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AG/EF/247

LA MONDIALISATION ET SES EFFETS NEFASTES EXIGENT QU'UNE TROISIEME VOIE SOIT TROUVEE ENTRE L'ETAT-PROVIDENCE ET L'ETAT MINIMALISTE NEOLIBERAL

10 novembre 1998


Communiqué de Presse
AG/EF/247


LA MONDIALISATION ET SES EFFETS NEFASTES EXIGENT QU'UNE TROISIEME VOIE SOIT TROUVEE ENTRE L'ETAT-PROVIDENCE ET L'ETAT MINIMALISTE NEOLIBERAL

19981110 La Deuxième Commission adopte une première série de projets de résolution

La Commission économique et financière a organisé ce matin une table ronde sur le thème de "Y a-t-il une troisième voie : les Etats et les marchés dans le développement socio-économique". Cette table ronde a permis à M. Anthony Giddens, Directeur de la "London School of Economics and political Science ", architecte intellectuel du concept de "troisième voie", d'expliquer que cette voie consiste à trouver un chemin au-delà des deux philosophies du libéralisme et du socialisme, entre l'Etat-providence et l'Etat néolibéral. Pour lui, la politique de la troisième voie nécessite une restructuration du gouvernement; la reconstruction de la société civile; le passage de l'ancienne économie mixte à une nouvelle économie mixte; la réforme du système de la protection sociale; et la réforme écologique. La table ronde a souligné la nécessité de redéfinir le rôle de l'Etat dans un contexte de mondialisation, de réinventer la distinction entre les responsabilités du pouvoir public et du secteur privé, et d'encourager une dynamique économique qui tienne compte des valeurs du social. Pour d'autres, il ne peut y avoir une seule troisième voie. Il revient donc aux pays de trouver leur propre alternative de développement. Outre M. Anthony Giddens, les personnalités suivantes faisaient partie des conférenciers : M. Jacques Baudot, membre des Séminaires de Copenhague pour le progrès social; Mme Linda Lim, Professeur d'économie à l'Ecole de commerce de (Université de Michigan); et M. Kwame Pianim, Directeur exécutif du "New World Investment Ltd." au Ghana.

La Commission économique et financière a par ailleurs adopté une série de projets de résolution relatifs à la réunion internationale de haut niveau chargée d'examiner la question du financement du développement à l'échelon intergouvernemental; à la coopération internationale pour l'atténuation des effets du phénomène El Niño; aux préparatifs de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui aura lieu en 2001 pour mesure le degré de réalisation des buts du Sommet mondial pour les enfants; et à l'Année internationale du microcrédit (2005).

(à suivre - 1a)

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La Commission a en outre entendu les présentations de projets de résolution relatifs à la situation en matière de transit dans les Etats sans littoral d'Asie centrale et les pays en développement de transit qui sont leurs voisins; à la revitalisation du Centre des Nations Unies pour les établissements humains; à l'application du Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement; à la Convention sur la diversité biologique; à l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche; et à la mise en oeuvre de la première Décennie des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté.

La Commission a décidé de reporter à lundi 16 novembre l'examen du point relatif à la planification des programmes. Elle examinera aussi la question liée au compte pour le développement.

La Commission reprendra ses travaux cet après-midi à 15 heures pour entamer l'examen du rapport du Conseil économique et social.

Présentation de projets de résolution

QUESTIONS DE POLITIQUE MACROECONOMIQUE

Commerce et développement

La Deuxième Commission a été saisie d'un projet de résolution présenté par le Kazakhstan relatif à la situation en matière de transit dans les Etats sans littoral d'Asie centrale et les pays en développement de transit qui sont leurs voisins (A/C.2/53/L.34). Aux termes du projet, l'Assemblée générale inviterait le Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et les gouvernements intéressés, en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement, la Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique, la Commission économique pour l'Europe et les organisations régionales et internationales compétentes, conformément aux priorités approuvées en matière de programmes et dans la limite des ressources financières disponibles, à continuer d'élaborer un programme visant à améliorer, sur le plan de l'efficacité, la situation actuelle en matière de transit dans les Etats en développement sans littoral d'Asie centrale ayant récemment accédé à l'indépendance et dans les pays en développement de transit qui sont leurs voisins. L'Assemblée inviterait également le Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement à fournir une assistance technique et des services consultatifs aux Etats sans littoral d'Asie centrale ayant récemment accédé à l'indépendance et aux pays en développement de transit qui sont leurs voisins, en tenant compte des accords de transit existants. L'Assemblée inviterait les pays donateurs et les institutions multilatérales de financement et de développement, agissant dans le cadre de leurs mandats respectifs, à apporter aux Etats en développement sans littoral d'Asie centrale ayant récemment accédé à l'indépendance et aux pays en développement de transit qui sont leurs voisins une aide financière et une assistance technique appropriées en vue d'améliorer leur situation en matière de transit, s'agissant notamment de la construction, de l'entretien et de l'amélioration de leurs installations de transport, d'entreposage et autres installations de transit et de l'amélioration des communications.

DEVELOPPEMENT DURABLE ET COOPERATION ECONOMIQUE INTERNATIONALE

Application des décisions de la Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II)

La Commission était saisie d'un projet de résolution présenté par le Kenya, au nom du Groupe des 77 et la Chine, relatif à la revitalisation du Centre des Nations Unies pour les établissements humains (Habitat) (A/C.2/53/L.31). Par ce texte, l'Assemblée générale accueillerait avec satisfaction la création et le mandat de l'équipe d'experts de la revitalisation du Centre et prierait le Secrétaire général de soumettre à la Commission des établissements humains à sa dix-septième session les recommandations de l'équipe d'experts et les vues des Etats Membres.

( suivre)

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Elle réaffirmerait que le Programme des Nations Unies pour l'environnement et le Centre des Nations Unies pour les établissements humains doivent rester sous une direction et une gestion distinctes et autonomes.

Application du Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement

La Commission était également saisie d'un projet de résolution présenté par l'Indonésie et par l'Egypte, au nom du Groupe des 77 et la Chine, relatif à l'application du Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement (A/C.2/53/L.33). Par ce texte, l'Assemblée générale réaffirmerait que la session extraordinaire qu'elle consacrera à l'examen et à l'évaluation d'ensemble de l'application du Programme d'action se déroulera sur la base de ce dernier et que les accords dont celui-ci fait l'objet ne seront pas renégociés. Elle prierait le Secrétaire général de rechercher des ressources extrabudgétaires pour aider les pays en développement à envoyer des représentants à la session de la Commission de la population et du développement, organe préparatoire de la session extraordinaire, et à la session extraordinaire proprement dite. Elle déciderait d'inviter les Etats membres des institutions spécialisées qui ne sont pas membres de l'ONU à participer aux travaux de la session extraordinaire en qualité d'observateurs.

ENVIRONNEMENT ET DEVELOPPEMENT DURABLE

Convention sur la diversité biologique

La Commission était saisie d'un projet de résolution, présenté par l'Ethiopie, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, relatif à la Convention sur la diversité biologique (A/C.2/53/L.29). Aux termes de ce projet, l'Assemblée générale se déclarerait préoccupée par l'évolution de certaines technologies, telles que les technologies d'extermination, qui affecteront les agriculteurs et les communautés locales dans les pays en développement. Elle se déclarerait également profondément préoccupée par l'octroi de brevets avant l'obtention du consentement préalable des pays en développement et avant que des dispositions mutuellement bénéfiques aient été prises pour le retour des avantages et des ressources aux pays en développement concernés qui sont les dépositaires de la diversité biologique et des connaissances traditionnelles. Elle constaterait le rôle important que jouent les communautés locales autochtones et locales dans la conservation et l'utilisation durable des ressources biologiques et dans le partage équitable des avantages tirés de l'utilisation des connaissances traditionnelles et demanderait, à cet égard, aux secrétariats de la Convention et de l'OMC d'entreprendre les consultations nécessaires avec les Etats parties à la Convention et les Etats membres de l'OMC afin de traiter comme il convient la relation entre les articles pertinents de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et ceux de la Convention.

( suivre)

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FORMATION ET RECHERCHE

Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche

La Deuxième Commission a été saisie d'un projet de résolution présenté par l'Indonésie, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, sur l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (A/C.2/53/L.32). Aux termes du projet, l'Assemblée générale soulignerait la nécessité pour l'Institut de renforcer davantage sa coopération avec les autres instituts des Nations Unies et les instituts nationaux, régionaux et internationaux appropriés. Elle engagerait de nouveau tous les gouvernements et les institutions privées qui n'ont pas encore apporté de contributions financières ou autres à l'Institut à lui fournir un appui généreux, financier ou autre. Elle demanderait au Conseil d'administration de faire appel, dans la mesure du possible, à des experts de pays en développement pour l'élaboration des matériels pédagogiques pertinents relatifs aux programmes et activités de l'Institut. Elle demanderait au Secrétaire général de continuer à examiner tous les moyens possibles de fournir à l'Institut de nouvelles installations lui permettant d'installer ses bureaux et d'organiser des programmes et des cours de formation à titre gracieux à l'intention des Etats et de leurs représentants accrédités auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York, Nairobi, Genève et Vienne.

MISE EN OEUVRE DE LA PREMIERE DECENNIE DES NATIONS UNIES POUR L'ELIMINATION DE LA PAUVRETE (1997-2006)

La Commission était saisie d'un projet de résolution présenté par l'Indonésie, au nom du Groupe des 77 et la Chine, relatif à la mise en oeuvre de la Décennie (A/C.2/53.L.27). Par ce texte, l'Assemblée générale mettrait l'accent sur le rôle fondamental d'une croissance économique équitable pour l'élimination de la pauvreté. Elle demanderait à la communauté internationale de prendre des mesures concrètes et concertées pour instaurer un climat économique favorable et aider ainsi les pays en développement à combattre les effets négatifs de la mondialisation et de la marginalisation et à relancer le processus de développement. Elle engagerait vivement les pays développés qui ne l'ont pas encore fait à atteindre dès que possible l'objectif consistant à consacrer à l'ensemble de l'Aide publique au développement un montant égal à 0,7% de leur produit national brut et à réserver aux pays les moins avancés une part de ce montant se situant entre 0,15% et 0,20% dudit produit national.

L'Assemblée appellerait la communauté internationale à mettre en oeuvre intégralement et efficacement toutes les initiatives adoptées en vue d'alléger la dette des pays en développement. Elle considèrerait que le microcrédit constitue un moyen essentiel de lutte contre la pauvreté et encouragerait de nouveau tous les donateurs à privilégier l'élimination de la pauvreté dans leurs programmes d'aide au développement. Elle déciderait que les thèmes de la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté en 1999 et en l'an 2000 seront respectivement "Mondialisation et élimination de la pauvreté" et "Rôle des femmes dans l'élimination de la pauvreté".

( suivre)

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Adoption de projets de résolution

QUESTIONS DE POLITIQUE MACROECONOMIQUE

Financement du développement, y compris le transfert net de ressources entre pays en développement et pays développés

La Commission a adopté sans vote un projet de résolution relatif à la Réunion internationale de haut niveau chargée d'examiner la question du financement du développement à l'échelon intergouvernemental (A/C.2/53/L.28). Par ce texte, l'Assemblée générale prierait son Président, à la cinquante- troisième session, d'exercer les fonctions de président de droit du groupe de travail spécial et de convoquer une réunion d'organisation de ce groupe, au mois de janvier 1999 au plus tard, afin de décider des modalités visées au paragraphe 2 de la présente résolution et de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la direction et le fonctionnement effectifs du groupe de travail spécial. Elle prierait également son Président, à la cinquante- troisième session, de désigner, en étroite consultation avec les Etats Membres, deux vice-présidents pour le groupe de travail spécial, de préférence avant de convoquer la réunion d'organisation du groupe en janvier 1999, et compte tenu d'une représentation appropriée.

L'Assemblée prierait le Bureau de la Deuxième Commission, à la cinquante-troisième session, d'organiser, avec l'aide du Secrétariat, des réunions d'information ou de discussion sur des questions importantes ou des tendances et événements susceptibles d'alimenter les débats du groupe de travail spécial.

ENVIRONNEMENT ET DEVELOPPEMENT DURABLE

La Commission a adopté sans vote un projet de résolution relatif à la coopération internationale pour l'atténuation des effets du phénomène El Niño (A/C.2/53/L.30). Par ce texte, l'Assemblée générale se féliciterait de l'organisation de la première réunion intergouvernementale d'experts sur le phénomène El Niño, qui doit se tenir à Guayaquil (Equateur) du 9 au 13 novembre 1998, conformément au paragraphe 10 de la résolution 52/200. Elle déciderait que le rapport sur les résultats de cette réunion sera examiné, dans le cadre des points appropriés, à la septième session de la Commission du développement durable, à la session de fond du Conseil économique et social de 1999 et à la session extraordinaire que l'Assemblée générale doit tenir pour évaluer en profondeur l'application du Programme d'action pour le développement durable des petits Etats insulaires en développement. Elle déciderait également d'étudier le phénomène La Niña dans l'optique de l'application de la résolution 52/200. Elle demanderait que la résolution 52/500 continue d'être appliquée dans son intégralité.

( suivre)

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L'Assemblée générale se féliciterait de la convention à Lima en 1999 d'une réunion intergouvernementale d'experts sur le phénomène El Niño, qui examinera les questions scientifiques, techniques, sociales et politiques dans une optique globale et sera largement ouverte à la participation d'experts intergouvernementaux et de décideurs. L'Assemblée prierait le Secrétaire général en consultation avec le Comité administratif de coordination, de lui présenter, par l'intermédiaire du Conseil économique et social à sa session de fond de 1999, des recommandations sur la façon dont les organismes des Nations Unies s'occuperont de la question de la prévention des catastrophes naturelles lorsque la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles aura pris fin, en 1999, en tenant compte des enseignements dégagés et en faisant de l'alerte rapide un élément principal des futures stratégies de prévention des catastrophes naturelles. L'Assemblée prierait également le Secrétaire général de lui présenter à sa cinquante-quatrième session, par l'intermédiaire du Conseil économique et social, au titre du point intitulé "Environnement et développement durable", un rapport sur l'application de la présente résolution.

ACTIVITES OPERATIONNELLES DE DEVELOPPEMENT

La Commission a adopté sans vote un projet de résolution relatif aux Préparatifs de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui aura lieu en 2001 pour mesure le degré de réalisation des buts du Sommet mondial pour les enfants (A/C.2/53/L.9). Par ce texte, l'Assemblée générale déciderait de reporter à sa cinquante-quatrième session l'examen des préparatifs de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui aura lieu en 2001 pour mesurer le degré de réalisation des buts du Sommet.

MISE EN OEUVRE DE LA PREMIERE DECENNIE DES NATIONS UNIES POUR L'ELIMINATION DE LA PAUVRETE (1997-2006)

La Commission a adopté sans vote une note du Secrétariat dans laquelle l'Assemblée générale proclamerait 2005 Année internationale du microcrédit (2005) (A/C.2/53/L.18). L'Assemblée inviterait les gouvernements, les organismes des Nations Unies et toutes les ONG concernées ainsi que les autres acteurs de la société civile à faire mieux reconnaître le rôle que joue le microcrédit dans l'élimination de la pauvreté. Elle inviterait aussi tous ceux qui oeuvrent à éliminer la pauvreté à prendre de nouvelles mesures, notamment en renforçant les institutions de microcrédit existantes ou naissantes et leurs capacités, afin d'offrir à un nombre croissant de personnes vivant dans la pauvreté des services de crédit et des services connexes. L'Assemblée inviterait également le Secrétaire général à la présenter en l'an 2003 un rapport contenant un projet de programme d'action pour célébrer au mieux l'Année.

( suivre)

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Table ronde sur le thème "Y a-t-il une troisième voie : les Etats et les marchés dans le développement socio-économique"

M. BAGHER ASADI, Président de la Commission économique et financière, a introduit la table ronde consacrée à la question "Y-a-t-il une troisième voie: les Etats et les marchés dans le développement socio-économique" en soulignant les changements auxquels on a assisté, au cours de la dernière décennie ou des quinze dernières années, en matière de théories et de pratiques de gouvernement. Pendant de nombreuses années, les défenseurs d'un Etat minimal ont dominé. Désormais, de nouvelles voix se font entendre, qui soulignent les effets négatifs des politiques néolibérales, tels qu'un accroissement rapide de la pauvreté qui va de pair avec une détérioration du capital social, l'élargissement du fossé entre riches et pauvres, entre puissants et faibles, ainsi qu'entre qualifiés et non-qualifiés, l'accroissement de crimes et de la corruption et un environnement mondial moins favorable. Aussi, le Département des affaires économiques et sociales de l'ONU a décidé d'organiser un débat de haut niveau qui essaiera de voir s'il existe une troisième voie entre un Etat minimaliste et néolibéral et un Etat-Providence.

M. ANTHONY GIDDENS, Directeur de la "London School of Economics", a indiqué que la notion de la troisième voie été utilisée par le passé en 1895, principalement dans l'histoire des partis sociaux-démocrates. Cette notion doit représenter une donnée importante du monde contemporain. La troisième voie consiste en fait à trouver une voie au-delà des deux philosophies que sont le libéralisme et le socialisme. Après la seconde guerre mondiale, les politiques prônaient un Etat-providence et au cours des 25 années suivantes, elles se sont reposées sur les forces du marché. La crise financière actuelle montre qu'aucune de ces perspectives n'est réellement pertinente. La notion de troisième voie implique que le gouvernement ne soit pas considéré comme la solution mais non plus comme la source des problèmes. La politique de la troisième voie s'éloigne en fait de la division entre la gauche et la droite, tant il est vrai que nombre de questions contemporaines, comme l'écologie ou la mondialisation, échappent au clivage gauche-droite. Dans ce contexte, l'idée d'un centre radical devient donc un concept intéressant. Pour l'essentiel, la politique de la troisième voie essaie de savoir comment développer une dynamique économique qui reconnaisse la valeur du social. Cette politique se caractérise par cinq traits essentiels. Il s'agit d'abord de restructurer le gouvernement lui-même et d'éviter une administration prépondérante pour créer un gouvernement actif et efficace fonctionnant comme une entreprise économique. Dans ce contexte, la transparence et la légitimité deviennent des éléments essentiels ainsi qu'un véritable partenariat entre les gouvernements et les entreprises. Il s'agit ensuite de restructurer la société civile par un partenariat avec un gouvernement dynamique. Il s'agit aussi de passer de l'ancienne économie mixte à une nouvelle économie mixte en trouvant un équilibre entre la déréglementation et la réglementation. Ceci demande que l'on reconnaisse que la déréglementation n'est pas la panacée et qu'une libéralisation totale des échanges ne peut se faire sans en examiner, au préalable, les conséquences. La Fédération de Russie a illustré le caractère non pertinent de ce type de politique.

( suivre)

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Il s'agit également de réformer le système de la protection sociale et d'analyser le lien entre mondialisation et transformation de la vie quotidienne. Il faut donc trouver un équilibre entre la sécurité sociale et la gestion du risque. Les origines de la crise actuelle sont liées à un risque total. Il s'agit enfin d'entreprendre une réforme écologique et instaurer une nouvelle alliance entre le progrès écologique et le progrès économique. La réforme écologique est loin d'être toujours cohérente avec la croissance économique. Elle est toutefois la condition préalable à la croissance à moyen et à long terme. M. Giddens a conclu en appelant à la création d'une gouvernance économique mondiale et en soulignant que la troisième voie dominera la pensée politique au cours des 25 prochaines années. Le libéralisme est mort, a-t-il proclamé.

Mme LINDA LIM, Professeur d'économie à l'Ecole de commerce (Université de Michigan), a indiqué qu'il n'y a pas une seule troisième voie, mais plusieurs troisièmes voies. La troisième voie n'est pas un élément statique, mais doit suivre les évolutions de chaque pays. Comme l'a prouvé la crise financière en Asie, une bonne gestion macroéconomique est essentielle. Les Etats ont un rôle important à jouer pour éviter les bulles nationales et pour contrôler les flux des échanges. Ainsi, la plupart des Etats asiatiques, qui ont des réserves importantes, ont été moins touchés par la crise financière. Aux Philippines, la bonne gestion macroéconomique, le soutien du FMI et l'importance du secteur privé ont permis au pays d'être moins touché par la crise. La capacité et l'autonomie des Etats sont également essentielles pour éviter les crises. Les acteurs du marché doivent croire qu'une bonne politique macroéconomique se poursuivra. Une bonne politique à la fois interne et externe doit être pratiquée. Moins de confiance dans les capacités macroéconomiques d'un gouvernement peut conduire à isoler le pays. Singapour a souffert de la crise un peu moins que d'autres pays de la région. En effet, l'économie s'est bien tenue, certes, grâce à des flux actifs de capitaux, mais surtout grâce à l'action du gouvernement qui a un contrôle important sur l'épargne nationale et l'immobilier ainsi que sur des réserves suffisamment importantes qui permettent de faire face aux chocs externes. Le secteur manufacturier de haute technologie a été sauvé pour cette raison. Hong Kong a davantage souffert de la crise car le gouvernement a manqué d'autonomie. Des institutions juridiques et bancaires très saines sont également très importantes, de même qu'une grande volonté politique. Mme Lim a répété qu'il n'y a pas une voie uniforme à la troisième voie. Chaque pays doit prendre des décisions en fonction de son propre développement.

M. JACQUES BAUDOT, Membre des Séminaires de Copenhague pour le progrès social, a souligné la nécessité dans le monde actuel de renforcer l'Etat, à savoir le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. En effet, le niveau d'incertitude a augmenté de manière significative et l'économie mondiale, avec ses ruptures entre les mouvements financiers et la production de biens et services, est perçue aujourd'hui comme plus fragile sinon véritablement fragile. Les systèmes politiques également se caractérisent par l'incertitude. L'on observe une hésitation entre les demandes de démocratie et celles de technocratie, imposées en fait par la difficulté des problèmes auxquels les Etats sont confrontés.

( suivre)

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Dans le domaine de la vie des sociétés, l'incertitude gagne aussi les esprits. Les systèmes de valeur sont en grand changement et le vécu de la culture repose aujourd'hui sur une incertitude tant morale qu'intellectuelle. Dans ce contexte, la nécessité d'une coopération internationale et d'une coopération globale est de plus en plus évidente. Cette coopération ne peut toutefois pas exister si elle ne se fonde pas sur des Etats, des nations et des communautés forts afin que la délégation des parcelles de souveraineté aux organisations internationales et autres se fassent dans des conditions acceptables.

Les Etats doivent être forts et plus éclairés pour servir cinq objectifs principaux. Le premier d'entre eux est d'assurer à chacun une base économique permettant de vivre et de devenir des contributeurs de la société. Le pouvoir public doit être en mesure d'encadrer le pouvoir économique pour redistribuer les gains mais pour aussi éviter la tendance à la concentration du pouvoir économique et financier. Le deuxième objectif doit être, lui, de promouvoir par l'éducation le savoir et le savoir-faire. Le troisième objectif doit viser à retrouver les chemins de la justice sociale. Il est clair que la notion d'égalité est dans une situation idéologique difficile et que l'Etat- providence dont les objectifs restent valides doit être repensé dans ses fondements philosophiques et politiques. Le quatrième objectif est que l'Etat doit continuer de donner à ces citoyens la protection et la sécurité. En ce sens, il est le gardien des droits de l'homme que toute société doit promouvoir. Le cinquième objectif est de contribuer à bâtir des cultures nationales qui, en s'enrichissant, permettent de déboucher sur une nouvelle forme d'universalisme. Il serait difficile de concevoir une culture universelle, en période d'intégration économique, si elle ne se fondait pas sur des cultures nationales vivantes et fortes. Le meilleur de chaque culture doit donner la part de l'universalité nécessaire au monde d'aujourd'hui. Pour réaliser tous ces objectifs, il convient de retrouver ou de réinventer la distinction entre le public et le privé. Il ne faut pas oublier que les fonctions de l'Etat sont différentes et doivent rester différentes. La responsabilité de l'intérêt général et du bien commun reste celle des Etats. Il faut une coopération entre le public et le privé mais non une confusion des rôles. Dans ce cadre, le marché doit être perçu comme un moyen et non comme une fin. Il faut que l'Etat retrouve l'espace et la liberté de manoeuvre suffisants pour exercer son rôle. Il faut aussi que l'Etat donne le ton intellectuel et moral à la société par une recherche d'intégrité; la promotion de la notion de service et la reconnaissance que le pouvoir n'est que justifié par la notion de service; la reconnaissance aussi que toute politique et vie en société impliquent des efforts et des sacrifices; la modération et la frugalité dans un monde caractérisé par des problèmes écologiques rendant difficile la création d'une société harmonieuse fondée sur le souci d'acquérir davantage; et enfin l'instauration d'un équilibre entre pragmatisme et idéalisme. Les sociétés doivent retrouver des projets politiques allant au- delà de la nécessaire condition d'améliorer le fonctionnement des économies et d'acquérir davantage de richesses. S'agissant de la troisième voie, M. Baudot a estimé qu'il s'agit plutôt d'une première voie, voire d'une voie royale.

( suivre)

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M. KWAME PIANIM, Directeur exécutif principal, New World Investment Ltd. (Ghana), a indiqué que l'Etat doit être repensé pour faire face aux défis du XXIème siècle. La troisième voie, qui doit tenir compte des libertés et contraintes des anciennes idéologies, doit devenir un cadre pragmatique qui va au-delà des rigidités actuelles. Elle doit s'accompagner d'un partenariat réel entre les Etats. La meilleure définition de la solidarité est un enfant de 6 ans qui va à l'église et qui porte un autre enfant qui est aussi lourd que lui. Il faut redéfinir les rôles essentiels de l'Etat. A l'origine des politiques néolibérales se trouve la tentative de remédier aux excès de l'Etat-Providence. Mais les programmes d'ajustement structurels, qui en ont découlé, n'ont pas tenu compte du fait que les marchés étaient embryonnaires et qu'il fallait d'abord mettre en place des institutions solides. Les forces de dissension n'ont pas pu enrichir les débats dans les corridors des institutions de Bretton Woods. Les théories de la troisième voie viennent, elles-aussi, des pays développés et ont pour but de remédier aux excès de l'Etat-Providence. Aujourd'hui, il est devenu essentiel de mettre à jour les compétences de l'Etat et d'assurer la justice économique et sociale. A cet égard, il faut donner une interprétation holistique à Adam Smith et à tous les économistes qui insistaient sur la moralité, l'auto-discipline et le sentiment de justice. Il faut repenser l'Etat sans adopter de principes rigides. La nouvelle définition de l'Etat doit donc se baser sur un principe dynamique. Le seul cadre que l'on peut donner réside dans une décentralisation qui s'accompagne de partenariat et dans la recherche d'une réponse aux objectifs du progrès social. Il faut passer à une nouvelle phase du développement allant dans le sens d'une plus grande démocratisation. Il est important qu'en parallèle, les institutions financières internationales et les gestionnaires des politiques macroéconomiques nationales poursuivent le dialogue au plan international. Une plus grande coopération et solidarité est essentielle pour agir avec responsabilité envers les partenaires des affaires et protéger les intérêts de tous, surtout des plus faibles. A cet égard, les Nations Unies ont un rôle à jouer.

Les exposés des conférenciers ont été suivis par les questions des délégations. Ainsi le représentant du Royaume-Uni a souhaité une interprétation de la troisième voie dans les sens politique, économique et social, ainsi que culturel. Revenant sur la nécessaire démocratisation du monde économique, évoquée par le Directeur de la "London School of Economics", il a demandé s'il était possible de démocratiser au niveau de l'Etat nation. Quel est dans ce contexte, a-t-il ajouté, le rôle des Nations Unies et comment faire participer la société civile et le secteur privé ? Le représentant des Pays-Bas a lui souhaité davantage de précisions sur la démocratisation évoquée de l'économie mondiale. Pour le représentant de l'ex-République yougoslave de Macédoine,, les Nations Unies doivent être la locomotive du changement. Il a demandé ce qu'il convient de faire pour renforcer le rôle de l'ONU. Le représentant a soulevé la question de l'interdépendance qui, a-t-il souligné, n'a pas été évoquée par les conférenciers. Faut-il alors abandonner ce concept ? Pour sa part le représentant de l'Ouganda a dit avoir cru comprendre que la troisième voie se définit comme l'ère post-Reagan ou post- Thatcher.

( suivre)

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Soulignant que la majorité des Etats Membres de l'ONU est composée de pays en développement, il a affirmé que pour ces pays, il n'est pas encore question de réduire le rôle de l'Etat. Il faut au contraire le renforcer car il est toujours responsable de questions importantes, comme la construction des infrastructures, la mobilisation des ressources, la promotion de la bonne gouvernance ou celle de la démocratie. Dans le contexte de la troisième voie, ce rôle prépondérant de l'Etat est-il acceptable ? Le représentant de la Norvège a souligné le rôle de l'Etat dans la fourniture de l'éducation et des services sociaux de base qui, a-t-il dit, constitue un investissement fondamental pour le développement d'un pays. Pour le représentant de la Thaïlande, la question est de savoir quel type de système politique il convient de promouvoir dans le contexte de la troisième voie.

Pour sa part, le représentant de la Chine a insisté sur la notion de troisième voie différenciée, soulignée par une conférencière. Il a argué qu'aucun modèle ne peut être intégralement copié et transplanté ailleurs. Abondant dans ce sens, le représentant de l'Afrique du Sud a affirmé que l'Africain doit avoir sa propre voie de développement. Le continent, a-t-il expliqué, a connu une marginalisation due au processus de mondialisation. Dans ce contexte, il a souhaité savoir ce que la troisième voie a à offrir à l'Afrique.

Le Directeur de la "London School of Economics and Political Science" et Conseiller principal auprès de Tony Blair a indiqué qu'il y a certes plusieurs troisièmes voies, mais qu'il existe des éléments communs, qu'une organisation comme l'ONU se doit de souligner. Cette troisième voie est essentielle pour se préparer à une deuxième vague de choc qui pourrait suivre la crise financière asiatique actuelle. Le Directeur a indiqué qu'il y a une erreur à toujours parler de l'Etat. Il faut mieux parler de gouvernements, de gouvernance. Le rôle des Nations Unies, enfin, est essentiel. La mondialisation a eu lieu aux niveaux local, national et international. De la même façon, la troisième voie doit se développer dans ces trois directions. Le rôle des Nations Unies doit aller dans le sens d'une démocratie décentralisée et s'efforcer d'être une assemblée transnationale plutôt qu'internationale. Les Nations Unies doivent également avoir plus de capacités pour intervenir dans les régions où les besoins sont les plus importants et les manques les plus vifs. Le Professeur d'économie à l'Ecole de commerce de l'Université de Michigan a également souligné le rôle important que les Nations unies doivent jouer en matière de coopération, en indiquant que quand une maison est menacée d'effondrement par un tremblement de terre, il faut d'abord que ses propriétaires renforcent leur propre maison, et qu'ensuite ils collaborent avec tous les voisins pour prévenir une telle catastrophe. En fait, il faut agir aux deux niveaux en même temps. Singapour a un gouvernement élu de façon populaire, même si l'on peut contester la façon dont ce gouvernement est élu. Peut-être faut-il se poser la question suivante: faut-il préférer un régime autoritaire et une stabilité monétaire ou un régime démocratique et une instabilité monétaire ?

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- 12 - AG/EF/247 10 novembre 1998

Le membre des Séminaires de Copenhague pour le progrès social a indiqué que le travail fait par les Nations Unies est d'une importance extrême et que l'organisation doit essayer de définir les idées politiques qui permettront à la communauté internationale d'aller de l'avant. Pour ce qui est de la démocratisation à l'échelle mondiale, les Nations Unies ont également un rôle à jouer qui va dans le sens de la mise en place d'une société civile. Ceci ne sera possible que si l'on fait intervenir les autres acteurs et que l'on collabore avec eux, notamment les sociétés transnationales et les médias afin de les responsabiliser. En matière de démocratisation, le Directeur exécutif principal de New World Investment Ltd. a indiqué que la démocratie est un élément donné mais que certains gouvernements s'y opposent toujours. L'Organisation des Nations Unies est l'une des organisations les moins anti- démocratiques qui existe, la participation populaire étant beaucoup plus forte qu'il y a vingt ans. Toutefois, elle doit être encore davantage démocratisée. En matière de gouvernance, le Directeur estime que l'Etat existera encore longtemps et souhaiterait, pour sa part, que les pays soient représentés par leur Etat plutôt que par leur gouvernement. Pour répondre à ce qu'il faut faire en Afrique, il faut d'abord regarder ce qui est l'essence de la démocratie. Alors, il sera possible de mieux choisir les gouvernements.

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