AG/J/185

SIXIEME COMMISSION : LES DELEGATIONS RESTENT DIVISEES SUR LE CONTENU DU PRINCIPE DE COMPLEMENTARITE

31 octobre 1996


Communiqué de Presse
AG/J/185


SIXIEME COMMISSION : LES DELEGATIONS RESTENT DIVISEES SUR LE CONTENU DU PRINCIPE DE COMPLEMENTARITE

19961031 MATIN AG/J/185 Les divergences persistent sur la compétence automatique de la Cour et sur l'inclusion de l'agression dans le noyau dur des crimes

La Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi ce matin l'examen du Rapport du Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale. Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Hongrie, Liechtenstein, Mexique, Cuba, Grèce, Algérie, Royaume-Uni, Mongolie, Angola, Costa Rica, Etats-Unis, Belgique, Philippines, Pologne, République slovaque et Chine.

Les représentants se sont de nouveau attachés à la question de la complémentarité de la compétence de la future Cour criminelle par rapport aux juridictions nationales. La plupart ont demandé que cette notion soit bien définie. Certains ont souhaité que la Cour puisse décider elle-même si les juridictions nationales se trouvent hors d'état d'exercer leur juridiction, alors que d'autres ont insisté sur le rôle primordial des tribunaux nationaux, au nom du principe de souveraineté.

Les mêmes oppositions sont apparues à propos de la compétence automatique de la Cour. Certains représentants ont souhaité une telle compétence pour plusieurs types de crimes, et pas seulement le génocide, alors que d'autres considèrent le principe même d'une compétence automatique comme une atteinte au principe de souveraineté des Etats. L'inclusion de l'agression dans le "noyau dur " des crimes a également été discutée, ainsi que le rôle du Conseil de sécurité dans la saisine de la Cour, et la possibilité pour le procureur d'ouvrir des enquêtes de sa propre initiative.

Plusieurs représentants se sont également inquiétés des moyens financiers dont disposera la Cour, l'un d'eux exprimant même la crainte qu'elle ne devienne rapidement l'otage de son budget. Tous ont souhaité qu'elle soit financée sur le budget ordinaire des Nations Unies.

La Sixième commission se réunira de nouveau demain, vendredi 1er novembre, à 10 heures. Elle achèvera l'examen du Rapport du Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale et reprendra l'examen du point relatif aux mesures visant à éliminer le terrorisme international.

M. GYORGY SZENASI (Hongrie) a estimé que la Cour criminelle internationale devrait être créée par un traité multilatéral, car sa légitimité et son indépendance ne peuvent être garanties que par un tel instrument. La Cour devrait avoir des liens étroits avec les Nations Unies. Elle devrait être un organe semi-permanent, renforcé toutefois par des offices permanents qui seraient mis en place dès la création de la Cour. Il faudrait garder la possibilité de faire ultérieurement de la Cour un organe permanent. Le délégué a préconisé la souplesse pour appliquer les critères d'expérience des juges en matière de droit pénal et de droit international. Après avoir soutenu l'établissement d'une limite d'âge pour les juges, M. Szenasi a estimé que la compétence de la Cour devrait être limitée aux crimes les plus graves, comme le crime de génocide, les violations graves des lois et coutumes applicables dans les conflits armés et les crimes contre l'humanité. Il faut y ajouter, a-t-il dit, les crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé.

Le représentant a estimé qu'il serait utile d'inscrire le crime d'agression dans la liste de ceux de la Cour. Mais il sera difficile de trouver un équilibre entre la compétence de la Cour et la responsabilité primordiale du Conseil de sécurité telle que stipulée dans la Charte des Nations Unies. Quoiqu'il en soit, le fait de vouloir ajouter de nouveaux crimes à la liste donnera certainement lieu à de nouveaux débats, retardant ainsi la création de la Cour. La compétence propre de la Cour est un concept différent de la compétence exclusive et n'est donc pas incompatible avec le principe de complémentarité. Le Conseil du sécurité doit pouvoir saisir la Cour de certaines affaires quand il agit en vertu du Chapitre VII de la Charte. Il est nécessaire d'harmoniser le rôle étendu du procureur avec celui des Etats parties et du Conseil de sécurité. Le délégué, soulignant les progrès considérables accomplis par le Comité préparatoire, a jugé nécessaire de fixer une date pour la conférence diplomatique afin de ne pas perdre l'élan actuel. Cette conférence ne doit pas être seulement une "cérémonie", mais bien une conférence de travail chargée d'étudier les questions de fond en suspens.

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a souhaité que la future Cour criminelle internationale puisse travailler efficacement et avec l'autorité nécessaire. De nombreux aspects du projet de Statut doivent être discutés plus avant. Il a estimé que la Cour devrait être à l'abri de toute influence nationale ou de la part d'organes politiques comme le Conseil de sécurité. La compétence de la Cour doit être limitée aux crimes les plus graves, dont le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Il a toutefois préconisé que le Statut comporte un mécanisme de révision permettant, en cas de besoin, d'étendre ce noyau dur. Si cela pouvait être automatique, la Cour n'en serait que plus efficace. Les crimes entrant dans le champ de compétence de la Cour doivent être clairement définis. Dans ce cadre, le projet de Code des crimes adopté par la Commission du droit international représente une contribution importante qui devrait être largement prise en compte. Le principe de complémentarité est de la plus

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haute importance et les dispositions du Statut doivent être rédigées très prudemment. La Cour devrait être financée sur le budget ordinaire des Nations Unies.

Le représentant a souhaité que l'Assemblée générale décide lors de la présente session de convoquer une conférence diplomatique pour 1998. En même temps, il faut faire preuve de la souplesse nécessaire pour permettre à l'Assemblée générale, lors de la 52ème session, de prendre de nouvelles décisions à la lumière des progrès réalisés par le Comité préparatoire durant ses sessions de 1997.

Mme SOCORRO FLORES LIERA (Mexique) a déclaré que seul un effort conjoint pourra garantir la viabilité et le succès de la Cour criminelle internationale. Le Comité préparatoire n'est pas parvenu au stade des négociations proprement dites. Nombre de propositions faites par les délégations sont contradictoires. Il faut tenir compte de l'état d'avancement des travaux pour convoquer une conférence de plénipotentiaires. La conférence ne pourra avoir lieu que lorsque les bases de son succès seront jetées. Il faut tenir compte du degré d'acceptation que le projet de convention recueillera auprès des Etats. Il est nécessaire de disposer de neuf semaines supplémentaires pour entrer dans la phase de négociations, a souligné la représentante. Il importe d'étudier les manières de garantir la participation du plus grand nombre d'Etats aux débats du Comité préparatoire, a-t-elle ajouté.

Mme YAMIRA CUETO MILIAN (Cuba) a déclaré qu'elle se joignait au consensus apparu lors de la session d'août du Comité préparatoire concernant la tenue d'une conférence de plénipotentiaires, en 1998. Toutefois, le processus de négociation, à peine entamé, devra se poursuivre. Evoquant la question de la création de la Cour, elle a rappelé que celle-ci dépendra d'un traité multilatéral ratifié par un nombre élevé de pays. L'indépendance de la Cour doit être clairement énoncée dans son Statut et sa compétence, complémentaire, doit se limiter aux crimes de lèse-humanité. Les fonctions de maintien de l'ordre et de droit pénal sont des privilèges des Etats. Aussi, la future Cour devrait-elle être considérée comme une exception très limitée à ce principe.

La déléguée a estimé que le Conseil de sécurité devrait s'abstenir d'interférer dans la compétence de la Cour. De plus, les crimes entrant dans le champ de compétence de la Cour devraient être bien précisés, en fonction des exigences du droit pénal. Dans ce cadre, le projet de Code des crimes adopté par la Commission du droit international ne peut être considéré que comme une base de travail. La pratique du droit des traités ne doit pas faire l'objet d'une libre interprétation de la part de la Cour, qui n'a pas pour fonction de développer le droit international.

M. ARGHYRIOS FATOUROS (Grèce), a fait sienne la déclaration faite au nom de l'Union européenne, ajoutant que ce n'est pas le moment de débattre

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longuement des questions de fond qui ne sont pas encore réglées. Toutes les questions seront étudiées lors des travaux futurs du Comité et de la conférence de plénipotentiaires. Les rapports entre la Cour et le Conseil de sécurité sont difficiles à établir, mais c'est une question qu'il est difficile d'éviter, a précisé le représentant. C'est pourquoi il est indispensable de définir le terme de complémentarité. Il faudrait par ailleurs s'assurer que le Statut de la Cour reflète les principes fondamentaux de protection des droits de l'homme. De l'avis du représentant, trois ou quatre sessions seront nécessaires pour qu'un texte puisse être présenté au début de 1998. Les questions les plus difficiles et les plus importantes devront être résolues lors d'une conférence diplomatique.

M. NOUR-EDDINE SIDI ABED (Algérie) a déclaré que la création de tribunaux ad hoc ne peut constituer une réponse adéquate de la communauté internationale face aux crimes odieux qui révoltent la conscience humaine. Une cour criminelle internationale permanente est devenue un besoin et ajoutera une nouvelle dimension au droit international. Les chances de créer une telle cour sont pour la première fois bien réelles. Il serait toutefois dangereux d'enfermer les négociations dans des contraintes temporelles artificielles, qui ne feraient que compromettre l'appui universel de la Cour. L'effort de la communauté internationale ne doit pas s'effectuer aux détriment de la cohérence du Statut de la Cour et de ses procédures judiciaires.

Le représentant a déclaré que seules les infractions, dont le caractère de crime contre la paix et la sécurité de l'humanité est difficilement contestable, doivent entrer dans le champ de compétence de la Cour. Toutefois, on ne peut se limiter au génocide, aux crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Cette approche est trop restrictive. Il faut y ajouter les actes de terrorisme. Le projet de statut doit viser explicitement le projet de code des crimes. La liste des crimes devant faire partie du code représente un apport considérable pour la détermination de la compétence de la future Cour. Celle-ci doit être reconnue de manière expresse par les Etats et il ne peut y avoir d'exception, y compris pour le crime de génocide.

M. Sidi Abed a souhaité la suppression de l'article 23 relatif à la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité, qui risque de politiser le fonctionnement de la Cour et de saper la confiance dans l'impartialité de cet organe judiciaire. La complémentarité doit laisser la primauté aux juridictions nationales et ne s'appliquer qu'en l'absence de juridiction nationale ou lorsque celle-ci n'est pas en mesure de juger certains crimes bien définis et exceptionnels. Le respect de ce principe doit exclure toute hiérarchie entre la Cour et les juridictions nationales. C'est pourquoi la Cour ne saurait être dotée d'une compétence propre.

L'Algérie estime raisonnable de convoquer à la fin de 1998 la conférence diplomatique, si l'on tient de façon appropriée des positions exprimées par les délégations sur une base consensuelle.

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Mme ELIZABETH WILMSHURST (Royaume-Uni) a estimé qu'il ne fallait pas être surpris de l'ampleur du travail qui reste à accomplir, en dépit de ce qui a déjà été fait. Quelle autorité nationale serait capable de rédiger un nouveau code de droit pénal en si peu de temps, a-t-elle demandé. La déléguée a déclaré que les propositions faites devant le Comité préparatoire ne sont pas encore dans la forme qui assurerait le succès d'une conférence diplomatique. Plusieurs questions ne seront résolues que lors de la conférence. Toutefois, d'autres domaines nécessitent des discussions approfondies, comme la définition des crimes relevant de la compétence de la Cour, les éléments des crimes et les principes de droit pénal, l'organisation de la cour et de sa procédure et les dispositions relatives à la coopération des Etats avec la Cour.

La représentante a soutenu la proposition de neuf semaines de travail supplémentaire avant la conférence diplomatique. Elle a indiqué que l'Assemblée générale devrait lors de la présente session fixer une date en 1998 pour la tenue d'une telle conférence. Mettant l'accent sur les relations entre la Cour et les juridictions nationales, Mme Wilmshurst a estimé que cette question sera l'une des contributions les plus importantes au succès ultime de la Cour. La Cour ne doit être saisie que lorsque les systèmes nationaux sont inexistants ou inefficaces. Les décisions prises par les juridictions nationales doivent être respectées par la Cour, mais dans le même temps la Cour doit pouvoir prendre des mesures quand les décisions des autorités nationales ne sont pas de bonne foi. Il faut éviter tout ingérence inutile dans la conduite des systèmes de justice pénale nationaux tout en s'assurant que la Cour aura un impact réel.

M. J. ENKHSAIKHAN (Mongolie) a estimé que la Cour criminelle, dont la Mongolie soutient l'établissement, devra être un organe judiciaire permanent indépendant, créé par un traité multilatéral le plus universel possible, et lié étroitement aux Nations unies. Elle devra être équilibrée dans sa composition et indépendante dans ses prises de décision. Sa compétence doit être clairement définie, pour qu'elle puisse bénéficier d'un soutien ferme et large de la part des Etats.

Le représentant s'est réjoui de l'article 15 qui permet, sous certaines conditions, à tout Etat de saisir la Cour, et non seulement aux Etats directement concernés par le cas en question. Il a demandé que le principe de complémentarité soit clairement défini dans un article du Statut, avec des critères permettant à la Cour d'apprécier l'efficacité des tribunaux nationaux, afin de se substituer à eux, le cas échéant. La compétence de la Cour doit être limitée aux crimes les plus graves et l'agression devrait en faire partie, ainsi que les crimes contre la Convention interdisant la torture et la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, a-t-il estimé. Il a souhaité que le procureur soit doté de plus larges pouvoirs, pour accroître l'indépendance de la Cour. Dans le même sens, le rôle du Conseil de sécurité devrait être limité. Les peines infligées devraient être dissuasives et la Mongolie n'exclut pas, dans

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certains cas, la possibilité de la peine de mort. La Cour devrait être financée par le budget ordinaire des Nations Unies.

Le représentant a soutenu l'idée de trois réunions du Comité préparatoire en 1997 et au début de 1998, pour un total de neuf semaines, de manière à mettre au point un texte consolidé avant avril 1998. Il a estimé réaliste la convocation d'une conférence diplomatique en 1998.

M. ALFONSO VAN DUNEM MBINDA (Angola) a déclaré qu'une cour criminelle internationale représente un élément essentiel de la prévention et du châtiment des crimes les plus graves. L'Assemblée générale devrait mettre en évidence la nécessité de réunir une conférence de plénipotentiaires. Le délégué a préconisé une coopération étroite entre la Cour et d'autres organes des Nations Unies, à condition que l'indépendance de la Cour ne soit pas compromise. Conformément au principe de complémentarité, la Cour ne pourra intervenir que lorsque les juridictions nationales s'avèreront inefficaces, a-t-il ajouté. Les futurs juges devront être sélectionnés uniquement par les Etats parties, même s'ils ne sont pas ressortissants des Etats parties.

M. FERNANDO BERROCAL-SOTO (Costa Rica) a déclaré que les tribunaux pénaux spéciaux, assujettis aux décisions politiques du Conseil de sécurité, ne sont pas suffisants. Il faut donc un instrument indépendant et permanent qui garantisse la poursuite et la punition des criminels. Le Costa Rica, d'abord réservé sur la création d'un tel organe, souhaite désormais son établissement rapide et espère qu'il sera possible de convoquer au plus tard en 1998, une conférence diplomatique de plénipotentiaires chargés d'adopter le Statut d'une cour criminelle internationale, pour qu'elle puisse entrer en fonction dès 1999.

Non seulement il faudrait que les droits de la défense soient convenablement protégés, mais aussi que les peines prononcées s'inscrivent dans le respect des droits de l'homme. Le Costa Rica, qui a aboli la peine de mort depuis 10 ans, a ajouté M. Berrocal-Soto, ne pourrait appuyer une cour qui appliquerait la peine capitale. La Cour doit être indépendante de toute pression politique et le rôle du Conseil de sécurité devra être limité dans toute la mesure du possible. De plus, le procureur doit pouvoir ouvrir des enquêtes indépendamment de l'origine de la plainte. Le délégué a proposé la création d'un mécanisme pratique pour faire profiter la Cour des ressources des tribunaux spéciaux ainsi que de leur expérience.

M. DAVID SCHEFFER (Etats-Unis) a déclaré que les progrès effectués en 1995 et cette année ont montré la nécessité d'un travail détaillé et complet pour mettre en place une cour criminelle internationale vraiment efficace. Le prochain défi est la rédaction d'un texte consolidé de statut qui pourra bénéficier du plus large consensus possible. La mi-1998 est la date la plus appropriée pour la tenue d'une conférence diplomatique. Toutefois, le plus dur reste à faire. Il ne faudrait pas entamer une conférence diplomatique avec trop de choses en suspens. Cela risquerait de conduire à l'échec cette

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entreprise historique, a affirmé le représentant. Il a fait valoir que la Cour devrait respecter la Charte des Nations Unies et les systèmes judiciaires nationaux.

Le délégué a rappelé que le Conseil de sécurité a une responsabilité primordiale pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales et qu'il doit pouvoir continuer à remplir ce rôle. Le Conseil de sécurité doit pouvoir saisir la Cour d'une "situation", le procureur ayant ensuite toute latitude voulue pour ouvrir une enquête. C'est ce qui s'est passé pour les deux Tribunaux ad hoc. Le Conseil n'interfèrera pas avec les travaux de la Cour. Répondant aux critiques sur l'aspect politique du Conseil de sécurité, le représentant a estimé qu'un gouvernement peut être plus politique que celui-ci. M. Scheffer a insisté sur le fait que le Conseil de sécurité ne peut agir que collectivement. Au contraire, les actions d'un gouvernement, dans l'ouverture d'une enquête, peuvent refléter une intention particulière. C'est pourquoi, un Etat ne doit pouvoir saisir la Cour que d'une situation et laisser au procureur le soin d'ouvrir une enquête et de poursuivre un individu, a-t-il précisé.

Le représentant a jugé néanmoins nécessaire d'établir un contrôle sur les décisions prises par un procureur. Il est tout aussi important que la Cour ne soit pas saisie d'une question dont est déjà saisie le Conseil de sécurité. Cela relève du bon sens. Après avoir souligné que la Cour se doit d'appliquer le principe de la complémentarité et du consentement des Etats, le délégué a rappelé les difficultés existantes concernant les catégories d'Etats dont le consentement serait nécessaire pour ouvrir une enquête. Ce consentement doit être élargi à certains égards et réduits à d'autres pour faciliter l'efficacité de la Cour, mais il faut toutefois préciser les éléments d'un crime. Selon lui, le concept d'agression n'est pas défini de façon adéquate du point de vue de la responsabilité pénale individuelle.

Le délégué a rappelé que d'autres questions plus techniques restent à résoudre avant une conférence diplomatique, comme celles relatives aux pouvoirs du procureur, au degré auquel les enquêtes peuvent être l'objet d'une révision par un juge ou plusieurs juges, ou encore aux procès par contumace sur lesquels il a été émis des réserves sérieuses. Il est indispensable de disposer du temps nécessaire pour achever cette tâche. Une cour criminelle internationale est nécessaire pour juger les responsables d'atrocités qui pourraient survenir dans le futur.

M. DIRK WOUTERS (Belgique) a déclaré qu'il soutient totalement la déclaration faite lundi par le représentant de l'Irlande au nom de l'Union européenne et a souligné l'importance d'une résolution adoptée le 19 septembre 1996 par le Parlement européen, qui invite les Etats Membres de l'Union à multiplier leurs efforts pour établir une Cour criminelle internationale. La multiplication des violations graves des règles et principes du droit international appelle un sursaut unanime et rapide de la communauté internationale, a-t-il affirmé. Celle-ci doit se doter d'instruments

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impartiaux et autonomes de justice qui permettent, à l'échelle universelle, de sanctionner les auteurs des méfaits les plus graves.

La Belgique, qui a apporté son appui à la création des tribunaux ad hoc sur le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, s'est dotée cette année d'une législation interne qui permet d'assurer toutes les coopérations nécessaires avec ces tribunaux, a rappelé le représentant. La Cour permanente devra être efficace et opérationnelle. Cela suppose une compétence matérielle centrée au départ sur un noyau de crimes particulièrement graves et bien précisés. A part les crimes déjà repris dans la liste, la Belgique songe particulièrement à la traite des être humains. La configuration de la Cour doit être adaptée à sa charge, et elle doit être dotée des ressources financières nécessaires. Le principe de complémentarité doit être équilibré et fonctionnel. Les mécanismes de saisine de la Cour doivent lui permettre d'assumer pleinement ses responsabilités.

M. Wouters a vivement souhaité que l'Assemblée générale, lors de la présente session, prenne la décision de reconduire le mandat de Comité préparatoire en tenant dûment compte du calendrier proposé. Cela permettrait d'ouvrir la Conférence diplomatique dans le courant de 1998. La Belgique serait en outre prête à apporter son concours à un fonds d'affectation spéciale pour la participation des délégués des pays les moins développés aux travaux du Comité préparatoire, si l'Assemblée demande au Secrétaire général d'établir un tel fonds.

M. RAUL ILUSTRE GOCO (Philippines) a fait observer que les membres de la Réunion spéciale du Comité juridique consultatif afro-asiatique, dont il est le Président, sont en faveur d'une cour indépendante et impartiale. La compétence de la Cour doit être limitée aux crimes les plus graves. En ce qui concerne les relations de la Cour avec le Conseil de sécurité, il a été observé, lors de cette réunion, que même si la Cour devait être indépendante du Conseil, elle devait respecter les décisions du Conseil. Il a également été souligné que la Cour et les Etats souverains sont responsables du refus d'agir.

Le représentant a par ailleurs ajouté que sa délégation appuie la création de la Cour en tant qu'instance permanente. Il s'est prononcé en faveur d'un accord avec l'ONU définissant les relations de la Cour et de l'Organisation. La responsabilité primordiale du Conseil pour déterminer l'existence d'une agression ne doit pas être diminuée ou atténuée. Son pays accepte les crimes constituant le noyau dur, a-t-il précisé, ajoutant qu'il doit cependant y avoir dans le Statut une disposition permettant d'élargir la compétence de la Cour à l'avenir si cela s'avère nécessaire. M. Goco a appuyé la règle selon laquelle seuls les Etats parties ou le Conseil de sécurité peuvent saisir la Cour. La Cour ne doit être qu'un complément des tribunaux nationaux, a-t-il ajouté.

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Le délégué a estimé que la portée transnationale de la compétence doit être examinée. Il devrait y avoir un équilibre entre l'efficacité des poursuites et le respect des droits de l'accusé. Il a attiré l'attention des délégations sur le droit de l'accusé de rester silencieux et le droit d'être assisté par un avocat. Il a appuyé la création d'un programme de protection des témoins. Le représentant a rappelé que dans certains pays, certains crimes, qualifiés d'odieux, impliquent la peine de mort. En conséquence, il a douté que, dans le cas d'un acte reconnu comme odieux, commis dans un pays qui applique la peine de mort, ce pays renonce à son droit de compétence primordiale de poursuivre et de juger le coupable. M. Goco a estimé le moment venu d'achever la forme finale de la Cour.

M. ZDZISLAW GALICKI (Pologne) a déclaré que le Comité préparatoire devrait sans plus tarder s'atteler à l'élaboration d'un projet de texte consolidé en 1997 et dans les premiers mois de 1998, pour le présenter à une conférence diplomatique en 1998. Après avoir estimé qu'il fallait, dès que possible, se doter d'une cour criminelle internationale permanente, M. Galicki a déclaré que "les portes politiques et juridiques sont déjà à moitié ouvertes et qu'il faut simplement les ouvrir en grand le plus rapidement possible".

Le représentant a souhaité l'élaboration d'un traité multilatéral qui permettrait l'établissement d'une cour indépendante. Cette cour devrait toutefois être étroitement liée au système des Nations Unies et fonctionner sur le principe de la complémentarité. En limitant sa compétence aux crimes les plus graves, a-t-il ajouté, on faciliterait et accélérerait le processus de ratification de son statut, ainsi que son entrée en vigueur. Ces crimes doivent être définis de la manière la plus précise possible. La Pologne estime qu'il faudrait revoir la proposition d'un mécanisme de révision du Statut pour permettre aux Etats parties d'étendre la liste des crimes en vertu des traités, dont la liste ne cesse de s'allonger. D'autre part, la Pologne est d'accord pour inclure le crime d'agression à la liste des autres crimes. Puisque ce type de crime pose des difficultés, en raison de l'absence de définition juridique acceptable, on pourrait peut-être, a-t-il dit, envisager un crime de "guerre d'agression".

Le représentant a poursuivi son exposé en rappelant le rôle du Conseil de sécurité dans le maintien et la restauration de la paix et de la sécurité internationales. Il a estimé qu'on devrait aussi donner au procureur la possibilité d'ordonner des enquêtes de sa propre initiative. La position de la Cour en serait renforcée. Parlant du Statut de la Cour, celui-ci devrait comprendre des dispositions de droit pénal général, notamment au regard des principes nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege, et de non rétroactivité. La possibilité d'imposer la peine de mort poserait aussi de gros problèmes à la Pologne. Le Statut doit enfin prévoir une obligation de coopération judiciaire entre les Etats parties et la Cour.

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M. IGOR GREXA (République slovaque) a souhaité que les crimes les plus graves commis contre le personnel des Nations unies et le personnel associé relèvent de la compétence de la Cour criminelle internationale. Il s'est rallié à la proposition d'une conférence diplomatique qui serait convoquée en 1998 et au projet de calendrier de travail du Comité préparatoire.

M. Grexa a regretté que l'agression semble toujours susceptible d'être exclue de la juridiction de la future Cour. Si ce crime n'entrait pas dans le "noyau dur" du Statut, la tâche qui incombe au Comité préparatoire et à la Cour serait bien incomplètement menée, a-t-il estimé. Le représentant a également constaté que le processus de négociation reste toujours inaccessible à la majorité des pays. Toutefois, les moyens de remédier à cette situation se dessinent dans le projet de résolution de l'Assemblée générale, a-t-il estimé. L'universalité ne se réduit de toute façon pas à l'universalité arithmétique. L'adoption du Statut exigera notamment que les Etats améliorent, parfois de façon profonde, leur coopération judiciaire. Sans une coopération universelle et de bonne foi, une Cour criminelle risquerait de rester un organisme impuissant et maladroit, livré aux intérêts du moment. L'universalité ne s'acquiert pas seulement par le nombre de ratifications du Statut. Elle s'acquiert aussi et surtout par l'acceptation la plus large des principes sur lesquels la future juridiction sera basée, a affirmé M. Grexa.

Le représentant s'est dit favorable à l'établissement de la Cour par un traité multilatéral, afin d'assurer l'indépendance de la juridiction. Ses rapports avec l'ONU, et en particulier avec le Conseil de sécurité, devront être étroits et fondés sur l'égalité. En matière d'impartialité, le danger le plus réel et le plus banal pour la Cour est cependant le manque de moyens financiers. On peut craindre qu'elle ne devienne vite l'otage de son propre budget, a déclaré M. Grexa, qui s'est prononcé pour une cour "maigre", ce qui ne veut pas dire qu'elle doive travailler à l'économie. Elle doit simplement être programmée pour être économe, y compris en ce qui concerne le nombre de ses juges et son mode de fonctionnement.

M. CHEN SHIQIU (Chine) a déclaré que, malgré les progrès réalisés, il apparaît clairement que le Comité préparatoire n'a pas été en mesure de mettre au point un projet de texte consolidé largement acceptable. Des divergences importantes demeurent sur tous les grands problèmes soulevés, particulièrement la compétence de la Cour, la définition des crimes, le principe de complémentarité, la saisine de la Cour et le rôle du Conseil de sécurité.

Le représentant a rappelé que les Etats doivent avoir la responsabilité première de la prévention et de la répression des crimes internationaux. Une cour criminelle internationale ne peut donc les remplacer que dans des circonstances spéciales et exceptionnelles. Le futur Statut devra comprendre en ce sens des dispositions explicites pour fixer clairement les compétences de chacun. En outre, la souveraineté des Etats suppose que la juridiction de la Cour soit soumise au consentement express des Etats, quelle que soit la

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gravité des crimes. La compétence automatique prévue pour le génocide, dans le projet de statut, va à l'encontre des principes de la souveraineté des Etats et de la complémentarité. La Chine ne soutient pas cette approche et s'oppose à toute tentative visant à étendre le champ de la compétence automatique.

M. Chen a estimé que l'Assemblée générale devrait, durant la présente session se prononcer pour le renouvellement du mandat du Comité préparatoire. La Chine n'est pas hostile à la convocation rapide d'une conférence diplomatique lorsque les conditions de son succès seront réunies. Mais ce n'est pas une fin en soi. En fait, le but est d'établir une cour criminelle universellement acceptée. Pour y parvenir, M. Chen a préconisé le réalisme, l'élaboration d'un projet de convention. De même, a ajouté M. Chen, il faudrait que les difficultés juridiques et techniques soient fondamentalement aplanies, faute de quoi la conférence diplomatique risquerait de s'éterniser et de se transformer en un nouveau comité ad hoc ou préparatoire à une autre échelle. Le représentant a déploré que de nombreux pays en développement n'aient pas été en mesure de participer aux travaux actuels, essentiellement par manque de moyens financiers. Tous les moyens devraient être utilisés pour faciliter une telle participation, a-t-il affirmé.

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