AG/EF/231

LA DEUXIEME COMMISSION TIENT UNE TABLE RONDE SUR LES MIGRATIONS INTERNATIONALES, LA POPULATION ET LE DEVELOPPEMENT

29 octobre 1997


Communiqué de Presse
AG/EF/231


LA DEUXIEME COMMISSION TIENT UNE TABLE RONDE SUR LES MIGRATIONS INTERNATIONALES, LA POPULATION ET LE DEVELOPPEMENT

19971029 Elle est saisie de deux projets de résolution relatifs aux activités opérationnelles de développement et au développement culturel

Les représentants à la Deuxième Commission (économique et financière) ont participé cet après-midi à une table ronde consacrée aux migrations internationales, à la population et au développement, animée par M. Nitin Desai, Directeur du Département des affaires économiques et sociales. Participaient à cette table ronde M. James Purcell, Directeur général de l'organisation internationale pour les migrations; Mme Guillermina Jasso, professeur de sociologie à l'Université de New York; Mme Solitad Monsod, professeur d'économie à l'université des Philippines; M. Makhtar Diouf, chercheur et enseignant à la faculté de sciences économiques de l'Université de Dakar; et M. Joseph Chamie, Directeur de la division de la population au Département des affaires économiques et sociales.

Les intervenants ont expliqué l'origine des migrations, que ce soit au niveau mondial ou dans certaines régions. Ils ont rappelé que ces mouvements de populations, complexes, sont de tout temps et ont souvent contribué au développement économique des pays d'accueil. Il faut donc se demander pourquoi les mouvements migratoires sont aujourd'hui souvent perçus comme des phénomènes dangereux ou indésirables. Les migrants sont également souvent perçus comme des parasites qui viennent profiter des pays développés. Or, la plupart des migrants venus de pays en développement s'installent dans d'autres pays en développement, et la plupart d'entre eux préféreraient rester dans leur pays d'origine si la misère, la dégradation de l'environnement ou les crises politiques et les guerres ne les en chassaient pas. Les intervenants ont également expliqué que tous les pays sont désormais touchés par les phénomènes migratoires, qu'ils soient Etats de départ, d'accueil ou de transit. Or, la plupart des pays continuent de considérer la politique migratoire comme une question relevant de leur souveraineté nationale, alors qu'il faudrait traiter ce phénomène au niveau international.

Un débat s'est ensuite engagé entre les membres de la table ronde et les représentants à la Deuxième Commission. Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Indonésie, Mexique, Sénégal, Nigéria, Costa Rica et République dominicaine. Des questions ont été posées sur les avantages des

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migrations internationales pour le développement. Il a été répondu que les pays destinataires profitent davantage des migrations qu'ils n'en souffrent, que ce soit sur le plan économique, social ou démographique. On a fait remarquer qu'il serait utile de se doter de mesures d'analyse, qui font actuellement défaut, afin de mettre sur pied un modèle économique qui tienne aussi compte des capacités de tolérance des Etats d'accueil. On a aussi demandé s'il existait des instruments pour analyser le problème particulier des migrants illégaux et de leur impact sur l'économie des pays d'accueil. D'autres questions ont porté sur la manière dont la communauté internationale, par l'intermédiaire de l'ONU, pourrait éventuellement relever durablement le défi des migrations internationales et de leur impact sur le développement.

La Commission a par ailleurs entendu la présentation de deux projets de résolutions, présentés tous deux par la République-Unie de Tanzanie au nom du groupe des 77 et la Chine. Aux termes du premier, relatif aux activités opérationnelles de développement, l'Assemblée générale déciderait d'intensifier le processus de renforcement des divers dialogues interrégionaux et l'échange de données d'expérience entre groupements économiques régionaux et sous-régionaux afin de développer la coopération Sud-Sud. Elle déciderait en outre de tenir une séance commémorative pendant sa cinquante-troisième session pour célébrer le vingtième anniversaire de l'adoption du Plan d'action de Buenos Aires pour la promotion et la mise en oeuvre de la coopération technique entre pays en développement. Aux termes du second projet, relatif au développement culturel, l'Assemblée générale inviterait tous les Etats et institutions internationales à intensifier leurs efforts pour intégrer les facteurs culturels dans leurs programmes et projets de développement, et encouragerait l'UNESCO à poursuivre sa tâche de promotion des relations cruciales entre la culture et le développement, en tenant compte de la diversité des cultures.

La Deuxième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 30 octobre, à 10 heures. Elle reviendra sur le point de son ordre du jour relatif au développement durable et à la coopération économique internationale. Elle s'attachera plus particulièrement aux chapitres traitant respectivement de la population et du développement, et des migrations internationales et du développement, y compris la convocation d'une conférence des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement.

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Table ronde sur les migrations internationales, la population et le développement

Présentations des participants à la table ronde

M. JOSEPH CHAMIE, Directeur de la division de la population au Département des affaires économiques et sociales, a rappelé les trois phénomènes démographiques qui représentent les activités humaines fondamentales, à savoir la reproduction (fécondité), le vieillissement (mortalité) et la migration (mouvement des gens d'un endroit à un autre, tant sur le plan national qu'international). Les experts démographes ont prévu une poursuite de la tendance à la hausse de la population mondiale, qui devrait compter environ 9 milliards d'habitants en l'an 2050 pour se stabiliser au XXIIIe siècle autour de 11 milliards d'habitants, avec une population en moyenne plus âgée qu'aujourd'hui.

Les migrations, surtout internationales, constituent un phénomène beaucoup plus complexe à étudier, car il est plus difficile de recueillir des données permettant une analyse approfondie. Les taux nets de migration sont négatifs dans les Pays en développement mais positifs dans les pays développés. Cependant, dans nombre de pays développés, une majorité des immigrants viennent de pays eux-mêmes développés, ce qui n'est toutefois pas le cas des Etats-Unis, du Canada ni de l'Australie. Une partie des migrants sont aussi des réfugiés et le nombre de ces derniers est passé, au cours des 30 dernières années, de moins de 2 millions à environ 13 millions. Les migrations internationales et le développement sont des phénomènes liés, a rappelé M. Chamie. Le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement a reconnu la contribution positive des migrants au développement, mais les pays d'accueil devraient offrir aux migrants une alternative viable pour qu'ils restent ou retournent dans leur pays d'origine.

M. JAMES PURCELL, Directeur général de l'organisation internationale pour les migrations, a rappelé que les migrants ont, historiquement, apporté énergie et persévérance dans les pays d'accueil, dont certains ont été véritablement fondés par des migrants. On peut donc se demander pourquoi, aujourd'hui, ces migrations sont perçues de manière négative. D'abord, chaque pays du monde fait désormais partie d'un système de flux d'immigrations. Tout Etat est soit un Etat d'émigration, soit un Etat de transit, soit un Etat d'immigration, certains réunissant en même temps plusieurs de ces caractéristiques. Or, beaucoup d'Etats d'accueil considèrent, aujourd'hui, les migrants comme des profiteurs en puissance. En outre, les Etats tendent à considérer les problèmes de migration comme relevant de leur souveraineté nationale alors qu'en fait, il faudrait adopter une approche multinationale. Les Nations Unies constituent une des instances appropriées pour traiter de ces problèmes, qui concernent un nombre croissant de personnes.

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M. Purcell a rappelé les causes principales de ces migrations: causes économiques (répartition de plus en plus inégales des richesses entre Etats, pauvreté, chômage ou sous-emploi), crises politiques, guerres, dégradation de l'environnement ou encore considérations plus personnelles. Il a rappelé en outre que 55% des migrants venus de pays en développement vivent dans d'autres pays en développement, ce qui montre bien que les migrants ne cherchent pas uniquement à profiter des avantages économiques des pays industrialisés. Souvent, ils préféreraient vivre dans leur pays d'origine et leur émigration s'est faite sous la contrainte, économique ou politique. En outre, dans l'ensemble du monde, le pourcentage de la population née à l'étranger est restée à peu près stable durant les dernières décennies. Toutefois, il existe effectivement des changements importants dans les migrations. On assiste désormais à des déplacements de personnes qualifiées, ce qui pose dans certains Etats le problème de la "fuite des cerveaux". Autre problème: les migrants suscitent la formation de réseaux criminels internationaux.

Il existe des liens évidents entre les migrations et le développement. Historiquement, la croissance des Etats-Unis, du Canada, de l'Australie et d'autres Etats a été rendue possible par l'accroissement de la main-d'oeuvre. Par ailleurs, le développement de certains pays a provoqué une baisse de l'émigration, ce qui démontre que le développement est un moyen de lutter contre l'émigration. Il conviendrait d'adopter des politiques migratoires permettant d'harmoniser les besoins intérieurs d'un Etat avec la pression internationale. Or, de nombreux Etats n'ont pas de politique migratoire, ce qui ne peut qu'inciter à l'immigration illicite. Au plan international, il existe déjà diverses conventions qui traitent du problème des migrations. Alors que le prochain siècle s'annonce comme un siècle de grands mouvements migratoires, il faut décider si de tels mouvements seront perçus comme positifs ou comme un élément de déstabilisation.

Mme GUILLERMINA JASSO, professeur de sociologie à l'Université de New York, a déclaré qu'il était important de recueillir des données statistiques sur les migrants internationaux, afin de pouvoir adopter une politique de l'émigration qui repose sur des bases solides. Elle a notamment cité, en exemple, une étude binationale américano-mexicaine.

M. MAKHTAR DIOUF, chercheur et enseignant à la faculté de sciences économiques de l'Université de Dakar, a déclaré que les causes et les caractéristiques des migrations internationales sont les mêmes pour l'Afrique que pour d'autres régions du monde. La migration interafricaine est un phénomène qui remonte à la période coloniale avec le phénomène du travail forcé. Sur le continent, il existe trois catégories de pays: les pays exportateurs nets de migrants, comme le Burkina Faso ou le Cap-Vert, les pays importateurs nets de migrants, comme la Côte d'Ivoire, l'Afrique du Sud et la Libye; enfin des pays qui sont à la fois d'émigration et d'immigration, comme le Nigéria et le Sénégal.

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M. Diouf a observé que le rapport entre migration et développement existe dans les pays importateurs nets. Par exemple, la croissance de l'économie en Côte d'Ivoire, au cours des dernières années, a reposé sur les exportations de cacao et de café, mais on ne peut parler de la croissance économique ivoirienne sans mentionner la contribution des migrants du Burkina Faso. L'Afrique du Sud est un autre exemple. Les industries minières y emploient pour l'essentiel des migrants provenant de nombreux pays voisins, dont la contribution au développement de l'économie sud-africaine est incontestable. En Afrique de l'Ouest, le Cap Vert, complètement déshérité sur le plan des ressources naturelles, a cependant un revenu capital supérieur à son voisin le Sénégal et affiche une balance des paiements excédentaire. L'économie de ce pays, dont la moitié des ressortissants vit à l'étranger, est en fait soutenue par les mandats envoyés par ces immigrés.

M. Diouf a déclaré que l'on ne peut pas parler du phénomène de migration en Afrique sans évoquer le problème des expulsions. Si beaucoup d'Africains émigrés en Europe sont refoulés et expulsés vers leur pays d'origine, il existe aussi très peu de pays d'Afrique où l'on n'a pas expulsé de migrants africains. L'expulsion des migrants de la région sahélienne par le gouvernement de la Zambie en est un exemple. Il est regrettable de constater que ces phénomènes continuent malgré les conventions internationales signées par les chefs de gouvernement, conventions qui stipulent souvent la libre circulation des personnes dans les pays qui les ont signées.

Mme SOLITAD MONSOD, professeur d'économie à l'université des Philippines et ancien Ministre du plan de son pays, a déclaré que la mondialisation ne se traduit pas par une diminution des restrictions aux mouvements de personnes, bien au contraire. Ainsi, en 1995, 66 pays avaient des politiques tendant à décourager l'émigration, alors que six seulement encourageaient ces mouvements. En Asie, la migration n'est pas un cheval de Troie appelé à balayer l'Occident, puisque 60% des Asiatiques qui émigrent vont dans d'autres pays d'Asie, souvent des pays en développement. Certes, l'Asie a un taux d'émigration régional net de 4 pour 10.000, mais ce taux est de 12 pour 10.000 en Amérique latine et de 6 pour 10.000 en Afrique. Cela dit, la population asiatique est tellement importante qu'en chiffres bruts, elle est la plus forte. En Asie, les Philippines ont la plus importante émigration. Mais certains pays asiatiques sont désormais des pays d'accueil: ce fut d'abord le Japon, puis la Corée et aujourd'hui la Thaïlande. Nombre des pays d'accueil d'Asie ont d'ailleurs des politiques très hostiles aux immigrants, et souvent les émigrés asiatiques sont plus mal reçus dans les autres pays d'Asie que dans la plupart des Etats européens.

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Présentation de projets de résolution

Développement durable et coopération économique internationale: développement culturel

Aux termes du projet de résolution A/C.2/52/L.10, l'Assemblée générale inviterait tous les États, organes et organismes intergouvernementaux appartenant au système des Nations Unies et organisations intergouvernementales à intensifier leurs efforts pour intégrer les facteurs culturels dans leurs programmes et projets de développement. L'Assemblée encouragerait l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture à poursuivre sa tâche consistant à promouvoir dans tout le système des Nations Unies une prise de conscience accrue des relations cruciales qui existent entre la culture et le développement. Elle prendrait acte de la première Réunion des Ministres de la culture des pays membres du Mouvement des pays non alignés, qui s'est tenue à Medellin (Colombie) les 4 et 5 septembre 1997, et se féliciterait de la convocation pour 1999 de la "réunion sur la culture pour le prochain millénaire". Elle inviterait le Secrétaire général, agissant en coopération avec le Directeur général de l'UNESCO, à susciter la tenue d'autres débats internationaux sur la culture et le développement.

Coopération économique et technique des pays en développement

Aux termes du projet de résolution A/C.2/52/L.9, l'Assemblée générale déciderait d'intensifier le processus de renforcement des divers dialogues interrégionaux et l'échange de données d'expérience entre groupements économiques régionaux et sous-régionaux afin de développer la coopération Sud-Sud en y intégrant les modalités de la coopération économique et technique entre pays en développement. Elle demanderait à tous les gouvernements et organismes compétents des Nations Unies, y compris les institutions financières multilatérales, d'envisager d'accroître le montant des ressources allouées à la coopération économique et technique entre pays en développement et d'identifier et soutenir des modalités de financement novatrices pour promouvoir la coopération Sud-Sud, comme la coopération triangulaire et le financement par le secteur privé. Elle prierait instamment toutes les parties qui oeuvrent en faveur de la coopération pour le développement de déployer des efforts concertés, coordonnés et vigoureux pour intégrer les modalités de la coopération économique et technique entre pays en développement dans leurs activités opérationnelles.

L'Assemblée générale déciderait en outre de tenir une séance commémorative pendant sa cinquante-troisième session pour célébrer le vingtième anniversaire de l'adoption du Plan d'action de Buenos Aires pour la promotion et la mise en oeuvre de la coopération technique entre pays en développement. Elle prierait également le Groupe spécial de la coopération technique entre pays en développement, agissant en consultation avec les États Membres et les organisations et organismes compétents du système des

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Nations Unies, d'élaborer et de lui soumettre, à sa cinquante-troisième session, une évaluation approfondie des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du Plan d'action et de son impact, ainsi que des recommandations pour l'élargissement du partenariat mondial aux fins de la coopération internationale en faveur du développement et pour le renforcement de l'intégration des modalités de la coopération économique et technique entre pays en développement.

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