LES DELEGATIONS APPELLENT A SURMONTER LES DIVERGENCES CONCERNANT LE PROJET D'ARTICLES SUR LES IMMUNITES JURIDICTIONNELLES DES ETATS ET DE LEURS BIENS
Communiqué de Presse
AG/J/292
LES DELEGATIONS APPELLENT A SURMONTER LES DIVERGENCES CONCERNANT LE PROJET D'ARTICLES SUR LES IMMUNITES JURIDICTIONNELLES DES ETATS ET DE LEURS BIENS
19991027La Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa cinquante-et-unième session. Dans ce cadre, elle s'est penchée sur le chapitre VII du rapport, relatif aux immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.
Présentant le chapitre du rapport de la CDI relatif à ce sujet, M. Zdzislaw Galicki (Pologne), a informé la Sixième Commission des conclusions présentées par le Groupe de travail chargé d'examiner les questions de fond qui continuent de se poser sur les immunités des Etats. Ces conclusions portent notamment sur les critères à appliquer pour déterminer si un contrat ou une transaction est de nature commerciale, sur la notion d'entreprise d'Etat ou autre entité d'Etat en matière de transactions commerciales, sur les contrats de travail ainsi que sur les mesures de contrainte.
Se prononçant de façon détaillée sur ces différents points, les délégations ont toutes reconnues que des divergences existent toujours entre les Etats. Certains représentants se sont toutefois félicités des conclusions établies par le groupe de travail sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, soulignant qu'elles constituent une bonne base de travail pour les discussions futures sur la question. Elles ont appelé les Etats à déployer des efforts sincères pour surmonter ces divergences et parvenir ainsi à une harmonisation des législations nationales sur la question, conformément au mandat de la CDI. Plusieurs intervenants ont abordé la question de la définition des critères permettant de déterminer de la nature commerciale des contrats ou des transactions conclues par les Etats. Dans ce contexte, le représentant de l'Argentine a estimé que l'inclusion de critères tirés de la nature ou du but de l'acte dans le projet d'articles, constituerait la solution la plus plausible. Il a fait remarquer que la mise en oeuvre d'une telle distinction s'avère moins délicate dans la pratique que dans la théorie. Pour sa part, le représentant du Japon a suggéré, "pour sortir de l'impasse" de faire de la nature de l'acte le critère principal et de son but, un critère subsidiaire.
Ont fait une déclaration, les représentants des pays suivants: Mexique, Argentine, Pays-Bas, Royaume Uni et Japon.
La Sixième Commission se réunira de nouveau demain, jeudi 28 octobre à 10 heures.
- 2 - AG/J/292 27 octobre 1999
EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE ET UNIEME SESSION
Question des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens
Présentant le Chapitre VII du rapport de la CDI consacré à cette question, M. Zdzislaw Galicki (Pologne), Président de la Commission du droit international, a rappelé que le Groupe de travail créé par la résolution 53/98 est chargé d'examiner les questions de fond restant à régler concernant le projet d'articles sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens adopté par la Commission du droit international. Il lui faut, pour ce faire, tenir compte de l'évolution récente de la pratique et de la législation des Etats et tous autres facteurs se rapportant à cette question apparus depuis l'adoption du projet d'articles. Il lui faut aussi déterminer si, parmi les questions qu'il aura identifiées, il en existe pour lesquelles il serait utile de solliciter à nouveau les observations et les recommandations de la Commission.
Concernant les critères à appliquer pour déterminer si un contrat ou une transaction est de nature commerciale, le Président a fait observer que la pratique des tribunaux des Etats dotés d'une loi relative à l'immunité a d'une manière générale consisté à tenir uniquement compte de sa nature. En revanche, d'autres décisions retiennent le critère du but. Il a été noté que la distinction entre les critères de la nature et du but était peut-être moins importante que pouvait le donner à penser le long débat sur ce sujet. On a relevé que certains des critères retenus dans le projet d'articles de l'Institut de droit international pourraient donner des indications utiles aux cours et aux tribunaux nationaux appelés à décider s'il fallait accorder l'immunité dans une affaire particulière.
S'agissant de la notion d'entreprise d'Etat ou autre entité d'Etat en matière de transactions commerciales, M. Galicki a indiqué que le Groupe de travail a en particulier tenu compte de la base possible de compromis sur cette question figurant dans le rapport du président des consultations officieuses qui s'étaient tenues à la Sixième Commission en 1994.
Pour ce qui est des contrats de travail, M. Galicki a indiqué que le Groupe de travail a recommandé de faire explicitement état de la distinction entre les droits et devoirs des personnes physiques employées et les questions de politique générale de l'emploi. Quant aux mesures de contrainte contre les biens d'un Etat, le Groupe de travail a conclu qu'il serait utile, pour aplanir les difficultés inhérentes à cette question particulière, de faire la distinction entre les mesures de contrainte antérieures au jugement et celles postérieures au jugement. On fait cependant remarquer que les mesures de contrainte étaient, dans un cas comme dans l'autre, soumises aux conditions fixées à l'Article 19 du projet de texte relatif aux biens utilisés à des fins de service public non commercial. Le Groupe de travail a en outre étudié trois solutions entre lesquelles l'Assemblée générale pourrait choisir.
Déclarations
M. BERNARDO SEPULVEDA (Mexique) a fait part des vues de sa délégation quant au projet d'articles relatif à la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d'Etats. Dans ce contexte, il s'est félicité de l'adoption de ce projet en deuxième lecture par la CDI. Le Mexique a pris note avec une certaine déception de l'abandon des travaux relatifs à la nationalité des personnes morales, a-t-il déclaré, et espère que la CDI reviendra sur cette décision. Revenant à la question des personnes physiques, le représentant a reconnu l'utilité du projet, rappelant pourtant que le droit de la nationalité relève essentiellement de la loi interne. Il s'est toutefois félicité qu'un texte de portée internationale vienne limiter les pouvoirs discrétionnaires des Etats en la matière, en consacrant un droit des personnes à la nationalité et en imposant aux Etats le devoir d'éviter les situations d'apatridie.
Le Mexique est satisfait de l'économie générale du projet d'articles qui réalise un juste équilibre entre droits de l'Etat et droit des personnes. Par ailleurs, la délégation du Mexique considère que la présentation du projet sous une forme déclaratoire en vue de son adoption par l'Assemblée générale, est appropriée. Les règles contenues dans le projet d'articles seront autant de principes directeurs utiles pour les Etats impliqués dans des questions de succession, a-t-il expliqué. Le représentant a ensuite rappelé que l'Article 3 du projet contient une norme essentielle du droit international, à savoir que le projet d'articles ne doit recevoir application qu'en cas de succession d'Etats s'opérant dans le respect du droit international. Or, a-t-il fait remarquer, il s'avère que les commentaires faits sur l'Article 3 du projet par la CDI peuvent donner lieu à interprétation différente. Le représentant a par ailleurs estimé que le critère de la résidence habituelle ne devrait pas avoir une primauté absolue dans la détermination de la nationalité. Il faudrait que s'y ajoute une prise en compte de la réalité du lien entre la personne et l'Etat successeur. Le projet insiste à juste titre sur le respect de la volonté des personnes, a-t-il expliqué. En effet, les Etats impliqués dans un processus de succession doivent assurer un libre choix de la nationalité par les personnes concernées et éviter de donner naissance à des cas d'apatridie. Après s'être prononcé sur d'autres articles du projet, le représentant a souligné que c'est avec la souplesse nécessaire qu'il aborde en sa deuxième partie les différents cas des successions susceptibles d'être rencontrés dans la pratique.
Passant à la question des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, le représentant du Mexique a appuyé l'idée du groupe de travail en ce qui concerne la précision de la notion d'Etat aux fins de l'immunité. Ainsi, a-t-il estimé approprié d'inclure dans cette notion les éléments d'un Etat fédéral. Toutefois, il a souligné le fait que la formulation du projet adopté en seconde lecture par la CDI, peut être source de confusion. S'agissant des critères permettant de déterminer si un contrat ou une transaction est de nature commerciale, le représentant a affirmé que c'est la nature même de l'acte qui doit primer. Toutefois, il a précisé que sa délégation n'est pas opposée à ce qu'un critère finaliste vienne s'ajouter à celui de la nature de l'acte. Pour ce qui concerne la notion d'entreprise d'Etat le représentant a déclaré que les travaux du groupe vont dans la bonne direction.
M. ORLANDO REBAGLIATI, Conseiller juridique du Ministère des affaires étrangères de l'Argentine, a indiqué qu'en ce qui concerne la notion d'Etat, il ne s'agit que d'une question de rédaction. A cet égard, il a rappelé que l'Argentine avait déjà indiqué que la notion d'entités constitutives d'un Etat fédéral et celle de subdivision politique d'un Etat ne sont pas différenciées de manière nette mais tendent plutôt à se confondre. S'agissant de la nature commerciale d'une opération menée par l'Etat, M. Rebagliati a estimé que la distinction semble moins difficile à faire en pratique qu'en théorie. L'inclusion de la nature ou le but de l'acte dans le projet d'articles semble constituer la solution la plus plausible. Cela permettrait à la juridiction saisie de déterminer plus aisément le caractère commercial de la transaction sans compliquer la question avec des textes de compromis.
De même, il serait souhaitable d'inclure dans le projet de texte une disposition concernant les cas dans lesquels les biens d'un Etat pourraient être soumis à des mesures de contrainte découlant des actions judiciaires engagées contre lui. La délégation argentine appuie la distinction entre les mesures de contrainte antérieures et les mesures postérieures établies par le Groupe de travail.
M. HANS LAMMERS (Pays-Bas) s'est dit conscient des divergences de vues des délégations sur la question des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens. Le représentant a alors demandé aux Etats de déployer les efforts nécessaires à l'harmonisation des législations applicables en la matière. Il a ensuite abordé de façon détaillée le projet d'articles relatif aux immunités juridictionnelles. Ainsi, a-t-il fait part des interrogations de sa délégation relativement aux commentaires portant sur l'Article 2. Cet Article sera-t-il susceptible de s'appliquer lors de la mise en oeuvre de procédures de droit civil dans le cadre d'instances pénales, a-t-il demandé?
Le représentant a appuyé les délibérations du groupe de travail pour ce qui est de la notion d'Etat aux fins de l'immunité. Puis, il a estimé que le concept de transaction commerciale ainsi que les critères de détermination de la nature commerciale d'un contrat, restent problématiques. Dans ce contexte, il a indiqué que la préférence de sa délégation va à la proposition qui avait été faite en 1993 par le président du groupe de travail. Le représentant a également fait part de la jurisprudence de son pays sur ce point, qui met en oeuvre un critère finaliste. Toujours à propos de l'Article 2, il a estimé que la mention de la pratique des Etats parties à la transaction conduirait à l'application de deux normes par les tribunaux internationaux et serait dès lors mal comprise.
Poursuivant son examen détaillé des articles du projet, le représentant a fait part des difficultés rencontrées par sa délégation dans la compréhension du projet d'articles relatif aux procédures dans lesquelles les immunités des Etats ne peuvent pas être invoquées. Aussi, a-t-il appelé de ses voeux sa modification. Le représentant a noté que l'Article 12 du projet ne couvre pas les cas de dommages transfrontières. Faut-il en conclure que ces cas sont exclus, a-t-il demandé. En conclusion de son intervention, le représentant a indiqué que les Pays-Bas sont satisfaits de l'Article 16. Il serait toutefois nécessaire de mettre au point un article correspondant en ce qui concerne les aéronefs. Le représentant a enfin appelé de ses voeux la mise en oeuvre d'une approche moins restrictive dans le cadre de l'Article 18 du projet.
M. FRANKLIN BERMAN, Conseiller juridique auprès du Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, a souligné que les immunités juridictionnelles constituent une institution importante qui fait partie intégrante de la vie internationale. En tant que juriste, on ressent instinctivement l'absence d'un régime clairement codifié exigeant un accord universel. Mais il faudrait savoir que les normes régissant les immunités juridictionnelles des Etats opèrent en tant que partie intégrante d'un monde réel de transactions internationales, qui est un monde en pleine évolution. Ce n'est que très récemment que nous avons réalisé combien l'institution des immunités juridictionnelles des Etats est liée au développement d'un système moderne du commerce. Cela signifie tout simplement qu'il n'y aura pas d'avenir pour toute tentative de codification du droit relatif aux immunités juridictionnelles des Etats qui ne répondent pas à deux critères clés. Tout d'abord, il doit correspondre aux conditions modernes du commerce international et ensuite, il doit couvrir de manière appropriée toutes les questions qui pourraient être soulevées - y compris la mise en oeuvre de mesures. Le Royaume-Uni a oeuvré de manière inlassable pour réaliser ces objectifs, a fait remarquer M. Berman. Personne n'a jusqu'ici accompli d'efforts importants que la Commission du droit international elle-même, depuis que les travaux sur la question ont été entamés dans les années 70. La CDI a surpris considérablement en procédant à un réexamen approfondi de la question. La Commission, par le biais de son Groupe de travail, a réalisé des travaux plus importants que ce qui était attendu.
La délégation du Royaume-Uni estime que la Commission ne devrait pas être sollicitée pour poursuivre ses travaux en vue de parvenir un à objectif impossible à atteindre. Le Royaume-Uni considère que l'approche visant l'adoption d'une loi type sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens est pertinente. Il faudrait préserver l'essence de ce que la CDI et la Sixième Commission ont accompli. Un tel instrument ne serait pas contraignant à l'égard des Etats, permettant ainsi à la pratique de se développer.
M. NOBUKATSU KANEHARA (Japon) a affirmé que la question de l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens demeure une question juridique importante à propos de laquelle des divergences de vues persistent. Le représentant a estimé que le groupe de travail de la CDI a préparé une excellente base de travail pour les délibérations futures sur cette question de caractère complexe. Si la Sixième Commission devait renvoyer à nouveau la question à la CDI pour examen, il conviendrait de lui confier un mandat clairement défini, a affirmé le représentant. Dans le cas inverse, il faudrait que la Sixième Commission puisse consacrer au moins une semaine à ce sujet lors de la prochaine session de l'Assemblée générale. S'agissant des critères permettant de déterminer la nature commerciale d'un contrat, le représentant a reconnu que l'on se trouve dans l'impasse. Dans ce contexte il a suggéré que l'on cesse de parler des critères de la nature et du but des contrats ou transactions. Une autre manière de sortir de l'impasse serait au contraire de faire du critère de la nature le critère principal et celui du but un critère subsidiaire. En conclusion de son intervention le représentant a assuré les membres de la Sixième Commission de l'appui constant du Japon aux travaux sur ce sujet.
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