AG/J/231

LES DELEGATIONS SONT DIVISEES SUR L'OPPORTUNITE DE LA CODIFICATION DES ACTES UNILATERAUX DES ETATS

7 novembre 1997


Communiqué de Presse
AG/J/231


LES DELEGATIONS SONT DIVISEES SUR L'OPPORTUNITE DE LA CODIFICATION DES ACTES UNILATERAUX DES ETATS

19971107 Plusieurs intervenants préconisent d'exclure la question de la protection fonctionnelle de la protection diplomatique

Réunie sous la présidence de M. Peter Tomka (Slovaquie), la Sixième Commission (Commission juridique) a achevé, cet après-midi, l'examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa quarante-neuvième session. Dans ce cadre, elle a entendu les représentants des pays suivants : Brésil, Jamahiriya arabe libyenne, Bangladesh, Canada, République de Corée, Argentine et Suisse.

Les délégations ont, pour la plupart, exprimé leur position sur la question des actes unilatéraux des Etats et sur celle de la protection diplomatique. Certains intervenants ont déclaré que la pratique actuelle des actes unilatéraux des Etats et la jurisprudence internationale suffisent pour que la CDI entame la codification de la question. D'autres délégations s'y sont fermement opposées. Il serait souhaitable de distinguer, d'une part, les actes unilatéraux juridiques et d'autre part, les actes unilatéraux non juridiques et les actes illicites qui relèvent de la responsabilité des Etats. Pour l'avenir, certains délégués n'ont pas exclu l'examen des actes unilatéraux pris par les organisations internationales. Concernant la protection diplomatique, certains orateurs ont jugé nécessaire d'exclure de l'examen de la question, la protection fonctionnelle.

Le Président de la Commission du droit international (CDI), M. Alain Pellet (France), a fait une déclaration de clôture dans laquelle il a estimé que la présente session, qui a coïncidé avec le Colloque sur la codification et le développement progressif du droit international, a été très fructueuse. Il a fait remarquer que le programme de travail de la CDI sera très lourd en 1998 et qu'en conséquence, il a été demandé une semaine supplémentaire pour permettre à la Commission de s'acquitter de son mandat de manière efficace.

La Sixième Commission tiendra sa prochaine réunion plénière, mardi 11 novembre à partir de 10 heures. Elle entamera l'examen de la question relative à la Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et leurs biens.

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M. HENRIQUE R. VALLE (Brésil) a fait remarquer que, parmi les disposition qui assurent une grande souplesse au régime de Vienne, le plus important est l'article qui porte sur l'interdiction de la formulation d'une réserve incompatible avec l'objet et le but du traité. Paradoxalement, cette disposition est souvent mentionnée comme la cause principale des divergences liées à la question de la licéité des réserves. Le représentant a estimé que l'approche la plus prudente et la plus réaliste est reflétée dans la pratique des Etats. Les Etats parties aux traités sur les droits de l'homme font de plus en plus preuve de prudence et de conservatisme dans leurs réactions aux réserves émises par d'autres Etats. Rappelant que les organes conventionnels de contrôle ne peuvent jouer qu'un rôle consultatif, M. Valle a soutenu qu'il appartient aux Etats de déterminer la licéité des réserves. Ces organes ne peuvent que formuler des observations ou des recommandations sur la licéité des réserves.

S'agissant de la protection diplomatique, M. Valle a estimé qu'il est important de limiter la portée du sujet aux règles secondaires en vue d'éviter de perdre beaucoup de temps et d'efforts pour examiner des questions plus étroitement liées à la violation de l'obligation juridique internationale. Le représentant a souligné la nécessité d'examiner de façon approfondie la nature et la définition de la protection diplomatique. La CDI devrait également examiner minutieusement la question de la protection fonctionnelle, qui s'applique aux cas où le préjudice est subi par un agent d'une organisation internationale.

Abordant la question des actes unilatéraux des Etats, M. Valle a rappelé que l'Article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice ne prévoit pas ces actes. De nombreux auteurs contemporains les excluent même des sources du droit international. Toutefois les Etats peuvent accomplir des actes unilatéraux d'une nature normative sans équivoque, notamment la législation interne par laquelle un Etat établit l'extension de sa mer territoriale, le régime de ses ports et l'accès par d'autres puissances à ses eaux intérieures. Dans de tels cas, il semble difficile de refuser la condition de source de droit international à ce type d'actes unilatéraux. Sa délégation souhaite que la CDI ne se limite pas à produire un rapport sur la doctrine.

M. ABDUSALAM SERGIWA (Jamahiriya arabe libyenne) a déclaré que les Conventions de Vienne de 1969 et de 1986 sur le droit des traités ont établi un équilibre entre des intérêts conflictuels en matière de réserves. Les réserves ne doivent empiéter ni sur le but ni sur l'objet du traité. Sa délégation appuie les trois premières conclusions préliminaires de la CDI qui suggèrent que, par sa souplesse et sa flexibilité, le régime des réserves, établi par les Conventions de Vienne, est adapté aux exigences de l'ensemble des traités. Le régime des traités, établi par les Conventions de Vienne, doit s'appliquer à tous les traités, y compris les traités sur les droits de l'homme. Les organes conventionnels de contrôle ne devraient pas être habilités à apprécier la licéité des réserves. Seuls les Etats ont compétence en la matière.

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Abordant la question des actes unilatéraux des Etats, le représentant a estimé que ces actes sont pris par certains Etats en violation du droit international. Il a émis l'espoir que le Groupe de travail que la CDI a mis en place pour examiner cette question, achèvera ses travaux avec succès, l'année prochaine. Le représentant a souligné l'importance du renforcement du dialogue entre la Sixième Commission et la Commission du droit international.

S'exprimant au sujet de la nationalité en relation avec la succession d'Etats, M. A.K.H. MORSHED (Bangladesh) a déclaré que le projet d'articles, adopté en première lecture, établit une structure viable pour le développement et la codification de ce sujet. Elle confère une importance plus grande au rôle de l'option individuelle dans le choix de la nationalité. Il faudrait parvenir toutefois à éviter l'apatridie. Il semblerait qu'il existe encore des divergences significatives entre le droit international et le droit interne au sujet de la nationalité. Il serait donc souhaitable a-t-il dit, de tendre vers l'élaboration d'une convention, plutôt qu'une déclaration.

En ce qui concerne les réserves aux traités, la délégation du Bangladesh souhaite que le régime de Vienne soit préservé et qu'il soit applicable à tous les traités, y compris ceux relatifs aux droits de l'homme. Les conclusions de la Commission du droit international (CDI) sur les pouvoirs des organes de contrôle sont prématurées. Les organes conventionnels de contrôle ne sont pas habilités à apprécier la licéité ou l'admissibilité des réserves.

S'exprimant au sujet de la responsabilité des Etats, M. JOHN HOLMES (Canada) a indiqué qu'en dépit des efforts déployés par la Commission du droit international (CDI) pour atteindre rapidement ses objectifs, le processus de codification demande du temps. Le Canada partage l'avis de certains intervenants selon lesquels l'article 19 est d'une grande pertinence au regard des réponses que donne le droit international coutumier à propos de la qualification de crimes de certaines actions menées par des Etats.

Au sujet de la responsabilité internationale et des conséquences préjudiciables, le délégué canadien appuie la distinction faite par la CDI entre la prévention des dommages transfrontières et la responsabilité internationale, bien que ces deux questions soient liées. L'existence d'un dommage est une condition préalable pour l'établissement d'une responsabilité. Toutefois, la réponse à la question de savoir si la responsabilité doit découler de l'existence d'un dommage, ou du manquement du pays à ses obligations traditionnelles, serait plus facilement déterminée par la nature de l'activité interdite par le droit international et le risque qu'elle entraîne. En ce qui concerne la réparation, le Canada approuve l'approche de la Commission qui considère préférable la réparation à l'indemnisation, au regard des dommages causés à l'environnement.

M. CHOUNG CHEE (République de Corée) a noté que la Commission du droit international a décidé de limiter à la prévention l'examen de la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités non interdites par le droit international. Le représentant a estimé qu'il ne suffit pas de parler de prévention, mais d'obligation des Etats à prendre les mesures préventives nécessaires.

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Concernant les actes unilatéraux des Etats, le représentant a fait remarquer que les Etats peuvent toujours prendre de tels actes. Il a précisé toutefois que les conséquences de ces actes relèveront du droit international. Il est très important de sélectionner de manière minutieuse les actes unilatéraux qui devront être examinés par la Commission du droit international (CDI).

S'exprimant au sujet de la responsabilité des Etats, Mme FERNANDEZ DE GURMENDI (Argentine) a qualifié de pertinents les travaux menés par la Commission du droit international (CDI). L'examen de ce projet n'est pas terminé mais il est certain qu'il devra l'être avant la fin du quinquennat.

Au sujet de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, la déléguée a déclaré qu'elle ne voyait pas d'inconvénient à ce que la CDI étudie d'abord la prévention, avant de se pencher sur la question de responsabilité. Il faudra alors déterminer si le régime de la responsabilité peut être inclus dans le régime traditionnel des Etats ou s'il doit être indépendant.

Elle a ensuite déclaré que la protection diplomatique ne doit pas servir de prétexte pour s'ingérer dans les affaires intérieures d'un Etat. La codification de ce sujet doit prendre en compte les intérêts de toutes les parties concernées.

Elle a déclaré que la pratique des actes unilatéraux des Etats et la jurisprudence internationale sont suffisantes pour que la CDI puisse entamer la codification de la question, laquelle demandera un effort de précision conceptuelle. Il serait souhaitable de distinguer les actes unilatéraux juridiques et les actes unilatéraux non juridiques, d'une part, et les actes illicites qui relèvent de la responsabilité des Etats, d'autre part. Elle a déclaré qu'à l'avenir, il ne serait pas exclu d'étudier les actes unilatéraux des organisations internationales.

M. DIDIER PFIRTER, Observateur de la Suisse, a réitéré les doutes émis par sa délégation à l'égard de la question de la protection diplomatique des sociétés et associations. C'est une question extrêmement controversée. Les divergences dans la pratique et la doctrine indiquent que cette question est loin d'être examinée de façon approfondie pour être codifiée. Le représentant a exhorté la Commission du droit international (CDI) à ne pas inclure, dans son étude, des règles appartenant à la responsabilité internationale. A ce stade, la seule obligation faite à l'Etat protecteur est qu'il allègue un fait internationalement illicite. Une situation similaire se présente dans le domaine de la protection diplomatique des actionnaires et autres sociétaires. La délégation suisse se dit préoccupée par l'ampleur de la tâche telle qu'elle a été définie par la CDI.

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Abordant la question des actes unilatéraux des Etats, M. Pfirter a préconisé de limiter l'examen de la question aux actes juridiques. Il n'y a que les activités délibérément accomplies dans le but de créer un effet normatif - général ou individuel - qui relèvent du sujet à traiter. Cela conduit à écarter les actes juridiques unilatéraux dépendants, comme l'acceptation par un Etat d'une stipulation pour autrui figurant dans un traité conclu entre d'autres Etats. La stipulation et son acceptation forment un tout indissociable de nature quasi conventionnelle. La délégation suisse estime qu'il faut maintenir les actes juridiques unilatéraux fondés sur des instruments conventionnels, cela d'autant plus que les actes en cause présentent un intérêt pratique indéniable.

Déclaration de clôture

M. ALAIN PELLET (France), Président de la Commission du Droit international (CDI) a estimé qu'il y a un large consensus en faveur de l'achèvement, dans un bref délai, du projet d'articles sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités non interdites par le droit international. Ce thème continue de passionner les Etats, vingt ans après qu'il ait été inscrit à l'ordre du jour de la CDI. En ce qui concerne les nouveaux sujets, à savoir les actes unilatéraux des Etats et la protection diplomatique, M. Pellet a noté que les délégations ont exprimé un intérêt important pour ces questions.

Le Président de la CDI a estimé que la présente session qui a coïncidé avec le Colloque sur la codification et le développement progressif du droit international a été très fructueuse. La deuxième réunion d'anniversaire de la CDI se tiendra en avril 1998. M. Pellet est d'avis qu'il faudrait renforcer le dialogue entre la Sixième Commission et la Commission du droit international, ainsi qu'entre la CDI et les autres organes juridiques du système des Nations Unies ou avec des associations de droit international. Lorsque se posent des problèmes d'orientation d'un sujet, les interventions des délégations peuvent être brèves. Toutefois, la complexité de certains sujets exige une analyse approfondie. Les délégations devront donc exprimer avec précision leur position. M. Pellet appuie la proposition visant à traduire et publier à l'avance les textes sur l'introduction et le résumé des travaux de la CDI.

Quelques délégations ont estimé que la durée de la session de la CDI devrait être proportionnelle au volume de travail qui lui est confié. La durée de la session annuelle est de deux semaines. Ce n'est qu'en raison de restrictions budgétaires sévères que la session de la CDI pourrait être ramenée à dix semaines. M. Pellet a fait remarquer que le Programme de travail de la CDI sera très lourd en 1998 et qu'en conséquence, il a été demandé une semaine supplémentaire pour lui permettre de s'acquitter de son mandat de manière efficace. Quant à l'éclatement de la session, il s'est réjoui que cette question n'ait pas trop préoccupé les délégations. Le Président de la CDI a regretté que l'adoption des commentaires et du rapport de la Commission se fait dans la précipitation et parfois dans la plus discutable des improvisations.

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