AG/EF/256

DANS LEUR CONCEPTION ACTUELLE, MONDIALISATION ET LIBERALISATION DU COMMERCE CONDUISENT A UNE CRISE DU DEVELOPPEMENT

6 octobre 1999


Communiqué de Presse
AG/EF/256


DANS LEUR CONCEPTION ACTUELLE, MONDIALISATION ET LIBERALISATION DU COMMERCE CONDUISENT A UNE CRISE DU DEVELOPPEMENT

19991006

La Commission économique et financière (Deuxième Commission) a commencé ce matin son débat général en entendant la déclaration liminaire du Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Nitin Desai, qui a mis l'accent sur le recul considérable que l'économie mondiale a enregistré au cours de ces deux dernières années. Le taux de croissance mondiale a connu un ralentissement de 2% et rien n'indique qu'il y aura une reprise dans un avenir immédiat. La baisse de la croissance a surtout été ressentie dans les pays en développement, a déclaré M. Desai qui a fait également remarquer que les économies à croissance négative sont passées de 12 en 1997 à 40 en 1998. Au cours du débat, des chiffres alarmants ont été avancés pour démontrer la difficulté qu'éprouvent les pays en développement à réaliser les objectifs du développement économique et social durable, dans le contexte actuel. Ainsi le Pakistan a expliqué que plus de 4,5 milliards de personnes vivent aujourd'hui en-deça du seuil de pauvreté et que dans 25 ans, 4 milliards des 8 milliards de personnes que comptera la planète auront à vivre avec moins de 2 dollars par jour et 1,8 milliard autres avec moins d'1 dollar par jour. A cet égard, le Ghana a expliqué que pour réduire la pauvreté de 4% par an jusqu'à l'an 2005, l'Afrique devra assurer une croissance de son PNB de 7% par an qui nécessitera un apport de 33% de son PNB. Selon les estimations, 9% de ces sommes devront provenir de ressources extérieures autres que l'Aide publique au développement.

Dans leur ensemble, les représentants ont imputé cette situation aux fluctuations des prix des produits de base, qui ne représentent plus que 20% des échanges commerciaux internationaux; à l'absence d'accès aux marchés; à la mauvaise distribution des capitaux privés dont 90% se sont investis dans seulement 20 économies émergentes; et au poids de la dette, estimée à 2 500 milliards de dollars. Pour les délégations, la mondialisation et la libéralisation du commerce n'ont pas répondu aux attentes nées du Cycle de l'Uruguay dont toutes les clauses n'ont pas été mises en oeuvre. Les délégations ont demandé une plus grande cohérence entre les systèmes financier, monétaire et commercial.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Guyana, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Finlande, au nom de l'Union européenne, Ghana, Etats-Unis, Croatie, Mexique, Pakistan, Norvège, Pérou, Japon et Inde.

La Commission poursuivra son débat général cet après-midi à 15 heures.

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Débat général

M. NITIN DESAI, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, la situation de l'économie mondiale, au cours des deux dernières années, relève un recul considérable. Le taux de croissance mondial s'est ralenti de 2% et rien n'indique qu'il y ait une reprise dans l'avenir immédiat. La baisse de la croissance a surtout été ressentie dans les pays en développement puisque les chiffres montrent une croissance légèrement inférieure à 2% pour 1999. Il faut noter, cependant, que les deux grandes économies en développement - la Chine et l'Inde - ont maintenu leur taux de croissance. Si les pays à croissance négative était au nombre de 12 en 1997, ils sont passés à 40 en 1998. Cela est d'autant plus préoccupant que ces chiffres concernent 1,2 milliard d'individus. Cette décélération de la croissance peut s'expliquer par le ralentissement des échanges commerciaux dont le volume n'est plus que de 3% pour 1998 et 1999. Les revenus à l'exportation des pays en développement ont enregistré une baisse considérable, en raison notamment de la chute des prix des produits de base. En effet, pour la première fois depuis l'après-guerre, la part des produits de base dans le commerce international est tombée à moins de 20%. En revanche, les flux financiers à partir des pays en développement sont maintenant de l'ordre de 60 milliards de dollars. Pour ce qui est des fonds reçus par ces pays, il faut noter une inversion de la tendance à la baisse de l'Aide publique au développement (APD) qui a augmenté de 9% alors que les investissements directs étrangers ont encore baissé d'environ 5%. Le grand changement vient du secteur des prêts privés qui ne représente plus en 1998 que la moitié des montants de 1997. Ces faits montrent que la stabilité apparente de l'économie mondiale a été obtenue au prix du ralentissement du développement des pays en développement.

S'il faut, à bien des égards, se féliciter de cette stabilité qui a contribué à écarter le risque de récession, il ne faut pas perdre de vue que la situation est due à la croissance d'un seul pays, à savoir les Etats-Unis. Dans ce contexte, il convient de se demander quelles seront les conséquences d'une correction des prix des avoirs financiers - détenus surtout par l'économie américaine. Les études montrent qu'elles seraient considérables et que le taux de croissance du PNB mondial chuterait de 7% au bout de deux ans. Le risque est donc bien réel. Il faut souligner en outre que l'économie mondiale dépend de plus en plus de la demande des pays développés et en particulier des Etats-Unis. Le temps est donc venu de réfléchir à la manière de mieux équilibrer cette équation.

Au cours de cette session, la question cruciale sera de rechercher les moyens d'assurer une meilleure gestion de l'économie mondiale en gardant à l'esprit que dans le système actuel, les coûts des ralentissements et des crises économiques ont surtout été supportés par les pays en développement et les couches sociales les plus désavantagées.

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Les événements de l'année dernière ont montré à suffisance que le système économique ressemble de plus en plus à un filet de sécurité pour les riches. Il faut donc penser à la façon de réaliser une mondialisation équitable qui tienne compte des préoccupations à long terme. Il faudra mettre en place un nouveau système économique qui soit une voie médiane entre l'autarcie et l'intégration et entre le dirigisme et le laisser-faire.

Pour ce qui est de la gestion économique, les décideurs devront se préoccuper autant du problème des prix et des marchés que des avoirs financiers et du problème des marchés des biens et des services. Il faut étudier en effet les incidences qu'ont sur les marchés les changements de propriété de ces avoirs et les augmentations non justifiées. Les politiques financières devront porter sur la question de la volatilité et de la stabilité des flux financiers mais aussi sur l'incidence de ces flux sur l'investissement et l'épargne. Les décideurs devront aussi se pencher sur le fait que malgré la croissance considérable du secteur privé, il existe, dans tous les pays, un besoin continu de ressources et d'activités publiques. La tendance à la contraction budgétaire n'a pas annihilé la demande de meilleurs services publics. Les décideurs devront donc admettre que certains objectifs publics ne peuvent être réalisés que par des fonds publics.

Si une grande partie de la mondialisation a été tirée par l'intégration des marchés financiers, les décideurs doivent reconnaître que le commerce est le moteur le plus puissant de l'intégration et de la mondialisation. La force motrice de l'intégration doit donc être l'accroissement des échanges commerciaux. L'accès aux marchés, la mise en oeuvre réelle du cycle de l'Uruguay et la poursuite de la libéralisation commerciale doivent être au coeur des discussions relatives au commerce et au centre des prochaines discussions de l'OMC à Seattle et de la CNUCED à Bangkok. Enfin, les décideurs devront se pencher sur la question de la croissance et admettre qu'en soi elle n'est rien. Ils devront se préoccuper d'assurer qualité et durabilité à cette croissance. Le fait que le phénomène El Niño ait coûté quelque 15 milliards de dollars à la seule Amérique latine montre peut-être que les impératifs de la croissance tels qu'ils sont définis aujourd'hui renforcent en fait la vulnérabilité des systèmes de développement. Le défi aujourd'hui est d'intégrer différents domaines d'activités économiques lorsque l'on examine les questions liées à la croissance. Les questions de l'APD doivent, par exemple, être liée aux questions de la chute des prix des produits de base.

M. SAMUEL R. INSANALLY (Guyana), au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a déclaré que les conséquences variables de la mondialisation ont produit de graves asymétries économiques aussi bien au niveau international qu'au niveau national. Si la mondialisation a, sans nul doute, largement bénéficié aux économies fortes, elle a poussé les économies les plus faibles vers la marginalisation, en les exposant à de forts courants externes auxquels elles n'étaient pas préparées à résister.

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Les petits Etats en développement, dont les économies dépendaient souvent d'un seul produit d'exportation, sont devenus beaucoup plus vulnérables dans le nouveau contexte économique ainsi engendré. Pour le groupe des 77 et la Chine, la mondialisation est le plus important défi posé aujourd'hui à la communauté internationale. Et si ce processus ne peut être maîtrisé pour être mis au service de tous, il ne bénéficiera finalement à personne. Nous estimons par conséquence que la mondialisation et sa gestion devraient être revues sous les angles de la démocratisation des prises de décisions économiques au niveau international, de l'intégration de toutes les considérations liées au commerce, à la finance et aux questions de développement aux niveaux des institutions internationales, et de la réforme de l'architecture financière internationale et de la lutte contre la marginalisation des pays en développement. Une nouvelle architecture internationale exigera le renforcement de la capacité de production de ces pays, et des mesures visant à élargir leur accès aux marchés d'exportation. A la suite de la rencontre au niveau ministériel tenue à Marrakech au Maroc, les pays du Groupe des 77 doivent se tenir prêts à exiger que soient dégagés les avantages prévus en leur faveur par les textes de la Quatrième section de la Clause législative des Accords du Cycle d'Uruguay adopté en 1971.

Dans le domaine critique du financement du développement, la récente initiative prise par le G8 lors de sa réunion à Cologne a servi à appuyer la réduction de la dette des pays pauvres très endettés, dont 29 font partie des pays les moins avancés. Des mesures doivent être prises en vue d'une mise en oeuvre rapide de cette initiative, et nous pensons que des ressources supplémentaires devraient être mises à sa disposition pour que le nombre de bénéficiaires puisse être satisfait, a déclaré le représentant. A ce propos, a-t-il ajouté, il est regrettable que mis à part les pays nordiques, le niveau de contribution fixé pour l'Aide publique au développement ne soit pas atteint par les autres pays développés, afin de fournir aux pays en développement les plus pauvres les ressources dont ils ont si désespérément besoin. Sur la question du financement du développement, le Groupe des 77 et la Chine sont satisfaits du rapport du Groupe de travail à composition non limitée de l'Assemblée générale, qui fournit, nous le pensons, une base saine pour les débats qui auront lieu sur cette question. Nous devons travailler en vue de créer un cadre au sein duquel le financement du développement puisse être assuré. Ce cadre doit s'appuyer sur un nouveau partenariat mondial pour le développement conçu pour répondre aux priorités des pays en développement, et qui suppose que le processus de développement mis en place, soit avant tout la propriété du peuple et du pays concernés. Nous sommes d'autre part sensibles à l'importance croissante du contrôle de la connaissance et des technologies pour le développement socioéconomique des pays.

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Ce phénomène présente en ce moment des menaces quant aux disparités économiques qui pourraient encore plus s'accentuer entre les nations. Mais, hélas, les Nations Unies semblent encore mal équipées pour faire face à ce nouveau défi. L'ONU doit donc renforcer ses capacités en ce domaine, si elle veut efficacement servir la cause du développement au siècle prochain en encourageant les capacités et les ressources endogènes des pays en développement.

M. MATTI KÄÄRIÄINEN (Finlande), au nom de l'Union européenne, a déclaré que l'Union européenne estime que le principal défi posé par la mondialisation est celui de s'assurer que ses bénéfices soient accessibles aux peuples de toutes les nations de la planète. Nous ne pensons pas que les seules règles du marché puissent permettre d'atteindre cet objectif, a dit le représentant. Aussi, est-il de notre devoir d'atténuer les conséquences sociales des possibles retombées négatives que la mondialisation des affaires et de l'économie peut faire peser sur la communauté internationale. Des efforts plus accentués doivent être déployés en vue de renforcer la coopération internationale aux niveaux national, régional et mondial, pour trouver des solutions basées sur la compréhension des intérêts socioéconomiques de tous les partenaires sur la scène internationale, et afin de venir à la rescousse de toutes les victimes de la marginalisation. Seul ce renforcement des efforts permettra d'arriver à la coordination et à la cohérence des actions entre les différents acteurs du jeu économique. C'est là la véritable signification du mort d'ordre "aux problèmes mondiaux requièrent des solutions mondiales".

Il y va de l'intérêt de tous les pays de soutenir la promotion d'un système financier international plus stable à long terme, et de renforcer les capacités institutionnelles de tous les pays dans le domaine de la finance. A cet égard, le document d'évaluation économique et sociale du monde, souligne le rôle que doit jouer un système bancaire plus fort et plus stable. Ce doit être une institution contre les chocs financiers engendrés par des causes internes ou externes. L'Union européenne souligne l'importance de l'intégration des pays les moins développés dans le système commercial international, et elle a proposé aux pays les plus développés et à ceux qui le sont moins, de permettre un accès exempt de taxes à tous les biens en provenance des pays les moins avancés à la fin des nouvelles négociations sur les règles du commerce. Le succès de ces négociations dépendra de la compréhension de la relation entre le développement durable, la libéralisation de l'économie, et la mondialisation. Nous en soulignons à cet égard l'importance, au regard à la fois des préparations du cycle des négociations de l'Organisation mondiale du commerce et de celles qui sont actuellement menées sur l'après-Convention de Lomé. Cette dernière expirera en février prochain, et l'Union européenne est actuellement en train de négocier une nouvelle convention avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

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Nous cherchons à mettre en place un régime novateur gouvernant nos relations avec ces pays, basé sur l'efficacité, la transparence et la solidarité. La coordination de la coopération pour le développement doit être améliorée en faisant pleinement usage du potentiel offert par les nouveaux mécanismes de coordination mis en place au sein de mécanismes comme le Cadre d'assistance au développement des Nations Unies et le Cadre global pour le développement, qui sont en ce moment dans leur phase pilote. L'Union européenne réaffirme son total engagement en faveur d'un débat de haut niveau sur le financement du développement, et nous soulignons l'importance d'y impliquer pleinement tous les partenaires adéquats, et en particulier la Banque mondiale. Nous réitérons aussi, d'autre part, que des efforts devraient être menés en vue de parvenir à l'objectif de consacrer 0,7% du PNB des pays donateurs à l'Aide publique au développement.

M. YAW ODEI OSEI (Ghana) a rappelé que l'année dernière au cours du débat général, sa délégation avait formé le voeu que les discussions de la Commission résistent à la tentation de sacrifier l'objectif de l'élimination de la pauvreté sur l'autel des idéologies économiques. Aujourd'hui, a souligné le représentant, l'économie mondiale croît à son rythme le plus faible depuis le début de la décennie comme le montrent les perspectives économiques inégales et incertaines en Amérique latine. En Afrique, la situation demeure critique. 44% de la population continue de vivre au-dessous du seuil régional de pauvreté fixé à 39 dollars par mois. En Afrique sub- saharienne, cela concerne 51% de la population. Si les dirigeants africains ont réitéré leur engagement de régler les questions clefs de la mobilisation des ressources nationales et pour ce faire, imposer des mesures économiques douloureuses, cette rigueur économique a influencé de manière à peine perceptible les facteurs extérieurs tels que les prix des biens et services, l'accès aux marchés, les flux financiers et le fardeau de la dette extérieure, a déclaré le représentant. L'impact de la crise financière internationale, a- t-il ajouté, a en outre contribué à réduire le volume des ressources extérieures. En Afrique, la contraction des flux privés et des crédits bilatéraux ont conduit à une chute des ressources qui sont passées de 4,5 milliards à 3 milliards en 1997. La crise financière a également conduit à un déclin des revenus à l'exportation chiffré à 14 milliards en 1998.

Pour réaliser l'objectif consistant à réduire la pauvreté de 4% par an d'ici à l'an 2005, l'Afrique devra réaliser une croissance de son PNB de 7% par an. Or, en 1998, a souligné le représentant, la croissance du PNB africain a été de 3,3%. Certaines études indiquent qu'un investissement équivalant à 33% du PNB sera nécessaire pour atteindre un taux de croissance de 7%. Etant donné que le taux d'épargne en Afrique n'est que de 15%, les 18% restants devront donc provenir de sources extérieures. L'APD étant de 9%, un déficit de 9% subsiste qu'il faudra combler. Compte tenu de l'importance des ressource extérieures pour le développement en Afrique et ailleurs dans le monde, le représentant a donc jugé essentiel que des débat approfondis soient engagés sur le financement du développement.

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De même, il a estimé crucial la recherche d'une solution définitive au problème de la dette, estimant que le G7 doit encourager l'annulation complète de la dette bilatérale pour les pays les plus pauvres; élever le pourcentage de réduction de la dette bilatérale à 90% au moins; et éviter que l'allégement de la dette ne se fasse au détriment de l'APD. Le représentant s'est ainsi félicité de la décision du Président Clinton d'annuler de 100% la dette bilatérale des pays les plus pauvres. Il s'est également déclaré satisfait, qu'après maints atermoiements, le FMI ait accepté de réévaluer ses réserves d'or pour générer des ressources pour l'Initiative HIPC. Le représentant a conclu en citant les conclusions d'une étude sur les avantages que pourraient tirer les pays en développement d'un plus grand accès aux marchés. Un plus grand accès de ces pays aux marchés des pays développés et l'annulation par ces derniers des aides à l'exportation, pourraient générer pour les pays en développement des revenus quatre à cinq fois supérieurs aux flux annuels des capitaux étrangers. On ne peut donc ignorer plus longtemps l'impact important du secteur commercial sur l'économie mondiale et ses relations avec les flux financiers et le développement, a insisté le représentant.

M. BETTY KING (Etats-Unis) a fait remarquer qu'au moment où la mondialisation tenait ses promesses en ce qui concerne les progrès du commerce international et de sa libéralisation, on a réalisé qu'il existait des coûts économiques et sociaux liés à ce phénomène. Les Nations Unies ont été à l'origine d'une conception du développement fondée sur l'interconnexion des sociétés et des économies, ainsi que sur les considérations qui doivent être accordées à l'environnement. Pour refléter le changement qui s'est produit en faveur de l'éradication de la pauvreté, le Fonds monétaire international (FMI), par la voix de son Directeur général, M. Michel Camdessus, a annoncé qu'il allait renommer sa "Facilité d'ajustement structurelle renforcée", pour l'appeler "Facilité de croissance et de réduction de la pauvreté". Cette annonce a, en quelque sorte, publiquement reconnu que le FMI doit être conscient du large éventail d'effets secondaires que ses programmes d'ajustement structurel entraînent dans les pays en développement. Au même moment, à la Banque mondiale, M. James Wolfensohn a conduit un mouvement allant dans le sens d'une approche intégrée du développement, mouvement qui met particulièrement l'accent sur les questions sociales, qui autrefois n'étaient pas prises en considération dans la volonté hâtive de combattre les crises économiques.

L'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés traduit en termes concrets l'approche intégrée du développement, en ce qu'elle a recours à la réduction de la dette pour traiter certaines des questions clefs auxquels font face les pays en développement dans les domaines économique et sociale. Les fonds initialement alloués au paiement de la dette peuvent désormais être consacrés aux dépenses sociales et aux autres objectifs de développement.

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Pour les Etats-Unis, les affaires sont le moteur de la croissance et du développement. Lors de nos discussions, a dit la représentante, nous chercherons par conséquent les moyens d'encourager la pratique des affaires, car nous sommes conscients de ce que trop de contrôle et de réglementations sont des obstacles à la croissance, qui seule peut permettre de créer des emplois et de soutenir le développement économique et social. Les gouvernements doivent donc renforcer l'état de droit, les mesures de lutte contre la corruption et des conditions de travail saines. En tant que pays hôte du prochain sommet ministériel de l'Organisation mondiale du Commerce de Seattle, les Etats-Unis accordent beaucoup d'attention aux débats qui auront lieu dans le cadre de cette Assemblée générale des Nations Unies. La mondialisation est une réalité inévitable, et toute tentative d'en rester à l'écart exposera les pays concernés à plus de marginalisation, dont les coûts sont de loin plus lourds que ceux de la participation à l'économie internationale.

M. IVAN NIMAC (Croatie) a déclaré que ces dernières années, la détérioration de l'environnement régional a affecté les gains économiques et sociaux durement acquis par nombre de pays à économie en transition. Comme prévu, l'année 1998 a été le témoin d'un renversement de la croissance dans la plupart de ces pays. Dans ce contexte, l'instauration d'une plus grande cohérence dans les politiques internationales est de la plus haute importance. La coopération multilatérale apparaît donc comme un objectif valable qui doit être poursuivi, en particulier, par les Nations Unies. En raison des disparités héritées des économies centralisées et des circonstances aggravantes de la mondialisation et de la libéralisation, les pays à économie en transition se trouvent manifestement désavantagés dans le monde actuel. Il faut également noter que si le processus de transition a créé de nouvelles opportunités, il n'a pas pour autant manqué d'affecter la redistribution des richesses et d'entraîner de plus grandes inégalités. Force est de constater, par ailleurs, que les répercussions économiques de la crise du Kosovo ont été bien réelles. Le premier effet pour la Croatie a été un recul du processus de transition, en ce qui concerne en particulier, les secteurs du tourisme et de l'industrie du transport.

La Croatie accueille donc avec satisfaction le nouveau Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est en ce sens qu'elle se fonde sur l'inclusion de tous les Etats de la région aux processus d'intégration européens, a souligné le représentant avant d'aborder la question de la nouvelle architecture financière internationale. Il a souhaité que les discussions portent surtout sur l'adoption de mesures telles que le contrôle du flux des capitaux pour réduire la vulnérabilité des économies à la volatilité de ces capitaux. Le représentant a conclu sur la question de l'accession de son pays à l'OMC en imputant les retards à un différend entre deux membres puissants. Il a souhaité que cette question soit réglée avant la Conférence ministérielle de l'OMC.

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M. MAURICIO ESCAUERO (Mexique) a déclaré que la mondialisation des marchés avait laissé sur la touche des milliards d'êtres humains, tandis que dans d'autres pays essentiellement développés, des individus s'enrichissaient de manière fulgurante. Une part infime de la fortune des personnes les plus riches de la planète permettraient aujourd'hui de donner à la partie la plus pauvre de la population mondiale un minimum de vie décente. Les actions de l'Etat national, face au phénomène d'exclusion créé, restent indispensables et d'actualité, et les nations du monde doivent partager la responsabilité de la création d'un climat international propice à la mise en place de marchés financiers plus stables. Nous sommes responsables, à travers nos débats, de la création d'un cadre mondial économique plus équitable et plus juste, et les Nations Unies sont le seul forum où nous pouvons tous nous exprimer. Concernant l'architecture financière internationale, nous devons mettre en place un système d'alerte avancée pouvant permettre d'éviter le genre de catastrophes financières que le monde a récemment connues. En coopération avec la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), notre Gouvernement a tenu à Mexico un Sommet et un débat sur la réforme de l'architecture financière internationale au cours desquels nous sommes arrivés au consensus que l'ONU doit jouer un rôle central pour convaincre les différents acteurs économiques de collaborer à la mise sur pied de cette architecture. Le débat de haut niveau devrait nous permettre de multiplier les synergies créées par les réunions internationales de haut niveau en vue de créer cette architecture.

La deuxième question sur laquelle souhaite intervenir le Mexique a trait aux catastrophes naturelles, dont certaines ont lourdement affecté certains pays ces derniers temps. Lors du Sommet de Mexico, les experts présents ont discuté des voies et des moyens pouvant permettre de prévenir ces catastrophes et d'en minimiser les conséquences. Nous proposons que s'instaure au niveau international une division du travail qui permettrait de coordonner les efforts de lutte contre les catastrophes naturelles pour obtenir de meilleurs résultats et mieux soulager les pays et les personnes qui en sont victimes.

M. INAM-UL-HAQUE (Pakistan) a estimé que la dernière décennie a permis une concentration des revenus, des ressources et de la richesse dans les mains de quelques personnes, sociétés, compagnies et pays. Il a relevé que les 225 personnes les plus riches du monde contrôlent aujourd'hui plus de 1 000 milliards de dollars qui équivalent aux revenus annuels de 47% de la population mondiale la plus pauvre. Le rapport entre le revenu moyen des personnes vivant dans les pays riches et de ceux vivant dans les pays pauvres était de 1 sur 74 en 1997 alors qu'en 1990, il était de 1 sur 60. Par ailleurs, le fossé en matière de technologie continue à se creuser; les pays de l'OCDE avec 19% de la population mondiale abritant les 91% d'utilisateurs d'Internet. Les règles sévères de la propriété intellectuelle ont contribué à l'accroissement des prix du transfert de technologie, empêchant les pays en développement d'accéder à ce secteur dynamique de connaissances.

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Les prédictions faites sur les gains de la libéralisation du commerce ne sont plus qu'un mirage, en raison du non accès aux marchés, des tarifs élevés dans de nombreux secteurs d'exportation, et des politiques protectionnistes déguisées en normes sociales, écologiques, de santé ou de sécurité. La dette extérieure des pays en développement a augmenté de près de 6% par rapport à 1997 et se chiffre à 2 500 milliards de dollars. Au même moment, l'APD ne cesse de baisser, tombant à son niveau le plus bas avec 0,2% du PNB des pays de l'OCDE. Les flux de capitaux étrangers qui devaient remplacer l'APD ne touchent qu'un petit groupe de 20 économies émergentes qui ont en effet reçu plus de 90% de la totalité de ces flux au cours de la décennie. La plupart de ces "bénéficiaires chanceux" ont été par la suite les victimes impuissantes de la volatilité de ces flux.

La pauvreté est en hausse dans les pays en développement. Les chiffres montrent que dans 25 ans, 4 milliards des 8 milliards de personnes qui peupleront cette terre vivront avec moins de 2 dollars par jour et qu'1,8 milliard d'autres auront à survivre avec moins d'un dollar par jour. Nous vivons une crise du développement, a déclaré le représentant, qui a imputé cette situation à la manière dont est conduite la mondialisation. Contrairement aux apparences, a estimé le représentant, la mondialisation n'est pas dirigée par la main invisible du marché. Au contraire les bénédictions et les méfaits de cette mondialisation sont distribués par processus de prise de décisions non démocratiques, opaques et d'exclusion. L'interdépendance accrue entre les pays n'est en fait qu'une surdépendance des pays en développement par rapport aux marchés des pays développés et à la volatilité des flux financiers privés. Aujourd'hui, il faut réaliser l'objectif de la mondialisation du développement et pour ce faire, créer un environnement économique international favorable; réformer l'architecture financière mondiale; apporter une solution durable à la question de la dette; et respecter les engagements relatifs à l'APD, a conclu le représentant.

M. FRANCISCO A. TUDELA (Pérou) a indiqué que son pays a mis en oeuvre un programme économique riche et stimulant qui l'a propulsé à la tête des économies en Amérique latine. Le pays a réussi à stabiliser son économie et à vivre en harmonie avec ses voisins, condition préalable à une intégration réussie dans l'économie mondiale. Entre 1993 et 1998, a précisé le représentant, le taux de croissance moyen a été de 6,6% alors que les réserves nationales ont été égales aux revenus engendrés par 14 mois d'exportations. Les investissements étrangers ont atteint les 13 milliards de dollars dont 37% sont la conséquence directe de la privatisation du secteur public. Dans ce contexte de libre marché, l'Etat péruvien assume un nouveau rôle qui est de veiller au bien-être social et à l'éducation. L'investissement public a ainsi atteint plus de 8 milliards de dollars alors que les programmes sociaux ont dépassé la somme de 3 milliards de dollars. De 1991 à 1997, la pauvreté est passé de 27 à 14 %; l'objectif étant, à l'horizon 2000, de l'amener à 11%. Par suite, en l'an 2000, 45% des ressources budgétaires seront consacrées aux dépenses sociales.

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Au cours des années 90, l'espérance de vie au Pérou est passée de 63 à 68 ans. En ce qui concerne l'enseignement, les programmes mis en place ont surtout eu pour fin l'amélioration de la qualité de l'enseignement grâce notamment à l'appui de la Banque mondiale. Le Pérou a donc été en mesure de résister aux turbulences économiques et aux effets des catastrophes naturelles de ces dernières années grâce à une situation fiscale saine, à un déficit extérieur supportable et à la hausse des investissements privés. Le Pérou se félicite aussi de la croissance soutenue de ses exportations et du faible niveau - le plus faible de la région - de la dette publique.

Les politiques mises en oeuvre par le Pérou montrent son intérêt pour le processus d'intégration à l'économie mondiale. Deux notions sous-tendent ces politiques : le libre marché et l'éducation. Le moteur de la création des richesses est confié au secteur privé, le rôle de l'Etat étant de créer un environnement économique favorable. Le Pérou attache une grande importance au renforcement du système multilatéral de commerce. Il souhaite que le cycle de négociations du Millénaire de l'OMC qui doit commencer à Seattle tienne davantage compte du paramètre "développement". A cet égard, le Pérou souligne l'importance de la coopération avec les institutions des Nations Unies et en particulier, le PNUD. Il encourage également les pays à intensifier leurs efforts en matière de coopération et à développer de nouvelles formes de coopération avec les pays en développement.

M. KAMALESH SHARMA (Inde) a estimé qu'il était essentiel que la communauté internationale examine, de manière plus approfondie, le fonctionnement du système commercial international. Il s'est, en effet, déclaré préoccupé par le fait que les Accords nés du Cycle de l'Uruguay, n'aient pas été mis en oeuvre dans l'esprit qui a présidé à leur signature. Le représentant a ainsi dénoncé la différence dans les traitements réservés aux produits et secteurs ayant un intérêt pour les pays en développement, en particulier les secteurs de l'agriculture, du textile et de la libre circulation des personnes. Le système commercial actuel, a-t-il insisté, n'est rien moins que défavorable au développement. Les dispositions sanitaires, le coût des licences d'exportation et les mesures antidumping continuent d'être utilisées contre les exportations des pays en développement qui ont réussi à pénétrer les marchés. Il existe un déséquilibre évident entre l'état de libéralisation avancée du commerce des biens et services - domaine réservé des pays développés - et les barrières commerciales contre les services et les biens à faible prix de revient fabriqués par les pays en développement. Le représentant a donc appelé de ses voeux des mesures plus vigoureuses pour renforcer les dispositions relatives aux traitements spéciaux et différentiels prévus pour les pays en développement. Il a aussi souhaité un réexamen des régimes de propriété intellectuelle pour rétablir l'équilibre entre la nécessité de récompenser les inventeurs et celle d'assurer une diffusion rapide et élargie de la connaissance et de la technologie.

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Abordant la question des marchés des capitaux et de la libéralisation financière, le représentant a dénoncé le déséquilibre qui vient de l'existence d'un monde financier de plus en plus sophistiqué et dynamique et l'absence d'institutions internationales propres à le gérer. Il a souhaité une réforme de l'architecture financière mondiale pour promouvoir une plus grande cohérence entre les systèmes financier, monétaire et commercial. Le représentant a conclu sur la question du financement du développement en appelant à des progrès sur les préparatifs de la Conférence sur le financement du développement, attendue depuis 1983 par les pays en développement.

M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a déclaré que les gouvernements nationaux ont la première responsabilité de mettre en place des politiques qui permettent la croissance économique et satisfont les besoins sociaux de leurs populations. Pour résoudre les problèmes liés aux causes endogènes de la pauvreté, une bonne gouvernance est indispensable, et un cadre juridique adéquat doit être mis en place. Les droits de l'homme doivent être respectés et des institutions démocratiques et transparentes doivent être mises en place. La bonne gouvernance signifie aussi la lutte contre la corruption et la poursuite de bonnes politiques macroéconomiques. Les gouvernements doivent démontrer leur bonne volonté en allouant plus de ressources à l'éducation et aux soins de santé primaires, et les femmes doivent être davantage promues sur le plan socioéconmique. Mais pour leur part, les pays développés et la communauté internationale devraient créer un environnement économique beaucoup plus favorable aux pays pauvres. Nous devons continuer l'ajustement et la réforme du système commercial multilatéral international, a déclaré le représentant. Le prochain cycle de négociations commerciales multilatérales de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) doit mettre en place un programme qui reflète réellement les intérêts des pays les plus pauvres, dont les conditions d'accès aux marchés internationaux devraient être améliorées.

La dette pèse lourdement sur les économies des pays pauvres, en les empêchant d'avoir accès à de nouvelles ressources et en créant un climat incertain pour les investissements. Une solution à cette question nécessite une coopération internationale accrue et engagée, et la Norvège soutient la décision prise à Washington, lors des Sommets de la Banque mondiale et du FMI, d'accroître l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Nous sommes, avec les autres pays nordiques, en faveur de la préservation des mesures et des facilités de prêts concessionnels au sein des banques et des institutions financières internationales comme c'est le cas de l'Association internationale pour le développement (AID) de la Banque mondiale. Il est en effet inacceptable de vouloir faire peser, dans le cadre de l'Initiative de réduction de la dette, le poids de la réduction de la dette sur les épaules des pauvres en les privant des ressources de l'AID. Aussi, encourageons nous tous les pays créditeurs à trouver les moyens de donner aux pays pauvres un véritable nouveau départ à l'aube du nouveau millénaire.

- 13 - AG/EF/256 6 octobre 1999

M. YUKIO SATOH (Japon) a déclaré que la sécurité humaine devait être le souci premier de ces débats de la Commission. La sécurité humaine signifie que la sécurité et la survie des êtres humains, de même que leur dignité, doivent être assurées. Notre manière de penser, a précisé le délégué, est très proche de celle du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui divise les menaces à la sécurité humaine en sept catégories: l'insécurité économique, l'insécurité alimentaire, celles pesant sur la santé, sur la personne humaine elle-même, sur l'environnement, sur la communauté , sur la culture et sur l'avenir social et politique. Mais cette liste est changeante, selon les lieux et le temps, et nous avons appris, après la crise financière asiatique, que des conditions économiques et politiques qui semblaient prometteuses peuvent rapidement se détériorer.

Il faut donc mettre en oeuvre les moyens politiques susceptibles de servir l'objectif qu'est l'amélioration de la sécurité humaine. L'aide au développement et d'autres moyens d'assistance financière et économique, qui sont importants pour les nations en développement et la sécurité humaine, sont donc importants, quand on veut faire face à certaines menaces actuelles, notamment la pauvreté et les épidémies.

Plusieurs des questions que nous examinerons ont des conséquences importantes pour la sécurité humaine dans les pays concernés, et le financement du développement, l'élimination de la dette extérieure et le développement de l'Afrique, entre autres thèmes, sont des cas importants. Concernant le financement du développement, nous pensons que les discussions que nous aurons sur la question permettront de considérer la coopération pour le développement de façon globale. D'un autre coté, la question de l'aide au développement, en particulier en faveur des pays les moins avancés, exige plus d'attention . C'est pour cela que le Japon a lancé un appel à un soulagement de la dette plus large et plus important dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Notre pays a contribué pour plus de 70 millions de dollars au fonds en faveur de cette Initiative, et nous espérons que d'autres pays feront des contributions à ce fonds pour en augmenter les ressources, qui sont indispensables à l'élimination de la dette dans le futur.

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