En cours au Siège de l'ONU

AG/J/253

LA PROTECTION DIPLOMATIQUE DES PERSONNES PHYSIQUES AU CENTRE DU DEBAT SUR LE RAPPORT DE LA COMMISSION JURIDIQUE INTERNATIONALE

26 octobre 1998


Communiqué de Presse
AG/J/253


LA PROTECTION DIPLOMATIQUE DES PERSONNES PHYSIQUES AU CENTRE DU DEBAT SUR LE RAPPORT DE LA COMMISSION JURIDIQUE INTERNATIONALE

19981026 Réunie sous la présidence de M. Jargalsaikhany Enkhsaikhan (Mongolie), la Sixième Commission (Commission juridique) a entamé ce matin le rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa cinquantième session. Le Président de la CDI, M. Joao Clemente Soares (Brésil), présentant le rapport, a souligné qu'au cours de ses cinquante ans d'activités, la Commission a joué un rôle fondamental dans le développement progressif du droit international et de sa codification. Un grand nombre des projets de texte élaborés par la Commission ont été finalisés sous forme d'importants traités internationaux, notamment en matière de droit des relations diplomatiques et consulaires, de droit des traités, de droit de la mer et de droit des organisations internationales. A sa dernière session, elle a accompli d'importants progrès sur les projets de textes relatifs notamment à la prévention des dommages transfrontières découlant d'activités dangereuses, à la responsabilité des Etats et aux réserves des traités.

La Sixième Commission a entendu, dans ce cadre, les représentants du Mali, du Guatemala, de la Tanzanie, ainsi que l'Observateur de la Suisse.

Les délégations ont posé la question de la reconnaissance en droit international, d'un droit de l'individu à la protection diplomatique, du degré de consécration de ce droit et des conséquences juridiques de cette reconnaissance. Le Mali a rappelé l'engagement de son Président à favoriser l'exercice de ce droit.

Elles ont ensuite abordé la question de la prévention des dommages transfrontières. Pour sa part, la délégation de la Suisse a estimé que si le risque se matérialise, l'Etat est responsable dans le cadre de son devoir de diligence. Son obligation demeure une obligation de moyens, qui peut du reste être doublée d'une obligation civile de l'exploitant. En outre, a estimé l'Observateur de la Suisse, si un différend ne peut être réglé à la suite de l'enquête, tout Etat partie au litige devrait pouvoir déclencher une procédure juridictionnelle aboutissant à une décision contraignante.

(à suivre 1a)

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Par ailleurs, sur recommandation du Guatemala, la Sixième Commission a adopté sans vote un projet de décision intitulé "Rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l'Organisation", aux termes duquel elle prie son Président de transmettre sans retard ce texte au Président de la Commission en vue de son examen éventuel. La présentation du projet de décision a été faite, mardi 20 octobre 1998.

La Sixième Commission poursuivra l'examen du rapport de la CDI, demain mardi 27 octobre, à partir de 10 heures.

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RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI) SUR LES TRAVAUX DE SA CINQUANTIEME SESSION (A/53/10)

La Commission du droit international (CDI) a tenu la première partie de sa CINQUANTIEME session à son siège, à l'Office des Nations Unies à Genève, du 20 au 12 juin 1998, et la seconde partie au Siège de l'Organisation des Nations Unies à New York du 27 juillet au 14 août 1998. Elle a examiné les points suivants : responsabilité des Etats; responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international (prévention des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses); réserves aux traités; protection diplomatique; actes unilatéraux des Etats; programme, procédures, méthodes de travail et documentation de la CDI; ainsi que la coopération avec d'autres organes.

S'agissant du sujet "Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international", la CDI a adopté en première lecture une série de 17 articles assortis de commentaires sur la prévention des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses et a décidé de communiquer le projet d'articles aux gouvernements pour commentaires et observations. La Commission entendant distinguer, pour développer et appliquer le concept d'obligation de prévention, les activités qui risquent de causer un dommage significatif de celles qui causent effectivement un tel dommage, la question se pose de savoir quel type de régime s'applique ou devrait s'appliquer à cette dernière catégorie d'activités. On considère généralement pour le moment que l'obligation de prévention est une obligation de moyens et non de résultat, ce qui signifierait qu'en l'absence de tout dommage, un manquement aux obligations de prévention ne donnerait lieu à aucune responsabilité. La Commission ayant maintenant décidé de recommander un régime de la prévention dissocié du régime de la responsabilité, l'obligation de prévention devrait- elle toujours être considérée comme une obligation de moyens? Ou un manquement à cette obligation devrait-il entraîner des conséquences au titre de la responsabilité de l'Etat ou de la responsabilité civile, ou des deux s'il est imputable à la fois à l'Etat d'origine et à l'exploitant? Est-ce que le projet d'articles devrait prendre la forme d'une convention, d'une convention-cadre ou de loi-type?

La Commission a examiné le rapport préliminaire du Rapporteur spécial relatif à la "Protection diplomatique", qui traitait de la nature juridique de la protection diplomatique et du caractère des règles régissant la protection diplomatique. Elle a constitué un groupe de travail chargé d'étudier les conclusions sur la manière d'aborder le sujet. Dans son rapport, le Groupe de travail a suggéré que le Rapporteur spécial axe son deuxième rapport sur les questions soulevées dans le premier chapitre intitulé "Fondement de la protection diplomatique". La Commission souhaiterait que les gouvernements, outre leurs commentaires et observations sur les conclusions du Groupe de travail, communiquent les textes législatifs et les décisions des tribunaux nationaux relatifs à la protection diplomatique les plus importants, et lui fassent part de la pratique étatique en la matière.

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Pour ce qui est du sujet des actes unilatéraux des Etats, la Commission a examiné le premier rapport du Rapporteur spécial. Le débat a concerné essentiellement la portée du sujet, la définition et les éléments des actes unilatéraux, la manière d'aborder le sujet et la forme définitive que pourrait revêtir le résultat des travaux de la Commission. L'accord général s'est fait sur l'idée de limiter le sujet aux actes unilatéraux des Etats destinés à produire des effets juridiques internationaux et d'élaborer des projets d'article assortis de commentaires. La Commission a demandé au Rapporteur spécial de lui présenter, dans son prochain rapport, des projets d'articles sur la définition des actes unilatéraux et sur le champ d'application du projet d'articles, et de poursuivre l'examen du sujet en se concentrant sur les questions concernant l'élaboration et les conditions de validité des actes unilatéraux des Etats.

Sur la question de la nationalité en relation avec la succession d'Etats, la Commission a examiné le quatrième rapport du Rapporteur spécial et constitué un groupe de travail chargé d'examiner l'orientation à donner éventuellement à la deuxième partie du sujet, relative à la nationalité des personnes morales. Concernant le sujet des réserves aux traités, la Commission a examiné le troisième rapport du Rapporteur spécial relatif à la définition des réserves (et des déclarations interprétatives). Elle a adopté sept projets de directive portant sur la définition des réserves, l'objet des réserves, les cas dans lesquels une réserve peut être formulée, les réserves à portée territoriale, les réserves formulées à l'occasion d'une notification d'application territoriale, les réserves formulées conjointement et la relation entre les définitions et la licéité des réserves.

A l'occasion de son cinquantenaire, la Commission a notamment tenu un séminaire consacré à une évaluation critique de ses travaux et aux enseignements à en tirer pour l'avenir, et elle a créé son propre site Web, tenu par la Division de la codification.

La Commission a décidé de tenir sa session suivante à l'Office des Nations Unies à Genève du 3 mai au 23 juillet 1999, et sa session de l'an 2000 du 24 avril au 2 juin et du 3 juillet au 11 août 2000.

Déclarations

Présentant le rapport de la Commission, M. JOAO CLEMENTE SOARES (Brésil), Président de la Commission du droit international (CDI), a rappelé que la CDI, qui commémore son CINQUANTIEME anniversaire, a joué un rôle central pour le développement progressif du droit international et sa codification, ce qui constitue un important jalon dans l'évolution du droit international depuis 1945. La Commission a élaboré plus de 20 textes de projets d'articles établissant des normes dans la plupart des domaines clefs du droit international. Ces textes portent notamment sur la compétence des Etats, la succession des Etats, les ressources naturelles et les relations économiques.

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De nombreux projets de textes ont été finalisés en traités internationaux importants. Les exemples les plus importants concernent le droit des relations diplomatiques et consulaires, le droit des traités, le droit de la mer et le droit des organisations internationales. Ces instruments internationaux ont assumé un rôle fondamental dans leurs domaines spécifiques du droit international. La Cour internationale de justice - organe judiciaire principal des Nations Unies - s'est, pour sa part, référée à de nombreuses occasions, aux projets d'articles élaborés par la CDI. A l'occasion de son CINQUANTIEME anniversaire, la CDI a tenu compte des suggestions formulées dans le cadre du Colloque organisé l'année dernière par la Sixième Commission.

Le Président de la CDI a fait observer que la Commission a accompli d'importants progrès au cours de sa dernière session, notamment en achevant la première lecture des 17 projets d'articles relatifs à la prévention des dommages transfrontières résultant d'activités dangereuses. Des progrès considérables ont également été réalisés en matière de réserves aux traités et de responsabilité des Etats. Elle a terminé sa première lecture sur la responsabilité des Etats, clarifiant des points importants notamment la distinction entre la responsabilité pénale et la responsabilité délictuelle. Par ailleurs, la CDI a poursuivi sa coopération avec les institutions intergouvernementales régionales oeuvrant dans le domaine du droit international public et, en particulier, ses échanges de vues très constructifs avec la Cour internationale de justice.

M. SALIFOU FOMBA (Mali) a souhaité que le traitement de la protection diplomatique dans le droit coutumier serve de base au travail de la Sixième Commission sur ce sujet. Il a fait remarquer que le Groupe de travail devait d'abord se pencher sur les institutions et les règles de la protection diplomatique. Il a appuyé la démarche consistant à axer le sujet sur les règles secondaires du droit international se rapportant à la protection diplomatique. Le représentant du Mali a souhaité que le Groupe de travail sur la protection diplomatique s'attache à examiner les moyens d'assurer cette protection, à savoir : les mécanismes classiques de règlement pacifique des différends et la question des contre-mesures. Le représentant a ensuite approuvé la proposition du Rapporteur spécial de modifier l'intitulé du sujet qui deviendrait "Protection diplomatique de la personne et des biens". M. Fomba a affirmé que la protection diplomatique est un droit de l'Etat, soulignant que dans l'exercice de ce droit, l'Etat devait tenir compte des droits et intérêts de ses nationaux. Il a appelé au développement progressif de la coutume sur le sujet de la protection diplomatique. Abordant de façon plus détaillée la question, le représentant s'est interrogé sur la question de l'existence ou de la non-existence, en droit international, d'un droit de l'individu à la protection diplomatique, sur le degré de consécration d'un tel droit, sur les conséquences qu'aurait la reconnaissance d'un tel droit sur l'ordre juridique. Il a insisté sur la nécessité de prendre en compte les intérêts de l'individu et ceux de l'Etat pour régler de telles questions. Le représentant a rappelé l'engagement du Président de la République du Mali vis- à-vis du droit des maliens à la protection diplomatique.

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Abordant la question des réserves aux traités, le représentant a souligné que la réserve ne pouvait et ne devait avoir qu'un seul but : exclure ou modifier l'effet juridique des dispositions d'un traité à l'égard de l'Etat qui émet la réserve.

M. ROBERTO LAVALLE VALDEZ (Guatemala) s'est félicité des excellents travaux accomplis par la Commission du droit international tant au cours de sa dernière session que depuis sa création. Concernant la prévention des dommages transfrontières découlant d'activités dangereuses, il a estimé que la responsabilité pour risque est différente de la responsabilité absolue. L'Etat à l'origine du dommage est responsable d'une activité qui n'est pas interdite par le droit international. L'obligation énoncée par l'article 3 de prévenir le risque ou de le réduire au minimum ne s'applique qu'aux activités qui comportent un risque de causer un dommage transfrontière significatif. Il convient de modifier la formulation de certaines dispositions du projet de texte abrégé. Lorsqu'on parle de recours judiciaires ou administratifs, il faudrait préciser qu'ils résultent du manquement des mesures de prévention de dommages préjudiciables.

M. TUVAKO N. MANONGI (Tanzanie) a abordé la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international. Le représentant a indiqué que la Commission a réalisé un grand pas en avant, en se prononçant pour l'adoption d'un régime spécifique de prévention en la matière, distinct d'un régime de responsabilité. Il a précisé que cela soulevait de nouvelles questions, comme par exemple celles relatives à la nature juridique de cette obligation de prévention : obligation de moyens ou de résultat? Le représentant a expliqué que l'obligation de prévention est en elle même plus souhaitable que la répression et que le régime de responsabilité revêt à lui seul une double dimension. Il a exprimé ses inquiétudes sur la définition d'un régime de prévention qui ne serait pas à l'abri d'applications de nature subjective.

S'agissant de la légalité des menaces d'un recours à l'usage de la force nucléaire, le représentant a exprimé l'avis qu'il serait opportun d'imputer aux Etats une responsabilité secondaire et non primaire. Le représentant de la Tanzanie a justifié sa position en précisant que dès lors que l'on cherchait à établir des règles de responsabilité, il ne fallait pas occulter les agissements des acteurs principaux. A l'appui de sa position, il a invoqué les principes applicables en matière de pollution qui prévoient la responsabilité directe de l'auteur du dommage.

M. LUCIUS CAFLISCH, Observateur de la Suisse, a estimé qu'en ce qui concerne la question de la prévention des dommages transfrontières, le projet d'articles élaboré par la Commission du droit international revêt un intérêt considérable parce qu'il donne une nouvelle orientation à des travaux qui paraissent bloqués. La caractéristique principale du projet est qu'il consacre un devoir de prévention fondé sur la règle de la diligence due, que ce devoir n'est pas absolu mais s'apprécie en fonction des intérêts en

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présence, et qu'il ne porte pas sur la responsabilité internationale pouvant résulter d'un dommage causé par une activité dangereuse - bien que la violation, par un Etat, du devoir de prévention établi dans le projet d'articles puisse par ailleurs engager la responsabilité de cet Etat. Sa délégation n'a pas, à ce stade, de position arrêtée sur le point de savoir si un Etat doit répondre d'un éventuel manque de diligence si le risque, en fin de compte, ne se réalise pas. Si le risque se matérialise, en revanche, l'Etat est responsable dans le cadre de son devoir de diligence; autrement dit, l'obligation demeure une obligation de moyens, qui peut du reste être doublée d'une obligation civile de l'exploitant. Pour ce qui est du règlement pacifique des différends, la délégation suisse estime que si un différend ne peut être réglé à la suite de l'enquête, tout Etat partie au litige devrait pouvoir déclencher une procédure juridictionnelle aboutissant à une décision contraignante.

Abordant la question de la protection diplomatique, M. Caflisch a souhaité que la CDI établisse une distinction claire entre les règles matérielles et les règles de caractère procédural. La protection diplomatique est et doit demeurer un droit appartenant à l'Etat, avec toutes les conséquences que cela comporte. Cette manière de voir va conditionner la solution de la question difficile mais intéressante des relations entre protection diplomatique et protection internationale des droits de l'homme. Ainsi l'exercice de la protection diplomatique restera un droit de l'Etat, alors que les systèmes internationaux de protection des droits de l'homme servent à mettre en oeuvre des droits individuels. Cela étant, les deux mécanismes doivent demeurer séparés, même si leurs objets se recouvrent partiellement. La Suisse estime que la CDI devrait axer ses travaux sur l'étude de la protection diplomatique et ne pas préjuger les questions relevant de la protection internationale des droits de l'homme, en évitant notamment de soulever la question de savoir si l'exigence de l'épuisement des recours internes englobe les voies offertes par les systèmes internationaux de protection des droits de l'homme. Dans un premier temps, la CDI devrait limiter son examen aux aspects généraux de la question et à la protection des personnes physiques, domaines où la codification ne semble pas trop problématique. Dans une seconde phase, elle pourrait consacrer ses travaux au problème de la protection des sociétés ou associations.

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