AG/EF/266

REMEDES POUR UNE REFORME DE L'ARCHITECTURE FINANCIERE INTERNATIONALE: LA PAROLE EST AUX EXPERTS...

13 octobre 1999


Communiqué de Presse
AG/EF/266


REMEDES POUR UNE REFORME DE L'ARCHITECTURE FINANCIERE INTERNATIONALE: LA PAROLE EST AUX EXPERTS...

19991013

La Commission économique et financière (Deuxième Commission) a tenu, ce matin, une table ronde sur le thème de la réforme de l'architecture financière internationale. Au cours de leurs interventions devant la Commission, les experts ont fait le constat qu'il existe un consensus favorable à une réforme de l'architecture financière internationale, mais que toutefois cette réforme devait prendre en compte les fondements sur lesquels ont été édifiées les institutions de Bretton Woods, à savoir la croissance et la stabilité économiques mondiales. C'est le point de vue de l'expert de l'Institut d'études du développement de l'Université de Sussex, qui a observé que les coûts socioéconomiques du renversement de la tendance des flux de capitaux sont évidents dans les pays en développement et que les mouvements de capitaux, indispensables aux investissements, sont imprévisibles et sont, à l'heure actuelle, le talon d'Achille de l'économie mondiale. Elle a ajouté que même les meilleurs avocats de la mondialisation s'inquiètent de la volatilité des flux de capitaux et que les groupes d'experts, qui se soucient de la réduction de la pauvreté, estiment que les fluctuations de capitaux pourraient avoir des effets contraires et nuisibles sur les politiques et programmes de lutte contre la pauvreté.

Selon l'expert du Fonds monétaire international (FMI), la réforme de l'architecture mondiale doit s'articuler autour de trois axes qui sont l'amélioration des marchés de capitaux, la capacité des pays à tirer davantage profit des marchés de capitaux tout en réduisant les risques liés à la volatilité, et le rôle des institutions internationales chargées de superviser les marchés de capitaux. Pour ce faire, il faut établir des normes internationalement reconnues, promouvoir la transparence dans la gestion des affaires, aux niveaux national et international, et encourager la participation du secteur privé dans la prévention et le règlement des crises. Toutefois, l'expert de la Deutsche Bank, pense que les crises sont inhérentes à la nature humaine et qu'elles existeront toujours.

Les experts suivants ont pris part à la table ronde : Mme Stephany Griffith-Jones de l'Université de Sussex; M. Jack Boorman du Fonds monétaire international (FMI); M. Rodrigo Briones de la Deustche Bank; et M. Martin Mayer de la Brookings Institution. Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Nitin Desai, a conclu la table ronde.

La Commission reprendra ses travaux vendredi 15 octobre à 10 heures.

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Table ronde sur le thème "Faire le point de la réforme de l'architecture financière internationale

Mme STEPHANY GRIFFITH-JONES, Associé principal, Institute of Development studies de l'Université de Sussex, a dit que l'intégration des pays en développement et des pays en transition à l'économie internationale a des effets positifs, mais les mouvements incontrôlés de capitaux à court terme qui ont affecté ces pays peuvent avoir des conséquences négatives sur la croissance et l'équilibre des régions affectées. Il est difficile de réglementer les marchés financiers étant donné que la libéralisation est récente, et que le flux négatif de capitaux entraîne, entre autres, le chômage et l'effondrement des mécanismes de production. Dans les pays en développement, les coûts socioéconomiques du renversement de la tendance des flux de capitaux sont évident, surtout lorsque les exportations en sont affectées. Le commerce rapporte des bénéfices nets et prévisibles, tandis que les mouvements de capitaux, totalement imprévisibles, sont à l'heure actuelle le talon d'Achille de l'économie mondiale. Des experts comme Jeffrey Sachs sont très critiques de ces mouvements incontrôlés de capitaux à court et moyen termes. Même ceux qui sont pourtant en faveur de la mondialisation s'inquiètent de la volatilité des flux de capitaux, et d'autres groupes d'experts qui se soucient de la réduction de la pauvreté estiment que les fluctuations de capitaux pourraient avoir des effets contraires et nuisibles aux politiques et programme de lutte contre la pauvreté. C'est pour vous dire qu'il existe donc un consensus sur la nécessité d'une réforme de l'architecture financière internationale. Mais faut-il créer de nouvelles institutions en la matière, ou simplement réformer celles qui existent déjà? Il faudrait avoir une vision de l'objectif visé et du nouveau système international désiré, en gardant les fondements qui ont, jusqu'à maintenant, sous-tendu les institutions de Bretton Woods, à savoir la mise en place de conditions favorables à la croissance et à la stabilité de l'économie mondiale. Il N'est cependant pas facile de légiférer et de créer des normes acceptables et applicables par tous sur le plan international. Il faudra partir de ce que l'on a, et essayer de l'adapter. Dans l'optique de la prévention des crises, il faudra avoir au moins, entre autres, un mécanisme pour la gestion de la dette, car si l'on a pu créer des outils sur cette question à l'échelle nationale, il faudra aussi mettre en place des mécanismes fiables au niveau international. Les pays à revenu intermédiaire sont les plus affectés par les crises et les mouvements de capitaux, mais il ne faudra pas oublier les pays les plus pauvres qui ont, eux aussi, besoin d'adopter une bonne gestion des capitaux dont ils bénéficient. Il faudra pouvoir prévenir les crises et, en cas d'échec, adopter des mesures préventives afin d'y faire face.

Il existe des problèmes en ce qui concerne l'application des normes, lorsqu'elles existent, et certains critiques font remarquer que les pays en développement n'ont pas même pas eu voix au chapitre lors de l'élaboration des normes qu'on leur demande d'appliquer.

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Quant à l'information financière, elle a ses limites, du fait de son asymétrie. Il est clair qu'une meilleure information en elle-même n'arrivera pas à prévenir les crises. On peut dire, par exemple, d'un verre, qu'il est à moitié vide ou à moitié plein, tout dépend de l'humeur de l'observateur, et suivant le phénomène des moutons de Panurge, les opérateurs économiques réagiront dans un sens ou dans l'autre selon le moment et selon le tempérament des marchés financiers. Comment opèrent les fonds de retraite et ceux qui sont hautement spéculatifs? Personne n'a encore pu mettre en place des mécanismes régulateurs et de contrôle ainsi que d'échange d'informations qui contribueraient à prendre des mesures correctives en case de crise ou lorsqu'on sait qu'une crise va se produire. Le rapport Ocampo adressé à l'ONU suggère des mesures fiscales en vue de décourager les flux massifs de capitaux et réduire la masse et les entrées de capitaux à terme dans un pays, et ce principe a été récemment accepté par le Sommet du G7 de Cologne. Certains suggèrent que soient taxés plus lourdement les capitaux à court terme qui peuvent repartir du pays aussi vite qu'ils y sont entrés. Les pays en développement à revenu intermédiaire sont sans doute plus exposés que les autres car ils sont plus sensibles que les autres au manque de fonds à long terme disponibles. Il faut plus de rigueur dans les mesures anticycliques pour éviter une expansion trop forte des économies en période de prospérité. Mais il ne suffit pas à ces pays de réglementer leurs marchés, il faut que des mesures importantes viennent appuyer les mesures prises au niveau national, car un pays bénéficiaire de flux de capitaux ne peut seul maîtriser les tenants et les aboutissants des transactions financières internationales qui se font à l'intérieur de leurs économies. Ses structures nationales et son économie ne le lui permettant pas. La stabilité des flux, les places financières offshore et les capitaux hautement spéculatifs font en ce moment l'objet de discussion dans le cadre d'un forum des pays développés, auquel participent en majorité les pays de l'OCDE. Mais les pays en développement n'y sont pas représentés et le G-24 qui les représente au FMI a eu raison de se plaindre et de faire remarquer que ce genre de forum ne mènerait à rien. La législation bancaire internationale devra être discutée, de même que les flux de portefeuille, et certains experts ont proposé de mettre en place des réglementations anticycliques qui pourraient maîtriser les flux en période de prospérité économique, et taxer lourdement les transferts de fonds qui entrent et sortent des pays dont l'économie se trouve en pleine expansion. Quant aux institutions chargées de gérer les capitaux hautement spéculatifs, il faudra que les opérations de telles institutions soient plus transparentes et leur gestion plus propre et plus rigoureuse. L'octroi de leurs prêts devra être moins flou. Mais de tels capitaux ne devraient pas être réglementés trop directement, car ils pourraient éviter les réglementations en transférant simplement leurs activités dans des zones offshore. Il faut donc trouver des réponses aux questions que posent les places financières offshore. Quand au contrôle international, c'est le rôle du FMI.

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On estime qu'un pays peut être en difficulté sans qu'il ait eu à violer les normes financières imposées par le FMI. C'est pourquoi le FMI a créé une nouvelle facilité de crédit, mais les mécanismes de riposte qu'il met en place ne semblent pas vraiment adaptés aux problèmes actuels et à la rapidité qu'ils requièrent dans la recherche de solutions. Des clauses dites de "sovereign bonds" font aussi, qu'en cas de crise, les pays affectés n'auraient pas à assumer le poids de la dette contractée dans le cadre des marchés libres. L'amendement de ces clauses ne devrait pas alourdir, en théorie, le coût de l'accès aux capitaux, et il est bon que le FMI endosse l'idée que les débiteurs puissent, si nécessaire, modifier les clauses contenues dans les contrats financiers auxquels ils souscrivent. Le Royaume-Uni et les Etats- Unis, s'ils ratifiaient ce concept, permettraient aux pays en développement de prendre les mesures proposées sous ce chapitre sans crainte. Le G-10 est en principe d'accord sur cette question, mais il n'a pas encore pris les mesures qui permettraient sa mise en oeuvre. Défendre l'idée de la réforme et mobiliser les Etats en développement pourrait être du ressort de l'ONU, qui seule a l'autorité morale de pouvoir le faire.

M. JACK BOORMAN, Directeur du Département de l'élaboration et de l'examen des politiques du Fonds monétaire international (FMI), a souligné que la nécessité de réformer l'architecture financière internationale est née des crises économiques et financières qui ont frappé le Mexique, les pays d'Asie, le Brésil, la Fédération de Russie, l'Ukraine et l'Equateur, entre 1995 et 1998. Les efforts de réforme de la nouvelle architecture s'articulent autour de trois axes, à savoir, l'amélioration des marchés de capitaux, la capacité des pays à gérer leur économie pour mieux tirer profit des marchés de capitaux tout en réduisant les risques de la volatilité, et le rôle des institutions internationales, qui ont pour devoir de superviser les marchés mondiaux et de réfléchir à la manière d'influencer les opérateurs de ces marchés. L'amélioration des marchés des capitaux exigent, entre autres, trois choses: des normes, la transparence et la participation du secteur privé. Pour ce qui est des normes, dans de nombreux cas, c'est l'absence de données fiables qui empêche l'évaluation des marchés et donc l'apport d'une réponse adéquate aux problèmes émergents. Dans le cas de la Thaïlande, par exemple, en 1997 les autorités avaient évalué leurs réserves à 32 milliards de dollars. Or, seul un nombre limité de fonctionnaires savaient qu'il existait un passif aussi important qui ramenait le solde à zéro. Dès qu'ils ont appris la nouvelle, les opérateurs des marchés des capitaux n'ont eu d'autres choix que de se retirer précipitamment du marché thaïlandais. Cela a aussi été le cas de l'Indonésie où même les autorités ne connaissaient pas le montant des réserves. Ce problème montre bien que l'information disponible, celle que donnent les autorités nationales, n'est pas fondée sur des principes internationalement acceptés. Un pays peut, de bonne foi, présenter des réserves qui en fait peuvent être des fonds inutilisables, en vertu des normes acceptées internationalement.

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Le FMI et les autres organismes normatifs se sont donc attachés à perfectionner les normes et à développer des codes de bonne conduite en ce qui concerne les politiques fiscales et monétaires. Un Forum de la stabilité financière a été créé pour promouvoir une meilleure coordination entre le FMI et les organismes normatifs. Les choses pourtant se sont révélées plus compliquées. Le FMI n'étant pas un organe normatif s'est trouvé dans l'obligation de coopérer avec d'autres organes, telle la Banque mondiale, pour évaluer l'adhésion des pays aux normes. Et c'est là qu'il s'est avéré que l'adhésion des pays dépend surtout des avantages qu'ils peuvent tirer des normes soit par une arrivée massive des investissements directs étrangers, soit par une baisse substantielle des taux d'intérêt sur les marchés de capitaux. La conclusion à la question est que l'adhésion aux normes ne peut se faire autrement que volontairement.

Les normes et la transparence ne sont que les deux faces d'une même pièce, puisque la divulgation des informations qu'implique la transparence doit se faire en vertu des normes. De son côté, le FMI a fait des progrès importants en matière de transparence puisqu'aujourd'hui ses décisions politiques, ses comptes financiers et ses mécanismes de surveillance des emprunts sont du domaine publique. En revanche, en ce qui concerne l'avis du FMI sur les orientations économiques des pays, les choses deviennent plus délicates. La Thaïlande, par exemple, a vécu si durement la crise parce que le FMI n'a pas su convaincre ses autorités de modifier certains aspects de leurs politiques économique et financière. Qu'aurait-il fallu faire? Rendre publique l'avis du FMI et brandir en fait "un carton jaune"? Le FMI a décidé aujourd'hui de faire connaître systématiquement ses avis et ses évaluations. Il est bien conscient pourtant qu'une telle démarche peut refroidir le dialogue avec les autorités des pays concernés et compromettre les relations de confiance.

La participation du secteur privé est en fait une question de gestion publique afin de se protéger de la volatilité des marchés de capitaux. La gestion publique dépend aussi du fonctionnement même des marchés et des outils de contrôle des liquidités. Dans ce contexte, trois éléments de travail s'imposent: la prévention, les mesures ex-ante et le règlement de la crise. Pour ce qui est de la prévention, il faut améliorer la politique de gestion publique par l'adhésion aux normes, de meilleures politiques marcroéconomiques et de meilleures politiques de taux. En République de Corée, l'erreur en matière de gestion publique a été de libéraliser les flux à court terme avant le marché des titres et des obligations. Les mesures ex-ante consistent surtout à créer, par exemple, de nouvelles lignes de crédits en tant de crise et d'autres instruments pour pouvoir modifier le service de la dette en fonction de certains indicateurs. Il s'agit en fait de disposer d'éléments qui permettent de maintenir un certain équilibre dans la balance des paiements des pays. Le secteur privé peut faire davantage dans ce domaine. Le FMI a lui créé la Facilité de lignes de crédits pour protéger pendant les crises les pays qui mènent des politiques saines.

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Le secteur privé doit surtout être encouragé à participer au règlement des crises. Il faudrait, par exemple, que chaque fois que le FMI assiste à point nommé, le secteur privé reste sur place et assume les risques. Dans le cas de la République de Corée, le FMI a réussi à convaincre les 20 plus grandes banques du monde à ne pas arrêter leurs activités et à assumer leurs risques. Cela peut fonctionner lorsqu'il s'agit de fonds privés mais lorsqu'il s'agit de créanciers comme le Club de Paris - c'est le cas de l'Equateur -les choses sont plus difficiles. Le FMI n'est tout simplement pas en mesure de faire pression sur de tels créanciers. En résumé, les récentes crises n'ont pas discrédité la pratique traditionnelle du règlement des crises, à savoir, ajustement des politiques et collecte de fonds auprès des autorités publiques pour rétablir la confiance des marchés. Mais il y a des cas où des mesures supplémentaires sont nécessaires comme en Ukraine, en Roumanie ou en Equateur. Là une jurisprudence est en train de se créer et la communauté internationale n'a pas les instruments pour assurer la participation du secteur privé dans ces cas.

M. RODRIGO BRIONES, Directeur (Deutsche Asset Management Americas) de la Deutsche Bank, a déclaré d'emblée qu'avec ou sans la nouvelle architecture financière, les crises ne pourront pas être évitées. Ces crises reviendront et frapperont de différentes manières et il faudra vivre avec elles, a dit M. Briones. Après tout, c'est la nature de l'homme que de susciter des crises qui, somme toute, viennent de la panique des investisseurs, sentiment inhérent à l'être humain. Aujourd'hui, le défi est de contrôler le vaste réservoir de fonds disponibles qui ne demande qu'à être investi. Il s'agit pour les pays d'attirer ces fonds et pour les investisseurs de les placer là où le rendement est meilleur. Dans ce contexte, il est important de faire la distinction entre l'investissement de portefeuille - court terme - et l'investissement direct étranger - à long terme -. Cette distinction est importante dans le sens où l'architecture financière mondiale cherche à réglementer l'investissement de portefeuille. Dans ce contexte, il faut savoir que l'investisseur ne voit que deux choses, les risques et le rendement, et attache une importance considérable aux liquidités. Il y a un an, personne n'a voulu acheter les instruments de la dette de l'Amérique latine et des économies émergentes en raison de l'effondrement des actifs financiers. Les liquidités sont donc très importantes et la panique observée durant les récentes crises financières provient en fait d'un assèchement des liquidités. La nouvelle architecture internationale doit tenir compte de cet aspect des choses pour éviter les mouvements de panique de grande ampleur. La crise asiatique a, par ailleurs, posé un problème important en ce sens qu'elle a été la première crise systémique avec effet de contagion. Toutes ces crises ont un point commun, à savoir, l'absence de fonds propres dans les systèmes bancaires, la prise d'emprunts imprudents, et le caractère sous-développé des marchés financiers des pays en développement. La nouvelle architecture mondiale aura donc à remédier à ces problèmes et augmenter la capacité des pays à attirer les fonds et non à les décourager.

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M. MARTIN MAYER, Universitaire invité (Etudes économiques), the Brookings Institution, a déclaré qu'il parlait en son nom personnel. Aux Etats-Unis, il y a eu un effondrement imperceptible des marchés financiers quand les cours de la bourse de Chicago ont baissé, il y a quelques mois. En fait, des minicrises, dont seul le secteur financier est averti, se produisent régulièrement. Seuls les courtiers en sont conscients. Souhaitons-nous vraiment créer un monde où tous les titres boursiers pourraient être échangés entre détenteurs de différentes régions du monde? Est-il réellement concevable que ces échanges puissent se faire harmonieusement entre gens vivant dans des conditions totalement différentes? Parlant des crises financières, certains estiment aujourd'hui que les banques centrales de tous les pays devront avoir suffisamment de réserves pour couvrir la fuite des capitaux à court terme dont ils peuvent être victimes. Si on détient des bons du Trésor américain on peut penser être prémuni contre certaines fluctuations financières et de très hypothétiques mouvements de capitaux, mais on ne peut demander à la Réserve fédérale qui vous couvre de vous faire au jour le jour et heure après heure, connaître toutes les fluctuations monétaires du jour. Voilà pour ce qui concerne l'information et la transparence.

Les partisans de la lutte contre l'opacité au niveau international, estiment que les banques centrales devraient constamment faire connaître le véritable état de leurs réserves. J'essaie toujours personnellement de comprendre ce que signifie l'opacité que l'on reproche aux banques centrales. Nous avons, aux Etats-Unis un excédent budgétaire qui permet de réduire substantiellement la dette nationale, mais le grand public ne saura jamais quel est l'état de ses finances car le Gouvernement fédéral, pour des raisons évidentes de sécurité ou d'intérêt national, ne vous fera jamais connaître la situation réelle de sa dette. Une initiative a été prise à Bruxelles par un groupe de courtiers, qui publient régulièrement des rapports sur la situation financière connue des 16 plus grandes banques européennes, mais ceci est un cas isolé, car peu de banques sont prêtes à rendre publiques les fluctuations de leurs opérations financières. Il appartient, en dernier ressort, aux ministères des finances de recoller les morceaux de la finance internationale lorsque éclatent les crises, le privé estimant que ces tâches ne sont pas de ses prérogatives. Une étude que nous avons faite nous a permis de découvrir que les régimes des changes et les régimes monétaires sont plus complexes qu'on ne veut le faire croire, mais que la démocratisation de la vie économique, qui suit celle de la vie politique oblige désormais les opérateurs économiques et financiers à participer à des réformes de dialogues avec la société civile et à s'engager dans des discussions qui suivent des thèmes simplement à la mode, mais pas pour autant réalistes. Si vous examinez la situation des dernières années, la volatilité des marchés et les gens qui s'attaquent à ce phénomène sont d'accord pour reconnaître qu'il sera difficile d'aboutir à une solution susceptible de satisfaire tout le monde. C'est comme si, par exemple, vous alliez à Las Vegas et décidiez de jouer systématiquement la même carte. Les gens conçoivent des plans d'investissement et demandent aux banques de les soutenir.

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Mais on sait que celui qui soutient le joueur qui parie systématiquement sur le même jeu de carte devra partager les pertes que subira le joueur. Or, les banques ne sont pas des organismes philanthropiques et les pertes ne sont pas leur objectif. Ceci pour vous donner une idée des motifs de la circulation de capitaux. La principale condition pour une meilleure stabilité du système viendra sans doute d'une meilleure supervision et d'un meilleur contrôle. Tout le monde veut éviter un désastre, mais si on a un phénomène de contagion, il faudrait avoir des instruments dérivatifs pour y faire face. On ne peut pas contrôler les emprunteurs qui vont chercher de l'argent et vous ne pouvez pas non plus contrôler le prêteur. La crise vient aussi, du fait que non seulement l'emprunteur ne peut pas rembourser, mais que le prêteur ne peut, lui-même, se permettre, du fait de ses multiples engagements et spéculations, de ne pas être remboursé selon les termes et le calendrier convenus.

Dialogue entre les panélistes et les délégations

Lançant la série de questions, le représentant de la Thaïlande a d'abord fait remarquer que le FMI n'avait pas prévu la gravité de la crise qui a commencé en Thaïlande et qui s'est répandue au reste de l'Asie. Aucun pays ne peut être individuellement responsable des crises, a souligné le représentant, car la responsabilité dans ce domaine est collective. Comme il faut être deux pour danser le tango, il faut être deux ou plusieurs pour créer une crise. Les recommandations du FMI auraient été prises au sérieux s'il avait été à la hauteur de la crise asiatique. Il est donc surprenant, a estimé le représentant, de menacer aujourd'hui la Thaïlande d'un carton jaune voire d'un carton rouge. La crise thaïlandaise était une crise du secteur privé et non le fait du Gouvernement. Le FMI, a souligné le représentant, a induit la Thaïlande en erreur quand il a exigé qu'elle applique une politique budgétaire plus rigoureuse alors qu'elle avait déjà une des politiques les plus conservatrices.

Le représentant de l'Equateur a donc souhaité connaître les véritables causes de la crise financière internationale et comment la mondialisation et la nouvelle architecture financière peuvent contribuer au développement des pays en développement. A cet égard, la représentante de Cuba s'est demandée si la réforme de l'architecture finacière n'était pas tout simplement un nouvel agenda du G7. La représentante de la Barbade s'est, elle, interrogée sur la place des zones offshore dans la nouvelle architecture financière internationale. La nécessité de tenir compte des principes sociaux a été évoquée par les représentants du Royaume-Uni et de la Malaisie; ce dernier se disant préoccupé face à l'opposition parfois flagrante entre la logique du marché et l'intérêt public. Le profit doit-il prendre le pas sur la lutte contre la pauvreté? a insisté le représentant.

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Le rôle des investisseurs a également été évoqué par des délégations dont les Philippines qui ont demandé dans quelle mesure les investisseurs sont influencés par les agences internationales de cotation et si ces agences peuvent, à leur tour, être influencées.

Répondant aux questions, la représentante de l'Université de Sussex a souligné que les pays en développement ne sont pas les seuls responsables des facteurs de la crise. Les imperfections du système financier international sont également responsables. Partant, la représentante s'est opposée au postulat selon lequel les crises sont inévitables. Elle a invoqué la capacité de la communauté internationale à gérer les crises. L'économie de marché, en tant qu'idéologie, n'est pas à remettre en cause, il faut plutôt essayer de mieux comprendre et de mieux appréhender le fonctionnement des marchés de capitaux. Leur pouvoir doit être contrebalancer par celui du secteur public qui peut élaborer des mécanismes pour diminuer la probabilité des crises. En ce qui concerne l'aspect social, la représentante a demandé une réflexion plus approfondie sur la manière de financer les régimes de protection sociale en tant de crise. Il faut être imaginatif, a-t-elle dit et inventer des systèmes de protection sociale anticycliques en se servant, par exemple, de réserves créées pendant les périodes d'expansion. Pour sa part, le représentant du FMI a reconnu que des erreurs auraient pu être évitées comme les erreurs politiques des pays qui ont été frappés par les crises. Les pays concernés doivent prendre leur responsabilité et tirer les leçons de ces crises. Il en va de même pour le secteur privé. Il est vrai, a-t-il poursuivi, que personne n'a prédit la gravité des crises. La"chirurgie" des évènements montre pourtant que ni les pays d'Asie ni la Fédération de Russie n'avaient pris de mesure pour se couvrir face au risque des crises. Aucune mesure n'était prévue, par exemple, en cas de dépréciation de la monnaie ou de turbulences sur les marchés de change. Intervenant aussi sur l'aspect social, le représentant a, à son tour, appelé à la création de filets de protection sociale anticycliques. Répondant au postulat selon lequel les pays en développement ont suivi un modèle économique non viable, le représentant a rappelé l'expérience des pays frappés par la crise qui, au fil des années, avaient des résultats sans précédent du point de vue de la réduction de la pauvreté. Ce modèle performant était fondé sur l'intégration à l'économie mondiale. En ce qui concerne la question de la participation volontaire du secteur privé, il a souhaité que soient prises des mesures ex-ante qui, en cas de crise, impliquent automatiquement le secteur privé. Beaucoup d'idées sont à l'étude en ce moment, a-t-il dit en encourageant les pays à "tirer le bon levier" au bon moment, à savoir au moment même où il s'agit de payer le service de la dette. Le FMI, par exemple, ne prête pas aux pays endettés auprès du secteur privé.

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Le représentant de la Deutsche Bank a d'ailleurs précisé que les dettes dues par pays au secteur privé sont bien plus élevées que celles dues au secteur public et aux institutions multilatérales. Il faut donc réfléchir au rôle que doivent jouer les banques commerciales. L'implication du secteur dans la résolution des crises exige, a-t-il dit, une définition claire des règles avant les crises. Pour sa part, le représentant de la Brookings Institution a rappelé que la fonction de l'Etat est d'assurer un ordre juridique qui assure la sécurité de l'investisseur; l'objectif étant d'obtenir de l'investisseur un engagement sur la durée. L'Etat doit donc offrir une certaine transparence et un système bancaire fiable.

Concluant le dialogue, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Nitin Desai, a souhaité que la réforme de l'architecture financière internationale tienne compte de la dimension sociale et ne compromette en rien la capacité des pays à poursuivre leurs objectifs de développement. La réforme doit aussi tenir compte du fait que l'objectif n'est pas seulement d'assurer la stabilité des marchés financiers mais de savoir ce qu'il faut faire pour protéger les investissements et ce que les pays peuvent faire pour attirer les investisseurs. Qu'attend-on vraiment de la nouvelle architecture internationale? s'est demandé M. Desai qui a invité les membres de la Commission à réfléchir à la question.

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