AG/EF/232

L'INTEGRATION A L'ECONOMIE MONDIALE EXIGE DE LA PART DES PAYS UNE PROGRESSION SIMULTANEE DES REFORMES INSTITUTIONNELLES ET ECONOMIQUES

22 octobre 1998


Communiqué de Presse
AG/EF/232


L'INTEGRATION A L'ECONOMIE MONDIALE EXIGE DE LA PART DES PAYS UNE PROGRESSION SIMULTANEE DES REFORMES INSTITUTIONNELLES ET ECONOMIQUES

19981022 La Commission économique et financière (Deuxième Commission) et le Conseil du commerce et du développement de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) ont tenu ce matin une réunion conjointe en vue d'examiner le thème "Les répercussions de la crise financière sur le commerce, l'investissement et le développement - Perspectives régionales". Les co-présidents de la réunion, M. Supachai Panitchpakdi et Vice-Premier Ministre de la Thaïlande ainsi que M. Bagher Asadi, Président de la Deuxième Commission ont fait remarquer que le débat sur la crise asiatique avait jusqu'ici fait prévaloir le point de vue des Etats. C'est la première table ronde qui a abordé la mondialisation sous l'angle du secteur privé et des commissions régionales. Aussi, la parole a été donnée au Vice-Président d'Unilever (Asie et Pacifique), à la Directrice générale de Scudder Kemper Investments et au Vice-Président de Goldman Sachs International, ainsi qu'aux représentants des Commissions régionales des Nations Unies pour l'Europe, l'Asie occidentale, l'Amérique latine et les Caraïbes et pour l'Afrique.

La Commission a ainsi donné l'occasion aux représentants des commissions régionales des Nations Unies de dire que les graves répercussions de la crise financière dans les différentes régions du monde sont principalement imputables à l'absence d'institutions nationales et internationales capables de faire face aux nouvelles données de l'économie mondiale. Le Secrétaire exécutif de la Commission régionale des Nations Unies pour l'Europe a, par exemple, fait remarquer qu'en Fédération de Russie les processus de libéralisation de l'économie et de privatisation des entreprises se sont déroulés sans la réforme nécessaire des institutions et du système bancaire, et sans l'élaboration d'une loi efficace sur les entreprises. Il a plaidé pour une progression simultanée des réformes institutionnelles et du processus de libéralisation. Les délégations ont, elles, fait valoir que la vulnérabilité des pays est d'abord imputable au caractère volatile des capitaux privés et à la trop grande dépendance des capitaux à court terme. Ils ont donc demandé la création d'une architecture financière internationale capable d'exercer un contrôle efficace sur ces flux.

(à suivre - 1a)

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La Commission a entendu le Vice-Président de Goldman Sachs International qui a souligné, pour sa part, la difficulté qu'il y aurait à créer une telle architecture. Il a insisté sur le lien entre retrait brutal des capitaux et perte de confiance des investisseurs. Le meilleur moyen de contrôler les flux serait de diffuser des informations fiables et de promouvoir la transparence des affaires économiques. Pour ce qui est des crédits à court terme, il a appelé au renforcement du système bancaire, qui doit mettre en place des normes d'évaluation des risques efficaces.

Les délégations ont également abordé la question du développement en Afrique et de la part de l'APD et des flux de capitaux privés dans le financement de ce développement. Certains intervenants ont souligné que dans l'état actuel des choses, l'Afrique ne peut compter sur les capitaux privés qui préfèrent se diriger vers les régions à profit élevé. A l'instar d'autres orateurs, la Vice-Présidente de Scudder Kemper Investments a insisté sur des éléments tels que des politiques macroéconomiques saines et une structure institutionnelle solide, qui, pour elle, garantissent à terme le flux important de capitaux privés. Pour un autre intervenant, la capacité des Etats à gérer les ressources et à combattre la corruption active et passive conditionne de plus en plus l'aide au développement.

La Commission poursuivra son débat général cet après-midi à 15 heures sur les questions de l'environnement et du développement durable.

Réunion conjointe de la Deuxième Commission et de la CNUCED sur le thème "Les répercussions de la crise financière sur le commerce, l'investissement et le développement - Perspectives régionales"

M. RUBENS RICUPERO, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a souligné que la réunion conjointe ne vise en aucun cas à répéter ce qui a déjà été dit sur les répercussions de la crise financière et monétaire mondiale. Elle vise, au contraire à apporter des éléments nouveaux dans deux domaines de réflexion, à savoir le secteur privé et la perspective régionale. Pour la première fois en effet, la réunion s'ouvre avec la participation des cinq Commissions économiques régionales des Nations Unies. Cette réunion doit donc essayer de transmettre un message dynamique selon lequel les crises ne doivent pas être acceptées avec fatalisme mais qu'il faut, au contraire, y faire face avec détermination. Des propositions concrètes doivent être avancées et il faut espérer que les gouvernements en prendront bonne note.

M. BAGHER ASADI, Président de la Deuxième Commission, a estimé que la réunion conjointe devra être louée comme étant le fruit de l'ère des communications et devra être l'occasion d'apporter une contribution précieuse au dialogue international sur la crise financière actuelle. Si le processus de mondialisation et de libéralisation des échanges est une réalité pour le meilleur et pour le pire, la question qu'il faut se poser est de savoir comment faire face à cette réalité. Il est clair qu'aucun pays n'est à l'abri des répercussions du processus en cours. Il est clair aussi qu'il n'existe aucune solution évidente. La recherche de solutions suppose d'abord une bonne compréhension du problème. Au cours des dernières semaines, la Commission a entendu une évaluation des crises du point de vue des Etats Membres. L'occasion est offerte, aujourd'hui, d'examiner la question du point de vue du monde des affaires et des finances et de celui des commissions régionales des Nations Unies.

M. NITIN DESAI, Secrétaire général adjoint du Département des affaires économiques et sociales, a indiqué que cette ère a été caractérisée par le poids de la communauté atlantique. Bien entendu, elle dépasse en fait l'Atlantique. La crise financière actuelle est aussi une crise économique et de développement mondial. La communauté mondiale n'est pas seulement préoccupée par l'aspect financier de la crise, mais aussi par son impact sur le développement. C'est là une dimension de cette crise qui intéresse la Deuxième Commission et la CNUCED, en particulier, et c'est pour cela que ces deux institutions ont organisé cette réunion conjointe qui leur permettra de mieux cerner les effets de la crise.

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M. SUPACHAI PANITCHPAKDI, Vice-Premier Ministre de la Thaïlande et Président de la réunion de haut niveau du Conseil du commerce et du développement, a indiqué, s'agissant de la réunion de haut niveau, qui a eu lieu tôt ce matin à Genève, que les débats ont été centrés sur la crise et sur les mesures à prendre afin qu'elle ne se reproduise plus. Ont pris part aux discussions, les représentants des petites et moyennes entreprises, les représentants des commissions régionales et des responsables politiques. Sans minimiser l'impact de la crise, les représentants des entreprises ont fait part de leur expérience en matière de lutte contre la crise. La crise a particulièrement touché les petites et moyennes entreprises avec des effets graves aussi bien sur la demande que sur l'offre. La crise financière a entraîné un recul des demandes nationales, un accroissement du chômage et de l'inflation, une hausse des coûts de production et du coût du crédit. Aussi, les PME qui ont voulu continuer à investir dans des équipements nouveaux ont fait face à des difficultés. Certaines entreprises ont toutefois réussi à maintenir un certain niveau d'emploi malgré le rétrécissement de la demande. La crise a même pu avoir des effets positifs : le marché national pour les produits de substitution a augmenté, les partenariats entre les entreprises se sont renforcés, l'accent a été mis sur une technologie de meilleure qualité, la palette des produits offerts s'est accrue, laissant de côté les produits les moins importants. Aussi certaines PME ont pu garder "la tête au-dessus de l'eau" en modifiant leurs activités. D'autres ont dû mettre "la clef sous la porte". Il faut tout faire pour minimiser l'impact de la crise sur les plus pauvres de la société. Les coûts de la crise ne sont pas seulement soudains. La crise a montré la faiblesse des institutions internationales et la nécessité de mettre en place des règles internationales nouvelles, afin de mieux prévoir et gérer les crises à l'avenir. Des efforts doivent être faits pour assurer la stabilité sociale.

Ce matin, les participants au segment de haut niveau ont aussi brossé un tableau des effets régionaux de la crise. En Asie du Sud et de l'Est, on a assisté à une réduction de la demande de pétrole et d'autres produits de base, ainsi qu'à une réduction de la taille des portefeuilles et des titres. En Inde et en Chine, en revanche, la croissance a été très peu affectée, et dans d'autres pays, on commence à voir des signes positifs. L'expérience de la crise asiatique devrait enfin permettre de souligner des problèmes qui sont plus rarement discutés, tels que la féminisation du chômage.

M. JOSE ANTONIO OCAMPO, Secrétaire exécutif de la Commission régionale des Nations Unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes, a souligné que dans cette région, les effets de la crise asiatique ont été notamment ressentis dans les domaines de la finance et du commerce avec notamment la baisse des prix des produits de base due principalement à la réduction de la demande en Asie. Les prix des produits de base sont très importants pour certains pays comme le Venezuela, qui a connu un choc équivalent à 6% du PIB à la suite de la baisse du prix du pétrole.

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Dans le domaine financier, il est permis de parler de deux phases dont la première a été le choc d'octobre 1997 qui a coïncidé avec le deuxième choc en Asie. Ce choc a été dur pour le Brésil et relativement superficiel pour le reste de la région. En août et septembre, en revanche, le choc a été important et généralisé et a eu pour conséquence d'interrompre les flux financiers les plus volatiles; les taux d'intérêt sur les obligations étant à des taux prohibitifs de 15 à 25%.

Les autorités latino-américaines ont répondu de manière exceptionnellement rapide à ce choc d'autant que les analystes s'accordent à dire que les répercussions de la crise sur les produits de base et sur la finance ont dépassé toutes les prévisions économiques. En Amérique latine, en particulier, les prévisions chiffraient le taux de croissance à 5% en 1997 alors qu'il n'a été que de 2,6% pour l'ensemble de l'année. Pour le dernier trimestre de cette année, il est prévu que le taux de croissance sera de 1% à peine. La crise et ses répercussions viennent de montrer qu'il faut désormais faire preuve d'humilité et admettre que personne ne sait comment prévoir et gérer les crises économiques. Il est clair, aujourd'hui, que le monde ne dispose pas d'outils macroéconomiques nécessaires pour la gestion de telles crises. La crise actuelle a également mis à jour les risques systémiques inhérents au système financier mondial. Aucune institution financière actuelle ne pourra gérer, de manière adéquate, la mondialisation des marchés financiers. La crise a aussi montré le besoin pressant d'adopter des mesures à court terme afin d'éviter une propagation du mal à un rythme encore plus rapide. Il faut donc que les pays industrialisés mettent en place des politiques expansionnistes. Cette nécessité a été reconnue par les Etats- Unis, le Japon et certains pays européens. Il est évident qu'à l'exception du Japon, des mesures importantes ont été prises dans le domaine monétaire. Certaines incitations budgétaires seront encore nécessaires même en dehors du Japon. Toujours sur le court terme, il faut également dépasser l'adoption de mesures ponctuelles et recourir davantage à des politiques qui ont une certaine continuité. Ainsi les chefs d'Etat et de Gouvernement du Sommet ibéro-américain ont demandé la constitution de fonds sur une base permanente.

Compte tenu du fait que la crise financière a mis en lumière certains risques systémiques du système financier international, il est urgent de revoir l'architecture financière internationale et en conséquence, de renforcer la coopération internationale dans ce domaine. Elle doit conduire à des éléments tels que la coordination au plan macroéconomique, une supervision plus étroite du FMI, la création d'un mécanisme de règlement des litiges au sein du FMI, la promotion de la transparence, une réglementation concernant la supervision des finances et des banques et à des accords associant le secteur privé. Il faut aussi un contrôle plus strict des flux de capitaux à court terme à la fois à la source et par les pays bénéficiaires. Il ne s'agit pas de penser à une libéralisation plus avant des marchés mais d'asseoir d'abord les bases du marché actuel.

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Il faut consolider la gestion économique au plan national. Il faut créer des zones tampons plus fortes pour mieux accuser les effets de la crise, consolider les institutions financières internationales et nationales, et instaurer des régimes de taux de change sains conjugués à une gestion active de la dette extérieure.

M. PANITCHPAKDI a espéré qu'une nouvelle architecture internationale allait effectivement voir le jour. La crise financière a eu des effets qui ont dépassé la région asiatique. Aussi l'expérience du Vice-Président d'Unilever mérite d'être rapportée.

M. ANDRE VAN HEEMSTRA, Vice-Président d'Unilever (Asie et Pacifique), a souhaité faire part de la perspective d'Unilever, à la suite de la crise. Il a souligné les effets des turbulences asiatiques sur le consommateur. En Asie, le panier de la ménagère a été bouleversé par la crise. Le Vice-Président a donné l'exemple d'une femme au foyer typique avec quatre enfants, qui, à la lumière de la baisse du salaire de son mari, a vu la somme d'argent dont elle dispose pour faire ses courses diminuer de moitié. En parallèle, les prix ont augmenté de 150 à 200%. Cette femme ne va plus au supermarché local et va plutôt acheter des sacs de nourriture dans l'épicerie. Elle mange moins de poulet rouge et de poisson. Aussi, la crise est ressentie durement par les ménages depuis 1996, les salaires ayant baissé de 3 à 6%. En outre, la crise est ressentie par le biais de l'inflation. Ces effets combinés ont réduit le pouvoir d'achat des consommateurs dans des pays comme la Thaïlande et l'Indonésie. A cela s'ajoute une crise de confiance des ménages. Une étude récente faite par Unilever montre que les habitants d'Indonésie et de la Malaisie sont extrêmement pessimistes face à la crise actuelle. Cependant, les résultats de cette étude montre la détermination des gens qui sont décidés à survivre. Par exemple, on voit se multiplier les petites boutiques qui vendent de tout. Les individus ont réagi de manière imaginative, les entreprises doivent faire de même. Unilever a essayé de déployer davantage ses activités, en s'adaptant et en ajustant ses activités. A Manille et en Indonésie, le nombre des magasins qui vendent nos produits s'est accru. La crise a obligé Unilever à utiliser des alternatives simples mais nouvelles qui lui ont permis d'atteindre les lieux les plus reculés. En outre, Unilever a produit des produits moins chers, qui utilisent des technologies nouvelles et moins coûteuses, des produits avec des portions réduites pour être plus abordables. D'autre part, les coûts d'empaquetage ont été réduits, et des produits dont l'emballage peut être réutilisé ont été mis sur le marché. Toutes ces mesures ont pu réduire les coûts.

En outre, Unilever utilise les expériences acquises à d'autres moments et dans d'autres régions du monde par le groupe. Unilever est une multinationale multilocale au sein de laquelle ont lieu des transferts de savoir-faire et de techniques de marketing. La concurrence est encouragée au sein de ses activités.

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En Indonésie, Unilever travaille avec une multitude de petites entreprises. Dans un esprit d'interdépendance, toutes les parties de l'entreprise doivent travailler à éviter les mauvais rendements. Plus que jamais, les entreprises doivent revoir leur processus de fonctionnement intérieur et extérieur. Il s'agit, outre de réduire les coûts de production, d'éviter le gaspillage et les pertes de matériel superflus. Une meilleure gestion de la trésorerie des entreprises est indispensable pour faire face à cette crise. C'est d'abord aux multinationales que revient cette responsabilité d'assainissement. En découleront ensuite des effets positifs sur les entreprises locales. Aussi un dialogue au niveau mondial est plus que jamais nécessaire.

M. ALI GADER ALI, Directeur de la Division des politiques économiques et sociales de la Commission régionale des Nations Unies pour l'Afrique, a estimé que le défi auquel devra faire face le continent africain est de relancer l'investissement, le commerce et le développement sur une base durable. La marginalisation de l'Afrique dans le monde est un fait indiscutable comme le montrent, par exemple, sa part dans le commerce mondial qui est de 2% et sa part dans les exportations mondiales qui se chiffre à 0,02%. Dans la mesure où la crise financière a eu une incidence sur toutes les régions, le continent africain verra s'accroître sa vulnérabilité. Le retard de l'Afrique en matière de développement est imputable à son incapacité de transformer sa structure de production, qui est une donnée importante dans le processus du développement. Dans de telles conditions, les prescriptions macroéconomiques ne peuvent avoir que des effets superficiels. Aujourd'hui la tâche de développement se voit de plus en plus compliquée par la mondialisation qui montre clairement qu'aucune stratégie de développement viable ne semble pouvoir s'appliquer à ce continent, contrairement aux pays d'Asie.

Il faut dire aussi que le poids de l'endettement extérieur en Afrique a été sous estimé. Aujourd'hui les dirigeants africains se sont mis d'accord pour dire que cette question doit être abordée sous l'angle de la responsabilité partagée et ont souligné que celle des créanciers doit être de viser son annulation. Malgré les réflexions qui ont été faites sur les incidences de la dette extérieure dans le développement du continent africain, la priorité demeure tout de même la lutte contre la pauvreté. D'après les experts, la réalisation de cet objectif nécessitera une augmentation du taux de croissance annuel de 5,8%. Si la population continue d'augmenter de 2% par an, le PIB devra connaître un taux de croissance de 9% par an pour permettre au continent de réaliser l'objectif visant à réduire la pauvreté de moitié d'ici à l'an 2015. Il est clair que ce postulat est irréalisable dans un contexte d'absence de capitaux et de chute de l'APD. Le processus de refonte du système financier international devra donc accorder l'attention requise au financement du développement en Afrique.

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M. PANITCHPAKDI a indiqué, pour répondre à M. Ali Gader Ali, que lorsque l'on évoque une nouvelle architecture internationale, il ne doit pas s'agir d'un détournement de l'APD. En outre, des mesures d'allégement de la dette doivent être mises en place.

Mme JOYCE CORNELL, Directrice générale de Scudder Kemper Investments, Inc., a voulu définir l'expression de "contagion de la crise financière". On pense d'abord a l'effondrement des marchés. Cette contagion est transmise par un manque de confiance lié à une panique des investisseurs. Le deuxième aspect de la contagion à laquelle on assiste dans l'économie réelle est la déflation qui est relayée par le commerce, plus que par les marchés financiers. En tant qu'investisseur, la Directrice générale a déclaré que nous nous trouvons dans un cycle du crédit extrêmement habituel, même s'il est douloureux. Lorsque tout va bien, on oublie qu'il y a un risque derrière tout investissement. On a redécouvert, il y a deux ans, que les placements comportent des risques. Alors que le cycle du crédit diminue, les liquidités sont moins disponibles sur les marchés. Ce qui préoccupe dans cette crise, c'est la déflation. La déflation a été exportée dans le monde entier. La bonne nouvelle, c'est que tout a une fin, la mauvaise nouvelle, c'est qu'il n'y a pas de remède miracle. Le FMI n'a pas trouvé de solution magique. Il faut du temps, un meilleur rééchelonnement de la dette, une remise sur pied des capacités et des investissements accrus.

Aujourd'hui, il y a des pays favorables aux investissements, notamment parmi les marchés émergents qui ont échappé aux aspects les plus graves de la crise. Parmi ces pays, on peut citer ceux d'Afrique du Nord, du monde arabe, et d'Europe centrale. Scudder Kemper Investments Inc. a plus d'argent en Afrique subsaharienne qu'en Asie. Quelles sont les caractéristiques de ces pays qui sont favorables aux investissements? Ils ont de bonnes politiques qui sont accueillantes aux investisseurs. Scudder Kemper Investments Inc. va là où le retour à l'investissement est respectable et là où le risque est gérable. D'autre part, dans certains pays d'Europe centrale, la convergence vers l'euro a permis la mise en place de politiques macroéconomiques très transparentes. Dans ces pays, on est passé d'un risque élevé à un risque faible. Les politiques imposées par l'Union européenne ont donc été très favorables. En Egypte, Scudder Kemper Investments Inc. agit sur le long terme. Au plan macroéconomique, le déficit représente 1% du PIB, en recul par rapport à l'année précédente; l'inflation est stabilisée à 3,5%, en recul également; la croissance des gains de productivité a atteint 9% sur trois ans. Tout ceci est le résultat du processus de privatisation. Ces dernières années des entreprises publiques ont été privatisées qui étaient mal gérées. En outre, la mise sur pied de petites entreprises est relativement facile. Aussi, beaucoup de petites entreprises ont vu le jour. 5 à 6% de taux de croissance ont été dégagés au cours de ces dernières années, en dépit des tragédies que vit le pays. En outre, les Egyptiens n'ont pas de problème de la dette.

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Au niveau microéconomique, les entreprises en Egypte ont très peu de dette. Elles n'ont pas besoin de rechercher des capitaux à l'extérieur. Les entreprises se développent à un rythme de 15% par an. En Egypte et au Kenya, les dividendes rapportent suffisamment d'argent pour que l'on ne cherche pas à investir ailleurs. Les marchés sont relativement peu chers. Le marché égyptien est extrêmement liquide. Certaines des banques ont une adéquation de capitaux de 20%, elles n'ont donc pas besoin d'accès au marché des capitaux. En matière de réglementation bancaire, la situation en Egypte est également très favorable.

Une meilleure supervision bancaire est nécessaire dans le monde entier. Si les politiques macroéconomiques étaient stables, si on pouvait espérer un retour des investissements, les capitaux se dirigeront vers ces endroits. Nous sommes dans la partie creuse du cycle, mais il y a une lueur au bout du tunnel, comme on commence à l'entrevoir en Thaïlande. Les pays qui ont les politiques les plus saines s'en sortiront le mieux.

M. YVES BERTHELOT, Secrétaire exécutif de la Commission régionale des Nations Unies pour l'Europe, a indiqué qu'en Fédération de Russie, la crise asiatique a eu pour principale conséquence de faire chuter le prix des matières premières et d'augmenter le coût des emprunts. Il a souligné que la crise russe n'est pas totalement imputable aux répercussions de la crise asiatique. En effet, en 1995 le pays avait adopté des politiques de stabilisation des prix et des taux de change et mis en place des programmes de privatisation, sans toutefois procéder à la réforme requise des institutions, des entreprises et du système bancaire. En conséquence, les privatisations n'ont bénéficié qu'à quelques initiés qui n'ont pas été incités à restructurer et à faire les investissements nécessaires. En outre, l'absence de réformes fiscales a entraîné un déficit budgétaire que le pays a financé par des emprunts à court terme placés sur les marchés internationaux. Ces faits ont entraîné une grande faiblesse qui a conduit à la crise du mois d'août. Plus fondamentalement, les déficits budgétaires et le manque de liquidités pour le financement des investissements ont fait baisser le taux des investissements qui s'est conjugué à une baisse du PIB. En Europe centrale, les effets de la crise asiatique ont été faibles compte tenu de la faiblesse des échanges avec le continent asiatique. Il n'en a pas été de même pour la crise russe. Il est apparu que les pays d'Europe centrale qui ont pu reconvertir leurs échanges vers l'Union européenne ont été moins affectés par les crises. Les autres se sont vu condamnés à maintenir les échanges avec la Fédération de Russie et à subir de plein fouet la crise qu'elle connaît.

Les effets indirects de la crise ont été la détérioration du marché des capitaux. Depuis la crise russe, aucun pays à économie en transition n'a émis d'obligations et d'actions ou bénéficié de prêts syndiqués. Il est pourtant encourageant de constater que pour l'instant les investissements étrangers directs n'ont pas faibli en Europe centrale, en particulier en Hongrie, en République tchèque et dans les pays baltes.

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Ces investissements n'ont pas baissé parce qu'elles reposent sur des décisions prises de longue date mais surtout en raison des perspectives d'adhésion des pays d'Europe centrale à l'Union européenne. Il faut espérer que ces investissements continueront d'autant qu'il est préoccupant que le financement des déficits des comptes courants devient de plus en plus difficile. L'équilibre du compte extérieur dépendra donc de la capacité d'exportation vers l'Union européenne. A cet égard, l'Europe de l'Ouest pourra-t-elle éviter la crise et devenir un facteur de maintien de la croissance dans le monde? A l'heure actuelle, l'euro est un facteur positif puisqu'il protège des pays qui autrement auraient été attaqués surtout depuis la baisse relative du dollar. Il faut toutefois surveiller les réactions lorsque les banques, qui ont essuyé des pertes dans la Fédération de Russie et en Asie, vont annoncer des baisses de leurs profits. De plus, une tension se fait sentir sur le marché interbancaire comme le montre le problème émergent de crise des liquidités aux Etats-Unis. La Commission européenne vient de réviser à la baisse le taux de croissance de l'Union européenne qui passe de 3,2 à 2,6%. Ces ordres de grandeur sont préoccupants car ce sont des taux qui ne prennent pas en compte la baisse des taux de chômage. Partant, les pressions protectionnistes vont s'accentuer.

En ce qui concerne la Fédération de Russie et les pays de la CEI, la question qui se pose est fonction du temps et de la substance des réformes que doivent adopter les dirigeants de ces pays. La libéralisation et la privatisation en l'absence d'institutions appropriées conduisent à des désastres. Il faut donc une progression simultanée des réformes institutionnelles et de la libéralisation. Ces pays doivent élaborer un plan sur plusieurs années et ordonner les réformes institutionnelles, la privatisation, la libéralisation et la restructuration. En Europe centrale, il faudra maintenir le cours des réformes et les politiques d'accueil des investissements étrangers, en particulier, les programmes de privatisation. Pour l'Union européenne, il est indispensable de résister aux pressions protectionnistes et d'être plus ouvert aux exportations de la CEI. Il est également indispensable de soutenir la croissance dans l'Union européenne en baissant, par exemple, les taux d'intérêt car aucun risque inflationniste n'existe. Certains ont avancé l'idée d'une augmentation des dépenses publiques. Mais la difficulté sera d'assurer une cohérence entre une politique monétaire restrictive et une politique budgétaire relativement laxiste.

M. ROBERT D. HORMATS, Vice-Président de Goldman Sachs International, a proposé quelques idées pour modifier le système financier international. Il s'agit d'un problème qui ne peut être régler qu'à court terme. La crise s'inscrit dans un phénomène de cycle. Il n'y a donc pas de recettes faciles. Les réponses supposent souvent des réductions d'effectif ainsi que la réduction et la restructuration du secteur mondial bancaire. Certains pays ont fait des efforts considérables pour aller dans ce sens, pour renforcer leur système bancaire, pour améliorer l'environnement économique.

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Les bonnes politiques sont toujours récompensées. Une des difficultés est de trouver des réponses rapides qui donnent des effets à court terme. Plusieurs pays, particulièrement ceux qui sont touchés par la crise, doivent procéder à des changements dans leur économie. La République de Corée commence une restructuration de son système bancaire. La Thaïlande a également entrepris des mesures importantes. En Europe orientale, des efforts sont faits pour étendre les réformes. En Amérique latine, des changements importants ont été réalisés après la crise mexicaine dans la gestion des systèmes bancaires. Le Vice-Président a souhaité faire plusieurs propositions en matière de contrôle du capital. Deux idées ont souvent été mises en avant : limiter ou atténuer l'afflux de capitaux à court terme, et prendre des mesures plus restrictives à l'égard de la sortie de capitaux. Si des mesures pour limiter l'afflux de capitaux ont pu être nécessaires dans certains pays, il faut faire attention à ne pas empêcher l'afflux de capitaux à long terme. La volonté de diminuer l'afflux des capitaux peut avoir un effet positif s'il s'agit d'un élément faisant partie d'une stratégie, comme cela a été le cas au Chili. D'autres pays ont choisi de retenir les capitaux. Mais il est évident que les investisseurs sont réticents à l'idée d'aller dans un pays qui risque de retenir leurs capitaux s'ils souhaitaient en partir. Les investisseurs sont actuellement préoccupés par le risque d'extension de ce type de mesures. En fait, la solution doit venir d'un changement dans le système bancaire.

En matière de taux de change, comment arriver à leur stabilité et éviter leur rigidité? Les Etats-Unis ont connu une grande volatilité, ces derniers mois. Comment avoir un régime de taux de change plus raisonnable au niveau international? Si un pays choisi un régime de taux fixe, il doit être conscient du fait que la banque centrale devra accroître les taux d'intérêts de manière dramatique pour défendre la monnaie nationale en cas d'attaque extérieure. Un régime acceptant une certaine flexibilité des taux de change est peut-être une meilleure solution. Cette flexibilité doit être toutefois gérée sérieusement. Certains pays peuvent enfin accepter un système de double monnaie, avec des monnaies comme le dollar ou l'euro par exemple.

De nombreuses propositions ont été faites pour modifier la structure financière internationale. L'idée d'une banque centrale au niveau mondial est irréaliste. Une proposition intéressante serait que les responsables des systèmes bancaires du monde entier se réunissent régulièrement au niveau régional pour se concerter et réviser leur stratégie. En outre, le FMI et la Banque mondiale pourraient faire des propositions ex-ante, afin de prévenir les crises et les turbulences. La banque mondiale et les banques régionales pourraient avoir un rôle plus important à l'égard des pays qui n'ont plus accès aux capitaux. Enfin, l'assistance humanitaire est très importante à ce stade. L'Indonésie a été largement frappée par la crise. Pendant que le pays met en place les mesures nécessaires pour sortir de la crise, il faudrait venir en aide à ses populations.

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Les exposés des conférenciers ont été suivis d'un échange qui a permis au représentant de l'Indonésie, de s'adresser à la Directrice générale de Scudder Kemper Investments Inc., pour dire qu'avant la crise, l'Indonésie était l'objet d'éloges de la part de la communauté internationale. La situation en matière de capitaux était si propice que l'Indonésie en recevait presque trop. Si les prêts commerciaux ont presque doublés par rapport aux investissements, ils ont aussi été les premiers à fuir en cas de panique. Le représentant a voulu savoir quelle était la meilleure stratégie à adopter en matière de prêts et de capitaux. A ce propos, le représentant de l'Inde a suggéré l'établissement d'arrangements institutionnels visant à éviter un retrait brutal de ces capitaux, cause principale, a-t-il souligné, des situations de panique. Il est également revenu sur le postulat selon lequel la crise actuelle est liée à une trop grande dépendance des Etats aux crédits à court terme. Dans un tel contexte, il a jugé utile de promouvoir une certaine uniformité des réglementations bancaires par le biais des banques régionales qui se verraient octroyer le mandat d'élaborer des normes internationales susceptibles de juguler les crises. Le représentant s'est interrogé sur la manière de consolider les bases institutionnelles en même temps que les réformes économique et le processus de libéralisation. Poursuivant sur ce thème, le représentant de l'Iran à la CNUCED, a, lui, estimé qu'une des causes de la crise actuelle est la disparition du lien entre capital et productivité. Sans ce lien, un développement soutenu et sain a peu de chance de surmonter les turbulences financières. Il n'existe en outre pas de réglementation sur les investissements en valeur, ceux-ci entrent et partent en fonction de leur bon plaisir sans prendre en compte les besoins des pays. Il faut négocier un moratoire sur le capital. Un prêteur de dernier ressort devrait être là pour éviter les accidents. Il n'y a pas de modèle de développement unique.

Répondant à ces questions, le Vice-Président de Goldman Sachs international a souligné que le retrait des capitaux est bien souvent lié à la perte de confiance des investisseurs. Pour lui, cette question peut être résolue par la diffusion d'informations fiables et la promotion de la transparence dans les affaires. Quant à la question de la volatilité des crédits à court terme, il a estimé qu'elle exige un renforcement de la supervision bancaire. Pour lui, il faut encourager l'adoption de mesures de prudence et d'évaluation des risques pour les prêts à court et moyen terme. Il faut tout mettre en oeuvre pour que les banques utilisent des normes de prudence plus strictes et qu'elles évitent notamment de spéculer sans filet sur les devises fortes. Répondant particulièrement à l'Indonésie, la Directrice générale de Scudder Kemper Investments Inc. a répondu qu'en tant qu'investisseur, Scudder Kemper a commencé à remettre en cause ces éloges à l'égard des pays d'Asie, il y a plusieurs années, mais personne n'a fait attention à ces avertissements. La crise nous a rendus plus sages. Des investisseurs à court terme ont été pris dans le mirage des rendements à court terme. Les agents de classement ont tendance à refléter la situation, et à se tourner vers le passé plus que vers le futur. En matière d'épargne, l'excès d'épargne est négatif, car il est mal placé ou gaspillé.

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- 12 - AG/EF/232 22 octobre 1998

Pour sa part, le représentant du Bénin a souligné la réticence des investissements à se diriger au Sud du Sahara. La communauté internationale devrait se fixer comme objectif d'aider les pays d'Afrique qui, pour la plupart, mettent en place les réformes nécessaires pour attirer les investissements. Les capitaux privés sont à la recherche de profit à court terme. Comment concilier la recherche de profit avec les objectifs du développement? Le représentant du Yémen a lui souligné que pour éviter la marginalisation des pays en développement, il faut mettre des programmes particuliers d'aide à ces pays; les caractéristiques de chacun des pays devant être prises en compte. Intervenant à son tour, le représentant de Sainte- Lucie a constaté que la plupart des analyses du débat ont oublié les petites économies vulnérables.

Répondant sur ce thème, le Directeur de la Division de la Coopération économique et commercial de l'Union européenne a, lui, estimé que la question est de savoir comment les donateurs peuvent adapter les stratégies de coopération aux risques de la mondialisation. Les différentes analyses montrent la nécessité de soutenir les processus de libéralisation multilatéraux en jugeant tout aussi impératif de soutenir les efforts d'intégration économique régionale. Ces efforts, a insisté l'orateur, peuvent contribuer à stabiliser l'environnement économique et à assurer la continuité des réformes. Elles peuvent aussi se révéler une étape appropriée d'une intégration réussie dans l'économie mondiale. La crise actuelle ne doit pas remettre en cause la nécessité des réformes, elle doit, au contraire, confirmer la nécessité de progresser dans cette voie et ouvrir la voie à la seconde étape qui visera le renforcement des systèmes financiers, de la supervision des marchés financiers et les capacités administrative et institutionnelle. La crise montre aussi, a poursuivi l'intervenant, la nécessité d'inscrire les réformes dans une vision à long terme et de maintenir une cohérence entre les dimensions économique et sociale du développement et l'état d'avancement du processus de libéralisation politique. Il s'agit en fait d'assurer la durabilité politique et sociale des réformes économiques. Le succès de l'action des donateurs dépend d'un cadre respectueux des droits de l'homme, des principes démocratiques, de l'établissement d'Etat de droit et de la bonne gestion des affaires publique. Mais il dépend avant tout de la capacité institutionnelle des pays à gérer efficacement les ressources et à lutter contre la corruption active et passive. Aujourd'hui, a-t-il conclu, il faut relativiser le point de vue selon lequel le flux des capitaux privés doit se substituer à l'APD. Les chiffres sont suffisamment éloquents et montrent que les pays les plus pauvres de la planète n'ont aucune chance de voir l'investissement étranger remplacer l'APD sans la mise en place préalable d'un environnement favorable. Or dans l'état actuel des choses, cet environnement ne peut être financé que par l'APD. L'Aide publique au développement doit donc demeurer significative, c'est un impératif économique, politique mais aussi humanitaire.

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