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AG/EF/237

LA DEUXIEME COMMISSION ORGANISE UNE TABLE RONDE CONSACREE AUX QUESTIONS FINANCIERES ET DE DEVELOPPEMENT SUR LES MARCHES EMERGENTS

4 novembre 1997


Communiqué de Presse
AG/EF/237


LA DEUXIEME COMMISSION ORGANISE UNE TABLE RONDE CONSACREE AUX QUESTIONS FINANCIERES ET DE DEVELOPPEMENT SUR LES MARCHES EMERGENTS

19971104 Deux projets de résolution relatifs au développement durable et à la coopération économique internationale sont présentés

Les représentants à la Deuxième Commission (économique et financière) ont assisté cet après-midi à une table ronde sur le thème "Questions financières et questions de développement sur les marchés émergents", animée par M. Rafeeuddin Ahmed, Administrateur associé du PNUD. Participaient à cette table ronde M. Ariel Buira, membre du conseil d'administration de la Banque nationale du Mexique; Mme Linda Lim, professeur associé de gestion des affaires et Directrice du programme des affaires de l'Asie du Sud-Est à l'Université du Michigan; et M. Arjun Sengupta, membre de la commission de la planification de l'Inde.

En prenant pour exemple la crise mexicaine de 1994 et la récente crise financière dans les pays d'Asie du Sud-Est, les intervenants ont expliqué les avantages et surtout les risques présentés par les investissements privés étrangers. Ils ont notamment mis l'accent sur les risques provoqués par la rapidité avec laquelle les capitaux peuvent se déplacer. Ils ont mis en lumière le processus par lequel des pays qui ont d'abord paru attractifs à des investisseurs étrangers peuvent ensuite perdre leur confiance. En même temps, ils ont jugé très difficile de déterminer à partir de quel moment intervient cette perte de confiance. Ils ont souhaité la mise en place d'un mécanisme international d'intervention d'urgence. Sa simple existence pourrait sans doute prévenir un certain nombre de crises, ont-ils estimé. L'aspect moral de cette question a été également évoqué dans la mesure où les investisseurs privés empochent tout lorsqu'ils réalisent des profits, alors qu'ils font appel en cas de difficultés à des mécanismes qui reviennent à socialiser leurs pertes.

A l'issue des exposés, un débat a été organisé, au cours duquel les représentants de l'Indonésie, du Nigéria, du Brésil et de l'Ethiopie sont intervenus. La question a été posée de savoir comment, puisque certaines politiques ne sont pas suffisantes pour préserver d'une crise financière, on pouvait établir des réserves supplémentaires pour l'empêcher. Il a été répondu que la crédibilité d'un pays lui garantit un soutien tel qu'elle le

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protège contre de telles crises. En revanche, le soutien massif après coup est très coûteux. La question a été également posée de savoir comment veiller à ce que le processus de libéralisation des comptes de capitaux se fasse de manière ordonnée. La solution a-t-il été répondu réside dans des finances publiques saines, un système financier fort, de bonnes politiques, ce qui ne suffit pourtant pas en soi à empêcher une attaque spéculative. Ainsi, dans la crise en Asie du Sud-Est, le marché s'est employé à trouver une victime, et ce fut la Thaïlande, certains allaient même jusqu'à demander à quelle date était prévue la chute du bath. A la question: quelles leçons les pays qui se sont lancés dans une réforme structurelle avec l'aide des institutions de Bretton Woods pouvaient tirer de la crise de l'Asie du Sud-Est, la réponse a été que chaque gouvernement doit évaluer ses capacités, gérer ses marchés et ne s'ouvrir aux marchés financiers que s'ils se sentent assez forts. Les investissements ne doivent pas se limiter au secteur immobilier et aux marchés boursiers.

La Commission a par ailleurs entendu la présentation, par la République- Unie de Tanzanie au nom du Groupe des 77 et la Chine, de deux projets de résolution, relatifs au développement durable et à la coopération économique internationale. Aux termes du premier, l'Assemblée générale demanderait à la communauté internationale de s'efforcer de donner à chacun la possibilité viable de rester dans son pays et déciderait d'inscrire à l'ordre du jour provisoire de sa cinquante-quatrième session une question intitulée "Migrations internationales et développement, y compris la question de la convocation d'une conférence des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement, qui aborderait les questions liées aux migrations". Aux termes du second projet de résolution, relatif à la population et au développement, l'Assemblée générale déciderait de convoquer une session extraordinaire pour une durée d'une semaine en juin 1999, avec une participation au plus haut niveau politique possible, afin d'examiner et d'évaluer l'application du Programme d'action.

La Deuxième Commission reprendra ses travaux demain, mercredi 5 novembre, à 15 heures. Elle commencera l'examen du point de son ordre du jour relatif à l'environnement et au développement durable.

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M. ARIEL BUIRA, membre du conseil d'administration de la Banque nationale du Mexique, a expliqué qu'en l'absence de déséquilibre macro-économique, les apports de capitaux étrangers dans un pays contribuent à augmenter le bien-être de ce pays en venant s'ajouter à l'épargne nationale comme source de disponibilité pour la croissance économique. En général, les apports de capitaux internationaux dans un pays engendrent une augmentation de la demande globale, donc une augmentation de la consommation, mais entraînent aussi un déficit des comptes courants, des tendances inflationnistes et une baisse de l'épargne nationale.

Même si des déficits de comptes courants peuvent être financés pendant de longues périodes dans des économies saines et solides, ils augmentent la vulnérabilité du pays par rapport aux afflux de capitaux. Cette vulnérabilité est d'autant plus grande lorsque les capitaux sont investis à plus court terme. D'où un paradoxe: les investisseurs étrangers investissent dans un pays parce qu'il leur paraît attractif. Mais ces apports étrangers se traduisent par un déficit des comptes courants du pays, ce qui inquiète alors les investisseurs qui peuvent retirer leurs fonds et contribuer de ce fait à une crise des paiements. La force initiale devient donc faiblesse. La vulnérabilité du pays s'aggrave si ses institutions financières sont faibles et donc pas en mesure de résister à un changement d'orientation rapide des capitaux. Cette rapidité ne laisse que peu de temps aux décideurs pour s'adapter. La chute du peso mexicain en 1994 a entraîné une inversion du flux des capitaux, telle qu'il s'en est suivie une crise d'une ampleur considérable.

La solution résiderait peut-être dans des mesures de limitation des apports de capitaux aussi instables. Le Mexique l'a fait dans une certains mesures. Il aurait pu aller plus loin en rétablissant des mesures qui existaient autrefois, mais le courant de libéralisation qui a balayé le Mexique autour de l'année 1990 l'en a empêché.

Le problème vient de ce qu'en cas de retrait des capitaux, une différence peut apparaître entre les coûts individuels et les coûts sociaux. Une sortie massive de capitaux peut entraîner l'effondrement financier d'une économie. En outre, les investisseurs qui quittent les premiers un marché national augmentent le coût de départ pour ceux qui réagissent plus lentement, ce qui crée une prime supplémentaire à l'instabilité.

Aujourd'hui, les marchés financiers peuvent conditionner les politiques nationales et imposer un changement dans le régime des taux de change, voire ébranler des économies, et transmettre les tensions d'un marché à un autre. Il y a ainsi un transfert de pouvoir des gouvernements aux marchés, qui se traduit par une perte d'autonomie des pouvoirs publics. La crise en Asie du Sud-Est a montré que de bonnes politiques ne sont pas suffisantes pour protéger un pays d'une crise financière.

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Dix-huit pays contrôlent la presque totalité des flux internationaux. Les autres sont obligés de recourir à des emprunts couteux sur les marchés, ou de comprimer leurs importations et leur demande, ce qui va à l'encontre de leur politique de développement. Ils doivent fonder celle-ci presque exclusivement sur leurs exportations pour se pourvoir en liquidités. Or, ils dépendent souvent d'un petit nombre de produits d'exportation et sont donc très vulnérables aux variations des cours des produits de base. Et c'est ici qu'on s'aperçoit que le FMI n'a pas joué son rôle de répartiteur des liquidités au plan international.

A partir du moment où l'augmentation de la vitesse de circulation des capitaux, due aux progrès informatiques, ainsi que la tendance des marchés à opérer des changements abrupts, représentent des défis difficiles à relever par les institutions financières, on peut se demander si une libéralisation complète des flux de capitaux est opportune.

Il existe aussi un danger moral résultant du fait que les investisseurs, en cas de fortes pertes, sont secourus par des mécanismes internationaux, alors qu'ils empochent tous les bénéfices en cas de succès. Les gains sont donc privés et les pertes sont socialisées. En cas d'inversion massive des mouvements de capitaux pouvant entraîner une crise, il faudrait que les autorités puissent imposer certaines mesures comme un échéancier des retraits de capitaux. Il faut aussi une augmentation du soutien financier organisé par le FMI.

Pour Mme LINDA LIM, professeur associé de gestion des affaires et Directrice du Programme des affaires de l'Asie du Sud-Est à l'Université du Michigan, a déclaré que les pays d'Asie du Sud-Est sont parmi les plus ouverts sur l'étranger et où les investissements étrangers directs sont une pratique courante qui contribue à la croissance et favorise l'accès aux marchés étrangers. Les pays d'Asie du Sud-Est ont été judicieusement utilisés par les investisseurs avant la crise. Les exportations représentaient dans la région environ 30 à 35% des revenus nationaux. Le rôle du capital étranger dans la crise, qui se poursuit, a montré la surdépendance des pays de la région vis à vis des actions exogènes. Il y a eu par exemple des projets immobiliers très ambitieux, ou encore des primes d'incitation accordées aux gestionnaires de fonds.

Cependant il ne faut pas uniquement accuser les investissements étrangers dans cette crise. Les gouvernements et les entreprises ont été complices. Les avoirs en Asie du Sud-Est étaient très peu chers. Lorsque le dollar est remonté par rapport au Yen, les entreprises n'ont pas ralenti leurs emprunts. Il y a donc eu un déficit des comptes courants dans la plupart des pays de la région. Cela a amené les investisseurs à être plus vigilants. Du fait notamment de son instabilité politique et de sa grande dépendance par rapport aux exportations, la Thaïlande avait des comptes courants les plus faibles de la région. Les spéculateurs se sont alors tournés vers d'autres devises et la monnaie thaïlandaise a baissé. Il n'y avait pas de raison pour

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que les pays d'Asie du Sud-Est ne déprécient pas leurs monnaies. A l'heure actuelle, le pouvoir d'achat est dévalué de 40%, voire de 50%. Un redressement rapide semble hors de question à cause principalement de la lenteur du processus de correction politique et fiscale des gouvernements, aux chocs naturels externes, ainsi qu'à des facteurs psychologiques comme la perte de confiance des spéculateurs dans les monnaies. Les implications politiques viennent ensuite. En effet, les gouvernements doivent gérer leur politique fiscale pour que leur taux de change soit crédible. Quant aux industries et aux entreprises, il leur faudra bien gérer leurs emprunts. Il le faut afin de pouvoir promouvoir les investissements financiers étrangers.

Les imperfections des marchés existent et sont exacerbées dans les pays en développement faute de compétence en matière d'information, ce qui rend difficile l'évaluation des risques. Les rumeurs à propos de l'état des entreprises pourraient être néfastes et même conduire à la chute de la monnaie. En effet, étant donné la volatilité des marchés des devises, il est souvent recommandé d'adopter une attitude attentiste. Dans une économie qui est de plus en plus interdépendante, les risques de contagion des économies les unes par les autres sont de plus en plus grands. C'est la raison pour laquelle il faut une discipline des flux financiers à l'échelle régionale et mondiale. La mondialisation doit en effet pouvoir bénéficier à tous, mais plus particulièrement aux pays en développement. Il faut également une volonté politique de gérer la libéralisation et la croissance économique. Le remède ici n'est pas de se détourner du monde mais de s'y incorporer plus étroitement encore.

M. ARJUN SENGUPTA, membre de la commission de la planification de l'Inde, a rappelé qu'une partie de plus en plus grande des flux de capitaux étrangers sont des flux privés. Donc, si les pays en développement veulent attirer des flux, ils doivent se rendre attractifs, et apprendre également à les gérer. Ce qui s'est passé au Mexique et en Asie du Sud-Est illustre ce problème. Pourtant, les pays d'Asie du Sud-Est étaient, selon les critères d'évaluation disponibles, en fort bonne position, avec des excédents budgétaires presque permanents, des marchés souples, une fiscalité faible, une croissance impressionnante des exportations, un niveau raisonnable de réserves de change et un taux d'inflation bas. Les investisseurs privés pouvaient donc avoir pleinement confiance dans la solvabilité de ces économies. Ils ont donc augmenté leurs prêts. Il y a sans doute eu excédent d'emprunts, surtout à court terme, mais il est difficile de dire à quel moment le niveau de ces emprunts a dépassé le seuil du raisonnable. De même, l'indexation des monnaies locales sur le dollar a longtemps été profitable. Il est difficile de savoir à partir de quand la hausse du dollar leur a été nuisible, notamment en raison de l'appréciation du dollar par rapport au yen. Le problème, c'est qu'il n'était pas impensable, voilà deux ans, de voir le yen s'apprécier face au dollar, ce qui aurait au contraire été bénéfique pour ces économies.

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Fallait-il prendre des mesures de réglementation? Toute la difficulté est de trouver la bonne ligne entre une trop faible et une trop forte réglementation. Dans ce domaine, on apprend par l'expérience et les prévisions sont d'autant plus difficiles que les facteurs exogènes pèsent davantage. Faut-il par exemple, comme le Mexique l'a déjà proposé, créer un mécanisme d'urgence en cas de crise financière, géré par le FMI, et qui pourrait être utilisé par un pays en proie à une crise financière, sous réserve toutefois que ce pays ait une politique qui le rende éligible à de telles mesures d'aide? La simple existence de ce mécanisme pourrait souvent prévenir une surchauffe spéculative. Si un tel mécanisme automatique avait existé lors de la crise mexicaine de 1994, on n'aurait pas été obligé de négocier dans l'urgence.

Les flux privés sont pour 75% concentrés sur une douzaine de pays, alors que les pays à bas revenus n'y ont pas accès. Si ces flux doivent constituer dans les années à venir la principale source de financement de l'aide étrangère, il faut pouvoir les réorienter. D'ailleurs, les pays industrialisés pratiquent une telle politique de subvention des investissements privés pour les attirer chez eux plutôt que dans d'autres Etats, ou encore les orienter vers une de leur région plutôt qu'une autre dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire. Il faudrait au niveau international créer un tel système.

DEVELOPPEMENT DURABLE ET COOPÉRATION ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE

Présentation de projets de résolution

Aux termes du projet de résolution A/C.2/52/L.14, présenté par la République-Unie de Tanzanie au nom du Groupe des 77 et la Chine et relatif aux Migrations internationales et au développement, y compris la convocation d'une conférence des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement, l'Assemblée générale demanderait à la communauté internationale de s'efforcer de donner à chacun la possibilité viable de rester dans son pays. Elle encouragerait les mécanismes interrégionaux, régionaux et sous- régionaux qui se pencheront sur la question des migrations internationales et du développement et engagerait instamment les États Membres et les organismes des Nations Unies à renforcer la coopération internationale dans le domaine des migrations internationales et du développement afin de combattre les causes premières des migrations, en particulier celles qui sont liées à la pauvreté, et de maximiser les avantages que les migrations internationales procurent aux intéressés.

L'Assemblée noterait qu'un colloque technique sur les migrations internationales sera convoqué en 1998 et, à cet égard, prierait la Commission de la population et du développement de lui rendre compte, par l'intermédiaire du Conseil économique et social, des résultats du colloque. Elle déciderait d'inscrire à l'ordre du jour provisoire de sa cinquante-quatrième session une

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question intitulée "Migrations internationales et développement, y compris la question de la convocation d'une conférence des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement, qui aborderait les questions liées aux migrations".

Aux termes du projet de résolution A/C.2/52/L.15, présenté par la République-Unie de Tanzanie au nom du Groupe des 77 et la Chine et relatif à la population et au développement, l'Assemblée générale déciderait de convoquer sa session extraordinaire pour une durée d'une semaine en juin 1999, avec une participation au plus haut niveau politique possible, afin d'examiner et d'évaluer l'application du Programme d'action. Elle déciderait également que la trente-deuxième session de la Commission de la population et du développement devrait servir de comité préparatoire pour les derniers travaux qui préluderont à la session extraordinaire consacrée à l'examen et l'évaluation d'ensemble de l'application du Programme d'action. L'Assemblée générale déciderait que cette même session devrait être ouverte à tous afin que tous les États puissent y participer pleinement. Elle inviterait les gouvernements à envisager de dresser le bilan des progrès accomplis et des difficultés rencontrées dans l'application du Programme d'action aux niveaux national et régional, en vue de contribuer aux préparatifs de la session extraordinaire.

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