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AG/J/220

COMMISSION JURIDIQUE: LES DELEGATIONS SONT DIVISEES SUR L'INCLUSION DE L'AGRESSION DANS LE CHAMP DE COMPETENCE DE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE

23 octobre 1997


Communiqué de Presse
AG/J/220


COMMISSION JURIDIQUE: LES DELEGATIONS SONT DIVISEES SUR L'INCLUSION DE L'AGRESSION DANS LE CHAMP DE COMPETENCE DE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE

19971023 Des propositions visent à prévoir une clause de révision du statut pour étendre la compétence de la cour aux crimes commis en violation de traités

Réunie sous la présidence de M. Peter Tomka (Slovaquie), la Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi cet après-midi l'examen de la question relative à la cour criminelle internationale. Dans ce cadre, elle a entendu les représentants des pays suivants : Mongolie, ex-République yougoslave de Macédoine, France, Canada, Bangladesh, Royaume-Uni, Népal, Koweït, Pologne, Allemagne, Géorgie, Bélarus, Uruguay, Pakistan, Philippines, Nicaragua, Haïti, Laos, Russie, Libye, Argentine, Nouvelle-Zélande et Syrie. Les représentants de l'Iraq et du Koweït ont exercé leur droit de réponse.

Les délégations, dans leur majorité, ont inclus dans le noyau des crimes exceptionnellement graves, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. En ce qui concerne l'agression, certains intervenants ont subordonné son inclusion dans la compétence de la cour à une définition claire et précise. D'autres délégués ont soutenu que son inscription n'est concevable que dans les cas où le Conseil de sécurité a établi, en vertu de la Charte, qu'une agression a été effectivement commise. Des intervenants ont proposé que les crimes commis en violation des traités puissent relever de la compétence de la cour, à l'avenir, grâce à une clause de révision du statut. Les délégations sont divisées sur le pouvoir qui pourra être octroyé au procureur d'engager des enquêtes ex-officio. Des propositions ont été faites pour qu'une chambre d'examen contrôle la légalité des actes du procureur et constitue ainsi une garantie des droits de la défense. Le Sixième Commission se réunira de nouveau demain, vendredi 24 octobre à partir de 10 heures. Elle devrait achever l'examen de cette question avant d'entamer celui de l'amendement de l'Article 13 du Statut du Tribunal administratif.

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M. JARGALSAIKHANY ENKHSAIKHAN (Mongolie) s'est déclaré convaincu que la future cour criminelle internationale devrait connaître du crime d'agression. Son exclusion du statut de la cour éliminerait le précédent établi et les principes énoncés par le tribunal de Nuremberg qui a qualifié le crime d'agression de crime international suprême. En outre, il ne faudrait pas dissocier la justice de la paix, ni la paix de la justice. Elles sont indivisibles. Il ne peut y avoir de justice si l'on ne répond pas de façon efficace aux actes d'agression et aux menaces à la paix. L'agression pourrait relever de la compétence de la cour sans avoir à se référer au Conseil de sécurité. La délégation mongolienne estime également que la compétence de la cour devrait être étendue aux menaces graves à l'environnement qui ont des conséquences préjudiciables à long terme. A cet égard, M. Enkhsaikhan a souligné la gravité des catastrophes de Tchernobyl et de Bhopal.

La cour doit avoir une compétence exclusive sur tous les crimes du noyau dur, a estimé M. Enkhsaikhan. Toutefois, la Mongolie est opposée au consentement de l'Etat, fondé sur l'option. La compétence exclusive de la cour et des pouvoirs plus étendus pour le procureur sont essentiels pour garantir l'indépendance de la cour.

Mme MAJA ORTOKOVA (Ex-République yougoslave de Macédoine) a estimé que la création d'une cour criminelle internationale permanente contribuera largement au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Sa délégation se félicite des travaux accomplis en 1997 par le Comité préparatoire pour la création d'une telle cour. Mme Ortakova a souligné les progrès considérables réalisés dans l'élaboration des projets de texte sur la définition des crimes, les principes généraux de droit international, la complémentarité, la saisine et les autres aspects de procédure. Elle s'est déclarée convaincue que l'esprit de coopération, qui a présidé aux travaux du Comité préparatoire, permettra de parvenir à un consensus sur un texte consolidé de la convention qui sera adoptée par la conférence diplomatique de 1998. Mme Ortokova s'est félicitée de la participation des organisations non gouvernementales pertinentes, ainsi que des organisations à qui l'Assemblée générale a octroyé le statut d'observateur.

M. DAMIEN LERAS (France) a rappelé que les nombreuses propositions faites par la France, trop nombreuse aux yeux de certains, ont toutes été élaborées dans le souci d'offrir des solutions concrètes , réfléchies, approfondies, au lieu de nous en tenir à de vagues généralités. La délégation française souscrit pleinement à la déclaration prononcée au nom de l'Union Européenne. L'exigence d'efficacité devrait conduire à dépasser les tentatives de promotion trop exclusives de certaines traditions juridiques. Seule l'exigence d'efficacité doit guider les négociations, a-t-il déclaré. Une juridiction internationale ne peut être le simple décalque des juridictions nationales. Le réalisme devrait conduire à ce que la future cour exerce ses fonctions en harmonie avec les organes des Nations Unies, dans le strict respect, réciproque, de la vocation propre et des compétences de chacun.

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La France soutient le principe d'une compétence matérielle de la cour centrée sur un noyau dur de crimes exceptionnellement graves : crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre. S'agissant du crime d'agression, son inscription n'est concevable que dans les cas où le Conseil de sécurité a établi, comme la Charte le charge de le faire, qu'une agression a été effectivement commise. Le statut de la future cour devrait définir de manière précise les principes directeurs de la procédure ainsi que les principales modalités de son déroulement. Il serait nécessaire d'assurer un contrôle de la légalité des actes du procureur, la mise en place d'une chambre d'examen représentant à cet égard une garantie essentielle pour les droits de la défense. Concernant la complémentarité, il est souhaitable que la cour n'ait à intervenir qu'en cas de défaillance avérée, volontaire ou non, des juridictions nationales. Les pays devraient pouvoir prouver qu'ils n'ont pas tenté de soustraire l'accusé à la justice. Il faudrait que les moyens de contestation soient d'autant plus limités que la procédure devant la cour est avancée.

M. JOHN HOLMES (Canada) s'est félicité que l'établissement d'une cour criminelle internationale semble enfin à la portée de la communauté internationale. Le représentant s'est également réjoui des progrès accomplis au sein du Comité préparatoire, qui a élaboré des projets de document de synthèse qui ont contribué à la rédaction d'un texte largement acceptable. Il s'est déclaré conscient que beaucoup reste à faire et s'est dit résolu à faire avancer les choses le plus possible au cours des deux prochaines réunions du Comité préparatoire et des rencontres intersessionnelles informelles. "Grâce aux progrès qui seront réalisés durant ces réunions, on devrait pouvoir achever les travaux sur le statut de la cour sans une Conférence diplomatique de longueur excessive", a pronostiqué le représentant. Il a estimé que les organisations non gouvernementales devraient participer au même titre que les Etats à la Conférence diplomatique. Le représentant a appuyé la proposition faite par les Pays-Bas d'accueillir la cour.

Pour M. Holmes, la communauté internationale doit plus que jamais saisir l'occasion qui se présente à elle de créer rapidement la cour. Le représentant a expliqué que le statut de la cour devrait constituer un cadre général définissant les principes et les procédures de base, soulignant que les détails pourront être traités ultérieurement dans le règlement de la cour. Il a exhorté toutes les délégations à continuer de négocier de bonne foi afin de créer rapidement une cour indépendante et efficace. A cet égard, le Canada est d'avis que la cour ne pourra être efficace que si elle a une compétence inhérente en matière de génocide, de crimes de guerre et de crime contre l'humanité. Il est tout aussi important que la cour soit à l'abri d'une ingérence indue de la part du Conseil de sécurité. La cour criminelle internationale constituera une victoire importante dans la lutte incessante contre l'impunité, et elle démontrera l'aversion de la communauté internationale à l'égard des atrocités trop souvent commises au XXème siècle.

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M. ANWARUL KARIM (Bangladesh) a estimé que, pour garantir son indépendance, la future cour criminelle internationale ne devrait avoir que des relations limitées avec le Conseil de sécurité. Sa délégation se dit particulièrement préoccupée par les dispositions de l'article 23 du projet de statut qui stipule que la "cour ne peut, sans l'autorisation du Conseil de sécurité, engager des poursuites en cas de menace de paix ou d'acte d'agression. Dans la mesure où les crimes du noyau dur relèvent du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, une telle disposition subordonnerait la cour au Conseil de sécurité dans tous les cas. Il faudrait établir un équilibre pour assurer l'efficacité de la cour tout en gardant à l'esprit le rôle du Conseil de sécurité. Sa délégation estime que si la cour doit connaître des crimes les plus graves, sa compétence devra également être étendue à l'agression. Pour ce qui est de la compétence exclusive, le représentant a fait remarquer que l'option laissée aux Etats Parties affaiblirait l'indépendance et l'efficacité de la cour. Le procureur devrait être en mesure de s'acquitter efficacement de ses fonctions. A cet égard, M. Anwarul a rappelé l'incapacité des tribunaux pénaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.

Mme S. DICKSON (Royaume-Uni) s'est félicitée des efforts considérables réalisés par le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale, notamment en ce qui concerne la définition des crimes. La représentante a émis l'espoir que l'on examinera de façon plus approfondie les crimes contre l'humanité avant la tenue de la conférence diplomatique. Concernant la question de la complémentarité, Mme Dickson s'est félicitée de la teneur du projet de texte élaboré par le Groupe de travail. La délégation du Royaume-Uni estime toutefois que les progrès sur la question des procédures ont été lents. A cet égard, Mme Dickson a jugé essentiel d'approfondir l'examen de la question. La délégation du Royaume-Uni a estimé que le consensus sur la création d'une chambre d'accusation au sein de la future cour est un autre exemple de l'esprit de coopération qui a présidé aux travaux du Comité préparatoire. Cet esprit de coopération est essentiel au succès des délibérations. La future cour est une institution complètement nouvelle. S'il est vrai qu'il ne faudrait pas rester attaché à nos systèmes juridiques, mais il n'en serait pas moins utile de nous en inspirer.

M. BRIGHU DHUNGANA (Népal) a estimé que la cour criminelle internationale ne devrait pas supplanter ou devenir une cour d'appel des juridictions nationales, mais les compléter. Le représentant a souligné que la question de la complémentarité est au centre de la création de la future cour car elle détermine le type de coopération qui devra être instauré entre la cour et les cours nationales. Il importe, par conséquent, d'adopter une approche consensuelle. Le représentant a indiqué que la cour devra, du moins au début, avoir compétence pour juger de certains crimes qui préoccupent particulièrement la communauté internationale. Il faudra cependant faire preuve de prudence en définissant précisément chaque crime et réexaminer, comme cela a été proposé, leur définition une fois que la cour sera devenue opérationnelle. Le représentant s'est félicité du large accord qui s'est fait jour parmi les délégations sur la définition du crime de génocide et du crime

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contre l'humanité et a pris note avec satisfaction des efforts déployés au cours des deux dernières session du Comité préparatoire en vue d'améliorer la définition du crime d'agression.

M. Dhungana a jugé essentielle la question des relations entre la cour et les organes des Nations Unies, notamment avec le Conseil de sécurité. Aussi, l'actuel article 23 du projet de statut doit-il être mieux défini pour établir une relation équilibrée entre la cour et le Conseil afin de tenir compte tant des prérogatives du Conseil en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale que de la nécessité de disposer d'une juridiction efficace et indépendante. Le Népal, qui est un ardent défenseur de la création de la cour, ne peut que se féliciter de l'imminence de cet événement. Il est d'avis que l'établissement l'an prochain de la cour permettra de se rapprocher un peu plus du vieux rêve d'un monde pacifique fondé sur la justice.

M. AYADAH AL-SAIDI (Koweït) a appuyé la création d'une cour criminelle internationale. Il est indispensable de garantir l'égalité de tous les pays dans ce processus. Le représentant a fait sienne l'idée de limiter la compétence de la cour aux crimes exceptionnellement graves, y compris l'agression. Il a estimé qu'il faudrait établir un équilibre entre les droits de l'accusé et ceux de la victime. Son pays souhaite maintenir la peine de mort dans le projet de statut de la future cour. La délégation koweïtienne a souhaité que tous les pays appuient le projet de statut de la cour afin d'en garantir l'universalité. La cour ne pourra être efficace que si elle bénéficie d'une large acceptation de la part de la communauté internationale. M. Al-Saidi a exprimé ses remerciements au gouvernement italien pour accueillir la conférence diplomatique et a émis l'espoir que celle-ci sera couronnée de succès.

M. ZDZISLAW GALICKI (Pologne) s'est félicité des résultats obtenus par le Comité préparatoire pendant ses sessions de février et août 1997. La compétence de la cour devrait être limitée aux crimes internationaux les plus graves, ce qui devrait favoriser le processus de ratification et d'entrée en vigueur du statut. Il faudrait d'autre part, a-t-il dit, clairement définir les crimes dépendant de la compétence de la cour. La Pologne est favorable à un noyau de crimes exceptionnellement graves, à savoir le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. De même, les crimes commis en violation de traités pourraient aussi relever de cette compétence. A cet égard, le délégué a précisé qu'il serait raisonnable de prévoir une clause de révision du statut de la cour afin de rajouter des crimes prévus par des traités. La Pologne considère toutefois que l'inclusion du crime d'agression dans le champ de compétence de la cour demande une attention particulière, d'un point de vue juridique. L'inclusion est possible, à condition de prévoir une définition juridique précise. Il faut en effet distinguer les actes commis par des Etats et par ceux perpétrés des individus. Dans ce cas, il faudrait éviter toute interférence entre les champs de compétence respectifs

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de la cour et du Conseil de sécurité. Le délégué a émis la crainte que le document actuel remis par le Comité préparatoire sur le principe de complémentarité soit un peu trop complexe, ce qui nuirait à l'efficacité de la cour. Enfin, la Pologne souhaite que les modes de saisine donnent le pouvoir au procureur d'initier des enquêtes ex-officio, avec en parallèle une vérification préalable de légalité par la chambre d'accusation.

M. ROLF WELBERTS (Allemagne) a manifesté son soutien au représentant des Pays-Bas, qui s'est exprimé au nom de l'Union Européenne. Il a déclaré que la cour devrait avoir quatre fondements principaux. Selon le principe de complémentarité, la cour ne devrait entrer en action qu'en cas d'incapacité ou de non poursuite par les juridictions nationales. Sa compétence devrait être limitée à un noyau de crimes exceptionnellement graves, que sont le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression. Le procureur devrait avoir le pouvoir d'engager des enquêtes ex-officio. La cour devrait être protégée de toute influence politique, qu'elle provienne d'un Etat, ou du Conseil de sécurité des Nations Unies.

M. Welberts a rappelé qu'il était essentiel que le crime d'agression fasse partie du champ de compétence de la cour et a remercié les pays qui se sont ralliés à cette idée. A propos des crimes de guerre, l'Allemagne a souhaité des définitions extrêmement précises et l'inclusion des crimes commis lors de conflits internes. Enfin, il s'est prononcé en faveur d'une durée minimum de cinq semaines pour la réunion du Comité préparatoire et de la préparation par le Secrétariat des Nations Unies d'un projet pour les règles de procédure, qui pourrait être adopté par la conférence.

M. ALEXANDER CHKHEIDZE (Géorgie) considère que la création d'une cour criminelle internationale constitue l'un des progrès les plus importants réalisés au cours de la période de l'après-guerre froide. Il s'est déclaré convaincu qu'elle contribuera au renforcement du droit international. La communauté internationale a déjà réagi aux violations flagrantes commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda en mettant en place des tribunaux ad hoc. Les difficultés rencontrées par ces organes et leur expérience devraient être prises en considération pour la future cour. La délégation géorgienne appuie la proposition visant la création de la cour en vertu d'un traité multilatéral. Les liens qui uniront la cour aux Nations Unies devraient être établis sur la base d'un accord. La future cour doit être permanente. Concernant la définition des crimes, M. Chkheidze est d'avis que la cour devrait connaître des crimes de génocide et des crimes contre l'humanité. Il s'est félicité des efforts visant à améliorer la définition de l'agression. La compétence de la cour est le pivot du statut tout entier. A cet égard, M. Chkheidze a estimé que la cour devrait être compétente pour les crimes qui posent une menace pour la communauté internationale, sans qu'il soit nécessaire que ces crimes soient définis par les traités mentionnés dans le projet de statut.

M. SYARGEI SYARGEEU (Bélarus) s'est prononcé en faveur d'une proche coopération de la cour et des juridictions nationales. La cour devrait être impartiale, libre de toute influence politique. Elle devrait intervenir en cas de défaillance des juridictions nationales. Toutefois le principe de

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complémentarité ne devrait pas entraîner une trop grande limitation de compétence de la cour. A ce sujet, il serait souhaitable de retenir le noyau de crimes exceptionnellement graves. La définition du génocide devrait être celle de la Convention sur le génocide de 1948 de manière à éviter les discussions et à ne pas ralentir la création de la cour. Les crimes de l'humanité, pour relever de la compétence de la cour, ne devraient pas être liés obligatoirement à l'existence d'un conflit armé. Le seul caractère à prendre en compte devrait être le caractère systématique et étendu de ces crimes. Le délégué a souhaité retenir l'agression dans le champ de compétence de la cour. A propos des crimes commis en violation des traités, le délégué s'est montré flexible, puisque la compétence de la cour à ce sujet est complètement optionnelle. Il est souhaitable que le Conseil de sécurité fasse appel à la cour quand un acte d'agression aura été commis et qu'il l'aura estimé nécessaire. Chaque pays favorable à la cour et le Conseil de sécurité devraient pouvoir faire appel d'une décision du procureur.

M. BENITEZ SAENZ (Uruguay) a estimé que la création d'une cour criminelle internationale devrait supplanter la prolifération de tribunaux ad hoc. La question de la complémentarité n'a pas encore été réglée de manière définitive. Des négociations vont se poursuivre dans le cadre de la conférence diplomatique qui se tiendra à Rome en 1998. Concernant les crimes relevant de la compétence de la cour, M. Benitez Saenz a indiqué que sa délégation s'oppose à l'inclusion du terrorisme dans le projet de statut. La délégation uruguayenne émet l'espoir que la conférence de plénipotentiaires sera couronnée de succès.

M. FAROOQ HASSAN (Pakistan), a rappelé que son pays attache une grande importance à la primauté de la compétence nationale et qu'il estime que le principe de la complémentarité est essentiel. Il s'est d'ailleurs félicité de son inclusion dans le projet de statut. C'est aux Etats qu'il incombe en premier lieu de poursuivre et de réprimer les criminels. Puisque de nombreux Etats disposent déjà de systèmes judiciaires compétents pour connaître les crimes visés par le projet de statut, la cour criminelle internationale ne devrait être compétente qu'en l'absence ou en cas d'inefficacité de juridictions nationales. Sa délégation appuie l'idée de limiter la compétence de la cour aux crimes du noyau dur. Le Pakistan se prononce en faveur du régime consensuel pour l'exercice de la compétence de la cour. Les juridictions nationales sont plus efficaces pour les cas où la cour et les tribunaux nationaux ont une compétence concurrente.

Le Pakistan estime que la cour devrait connaître du crime de génocide, des crimes relatifs à la violation du droit coutumier de la guerre et des crimes contre l'humanité. Toutefois, l'agression devrait être exclue de la compétence de la cour. La définition faite par les Nations Unies ne revêt que la forme d'une recommandation et elle est davantage fondée sur des considérations politiques que juridiques. Le Pakistan estime que la cour ne devrait être compétente que pour les crimes commis par des individus. M. Hassan a estimé que l'Etat peut poursuivre lui-même les crimes définis par les traités et qu'en conséquence, la compétence de la cour n'est pas fondée.

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M. RAUL ILLUSTRE GOCO (Philippines) a souhaité que le noyau des crimes exceptionnellement graves soit constitué des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du génocide. Les Philippines sont d'accord pour ajouter l'agression à la liste, à condition de trouver une définition juridique acceptable. La cour devrait être compétente dans les cas où les juridictions nationales auraient échoué, auraient protégé un accusé, ou auraient été inexistantes. Abordant les questions de procédure, le délégué a rappelé que même la Charte de Nuremberg, qui ne figurait que sur cinq pages de texte, renfermait toutes les règles générales de procédure et des éléments de preuve. Cinquante ans plus tard, la communauté internationale a développé et codifié les lois de Nuremberg en adoptant la Convention sur le génocide (1948), les Conventions de Genève de 1949 et le Protocole additionnel (1971)

Aujourd'hui, nous nous rendons à l'évidence que rien de comparable n'a pu se faire à ce jour sur les questions de procédure et des éléments de preuve. Toutefois, en dépit de ces lacunes, les normes internationales des droits de l'homme nous offrent des principes sur lesquels nous pourrions fonder nos travaux. Pour étayer son explication, M. Goco a cité la Déclaration des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

M. MATRIO CASTELLON DUARTE (Nicaragua) a invité les délégations à multiplier leurs efforts en vue d'élaborer un texte consolidé qui servira de base aux travaux de la Conférence diplomatique de 1998. La compétence de la future cour doit être complémentaire. Le projet de statut devrait étendre les pouvoirs du procureur afin de lui permettre de s'acquitter efficacement de son mandat. Le terrorisme et le trafic illicite des stupéfiants, sont des crimes qui devraient être inclus dans le champ de compétence de la cour. Concernant le rôle du Conseil de sécurité, M. Castellon Duarte a souhaité que le projet de statut prévoit un rôle limité pour garantir l'indépendance et l'efficacité de la cour.

Mme BEATRICE EUGENE (Haïti) a fait sienne la déclaration de la représentante de Trinité et Tobago au nom des pays membres de la Communauté des Caraïbes. La cour doit être indépendante de toute ingérence politique. Son impartialité assurera sa crédibilité. La peine de mort ne devrait pas faire partie du statut.

L'idée de l'universalité est à appuyer, mais pour y arriver, il faudrait obtenir la participation de tous les Etats à la Conférence diplomatique de Rome. La déléguée a encouragée les pays industrialisés à contribuer largement au fonds créé par le Secrétaire général pour permettre aux pays à faibles ressources d'y prendre part.

M. ALOUNKEO KITTIKHOUN (République démocratique populaire Lao), a noté avec regret qu'en dépit des progrès accomplis par le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale, au cours de ses deux sessions de 1997, il subsiste encore des divergences de vues sur des questions fondamentales. Il faudrait redoubler d'efforts pour régler les questions de la définition des crimes, de la compétence de la cour et du principe de la complémentarité. Il est important de créer une cour qui soit compétente pour

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connaître les crimes du noyau dur, à savoir le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Le représentant a souligné qu'il incombe en premier lieu aux Etats de poursuivre et de réprimer les crimes internationaux. Par le biais de ses juridictions nationales, un Etat prévient et réprime tous les crimes, y compris les crimes internationaux. La cour criminelle internationale quant à elle devrait avoir une compétence complémentaire. Le Laos qui attache la plus haute importance au principe de la souveraineté nationale, insiste sur la nécessité de fonder la compétence de la future cour sur le consentement des Etats. Pour la délégation du Laos, la compétence exclusive de la cour sur certains crimes sans le consentement d'un Etat va à l'encontre purement et simplement de deux grands principes, à savoir la souveraineté nationale et la complémentarité.

M. ALEXSANDRE V. ZMEEVSKI (Fédération de Russie) considère que la compétence de la cour devrait couvrir des actes susceptibles de menacer la paix et la sécurité internationales, à savoir le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, la préparation et la mise en oeuvre d'une agression, ainsi que les actes terroristes les plus graves. La cour devrait être autonome et indépendante, mais en même temps être en relation étroite avec les Nations Unies. Il serait souhaitable, a-t-il ajouté, qu'une disposition autorise le Conseil de sécurité à saisir la cour de certaines violations du Chapitre VII de la Charte. Toutefois, la compétence de la cour devrait être exclusive en cas de génocide et en cas de saisine par le Conseil de sécurité. Pour les autres crimes, sa compétence devrait être facultative. Le délégué a estimé que le Conseil de sécurité devrait pouvoir saisir la cour à tout moment quand il y a menace pour la paix. L'intervention du Conseil en elle-même est une garantie suffisante de la gravité du crime commis. Le procureur ne devrait pas pouvoir procéder à des enquêtes ex-officio. La position de la Russie à ce sujet est basée sur la pratique des tribunaux ad hoc.

La Russie pense souhaitable de rediscuter les questions de définition des crimes lors de la réunion du Comité préparatoire. Il est nécessaire de parvenir à un consensus sur le plus grand nombre de questions puisqu'il ne reste plus que deux sessions du Comité préparatoire avant la conférence diplomatique.

M. ABDUSALAM SERGIWA (Libye) a émis l'espoir que la future cour criminelle internationale sera compétente pour mettre fin à des violations flagrantes du droit international. Sa délégation formulera des observations plus détaillées lors des prochaines sessions du Comité préparatoire pour la création de la cour criminelle internationale. La cour devrait avoir une compétence complémentaire. Elle ne pourra se substituer aux juridictions nationales. Le représentant a estimé que, même si le crime d'agression n'a pas encore été défini de façon précise, il est toujours possible de l'inclure dans le projet de statut de la cour. De l'avis de sa délégation, il faudrait y inclure le crime du terrorisme tout en lui donnant une définition claire. Les expériences du passé ont montré que les décisions du Conseil de sécurité

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expriment les positions de ses Etats membres dotés du droit de veto, a-t-il dit et c'est pourquoi, il est nécessaire de limiter les relations entre la future cour et le Conseil de sécurité. La délégation libyenne exprime ses remerciements au gouvernement italien d'accueillir la conférence diplomatique à Rome en juin 1998.

Mme SILVIA A. FERNANDEZ DE GURMENDI (Argentine) a noté avec satisfaction que le projet de statut tient compte des différents systèmes juridiques et des préoccupations des Etats. Elle a estimé que le texte qui sera présenté à la conférence diplomatique de 1998 guidera les travaux de celle-ci. La délégation argentine se dit convaincue que les travaux accomplis contribueront largement à l'évolution du droit pénal international. Mme Fernandez de Gurmendi a fait sienne l'idée de créer une chambre d'accusation au sein de la future cour. Il faudrait éviter d'inclure dans le statut des dispositions rigides qui paralyseraient le fonctionnement de la cour. L'Argentine se félicite par ailleurs de la contribution des organisations non gouvernementales aux travaux du Comité préparatoire.

Mme FELICITY WONG (Nouvelle-Zélande) a attiré l'attention sur les travaux accomplis par le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale. La représentante a estimé qu'il faudrait inclure les violences sexuelles commises en temps de guerre dans le projet de statut. Ces violences, notamment sur des enfants, ont été flagrantes au Rwanda. La réparation des préjudices subis concerne également les femmes. Mme Wong a souligné la nécessité de redoubler d'efforts pour permettre une participation plus active des organisations non gouvernementales à la conférence diplomatique de 1998. Concernant les méthodes de travail, la délégation néo- zélandaise se dit préoccupée par la composition des groupes de travail.

M. GHASSAN OBEID (Syrie) a réaffirmé que son pays attache une grande importance au droit international et aux instruments juridiques internationaux en vigueur. Sa délégation fait sienne l'idée de garantir à la future cour internationale son indépendance, son impartialité et son intégrité. Il faudrait préciser davantage les relations entre la future cour et les Nations Unies, en particulier le Conseil de sécurité. La complémentarité est l'essence et la clé de voûte des travaux futurs de la cour. La compétence de la cour doit être complémentaire. La cour ne devrait intervenir que lorsque tous les moyens de recours sont épuisés ou lorsqu'il existe un vide juridique. La délégation syrienne souhaite que le crime d'agression soit inclus dans le statut de la future cour. M. Obeid a rappelé que, par sa résolution 33/74, l'Assemblée générale a défini l'agression. C'est sur cette base que le Comité préparatoire devrait définir l'agression afin que ce crime soit inclus dans le projet de statut de la cour. Le représentant a lancé un appel au Conseil de sécurité pour appliquer les résolutions relatives à l'agression du territoire syrien. Il faudrait accorder une très grande attention au crime d'agression. L'intervention du Conseil de sécurité pourrait affaiblir sensiblement le rôle de la cour criminelle internationale.

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Droit de réponse

Le représentant de l'Iraq a rejeté les "allégations fallacieuses" avancées par la délégation du Koweït. Le gouvernement koweïtien, a-t-il dit, finance des activités terroristes qui ont fait de nombreuses victimes. Ces activités ne peuvent être fondées sur le droit international dont se prévaut le représentant du Koweït. Il semble que le représentant koweïtien ignore que les mesures prises par son gouvernement relèvent de l'agression.

Le représentant du Koweït a cité un proverbe à l'intention de l'Iraq: "si tu mens, tu peux continuer à mentir jusqu'à ce que tout le monde te croie". Il a déclaré que si l'Iraq avait évacué le territoire du Koweït, cela n'était dû qu'à l'action de la communauté internationale. Il a rappelé que 125 koweïtiens étaient toujours gardés en captivité en Iraq. L'Iraq ne met pas en application les résolutions des Nations Unies et le gouvernement irakien s'est rendu coupable d'un crime d'agression.

Reprenant la parole, le représentant de l'Iraq a estimé que la délégation du Koweït n'a pas répondu à ses observations. Le Koweït persiste dans ses mensonges.

Le représentant du Koweït a déclaré qu'il existait des documents officiels et que ce n'était pas le moment de donner une liste des crimes perpétrés contre les femmes et les enfants par l'Iraq. Il a ajouté que le Koweït a toujours mené une politique pacifique.

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