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AG/J/254

LA COMMISSION JURIDIQUE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL

27 octobre 1998


Communiqué de Presse
AG/J/254


LA COMMISSION JURIDIQUE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL

19981027 La Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi, ce matin, l'examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquantième session, en mettant l'accent sur la protection diplomatique et la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Dans ce cadre, elle a entendu les représentants des pays suivants : Norvège (au nom des pays nordiques), Royaume-Uni, Japon, Chili, France, Chine et Etats-Unis.

De l'avis de plusieurs délégations, il n'est pas nécessaire que la Commission insiste sur les relations entre les droits de l'homme et la protection diplomatique. Ses travaux ne doivent pas viser à assimiler les deux domaines, ni à établir une hiérarchie entre eux. Il serait souhaitable que la CDI se penche essentiellement sur la codification des règles secondaires, qui sont de caractère procédural. En outre, il serait nécessaire qu'elle porte son attention sur les conditions de l'opposabilité de la nationalité à un autre Etat.

Les délégations ont ensuite abordé la question des dommages transfrontières causés par des activités dangereuses. Elles se sont toutes accordées sur la nécessité d'instituer des règles d'ordre préventif en la matière. Toutefois, des inquiétudes se sont manifestées quant aux conséquences de la création d'une obligation spécifique sur la cohérence de l'ordre juridique existant.

La Sixième Commission poursuivra ses travaux, demain mercredi 28 octobre à partir de 10 heures.

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RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTIEME SESSION

Déclarations

M. HANS WILHEM LONGVA, Conseiller juridique au Ministère des affaires étrangères de la Norvège (au nom des pays nordiques), s'est déclaré d'avis que la question de la protection diplomatique est prête pour être codifiée et qu'elle sera d'une importance fondamentale sur le plan pratique. Les règles de protection diplomatique sont étroitement liées aux principes fondamentaux et à la structure des relations interétatiques, ainsi qu'au droit international public traditionnel. Elles contribuent à clarifier les compétences respectives des Etats, ainsi qu'à établir un régime visant à garantir le respect des normes de droit international en matière de protection des ressortissants étrangers dans un pays hôte, sans préjudice à toute autre norme pertinente, y compris - mais sans être limités - les droits de l'homme et la protection des investissements. Il est indéniable que la protection diplomatique est une prérogative souveraine de l'Etat de la nationalité de la personne concernée, en tant que sujet du droit international. Cette prérogative prévoit des pouvoirs discrétionnaires de l'Etat. A toutes fins pratiques, la personne concernée est considérée comme bénéficiaire du droit international. L'institution de la protection diplomatique ne peut être assimilée aux droits de l'homme. Ces deux institutions offrent deux approches qui pourraient toutefois se chevaucher dans certains cas. De l'avis des pays nordiques, il est important d'insister sur l'intérêt pratique plutôt que sur les débats théoriques et il serait utile d'élaborer un guide pratique. M. Longva a proposé de mettre l'accent sur les questions relatives à la double nationalité des individus, notamment en ce qui concerne l'enlèvement d'enfants impliquant les parents ou la famille et la protection diplomatique des personnes morales.

M. FRANKLIN BERMAN (Royaume-Uni) s'est félicité du travail de la Commission sur le sujet des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses. Il a émis le voeu que l'intitulé de la question soit révisé, afin qu'elle prenne en considération les dommages de nature environnementale. Abordant ensuite la question de l'obligation de prévention des Etats, le représentant s'est déclaré satisfait de la définition d'une obligation spécifique de due diligence, qui, a-t-il précisé, n'effacera pas les obligations découlant du régime de responsabilité des Etats.

Le représentant du Royaume-Uni a ensuite abordé la question de la protection diplomatique, pour inviter la Commission à poursuivre sur les sept points établis par le Groupe de travail. Le représentant a évoqué l'idée émise par le Rapporteur de faire de la protection diplomatique, non pas une institution interétatique, mais une disposition permettant aux Etats d'agir en tant que représentant de leurs nationaux lésés. Une telle démarche, a-t-il indiqué, ne serait pas bénéfique, mais équivaudrait à une refonte totale du régime de la protection diplomatique.

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S'agissant des actes unilatéraux des Etats, le représentant a invité la Commission à se concentrer sur les principaux problèmes d'ordre pratique posés par la question. Sur le sujet de la responsabilité des Etats, le représentant a apporté des réponses spécifiques sur la notion de crime d'Etat. Il a précisé à cet égard que l'Etat devait répondre de tout acte émanant d'un de ses organes agissant de façon officielle. Il a ajouté qu'un texte sur les crimes d'Etat devrait être suffisamment précis sans pour autant retarder les travaux de la Commission de façon excessive.

M. CHUSEI YAMADA (Japon) s'est félicité que la Commission du droit international (CDI) ait pu achever, dans le cadre du point relatif à la responsabilité internationale pour les dommages préjudiciables découlant d'activités non interdites par le droit international, l'examen en première lecture des projets d'articles sur la prévention du dommage transfrontière découlant d'activités dangereuses. De l'avis de sa délégation, l'indemnisation en cas de préjudice ne peut pas toujours restaurer la situation qui prévalait avant l'accident. M. Yamada a souligné qu'il existe une distinction claire entre la responsabilité des Etats et la responsabilité internationale pour les dommages préjudiciables découlant d'activités non interdites par le droit international. La question du règlement des différends en la matière dépendra de la forme de l'instrument qui sera adopté.

Abordant la question de la protection diplomatique, M. Yamada a rappelé que la personnalité juridique des individus en vertu du droit international - bien que limitée - a été progressivement reconnue, en particulier dans certaines conventions internationales sur les droits de l'homme où les institutions internationales peuvent examiner les notifications ou pétitions directement présentées par les individus et formuler des recommandations. La protection diplomatique est une ancienne tradition fermement établie en vertu du droit international général. Toutefois, il faudrait tenir compte de l'évolution récente du droit international en ce qui concerne le statut juridique des individus. La délégation japonaise émet des doutes sur le fait que les Etats pourraient accepter qu'un individu devrait être doté de la personnalité juridique en vertu du droit international général afin d'exercer un recours contre des Etats étrangers par le biais de procédures internationales de règlement des différends. Le Japon estime que la CDI devrait examiner la question de la protection diplomatique à la lumière de la question de la responsabilité des Etats.

M. RAIMUNDO GONZALEZ (Chili) a souligné l'importance de la prévention du dommage transfrontière tout en précisant que la prévention n'exclut pas la responsabilité. Il existe un lien clair entre cette question et le principe du pollueur-payeur. Il est indispensable de développer davantage ce lien en droit international. Suggérant la création d'un commissariat pour l'environnement pour les dommages causés à l'écosystème, la délégation chilienne estime que la charge de la preuve devrait incomber à celui qui est supposé avoir causé le dommage. La faute devrait être déterminée de manière objective. L'action de remise en état devrait accompagner les mesures de prévention pour éviter de créer une responsabilité internationale.

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Concernant la protection diplomatique, M. Gonzalez a fait remarquer qu'il y a depuis 30 ans une évolution en la matière. L'Etat n'exerce pas son pouvoir de manière discrétionnaire. Dans de nombreux cas, la protection diplomatique a été assurée de manière automatique. Si l'on se penche sur la pratique contemporaine, l'Etat agit en tant qu'agent de l'individu. Il est nécessaire d'approfondir l'examen de cette question. Aujourd'hui, on constate une exigence très ferme sur le lien avec la nationalité, notamment en cas de double nationalité.

M. RONNY ABRAHAM (France), se référant à la question de la protection diplomatique, a souligné qu'il est essentiel de déterminer qui est le détenteur du droit exercé au moyen de la protection diplomatique. S'agit-il de l'Etat de la nationalité ou de l'individu lésé? De l'avis de sa délégation, c'est l'Etat qui fait valoir son propre droit en prenant fait et cause pour son ressortissant. La compétence de l'Etat en la matière est discrétionnaire. La protection diplomatique est une prérogative souveraine de l'Etat en tant que sujet de droit international. Pour exercer ce droit, l'Etat ne prend pas seulement en compte l'intérêt de son ressortissant lésé par un acte illicite d'un autre Etat mais également un certain nombre d'éléments liés à la conduite de la politique étrangère. Les travaux de la Commission du droit international (CDI) sur la protection diplomatique ne doivent pas viser à assimiler les droits de l'homme et la protection diplomatique ou à établir une hiérarchie entre ces deux domaines. Se félicitant que la CDI ait décidé de limiter son étude à la codification des règles de caractère procédural, la France souligne toutefois qu'il est indispensable que la Commission axe ses travaux sur les règles relatives à la recevabilité des réclamations et aux conditions qui doivent être remplies pour que ces réclamations puissent être formulées. Il semble nécessaire que la Commission se penche sur les conditions préalables à l'exercice de la protection diplomatique. Ces conditions ont été fixées dans l'arrêt Mavrommatis (CIJ, 1924). La CDI pourrait s'intéresser à la question de savoir si le recours à un organe international de protection des droits de l'homme, dans la mesure où il est directement accessible à un particulier ou, dans la même mesure, à une juridiction comme la Cour de justice des Communautés internationales, peut être considéré comme un recours interne. M. Abraham a estimé que la Commission devrait retenir dans son étude la question de la protection fonctionnelle des organisations internationales.

M. YIN YUBIAO (Chine) a regretté la lenteur des progrès réalisés par la Commission sur le sujet des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses. Rappelant les deux volets juridiques de la question, celui de la prévention de tels dommages et celui de leur réparation, le représentant de la Chine a salué la définition d'un régime de prévention, qui, a-t-il souligné, est une étape importante dans la voie d'une protection efficace de l'environnement. Au sujet de la définition même de l'obligation de prévention, le représentant s'est déclaré en faveur des projets d'articles initialement soumis à l'examen du Groupe de travail, selon lesquels ne devraient être concernées par l'obligation de prévention, que les activités risquant de causer un dommage significatif.

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Le représentant a ensuite regretté que les projets d'articles ne prennent pas suffisamment en considération les intérêts des pays en développement. Il a déclaré que les règles relatives à la protection de l'environnement représentaient un lourd fardeau pour de tels pays. Ainsi, il a appelé de ses voeux la création d'un partenariat à l'échelle internationale afin d'aider les pays en développement à remplir leurs obligations en la matière, ce qui passe, a-t-il précisé, par des transferts de technologie, des supports financiers, une aide et un entraînement technique.

M. DAVID ANDREWS, Conseiller juridique au Département d'Etat des Etats-Unis, a abordé la question de la responsabilité internationale en cas de préjudice découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Selon lui, il est plus simple de prévenir un dommage transfrontière que de le réparer. Des progrès véritables concernant les mesures de prévention moins controversées qu'auparavant pourraient être réalisés. Toutefois, il faudrait reconnaître que le projet d'articles semble reposer sur un Etat hautement centralisé doté de pouvoirs réglementaires généraux. Il serait plus difficile ou même impossible d'appliquer de manière efficace ces principes dans des Etats fédérés comme les Etats-Unis où l'autorité réglementaire est partagée. Concernant la protection diplomatique, M. Andrews a fait observer que celle-ci est une institution bien établie et utile. Les Etats-Unis en font bon usage dans leurs relations avec d'autres Etats et vice-versa. Pour les Etats concernés, la protection diplomatique peut constituer un mécanisme efficace pour clarifier et renforcer le respect du droit international.

S'agissant des mesures unilatérales, M. Andrews a émis l'espoir que la Commission du droit international (CDI) n'adoptera pas une approche trop restrictive dans ses travaux futurs. Il serait utile d'examiner les effets juridiques des déclarations. Toutefois, cela soulève des difficultés précisément parce qu'il n'est pas toujours clair si des termes particuliers ou des mesures visent à engendrer des conséquences juridiques. C'est le cas notamment des essais nucléaires. Sa délégation appelle la Commission à élargir l'examen de cette question et non pas à la restreindre aux déclarations unilatérales visant clairement à produire des effets juridiques.

Faisant référence à la question de la responsabilité des Etats, M. Andrews a appuyé les amendements apportés à certaines dispositions du projet de texte garantissant la primauté du droit international. Sa délégation appuie également le souhait du Rapporteur spécial d'examiner de manière plus approfondie les dispositions sur la réparation, notamment l'importante question de l'intérêt.

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