la recherche d’un accord sur une définition de l’agression.

Le représentant a également rappelé qu’il fallait encore définir les relations de la Cour avec le Système des Nations Unies, et en particulier avec le Conseil de sécurité. Il faudra veiller à ce que le Conseil ne puisse pas empêcher la Cour d’examiner une question d’agression.

M. JOAO CLEMENTE BAENA SOARES (Brésil) a déclaré que l’engagement de son pays en faveur de la création de la Cour pénale internationale date de sa participation active à la Conférence de Rome et a été réaffirmé par la signature du Statut en février 2000. Le Gouvernement brésilien a ensuite déposé auprès du parlement un projet de texte pour la ratification du Statut. D’importants obstacles constitutionnels et de procédure exigeront un examen très approfondi au cours des prochains mois. Lors de sa récente visite au futur siège de la Cour pénale internationale, à La Haye, le Président du Brésil, M. Fernando Henrique Cardoso, a appelé la communauté internationale à accélérer la mise en place de la Cour. L’urgence de sa création est absolument évidente. Avec les tragédies au Rwanda et en ex-Yougoslavie, l’entrée en fonction dans un proche avenir d’un autre tribunal spécial pour la Sierra Leone ainsi que les négociations en cours pour la création d’un tribunal au Cambodge soulignent la nécessité de mettre en place un tribunal indépendant et efficace. Le Brésil continuera à contribuer de manière active aux travaux de la prochaine session de la Commission préparatoire, et à cet égard, il a insisté sur la nécessité de garantir dans le projet d’accord sur les relations entre la Cour et les Nations Unies, un équilibre entre l’indépendance et la coopération de ces deux institutions.

M. AMRAIYA NAIDU (Fidji) a rappelé que son pays souscrivait à la déclaration qui sera faite vendredi par la Nouvelle-Zélande au nom de son Groupe. Cette déclaration réitère l’engagement des Fidji en faveur de la création de la Cour pénale et de l’intégrité du Statut de Rome. Fidji, cinquième pays à avoir ratifié le Statut, est heureux d’avoir été le premier Etat de la région Pacifique à le faire, témoignant ainsi du profond respect pour la dignité humaine et les droits de l’homme. Les Fidji sont encouragées par le nombre croissant de pays qui ont ratifié le Statut et appellent les Etats Membres de l’ONU à renouveler leur engagement en faveur du Statut de Rome et de la création de la Cour pénale internationale.

M. ILEKA ATOKI (République démocratique du Congo) a réaffirmé que son pays souscrit sans réserve à la création d’une Cour pénale internationale. La RDC ne voit pas en cette Cour une instance chargée de régler des comptes mais une institution respectable et crédible qui, brisant l’impunité, pourrait prévenir des actes regrettables de certains Etats qui permettent à leurs juges nationaux d’entamer des procédures judiciaires téméraires contre des dirigeants politiques de pays souverains et indépendants dont ils n’apprécient pas la politique. La RDC espère que la Cour pénale internationale sera une institution qui se consacrera à l’éradication définitive d’un terrorisme d’Etat dont les pratiques sont encore d’actualité chez les agresseurs rwandais, ougandais et burundais de mon pays, a déclaré M. Atoki. Il est regrettable que le principe de la non- rétroactivité ne puisse pas s’appliquer aux crimes commis par les Burundais, les Rwandais et les Ougandais contre la population civile congolaise. Avant – comme après – la tenue de la Conférence de Rome, la RDC a suivi avec un grand intérêt l’évolution des négociations sur la mise en place de la Cour pénale internationale. Avec cette évolution, la délégation de la RDC est convaincue que l’on vient d’amorcer une étape importante vers l’entrée en vigueur du Statut de Rome. Depuis l’ouverture à la signature du Statut de la Cour à Rome, le 17 juillet 1998, la RDC n’a pas caché ses réserves et ses réticences face aux imprécisions du Statut et aux hésitations observées dans la façon d’aborder les questions clefs laissées en suspens par la Conférence de Rome. Le représentant a toutefois reconnu que l’évolution récente des travaux de la Commission préparatoire s’est avérée encourageante, notamment avec la finalisation des deux premiers projets de textes fondamentaux devant permettre à la Cour de fonctionner, à savoir les règlements de procédure et de preuve et la définition des éléments constitutifs de crimes.

Avec cette évolution, la délégation de la RDC est convaincue qu’on vient d’amorcer un tournant réellement décisif vers l’entrée en vigueur du Statut de Rome et le fonctionnement de la Cour. La RDC a signé le Statut de Rome le 8 septembre dernier et compte parmi les 12 Etats qui ont répondu favorablement à l’appel du Secrétaire général pour signer ou ratifier le Statut pendant le Sommet du millénaire.

Tout en restant optimiste sur l’issue des travaux futurs de la Commission préparatoire, M. Atoki a estimé que le principe de la subordination de la saisine de la Cour à l’avis préalable du Conseil de sécurité va remettre en cause l’indépendance même de la Cour et justifier suffisamment les réserves des nombreuses délégations, dont la RDC, qui considèrent qu’il est prématuré de ratifier le Statut de la Cour dans ces conditions. A ce sujet, M. Atoki a encouragé ceux qui estiment que la Cour devra se prononcer d’office au cas où le Conseil n’agissait pas pour constater l’existence d’un crime d’agression. L’engagement de la RDC en faveur de la ratification du Statut, dépendra largement de la façon dont le crime d’agression sera défini. En signant le Statut de Rome, la RDC vient de franchir une étape importante et entend amorcer l’étape de la ratification. Mais pour ce faire, la RDC a besoin de la collaboration de tous.

M. OUCH BORITH (Cambodge) a déclaré qu’en tant que pays qui a connu le génocide sous les Khmers rouges, le Cambodge ne peut que se féliciter de l’adoption du Statut de Rome en 1998. Pour des raisons financières, le Cambodge n’a pas pu assister à la Conférence de Rome mais en a suivi avec intérêt les travaux.

Le représentant s’est félicité de l’adoption du Projet d’éléments de procédure et de preuve et du projet d’éléments de crimes. Il a estimé que, lors de sa prochaine session, la Commission préparatoire consacrera assez de temps aux questions encore en suspens, dont le crime d’agression. La définition de celui-ci doit se faire en tenant compte de la résolution 3314 de l’Assemblée générale et de manière à respecter le Statut de Rome, a-t-il estimé. Il est essentiel que la Cour joue un rôle comme un organe judiciaire réel et non comme un organe politique.

Le Cambodge s’est engagé, comme Etat souverain, à faire en sorte que les chefs des Khmers rouges soient traduits en justice, a rappelé le représentant. Avec le soutien de la communauté internationale, le processus de négociation en vue de la création de chambres extraordinaires pour le jugement des grands responsables des Khmers rouges pour les crimes commis entre 1975 et 1979, a pris fin cette année, grâce à un accord mutuel entre le Gouvernement du Cambodge et les Nations Unies. Le projet de loi prévoit le jugement dans le cadre de la juridiction cambodgienne. Le projet de loi en ce sens a été déposé au Parlement du Cambodge. Il témoigne de la volonté du Gouvernement du Cambodge, qui repose sur la primauté du droit, de faire face à ses responsabilités non seulement en matière de justice, mais aussi en vue de refermer une page noire de l'histoire de la tragédie qu’a connue le peuple cambodgien.

Le représentant a annoncé qu’il signerait le Statut de Rome durant la semaine, en vue d’une ratification ultérieure, conformément aux exigences de la constitution de son pays.

M. JOAQUIM MANGUEIRA (Angola), rappelant que son pays a participé activement à toutes les sessions consacrées à la création d’une cour pénale internationale, a indiqué que l’Angola a été un des premiers signataires du Statut de Rome, en 1998. Le processus de ratification est en voie d’être finalisé. La délégation angolaise est d’avis que le Statut de Rome doit entrer en vigueur dès que possible et appelle les pays qui ne l’ont pas encore signé ou ratifié à le faire. La communauté internationale doit appuyer la mise en place d’une cour efficace et indépendante compétente pour connaître des crimes internationaux, sans discrimination à l’égard des auteurs de ces actes.

M. VALENTIN ZELLWEGER (Observateur de la Suisse) a estimé que l’an 2000 marquera sans doute une étape importante dans l’histoire de la création de la Cour pénale internationale. En effet, le processus de consolidation active a franchi d’importantes étapes. L’établissement de la Cour est désormais quasiment chose acquise.

L’événement le plus important depuis la clôture de la Conférence de Rome est sans doute l’adoption, le 30 juin, des éléments de crimes et des règlements de procédure et de preuve de la future Cour, a déclaré l’observateur. L’élaboration des éléments de crimes a rendu nécessaire l’incorporation du principe de la responsabilité individuelle dans le corps existant du droit international humanitaire. En tant qu’Etat dépositaire des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels, la Suisse a attaché une importance toute particulière à ces discussions et se félicite du résultat qui sauvegarde l’acquis du droit tel que la communauté internationale l’a développé au cours des dernières années. Quant aux règlements de procédure et de preuve, ils constituent un mariage heureux des différents systèmes et traditions juridiques et méritent notre soutien tout entier, a affirmé M. Zellweger.

L’augmentation considérable du nombre de signatures et de ratifications du Statut de Rome depuis le 1er janvier 2000 constitue un signe encourageant, a déclaré l’observateur, qui a noté que les 114 signatures viennent de toutes les régions du monde, témoignant ainsi de l’universalité de l’idée de la Cour. Cette évolution réjouissante n’est pas due à une personne ou à un groupe unique, mais représente le fruit d’un effort commun, a ajouté M. Zellweger, qui a toutefois tenu à rendre un hommage tout particulier aux organisations non gouvernementales. Nous devons beaucoup à leur vision et à leur ardeur, a-t-il estimé.

Compte tenu de l’importance des tâches qui restent à accomplir par la Commission préparatoire, l’observateur a souhaité que l’Assemblée générale alloue à celle-ci un temps suffisant. Il a jugé particulièrement important d’avoir rapidement une idée plus claire sur les modalités de financement de la Cour, car le règlement des questions financières pourrait répondre à d’éventuelles préoccupations des parlements nationaux lors de la procédure de ratification. La Suisse souhaite que la Commission préparatoire dispose en 2001 de cinq semaines réparties en deux sessions.

Déterminé à aborder les négociations à venir avec l’engagement et le sérieux dont il a fait preuve jusqu’à présent, le Gouvernement suisse estime que l’intégrité du Statut de Rome doit être préservée à tout prix. La Commission, a déclaré M. Zellweger, n’a ni le temps ni le mandat de renégocier les dispositions du Statut.

Au plan national, le Gouvernement suisse poursuit ses efforts pour une ratification rapide, afin de s’assurer que la Suisse figurera parmi les soixante premiers Etats à ratifier le Statut, a déclaré l’observateur. Après avoir consulté durant l’été les personnes, institutions et partis intéressés sur un ensemble de mesures législatives qui permettraient la participation de la Suisse à la Cour, le gouvernement transmettra prochainement au Parlement un «paquet législatif» pour approbation. La décision du Parlement sera ensuite soumise à référendum facultatif, si 50 000 citoyens suisses le souhaitent. La procédure devrait être terminée vers la fin de l’année prochaine et la Suisse sera alors en mesure de ratifier le Statut, a expliqué M. Zellweger.

M. BERTRAND LEVRAT Observateur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rappelé que, conformément à son mandat de promouvoir le développement et le respect du droit international humanitaire, le CICR n’a cessé d’apporter son soutien à la création d’une Cour pénale internationale (CPI) juste et efficace. Le CICR se félicite d’avoir pu contribuer à la rédaction des règlements de procédure et de preuve, ainsi qu’à la définition des éléments de crimes qui ont été adoptés au cours de la dernière session de la Commission préparatoire de la CPI. Les Conventions de Genève de 1949 confèrent au CICR le rôle de protéger et d’assister les victimes des conflits armés. Ce rôle complémentaire à celui des mécanismes répressifs tels que la CPI, ne peut être rempli que si le CICR maintient, et est perçu comme maintenant, une stricte neutralité dans son action. En particulier, l’accès de ses délégués aux victimes des conflits armés, dépend de la confiance des parties au conflit que le CICR ne portera pas témoignage contre elles en cas de poursuites pénales ultérieures. A cette fin, le Tribunal pénal international pour l’ex- Yougoslavie a récemment reconnu que le CICR bénéficie d’une exemption de témoignage fondée sur le droit international coutumier.

Toutefois, l’action de la communauté internationale n’est pas terminée. C’est pourquoi, le CICR invite les Etats qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier rapidement le Statut de Rome, afin d’adresser un message de dissuasion à ceux qui méprisent les lois les plus élémentaires de l’humanité, de garantir l’entrée en fonction de la Cour le plus rapidement possible et de transmettre un message en faveur de la CPI aux Etats qui ne sont pas encore convaincus que cette dernière jouera un rôle légitime dans le système juridique international. Par ailleurs, le CICR invite tous les Etats à faire appel à ses services consultatifs en droit international humanitaire. Souhaitant que les travaux futurs de la Commission préparatoire pour la CPI ne conduiront pas à un affaiblissement de l’intégrité du Statut de Rome – notamment en ce qui concerne la compétence de la Cour -, M. a déclaré qu’un Etat sur le territoire duquel un crime est commis a l’autorité de poursuivre un ressortissant d’un autre Etat sans que le consentement de celui-ci soit nécessaire. De même, le droit d’un Etat à déléguer cette autorité à un tribunal international ne saurait être mis en question. Il a également rappelé que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide sont déjà soumis à une juridiction universelle, en vertu du droit international coutumier. A cet égard, les Conventions de Genève vont même plus loin, puisqu’elles stipulent que les Etats ont l’obligation de juger ou d’extrader les personnes susceptibles d’avoir commis des crimes de guerre constituant des infractions graves.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.