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AG/J/188

LA SIXIEME COMMISSION ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL

4 novembre 1996


Communiqué de Presse
AG/J/188


LA SIXIEME COMMISSION ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL

19961104 MATIN AG/J/188 Elle entend une allocution de M. Mohammed Bedjaoui, Président de la Cour internationale de Justice

La Sixième Commission (Commission juridique) a entamé ce matin l'examen du rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa quarante-huitième session. Présentant les chapitres I et II du rapport de la Commission, relatifs au projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, M. Ahmed Mahiou, son Président, a déclaré qu'il était important que la CDI maintienne d'étroites relations de travail avec la Sixième Commission. Il a indiqué, qu'en adoptant en seconde lecture le projet de Code des crimes, la Commission a achevé ainsi la réalisation d'une tâche que lui avait confiée l'Assemblée générale en 1947. Il a rappelé qu'au cours du demi-siècle qui s'est écoulé depuis, de multiples atrocités ont été commises au mépris des principes fondamentaux du droit international, confirmant ainsi que le sujet n'a rien perdu de son actualité.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Autriche, Brésil, France, Japon, Bahreïn et Guatemala. L'observateur de la Suisse est également intervenu.

La plupart des délégations se sont félicitées de la réduction du nombre de crimes dont a bénéficié le projet de Code, ce qui permet d'éviter une dévaluation de la notion de crime contre la paix et la sécurité de l'humanité. Elles demeurent toutefois divisées sur la définition de certains de ces crimes. En ce qui concerne l'agression, le représentant de la France a notamment fait valoir que, dans le projet actuel, des autorités judiciaires risquaient d'avoir à connaître des cas d'agression qui ne sont pas considérés comme tels par le Conseil de sécurité.

Certains délégués ont suggéré que le projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité soit adopté sous la forme d'un traité multilatéral pour lui assurer force contraignante. Toutefois, le représentant de l'Autriche a estimé qu'il ne fallait pas prendre de décision sur la forme juridique du projet de Code tant que l'on n'a pas une idée claire de la Cour criminelle internationale.

Nombre de représentants ont estimé nécessaire d'établir un lien entre le projet de Code des crimes et le Statut de la Cour criminelle internationale pour éviter tout double emploi entre les deux textes. Le représentant du Guatemala a estimé impossible de séparer ces deux textes "siamois". En revanche, l'observateur de la Suisse a affirmé que le projet de Code n'a pas pour objectif unique de contribuer à la mise sur pied de la Cour criminelle mais doit avoir une fonction propre, en dictant ou suggérant aux Etats qui ne seront pas parties au Statut de la future Cour, la conduite à observer dans le domaine des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.

Par ailleurs, la Sixième Commission a entendu une allocution de M. Mohammed Bedjaoui, Président de la Cour internationale de Justice, consacrée au "forum prorogatum" ou "prorogation de compétence", qui désigne une extension de la compétence d'un tribunal à une affaire qui, d'après les règles ordinaires, n'en relevait pas et vient régulariser, a posteriori, la compétence du juge international. C'est un mode de saisine qui, en dépit de ses avantages, demeure sous-utilisé, voire méconnu par les Etats, a déclaré M. Bedjaoui, qui a invité les délégations à voir dans le "forum prorogatum" un complément utile, mais non un substitut, aux autres modes plus formels d'acceptation de la compétence de la Cour, qui doivent conserver la faveur dont ils ont bénéficié jusqu'alors de la part des Etats Membres.

La Sixième Commission poursuivra demain, mardi 5 novembre à 10 heures, l'examen du rapport de la Commission du droit international.

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Déclarations

M. GERHARDT HAFNER (Autriche) a rappelé que dès 1947 la Commission du droit international avait été chargée d'élaborer un Code des crimes, mais qu'il a fallu attendre 39 ans pour qu'il soit adopté. Ce n'est cependant pas à la CDI que revient la responsabilité de ce long délai, mais plutôt à des difficultés politiques. Lorsque les circonstances politiques ne permettent pas un accord sur certaines conceptions fondamentales, il ne faut pas tenir les experts juridiques pour responsables de l'absence de résultat, a-t-il estimé. Le délégué a ensuite rappelé que le premier grand succès de la CDI a été le projet de Statut d'une cour criminelle internationale, qui sert désormais de base de travail au Comité préparatoire. Deux ans seulement après avoir présenté ce projet de Statut, la CDI soumet le texte complet du Code des crimes à l'Assemblée générale, a souligné M. Hafner.

Le représentant a salué le projet de Code des crimes, et il a évoqué dans ce contexte le projet de Statut de la Cour criminelle internationale. Il a toutefois estimé qu'il ne faut pas prendre de décision sur le projet pour l'instant, car les principaux thèmes traités dans le projet de Code sont ceux-là même qui font aussi l'objet de discussions au sein du Comité préparatoire sur la Cour. En discuter dans deux enceintes différentes ne pourrait que créer la confusion. Le délégué a fait remarquer à cet égard que le projet de Code a bénéficié de la réduction du nombre des crimes inscrits dans le texte actuel. Compte tenu aussi des discussions qui se poursuivent sur la Cour criminelle, M. Hafner a expliqué qu'il ne fallait pas prendre de décision pour l'instant au sujet de la forme juridique du projet de Code des crimes, que ce soit celle d'une convention internationale, de l'incorporation dans le Statut de la Cour ou encore d'une adoption sous forme de déclaration de l'Assemblée générale. Cette décision ne pourra être prise que lorsqu'on aura une idée claire de la future Cour criminelle, a affirmé M. Hafner.

Le représentant a estimé que les articles 2 à 7 du projet sont extrêmement utiles pour les travaux du Comité préparatoire, mais qu'ils doivent encore être étudiés plus avant à la lumière des statuts des deux Tribunaux pénaux ad hoc sur le Rwanda et l'ex-Yougoslavie. L'article 8 du projet contient des idées intéressantes sur le principe de complémentarité. Quant aux articles sur la procédure, il sont extrêmement utiles et l'article 12 du projet pourrait permettre de résoudre la difficile question de l'article 42 du projet de Statut de la Cour. Les formulations présentées par la CDI pour définir les différents crimes constitueront également une contribution particulièrement bienvenue lorsque le Comité préparatoire s'attaquera à la délicate question de la définition des crimes contenus dans le Statut de la Cour, même si tous les crimes définis dans le projet de Code n'entreront pas dans le champ de la compétence de la Cour criminelle.

M. CARLOS CALERO RODRIGUES (Brésil) a rappelé que sa délégation était en faveur de l'inclusion d'un nombre limité de crimes dans le Code. Le Code doit être un instrument juridique viable qui doit se référer uniquement aux

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violations graves des normes universellement acceptées du comportement humain. Il s'est félicité de l'inclusion des crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé, tout en précisant que certains éléments devaient être ajoutés, comme la définition de l'expression "opération des Nations Unies". Il a déclaré qu'il fallait présenter les crimes dans un certain ordre, en commençant par ceux qui touchent les personnes pour terminer par ceux qui touchent aux biens.

Le délégué a exprimé son admiration sur la façon dont a été rédigé le projet d'articles sur le crime d'agression. Il a indiqué que la substance de ce crime avait été identifiée correctement il y a longtemps, mais que toute tentative de rédiger une disposition adéquate se heurtait à la question de sa définition. Il n'est pas nécessaire d'inclure, dans le Code, le crime d'agression accompli par un Etat, car cela est une violation de la paix internationale et est donc visé par la Charte des Nations Unies. Le Code ne doit viser que les cas d'agression commis par un individu. L'agression, comme crime contre la paix et la sécurité de l'humanité, est considérée commise par un individu, quand il la dirige ou en est le commanditaire, et quand il participe activement à tous les stages de préparation d'une agression par un Etat. Ainsi stipulée, cette solution pourrait contribuer à éclaircir certaines questions qui n'ont pas permis un consensus au sein du Comité préparatoire pour l'inclusion du crime d'agression dans le projet de Statut de la Cour criminelle internationale.

M. Rodrigues a estimé que le projet de Code des crimes, dans sa forme actuelle, est une contribution précieuse à l'établissement d'un instrument approprié pour punir la conduite d'individus qui ébranlent les fondements de la paix internationale et de la sécurité de l'humanité. Il a noté que la Commission ne formule aucune recommandation spécifique sur le sort du projet de Code des crimes. Si la meilleure solution serait d'adopter le projet de Code par une résolution de l'Assemblée générale, puisque celle-ci représente l'avis de la communauté internationale organisée, cela ne confèrerait pas au Code la force contraignante dont il a besoin. La deuxième solution serait de l'inclure dans le Statut de la Cour criminelle internationale. Toutefois il faut saisir que les juridictions nationales ne sont pas liées par le Statut de la Cour. Dès lors, il apparaît indispensable que le Code soit adopté par un traité qui lui confèrera le caractère contraignant nécessaire. Il se peut, toutefois, qu'un nombre limité d'Etats signent le traité et que par conséquent, il ne permette pas l'universalité du Code. C'est un risque à prendre. Un lien doit être par ailleurs établi entre le projet de Code des crimes et le Statut de la Cour. Il faut étudier dans toute la mesure du possible une incorporation des dispositions du Code dans le Statut de la Cour.

M. MARC PERRIN DE BRICHAMBAUT (France) s'est réjoui de la réduction du contenu ratione materiae du projet de code des crimes à cinq infractions, ce qui permet d'éviter toute dévaluation de la notion de crime contre la paix et la sécurité de l'humanité. Toutefois, la France éprouve quelques difficultés face à la définition de l'agression figurant à l'article 16. En effet, le

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Conseil de sécurité joue un rôle essentiel pour qualifier l'agression. Or, l'article en question ne fait aucune référence aux dispositions pertinentes de la Charte. Des autorités judiciaires pourraient dès lors être amenées à connaître d'un acte qualifié d'agression que le Conseil de sécurité, qui a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, n'aurait pas lui-même considéré comme tel. Il serait préférable d'abandonner une définition trop conceptuelle et de faire expressément référence aux dispositions de la Charte en disant que l'agression est ce que le Conseil de sécurité a désigné comme tel.

Si le génocide ne pose pas de difficulté, il serait souhaitable de préciser que le crime contre l'humanité ne vise que des crimes dirigés intentionnellement contre une population civile, a déclaré le représentant. Celui-ci a fait part de ses difficultés face à l'article 20 consacré aux crimes de guerre. La France a toujours dit que ces derniers n'avaient pas forcément leur place parmi les crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, a-t-il expliqué. Toutefois, elle pourrait admettre que les plus graves d'entre eux soient retenus. Il convient alors d'être très vigilant sur la définition même des crimes de guerre. La référence aux infractions considérées comme graves par les quatre Conventions de Genève de 1949 paraît une bonne chose. En revanche, la France reste opposée à l'inclusion de certaines dispositions du Protocole additionnel I de 1977, qui n'a qu'une valeur strictement conventionnelle. Est également inacceptable toute référence à la protection de l'environnement en période de conflit armé dans une liste relative aux crimes de guerre. Il serait en fait souhaitable qu'on s'en tienne aux infractions considérées comme des crimes de guerre par le Statut du Tribunal pénal international sur l'ex-Yougoslavie. La France estime en outre que les crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé n'ont pas leur place dans la liste des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.

Le représentant a remarqué que tout effort de définition conceptuelle des crimes contre l'humanité semble avoir été abandonnée. La méthode choisie par le Rapporteur spécial procède d'un certain pragmatisme mais une définition donnerait une plus grande stabilité au projet de Code, a-t-il estimé, avant d'encourager la CDI à persister dans la voie vers plus de réalisme qu'elle semble avoir choisie. Il a estimé que le projet de Code des crimes pourra servir de référence utile aux travaux et réflexions du Comité préparatoire pour une cour criminelle internationale, sans qu'il y ait pour autant de relation étroite entre les deux projets.

M. YASUMASA NAGAMINE (Japon) s'est réjoui de l'adoption par la CDI du projet de Code de crimes, qui répond à un besoin de la communauté internationale pour mettre fin une fois pour toutes aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité. Il s'est félicité de la limitation apportée à

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la liste des crimes. Pour être efficace, ce Code doit être universellement accepté. Il a estimé conforme aux règles actuelles du droit international l'inclusion comme crime de guerre, non indépendant, les dommages durables portés à l'environnement, de même que l'inclusion des crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé.

M. Nagamine a rappelé que le Code des crimes devra être compatible avec le projet de Statut d'une cour criminelle internationale. De part sa nature, le Code devrait être adopté sous la forme d'un traité. Toutefois, dans la mesure où certaines de ses dispositions recoupent celles du projet de statut d'une cour criminelle, on pourrait envisager l'adoption de tout ou partie des dispositions du Code par l'Assemblée générale dans le cadre d'une déclaration. C'est en tout cas à la Sixième Commission qu'il appartient de décider sous quelle forme doit être adopté le projet de Code des crimes.

M. HUSSEIN MOHAMMED AL-BAHARNA (Bahreïn) a rappelé que son pays a toujours défendu un projet de Code des crimes aussi large que possible. Il peut toutefois, par souci de consensus et pour assurer au projet de Code un soutien universel, accepter un Code ne portant plus, comme actuellement, que sur cinq crimes considérés comme les plus graves. Le représentant a regretté que la Commission n'ait pas été en mesure d'affirmer une préférence sur la forme juridique à donner au projet de crime. M. AL-BAHARNA a estimé que le projet devrait faire l'objet d'un traité multilatéral. La Sixième Commission devrait envisager l'adoption du Code sous forme de traité, à faire adopter soit par une conférence diplomatique de plénipotentiaires, soit par l'Assemblée générale, solution peut-être plus rapide et plus économique. Le délégué a également formulé l'espoir que l'Assemblée générale approuvera aussi le Statut d'une cour criminelle, pour que la communauté internationale dispose ainsi d'un organe de répression des crimes tels qu'ils seront définis dans le Code des crimes.

Le représentant a rappelé son soutien à un Code des crimes qui donne clairement une définition complète des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité et qui définisse, pour chaque crime, une peine maximale applicable, comme le font les codes nationaux. Pour l'heure, c'est aux tribunaux nationaux qu'il revient d'appliquer ces peines. Néanmoins, Bahreïn est prêt à accepter les propositions actuelles de la CDI, et se félicite des précisions apportées par la Commission dans la définition des crimes énumérés aux articles 16 à 20 du projet.

M. ROBERTO LAVALLE (Guatemala) a déclaré que la Sixième Commission devrait étudier aujourd'hui attentivement les dispositions du projet de Code en vue de son adoption et décider de la forme juridique sous laquelle adopter ce projet de Code, soit par une résolution de l'Assemblée générale soit par un traité. Mais le projet de Code n'existe pas isolément du reste. Il est en quelque sorte le "frère siamois" du Statut de la Cour criminelle internationale. Ces deux textes couvrent un terrain commun et se complètent, a ajouté le représentant. Ainsi, le projet de Code comble de graves lacunes

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qui existent dans le projet de Statut. Le délégué a émis des doutes sur la possibilité d'un projet de Code qui deviendrait une convention indépendamment de la convention qui portera création de la Cour criminelle internationale. Il a recommandé de ne pas perdre trop de temps à examiner le projet de Code et que le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale en tienne compte dans la réalisation de son mandat.

M. LUCIUS CAFLISCH, observateur de la Suisse a souhaité que l'Assemblée générale charge le Comité préparatoire d'établir une cour criminelle internationale, habilitée à définir les infractions relevant de cette dernière. Le Comité pourra ainsi en faire usage dans l'élaboration du Statut de la Cour, ce qui ne signifie pas pour autant que le Comité devrait être tenu, nécessairement et constamment, de suivre le Code. Mais l'existence de celui-ci devrait accélérer les délibérations du Comité et par conséquent permettre la convocation à bref délai d'une conférence diplomatique consacrée à la Cour criminelle.

Ce projet de Code n'a cependant pas pour objectif unique de contribuer à la mise sur pied d'une cour criminelle, a ajouté M. Caflisch. Il doit avoir une fonction propre, en dictant ou suggérant aux Etats, qui ne seront pas parties au Statut de la future Cour, la conduite à observer dans le domaine des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. L'Assemblée générale ne doit donc pas se borner à renvoyer le Code au Comité préparatoire. Elle devrait également en prendre acte.

Parmi les cinq catégories de crimes prévus par le projet de Code, les crimes individuels d'agression représentent indubitablement la catégorie la plus controversée, a remarqué M. Caflisch. La Suisse pense qu'il s'agit d'un crime étatique plutôt qu'individuel. La notion de crime individuel tel qu'actuellement retenue par la CDI soulève un problème qui n'est pas actuellement résolu. Sans doute la décision sur le point de savoir si un crime individuel d'agression a été perpétré relève-t-elle de la juridiction compétente, internationale ou nationale. Mais il faudrait savoir si cette décision peut être prise en toute liberté - ce qui, dans le cas des juridictions nationales, pourrait conduire à des abus - ou si elle ne peut ou ne doit intervenir que si l'acte d'agression de l'Etat, lié au crime individuel, a été préalablement constaté par le Conseil de sécurité, organe compétent.

L'observateur a souligné l'importance du principe non bis in idem inscrit à l'article 12 du projet et aurait souhaité lui donner plus de poids en limitant davantage les cas où le tribunal d'un Etat est habilité à rouvrir des affaires déjà jugées par le tribunal d'un autre Etat. En outre, la règle nulla crimen sine lege, nulla poena sine lege exigerait que les articles 14 et 15, consacrés respectivement aux faits justificatifs et aux circonstances atténuantes, fussent moins laconiques et lacunaires. Il ne suffit pas de renvoyer, comme c'est le cas, à des "principes généraux du droit". Il conviendrait que ces derniers fussent énoncés avec précision.

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Malgré un certain nombre de critiques, la Suisse retire toutefois une impression favorable du projet soumis par la CDI.

Allocution de M. Mohammed Bedjaoui, Président de la Cour internationale de Justice

M. MOHAMMED BEDJAOUI, Président de la Cour internationale de Justice, rappelant que la saisine de la Cour est souple et qu'elle est fondée sur le consentement des Etats, a précisé le principe de fonctionnement du "forum prorogatum" ou "prorogation de compétence" comme instrument original de la saisine de la Cour. C'est un mode de saisine qui, en dépit de ses avantages, demeure sous-utilisé, voir méconnu par les Etats, a-t-il ajouté. Il désigne une extension de la compétence d'un tribunal à une affaire qui, d'après les règles ordinaires, n'en relevait pas. Il vient régulariser, a posteriori, la compétence du juge international. Il désigne moins la prorogation de la juridiction de la Cour que la régularisation d'une saisine imparfaite de la Cour. Ni la Charte des Nations Unies, ni le Statut de la Cour, ni son Règlement n'interdisent cette forme originale de création de compétence, a rappelé M. Bedjaoui.

Ce faisant, le Président a encouragé les Etats à prendre le chemin de La Haye en évitant deux écueils : la soumission à la Cour d'affaires artificielles ou l'utilisation de celle-ci à des fins politiques et la renonciation par les Etats aux modes traditionnels de reconnaissance de la compétence de la Cour conformément à l'article 36 du Statut. M. Bedjaoui a rappelé qu'aux termes tant de la Charte que de son Statut, la Cour est un organe juridictionnel et ne saurait être utilisée à d'autres fins. Lorsqu'un Etat requérant, entend fonder la compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l'Etat contre lequel la requête est formée, seul le consentement de ce dernier peut transformer ladite requête en un instrument juridique capable d'introduire véritablement l'instance devant la Cour, d'opérer, la saisine de celle-ci. Le Président a souligné que l'institution du "forum prorogatum" est protectrice des intérêts de l'Etat contre lequel la requête est formée. Elle sanctifie son consentement et ne fait que renforcer le principe du consensus. La Cour, en dernier ressort, ne se déclarera compétente qu'autant que le consentement de toutes les parties au différend est établi de manière indiscutable.

Le Président a indiqué que le "forum prorogatum", manifestation de la volonté souveraine des parties, n'est en définitive qu'un mode d'expression du consentement à la compétence de la Cour parmi d'autres. Contrairement aux clauses conventionnelles de juridiction, il présente l'avantage de la souplesse, car il s'analyse comme la manifestation du consentement des Etats à la compétence de la Cour postérieurement à la survenance d'un différend. Il partage cette souplesse avec le compromis de juridiction, sans cependant lui en emprunter le formalisme. En revanche, la prévisibilité quant à la compétence de la Cour, qui fait la force tant de la déclaration facultative de

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juridiction obligatoire que des clauses de juridiction, n'existe pas en matière de "forum prorogatum". C'est la principale faiblesse de cette institution. M. Bedjaoui a invité les délégations à voir dans le "forum prorogatum" un complément utile, et non un substitut, aux autres modes plus formels d'acceptation de la compétence de la Cour. Ces derniers doivent conserver la faveur dont ils ont bénéficié jusqu'alors de la part des Etats Membres.

Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-huitième session (A/51/10)

Lors de sa quarante-huitième session, qui s'est tenue du 6 mai au 26 juillet 1996, la Commission du droit international a achevé l'examen en deuxième lecture des articles du projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, ainsi que les commentaires y relatifs. C'est ce qui ressort du présent document qui indique par ailleurs que la Commission, après avoir examiné les diverses formes que le Code pourrait revêtir, a recommandé que l'Assemblée générale choisisse la forme la plus propre à assurer une acceptation aussi large que possible du projet de Code. Elle a aussi prié le Secrétaire général de porter le projet d'articles à l'attention du Comité préparatoire créé en application de la résolution 50/46 de l'Assemblée générale du 11 décembre 1995, pour examiner la question de la création d'une cour criminelle internationale.

La Commission a achevé l'examen en première lecture d'une série de 60 articles sur la responsabilité des Etats. Elle a décidé de soumettre ce projet d'articles aux gouvernements, en leur demandant de communiquer leurs observations au Secrétaire général pour le 1er janvier 1998 au plus tard. La Commission a formulé des recommandations à l'Assemblée générale sur le plan et la démarche que la Commission devrait suivre pour l'étude du point intitulé "Succession d'Etats et nationalité des personnes physiques et morales" lors des sessions ultérieures. Elle a décidé de soumettre à l'Assemblée générale et aux gouvernements, pour qu'ils fassent connaître leurs observations, le rapport du Groupe de travail sur la "Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international". En ce qui concerne "le droit et la pratique concernant les réserves aux traités", la Commission a décidé d'examiner le deuxième rapport du Rapporteur spécial à sa prochaine session.

La Commission a adopté des conclusions et des recommandations sur son programme, ses procédures et ses méthodes de travail. Elle a souligné qu'un processus ordonné de codification et de développement progressif du droit international continue de présenter un intérêt important. Elle a estimé qu'il existe un certain nombre de moyens de rendre ses méthodes de travail plus souples et plus rationnelles et de structurer et renforcer ses relations avec la Sixième Commission. Parmi ses recommandations, la Commission estime que son rapport devrait être plus bref et plus thématique et devrait mettre en

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relief les problèmes clefs pour structurer plus facilement les débats sur le Rapport à la Sixième Commission. Il faudrait revenir à l'ancienne pratique d'une session de dix semaines avec, si nécessaire, une prolongation de deux semaines. Il faudrait tenter en 1998 l'expérience d'une session en deux temps. Il faudrait stimuler davantage et développer les relations avec les organismes juridiques régionaux. Il faudrait chercher à nouer des liens avec d'autres organes spécialisés des Nations Unies exerçant des fonctions normatives dans leurs domaines respectifs. Il faudrait envisager de refondre et mettre à jour le statut de la Commission à l'occasion de son cinquantième anniversaire, en 1999.

Eu égard aux difficultés financières que connaît l'organisation actuellement, la Commission a décidé de réduire, à titre exceptionnel, la durée de sa prochaine session, en la ramenant de 12 à 10 semaines. Elle se réunira à l'Office des Nations Unies à Genève, du 12 mai au 18 juillet 1997.

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