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AG/J/224

LA COMMISSION JURIDIQUE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL

30 octobre 1997


Communiqué de Presse
AG/J/224


LA COMMISSION JURIDIQUE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL

19971030 Réunie sous la présidence de M. Peter Tomka (Slovaquie), la Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa quarante-neuvième session. Dans ce cadre, elle a entendu les représentants des pays suivants : Finlande (au nom des pays nordiques), Pays-Bas, Grèce, Inde, Allemagne, Tanzanie, Croatie et Pakistan. L'Observateur de la Suisse est intervenu.

Les délégations ont mis l'accent sur la question de la nationalité en relation avec la succession d'Etats. On a fait observer que la distinction entre les règles coutumières codifiées et les simples règles conventionnelles est particulièrement importante dans le contexte des successions d'Etats. Dans la mesure où la succession fait naître un ou plusieurs nouveaux acteurs sur le plan international, ceux-ci ne seront liés que par les dispositions reflétant des règles coutumières, à savoir celles prévues par la première partie du projet d'articles. Plusieurs intervenants ont souligné l'importance d'envisager une garantie aux termes de laquelle les articles n'affectent pas le droit bien établi à l'unité de la famille. Il faudrait éliminer le risque que les familles pourraient se séparer à la suite de l'attribution involontaire de différentes nationalités à différents membres d'une famille. D'autres intervenants ont estimé que l'article 27 qui établit une exception à la règle en stipulant que les projets d'articles ne s'appliquent qu'aux cas de succession d'Etats se produisant conformément au droit international, ne devrait pas s'éloigner des dispositions des traités en vigueur sur la succession d'Etats.

Concernant la question des réserves aux traités, les intervenants ont souhaité une définition plus précise des dispositions élaborées par la CDI. Un intervenant a estimé qu'il ne faudrait pas limiter les réserves aux traités normatifs aux seuls instruments sur les droits de l'homme.

La Sixième Commission reprendra ses travaux demain, vendredi 31 octobre à partir de 10 heures.

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M. ALAIN PELLET, Président de la Commission du droit international (CDI), présentant les travaux sur la nationalité en relation avec la succession d'Etats, a indiqué que le projet comprend un préambule et 27 articles répartis en deux parties. Les dispositions de la première partie ont une portée générale en ce sens qu'elles visent toutes les catégories de succession d'Etats, et, pour l'essentiel, elles relèvent davantage de la codification proprement dite que du développement progressif. L'article 3 établit le corollaire du droit à une nationalité, à savoir l'obligation faite aux Etats concernés de prendre toutes les mesures appropriées pour éviter l'apatridie à la suite d'une succession d'Etats. Le champ d'application de l'article est limité aux personnes qui possédaient effectivement la nationalité de l'Etat prédécesseur avant la succession, à l'exclusion des personnes résidant sur le territoire de l'Etat successeur qui étaient apatrides sous le régime de l'Etat prédécesseur. Cette disposition énonce une obligation de moyens.

Le projet d'articles repose sur le principe selon lequel en matière de nationalité, il doit être tenu compte des intérêts légitimes des Etats et des individus. L'article 10 est une disposition importante à cet égard. M. Pellet a attiré l'attention sur l'article 13 intitulé "Statut de résident habituel", qui pose la règle générale fondamentale selon laquelle le statut des résidents habituels n'est pas affecté par une succession d'Etats en tant que telle. Par contre, le paragraphe 2 vise le problème des résidents habituels dans le cas précis où la succession d'Etats est la conséquence d'événements aboutissant au déplacement d'une grande partie de la population : il a pour but de garantir aux résidents habituels le rétablissement effectif de leur statut. Pour ce qui est de l'article 17, relatif à l'échange d'informations, à la consultation et à la négociation, M. Pellet a précisé que cette disposition oblige les Etats à rechercher, s'il en est besoin, une solution en vue de supprimer ou d'atténuer les effets préjudiciables de la succession d'Etats sur les personnes concernées, tant en ce qui concerne leur nationalité que les autres aspects connexes de leur statut.

Les dispositions de la deuxième partie répondent essentiellement au souci de guider les Etats pour donner effet aux dispositions de la première partie dans des situations spécifiques de succession d'Etats.

M.HOLGER ROTKIRCH (Finlande) a indiqué au nom des pays nordiques, que dans la nouvelle Convention européenne sur la nationalité figure le droit des personnes à une nationalité. Tous les Etats parties devront leurs légiférations nationale sur ce principe. La Convention sera ouverte à la signature le 7 novembre prochain, à Strasbourg. La droit à une nationalité, a-t-il dit, a été considéré jusqu'ici comme un devoir destiné à éviter qu'un individu ne demeure apatride, et non comme un droit à une nationalité particulière. Le projet de la CDI va plus loin en considérant que les Etats successifs peuvent être facilement identifiés. De plus, les termes de l'article 1er laisse la possibilité d'une nationalité multiple. Bien que la CDI n'encourage pas cette pratique, elle la considère comme préférable à l'apatridie.

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Le délégué a ensuite approuvé le principe selon lequel le statut des personnes considérées comme résidents permanents ne devrait pas être affecté par la succession d'Etats. La Finlande attend à ce sujet des travaux plus approfondis de la part de la CDI.

M. ADRIAAN BOS (Pays-Bas) a fait remarquer qu'en raison d'origines communes ou de liens historiques entre les pays et d'une grande mobilité des personnes, la double ou multi-nationalité ne peut toujours être évitée sans porter préjudice aux personnes concernées. Il a estimé que l'article 4 du projet de texte constitue une clause très utile. La présomption que l'acquisition automatique d'une nouvelle nationalité entraîne la perte de l'ancienne nationalité n'est plus généralement respectée. Concernant l'article 11 des projets d'articles sur la nationalité en relation avec la succession des Etats, sa délégation souligne l'importance d'une garantie veillant à ce que les articles n'interfèrent pas avec le droit bien établi de la famille. Il faudrait éliminer le risque que les familles pourraient être séparées en raison de l'attribution non intentionnelle de différentes nationalités à différents membres de la famille. L'article 12 du projet de texte concerne le cas de l'enfant né après la succession d'Etats de parents dont la nationalité n'a pas été déterminée après la succession d'Etats. Cet article prévoit le droit à la nationalité de l'Etat concerné sur le territoire duquel cet enfant est né. Pour ce qui est de l'article 13 relatif au statut de résident habituel, la délégation des Pays-Bas fait observer qu'en principe, le changement de nationalité de personnes habituellement résidant aux Pays-Bas n'affectera pas leur statut de résident permanent. Le changement de nationalité pourrait en revanche affecter leurs droits et obligations.

S'agissant de la question des réserves aux traités, M. Bos a souligné que la préoccupation liée aux réserves faites aux traités sur les droits de l'homme est fondée sur l'incapacité du système de s'appliquer aux instruments normatifs de protection. En conséquence, les travaux de la CDI devraient être davantage axés sur les conséquences des réserves. Pour ce qui est des conclusions préliminaires sur les réserves aux traités multilatéraux normatifs, M. Bos a souligné qu'il est important de mieux comprendre à la fois le contenu et la nature de l'obligation relative à l'objet. Il a souhaité que la CDI approfondisse l'examen des différentes dispositions. M. Bos a estimé qu'il ne faudrait pas limiter les réserves aux traités normatifs. Des préoccupations identiques existent à l'égard des réserves aux conventions sur le droit de l'environnement.

Mme PHANI DASCALOPOULOU-LIVADA (Grèce) a estimé que le projet de texte sur la nationalité en relation avec la succession d'Etats ne devrait couvrir que les questions de la nationalité directement liées avec la succession. En conséquence, il faudrait éliminer les dispositions relatives à la renonciation de la nationalité, à la perte de la nationalité lors de l'acquisition volontaire de la nationalité d'un autre Etat, ou à la nationalité d'un enfant né après la succession d'Etats. Pour sa délégation, l'article 18 du projet d'article contient des éléments subjectifs. Cet article énonce deux clauses de sauvegarde. La Commission du droit international devrait l'examiner de façon plus approfondie. Les articles 20 à 24 - respectivement sur le

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transfert d'une partie du territoire, attribution de la nationalité de l'Etat ou des Etats successeurs, octroi du droit d'option et séparation d'une partie ou de parties du territoire - ne peuvent s'appliquer en tout état de cause qu'avec le consentement des Etats intéressés. La délégation grecque a suggéré d'approfondir l'examen des dispositions. La Grèce ne peut accepter qu'un Etat agresseur puisse attribuer sa nationalité à la population victime. La Grèce estime que l'article 27 intitulé "Cas de succession d'Etats se produisant conformément au droit international" ne devrait pas s'éloigner des dispositions pertinentes des deux traités sur la succession des Etats qui ne prévoit une telle exception.

M. E. AHAMED (Inde) est d'avis que le projet est bien structuré puisqu'il donne, d'une part, le droit à la nationalité de l'Etat prédécesseur au moment de la succession, et attribue d'autre part, l'obligation correspondante aux Etats de conférer une nationalité. Le but est de prévenir l'apatridie en tenant compte des problèmes humanitaires survenant dans certains cas de succession d'Etats, comme les droits de l'enfant dont les parents sont inconnus. Le projet contient également une présomption d'acquisition de la nationalité de l'Etat successeur pour les résidents habituels de l'Etat. Cette présomption disparaît néanmoins quand des dispositions différentes existent entre Etats. Le projet accorde également le droit d'opter pour la nationalité de l'Etat avec lequel l'individu a un lien approprié. Cependant, des Etats tiers devrait avoir le droit de ne pas reconnaître cette nationalité conférée en l'absence d'un lien effectif.

Le délégué a considéré comme très intéressant le concept de résidence habituel. Le concept de "lien approprié" de préférence au lien effectif pour attribuer la nationalité est intéressant. Le droit du sol pour l'acquisition de la nationalité pour les enfants dont les parents sont inconnus est un point très favorable, au regard du droit humanitaire. Enfin, les projets d'articles sont réalistes dans la mesure où ils prennent en considération les limites que le droit international pourrait imposer aux Etats et également la liberté d'action des Etats en matière de nationalité.

M. HARTMUT HILLGENBERG (Allemagne) a exprimé son accord concernant la structure et les objectifs principaux des projets d'articles portant sur la nationalité en relation avec la succession d'Etats, et marqué son intérêt pour les deux questions principales portant sur les droits de l'homme et l'apatridie. Son gouvernement considère que même si la nationalité est régie principalement par les lois nationales, les limites et paramètres du droit international doivent être pris en compte.

L'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme a donné naissance à différentes interprétations de la question du droit à une nationalité particulière. L'article 1 du projet de déclaration donne à chaque individu le droit à la nationalité d'au moins un Etat. Le Gouvernement allemand considère que la reconnaissance d'une nationalité multiple ne signifie pas que la CDI avait l'intention d'encourager la nationalité multiple. Ce n'est d'ailleurs pas la politique de l'Allemagne. Le délégué a

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déclaré que le droit à une nationalité est souvent la condition pour l'exercice d'autres droits, en particulier celui de participer à la vie politique et publique d'un Etat. L'article 14 du projet de déclaration sur la non discrimination est, à ce sujet, très important. L'Allemagne juge préférable de ne pas inclure une liste de critères de discrimination prohibés dans le projet comme l'avait suggéré le Rapporteur Spécial dans son rapport.

M. TUVAKO MANONGI (Tanzanie) a rappelé que dans la mesure où la revendication fondamentale à la nationalité d'un Etat donné est fondée sur le droit du sang (jus sanguinis) ou, parfois, sur le droit du sol (jus soli), on ne voit pas pourquoi la présomption prévue par le projet d'article 4 devrait clairement éviter de se conformer à ces normes. Sa délégation insiste sur la nécessité de protéger et de préserver d'une part le droit d'un Etat à des relations juridiques avec ceux qui ont un lien réel avec l'Etat, et d'autre part, le droit d'une personne à la nationalité. Le Gouvernement tanzanien se dit préoccupé par la notion de la nationalité fondée sur le seul critère de la résidence habituelle, car elle n'est pas nécessairement propice à la notion sacro-sainte d'une nationalité. La délégation tanzanienne se dit également préoccupée par le fait que des résidents obtiennent la nationalité pour des raisons autres que la loyauté.

M. NICK (Croatie) a attiré l'attention sur la Déclaration adoptée par la Commission européenne pour la démocratie intitulée "Conséquences de la succession d'Etats pour la nationalité de personnes physiques et mémoire explicatif". Le représentant a estimé que l'article 18 intitulé "Autres Etats" qui stipule qu'aucune disposition du projet de texte n'oblige les Etats à traiter des personnes concernées n'ayant aucun lien effectif avec un Etat concerné comme des nationaux de cet Etat, n'est pas en harmonie avec l'article 2 du projet de texte élaboré par la Commission du droit international. Sa délégation appuie la position de la Grèce concernant l'article 27 du projet de texte relatif au cas de succession d'Etats se produisant conformément au droit international.

M. JAMSHED A. HAMID (Pakistan) a déclaré,prenant position sur la question de la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international, que chaque Etat a le droit d'engager des activités légales sur son territoire. Toutefois,a poursuivi le délégué, il y a obligation de ne pas créer d'effets préjudiciables à des pays tiers. Le Pakistan s'est déclaré favorable à la rédaction d'une liste de toutes les activités qui risquent d'entraîner des conséquences préjudiciables pour des pays tiers.

A propos des réserves aux traités, le délégué a fait remarquer que ce procédé est très utile puisqu'il permet aux Etats de devenir parties à des traités sans que ces réserves n'affectent l'objet et le but du traité. Bien que les Conventions de Vienne contiennent les éléments de base sur les réserves, le délégué a suggéré toutefois que l'on examine certaines imprécisions et lacunes.

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Le délégué a précisé par ailleurs qu'il n'attendait pas un document contraignant de la part de la CDI en ce qui concerne la nationalité en relation avec la succession d'Etats. Il a exprimé sa préférence pour une déclaration de l'Assemblée générale qui servirait de guide aux Etats pour préparer leurs propres politiques.

M. LUCIUS CAFLISCH, Observateur de la Suisse, souscrit aux principes relatifs respectivement à la nécessité d'éviter que la succession d'Etats génère de nouveaux cas d'apatridie. Il appuie aussi la neutralité du projet d'articles d'autant qu'il porte sur le phénomène des nationalités multiples, l'attribution forcée de nationalités et les différentes situations factuelles. La délégation suisse se rallie à l'idée de scinder le projet d'articles en deux parties, une première énonçant des règles générales, une seconde renfermant des règles dérogeables applicables à chacune des quatre situations de succession définies. M. Caflisch a fait remarquer que la distinction entre règles coutumières codifiées et simples règles conventionnelles est particulièrement importante dans le contexte des successions d'Etats. Dans la mesure où la succession fait naître un ou plusieurs nouveaux acteurs sur le plan international, ceux-ci ne seront liés que par les dispositions reflétant des règles coutumières, donc celles figurant dans la première partie du projet d'articles. Sa délégation se demande si l'apatridie temporaire ne devrait pas être étendue à tous les cas d'attribution de nationalité. La modification suggérée aurait l'avantage de limiter l'effet de rétroactivité au strict nécessaire. Par ailleurs, faisant référence à l'article 14 qui enjoint aux Etats de ne pas faire de discrimination dans l'attribution ou la conservation de leur nationalité, ou dans l'octroi d'un droit d'option, M. Caflisch souligne la nécessité de formuler cette disposition de façon plus précise.

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