AG/J/184

SIXIEME COMMISSION : LES DELEGATIONS REAFFIRMENT QUE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE DOIT ETRE TOTALEMENT INDEPENDANTE

29 octobre 1996


Communiqué de Presse
AG/J/184


SIXIEME COMMISSION : LES DELEGATIONS REAFFIRMENT QUE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE DOIT ETRE TOTALEMENT INDEPENDANTE

19961029 MATIN AG/J/184 Le principe de complémentarité devra être clairement défini dans le Statut

La Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi, ce matin, l'examen du Rapport du Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale. Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Bélarus, Malawi, Danemark, Inde, Roumanie, Burkina Faso, Finlande, Ukraine, Canada, Kenya, Cameroun, Indonésie, Chili, Suède et Pakistan.

De nombreux représentants ont insisté sur la nécessité de préserver l'indépendance de la Cour, y compris par rapport au Conseil de sécurité, et de garantir l'égalité de tous les Etats par rapport à l'institution judiciaire. A cette fin, plusieurs délégations ont souhaité que le procureur puisse lancer de lui-même des enquêtes. D'autres ont estimé que la compétence propre de la Cour ne pouvait être limitée au seul crime de génocide. D'autres encore ont estimé que tous les Etats parties au Statut ou ayant un intérêt dans une affaire devraient pouvoir saisir la Cour.

La plupart des représentants ont aussi demandé que soit clairement défini le principe de complémentarité. Beaucoup ont affirmé que la Cour ne devait pas supplanter les juridictions nationales. Certains ont demandé que soit trouvé un juste équilibre et plusieurs se sont inquiétés des barrières toujours plus nombreuses que l'on semble vouloir élever pour limiter la compétence de la Cour. Les délégations doivent considérer la Cour comme leur propre tribunal et non comme un organe judiciaire étranger contre lequel elles doivent se prémunir, a ainsi déclaré le représentant du Canada.

La Commission poursuivra, jeudi 31 octobre à 10 heures, l'examen du Rapport du Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale.

M. SYARGEI SYARGEEU (Bélarus) s'est félicité des progrès réalisés par le Comité préparatoire. Il a souhaité qu'il mène à bien sa tâche en 1997-1998, et que l'Assemblée générale prenne la décision de convoquer une conférence diplomatique pour 1998. Le Bélarus appuie l'idée d'une relation étroite entre la Cour criminelle internationale et les systèmes nationaux. En outre, le principe de complémentarité ne doit pas trop limiter les compétences de la Cour. Pour ce qui est de la compétence matérielle de la Cour, celle-ci devra être limitée aux crimes les plus graves, a-t-il dit. Le Bélarus se félicite que la compétence de la Cour en matière de génocide soit automatique. Le délégué a proposé que tous les crimes, y compris le génocide, soient définis dans le Statut, de manière précise. Selon lui, la liste des crimes actuellement définie dans l'article 20 du projet de Statut est incomplète. Il a d'autre part préconisé l'adjonction du protocole additionnel I aux Conventions de Genève, car, a-t-il ajouté, la plupart des crimes sont actuellement commis dans le cadre de conflits armés non internationaux.

M. Syargeeu a estimé que, compte tenu du nombre d'Etats Membres de l'ONU, il faudra entre 80 et 90 ratifications pour que la future Cour soit créée. Celle-ci devra être un organe indépendant, étroitement lié à l'ONU, et pouvoir défendre non seulement les intérêts des Etats parties, mais aussi ceux de la communauté internationale dans son ensemble. Pour assurer l'universalité de la Cour, il faudra que son budget ne dépende pas des Etats mais qu'il soit inclus dans le budget de l'ONU.

M. DAVID RUBADIRI (Malawi) s'est déclaré satisfait des travaux accomplis par le Comité préparatoire et par le Comité ad hoc avant lui. Si nous restons résolus à agir, nous devrions parvenir à accomplir ceux que d'autres ont essayé d'accomplir avant nous, a-t-il ajouté. Le moment est venu d'adopter un instrument portant création d'une cour criminelle internationale. M. RUBADIRI a expliqué qu'un débat sur la définition et les éléments des crimes, ainsi que sur la complémentarité et le mécanisme de déclenchement a des chances de nous faire progresser substantiellement dans le cadre des travaux du Comité préparatoire. Selon lui, le projet de code des crimes donnera un nouvel élan à cet aspect problématique du projet de statut de la Cour.

Le délégué a indiqué que l'Assemblée générale devrait étudier les façons d'aider les pays en développement pour qu'ils puissent assister à toutes les sessions du Comité préparatoire. Sa délégation a eu des difficultés à assister à toutes les réunions du Comité préparatoire. Or, le principe d'universalité ne peut être respecté sans la participation du plus grand nombre de participants à tous les niveaux du processus et notamment pendant la phase préparatoire, a-t-il déclaré. Le représentant a estimé réaliste d'envisager la tenue d'une conférence diplomatique en 1998.

M. JORGEN MOLDE (Danemark) a rappelé son soutien à la déclaration faite lundi par le représentant de l'Irlande au nom de l'Union européenne. Il a ajouté que la Cour devra être établie par un traité international, lequel devra fixer les grandes lignes de la relation à établir avec le système des

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Nations Unies. Les détails de ces relations devront être définies dans un accord spécial entre la Cour et les Nations Unies. La Cour devra être un organe permanent, mais ne se réunir qu'à la demande. Le président, le procureur et le greffier devront toutefois être permanents. Le budget de la Cour devra être prélevé du budget régulier de l'ONU. Pour ce qui est de la compétence de la Cour, celle-ci devra, au moins dans un premier temps, se limiter au noyau dur des crimes relevant du droit international et comprendre le génocide, l'agression, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les attaques contre le personnel de l'ONU et le personnel associé. Les crimes devront être définis dans le Statut, en tenant pleinement compte du Code des crimes adoptés par la Commission du droit international. Les autres crimes, selon les traités, pourront être ajoutés à un stade ultérieur, à travers un mécanisme de révision à stipuler dans le Statut. Pour les crimes principaux, la compétence de la Cour doit être inhérente. Tous les Etats parties au Statut doivent pouvoir déclencher une procédure devant la Cour et le procureur doit pouvoir ordonner des enquêtes. De l'avis du délégué, le rôle du Conseil de sécurité doit être limité à la possibilité de saisir la Cour. Le principe de la complémentarité doit être précisé selon les catégories de crimes. Ce doit être à la Cour de décider si une juridiction nationale est accessible et efficace. Le Statut devra comprendre des dispositions concernant les droits de la défense et la coopération judiciaire internationale.

M. Molde a estimé qu'un long chemin a été parcouru depuis le début des travaux du Comité Ad hoc en janvier 1995. La création d'une telle cour est une question difficile et le Comité préparatoire, il faut l'admettre, n'a pas encore rempli pleinement son mandat. Mais les éléments nécessaires à la préparation d'un texte existent, a-t-il affirmé. Il suffit donc de consolider les textes actuels pour disposer d'un document de base pour la future conférence diplomatique. Le Danemark ne juge pas forcément nécessaire que le Comité préparatoire utilise les neuf semaines demandées avant la conférence diplomatique. Il pourrait se contenter pour l'instant de trois sessions de deux semaines, charge à l'Assemblée générale de décider ensuite, éventuellement, d'une nouvelle session. La conférence diplomatique devra, elle, durer au moins trois semaines. Elle pourrait avoir lieu en 1998 et l'Assemblée générale devrait décider dès la présente session de la convoquer, et fixer une date précise, par exemple juin, comme l'a suggéré l'Italie. Un calendrier précis permettrait aussi de faire pression sur le Comité préparatoire. Le représentant s'est prononcé en faveur de la création d'un fonds d'affectation spécial pour permettre aux pays en développement de participer aux travaux sur la future Cour, afin d'assurer à celle-ci l'universalité nécessaire à son bon fonctionnement.

M. ASHWANI KUMAI (Inde) a déclaré que la Cour criminelle internationale devrait obtenir la participation la plus large possible de la part de tous les Etats. Cela est possible si son statut repose sur une compétence facultative. La Cour doit respecter les systèmes judiciaires nationaux. Les notions de compétence inhérente ou de suprématie de sa compétence par rapport aux

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juridictions nationales risquent de nuire gravement à la réalisation de l'universalité de la Cour, a souligné le délégué. La Cour doit être véritablement indépendante et à l'abri de toute ingérence de la part des Etats Membres, mais aussi de l'ONU, y compris du Conseil de sécurité.

Le représentant a estimé particulièrement important que le terrorisme soit inclus dans la liste des crimes faisant partie de la compétence de la Cour. Il s'est réjoui des travaux sur la procédure de la Cour. Nous saurons surmonter les difficultés en trouvant des solutions communes aux différents systèmes judiciaires, a-t-il ajouté. Il est réaliste d'envisager la convocation d'une conférence de plénipotentiaires en 1998.

M. DUMITRU MAZILU (Roumanie) a estimé que les deux dernières sessions du Comité préparatoire ont permis de faire de grand progrès, mais qu'il reste beaucoup à faire pour mettre au point un texte consolidé largement acceptable. La Cour, a-t-il affirmé, doit être établie par un traité international qui lui assure son indépendance et son autorité. Pour entrer en vigueur, le Statut devrait être ratifié par un nombre relativement élevé de pays, afin d'assurer la représentation des principaux systèmes juridiques et de toutes les régions géographiques. Un accord spécial devra fixer les relations entre la Cour et le système des Nations Unies. Il serait sage de le préparer parallèlement au projet de statut lui-même.

La compétence de la Cour devra être limitée aux crimes les plus graves, ce qui évitera ainsi les interférences avec les juridictions nationales. Les crimes doivent être définis clairement, conformément au principe nullum crimen sine lege. Il sera ainsi nécessaire de définir précisément les crimes de guerre. Le noyau dur des crimes selon le droit international général devra refléter l'évolution de la pratique des Etats et prendre en compte certains éléments du Code des crimes mis au point par la CDI. Le représentant a estimé que le terrorisme international pourrait entrer dans le champ de la compétence de la Cour. La compétence automatique de la Cour devrait s'étendre au delà du génocide et le procureur doit pouvoir ordonner l'ouverture d'une enquête. Les droits de la défense devront être garantis et le Statut de la Cour devrait exclure la peine de mort.

Le Statut de la Cour ne doit pas affecter le rôle du Conseil de sécurité tel que défini par la Charte, a estimé M. Mazilu. De même, les relations entre la Cour et le Conseil ne doivent pas être préjudiciables à l'indépendance de la Cour ou à l'égalité souveraine des Etats. Le principe de complémentarité étant très important, il faudrait prévoir un système souple de coopération entre la Cour et les différents Etats, a-t-il ajouté.

Le représentant a estimé qu'il est possible, vu la progression des travaux, que la conférence diplomatique internationale soit convoquée en 1998.

M. HILAIRE SOULAMA (Burkina Faso) a déclaré que la compétence de la Cour est l'une des questions de fonds que soulève le projet de statut. La

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compétence de la Cour doit être liée au projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. Le représentant a fait remarquer que les Etats qui accordent la priorité à l'établissement de la Cour sont ceux qui s'opposent à tout lien entre le Code et la Cour, et qui sont favorables à l'exclusion du crime d'agression du champ de compétence de la Cour. A ce sujet, M. Soulama a précisé que la Charte des Nations Unies reconnait au Conseil de sécurité le droit de constat de "l'agression" et non celui de "crime d'agression". Cette confusion favorise un glissement du politique vers le juridique et entraîne des extrapolations qui visent à conférer au Conseil de sécurité des prérogatives que la Charte ne lui donne pas, a-t-il indiqué.

Le délégué a estimé que la future Cour doit être une instance juridictionnelle indépendante et intègre. Le Burkina Faso continue de s'interroger sur la tendance du Conseil de sécurité, organe exécutif, à s'octroyer des compétences juridiques, mettant en péril l'équilibre contenu dans la Charte, a poursuivi le représentant. Il convient de poursuivre de façon attentive et scrupuleuse l'examen du Statut de la Cour et son mode de financement. L'importance et la gravité des questions en jeu requièrent un maximum de participation.

Mme MARJA LEHTO (Finlande), s'est associée à la déclaration faite par l'Irlande au nom de l'Union européenne et a déclaré qu'il convient d'adopter une démarche équilibrée en ce qui concerne le principe de complémentarité et le champ de compétence de la Cour. Il convient d'envisager un lien entre la Cour et le Conseil de sécurité, tout en préservant l'indépendance de la Cour. Le Statut de la cour doit être simple, mais il doit cependant comprendre des dispositions sur les sanctions et les droits de l'accusé. La peine de mort ne doit pas faire partie des sanctions, a précisé la représentante. Elle a estimé que le Comité préparatoire est désormais bien équipé pour adopter un texte consolidé de convention.

La déléguée a indiqué que trois ou quatre réunions supplémentaires, comme l'a recommandé le Comité préparatoire, suffiraient pour finaliser ses travaux. Le Comité préparatoire n'a pas à faire le travail de la conférence diplomatique. Il ne doit pas non plus surcharger le projet de statut de détails, qui peuvent être laissés à la Cour elle-même. Il est de notre responsabilité que le processus de création de la Cour, qui est bien avancé, se poursuive, a fait observer la représentante. A son avis, l'Assemblée générale devrait adopter un calendrier de travail précis pour le reste des travaux à accomplir avant avril 1998, comme l'a recommandé le Comité préparatoire. La date la plus appropriée pour la conférence diplomatique est juin 1998.

M. VOLODYMYR A. VASSYLENKO (Ukraine) a soutenu la recommandation du Comité préparatoire de se réunir encore durant neuf semaines. La meilleure solution consisterait à organiser trois sessions de trois semaines, à la suite de quoi on pourrait convoquer, en 1998, la conférence diplomatique chargé de

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créer la Cour criminelle internationale. Le délégué a estimé que les travaux du Comité préparatoire devraient s'effectuer dans la transparence. L'Ukraine appuie la proposition de travaux futurs dans le cadre de groupes de travail à composition non limitée, à condition que ces groupes ne se réunissent pas de manière simultanée.

La Cour devrait être créée par un traité multilatéral et être une institution judiciaire indépendante et permanente, qui ne se réunira que lorsqu'elle sera saisie d'une affaire. Elle devra être complémentaire aux tribunaux nationaux et la relation avec ces derniers devrait être clairement définie. M. Vassylenko a souligné que les attaques contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé doivent entrer dans le champ de compétence de la Cour. Une liste exhaustive de crimes risque d'être trop limitative. Le Statut devra prévoir une procédure souple de révision et d'extension de la compétence de la Cour. Le représentant a souhaité qu'on harmonise au maximum la terminologie utilisée dans le projet de statut de la Cour et deux autres textes importants: le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité internationales, et le projet d'articles sur la responsabilité des Etats. Ces trois textes sont en effet très liés conceptuellement.

M. ROBERT R. FOWLER (Canada) a déclaré qu'il faut profiter de la conjoncture actuelle pour convoquer au plus vite une conférence diplomatique ayant pour objectif l'adoption du Statut de la Cour. Le Canada aurait aimé qu'elle se tînt dès 1997 et, tout en respectant le point de vue de certaines délégations, estime injustifié son report à 1998. D'ici 1998, nous aurons amplement le temps de trouver des solutions à la plupart des points encore en litige, d'ordre tant technique que juridique, a estimé le représentant. Le mois de juin 1998 serait une date appropriée.

M. Fowler a déclaré qu'un tribunal permanent aura l'avantage sur les tribunaux ad hoc d'éviter les délais de mise sur pied de tels organes. En outre, une cour permanente permettra d'atténuer le problème des choix des causes à porter devant la Cour et d'assurer une plus grande cohérence de la jurisprudence. Le Canada est aussi convaincu que la création de la Cour criminelle internationale exercera un formidable effet de dissuasion, à condition qu'on en assure un fonctionnement efficace.

Le représentant a souhaité la participation la plus large des pays aux travaux du Comité préparatoire. Il est déçu que le Comité ne compte davantage de représentants de pays en développement. Tous les pays ont intérêt à appuyer la réaction d'un tel tribunal, et surtout ceux qui sont sujets aux troubles et aux conflits. En outre, la compétence de la Cour doit s'étendre aussi bien aux événements découlant de conflits internationaux que de conflits internes.

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La distinction entre les deux types devient de plus en plus artificielle, le Conseil de Sécurité lui-même a tendance à ne plus faire de distinction très nette et le Canada s'en réjouit. Le droit international, a rappelé M. Fowler, tend de plus en plus à reconnaître que certains crimes contre l'humanité n'ont en fait aucun lien avec des conflits armés, ni internes, ni internationaux.

Les rapports entre la future Cour et les Nations Unies sont d'une extrême importance, a déclaré M. Fowler. Il faut un lien avec le Conseil de sécurité, tout en assurant l'autonomie et l'efficacité de la Cour. Le Conseil doit être autorisé à soumettre des situations à la Cour, mais sans pouvoir exercer de contrôle sur le choix des causes à lui envoyer. Le Canada juge intéressante l'idée de faire élire les juges de la Cour par l'Assemblée générale. On pourrait ainsi dans une certaine mesure atteindre les mêmes objectifs qu'en faisant de la Cour un organe judiciaire des Nations Unies, au même titre que la CIJ, mais sans avoir à réviser la Charte. La Cour doit être complémentaire aux systèmes judiciaires nationaux. Pour éviter de marginaliser son rôle, on pourrait accorder au procureur le droit de lancer de lui-même des enquêtes. Le Canada s'oppose à la création de barrières inutiles à la compétence de la Cour. La tendance actuelle en ce sens est inquiétante. Les délégations doivent considérer la Cour comme leur propre tribunal et non comme un organe judiciaire étranger contre lequel il faudrait se prémunir, a affirmé le représentant.

M. NJUGUNA M. MAHUGU (Kenya) a déclaré que le but ultime de la création d'une cour criminelle internationale est d'établir une cour qui soit non seulement efficace, mais également largement acceptée par tous et répondent aux normes les plus élevées de justice et d'équité. Il a demandé aux Etats Membres d'adopter une démarche la plus pragmatique possible afin de parvenir à un consensus en la matière. Le représentant a estimé que trois sessions de trois semaines chacune seraient suffisantes pour parvenir à un texte consolidé de Convention. Une fois qu'un texte consolidé acceptable sera prêt, on pourra fixer une date pour la conférence diplomatique. Avant cela, la question de la date de la conférence de plénipotentiaires n'est pas importante, a-t-il précisé.

Le délégué a indiqué que les conclusions du Comité préparatoire montrent la nécessité d'une participation plus universelle pour ses travaux futurs. L'un des principaux obstacles aux travaux actuels est l'absence constante d'un grand nombre de délégations, notamment celles des pays en développement. Le représentant a souhaité que l'Assemblée générale trouve un moyen pour que ces pays participent activement aux discussions futures. La proposition de créer un Fonds volontaire pour fournir une aide aux experts juridiques des pays les moins avancés pour qu'ils puissent participer aux réunions futures du Comité préparatoire est louable et devrait être soutenue.

M. RAYMOND EPOTE (Cameroun) a déclaré que, face à la multiplication actuelle des crimes internationaux, le projet de statut d'une cour criminelle internationale ne peut que gagner du soutien. Toutefois, pour être viable, ce

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projet doit faire l'objet d'un consensus le plus large possible, afin de mettre sur pied une institution judiciaire forte, respectée et souveraine dans son domaine de compétence. Toutefois, il existe encore des divergences importantes sur de nombreuses questions de fond. Le Cameroun est favorable à la création de la Cour par un traité multilatéral, et à la signature d'un accord entre la Cour et le système des Nations Unies.

Les divergences demeurent sur la compétence de la Cour et la définition des crimes, a déclaré le représentant, et il serait judicieux d'approfondir l'examen de cette question, afin d'élaborer un système qui puisse faire autorité. En outre, si la compétence propre de la Cour se limite au crime de génocide et si l'acceptation de sa juridiction suppose à chaque fois le consentement des Etats, il est à craindre que la future Cour ne soit paralysée. Il faudra aussi clarifier les relations entre la Cour et le Conseil de sécurité, trouver un juste équilibre qui permette de sauvegarder l'indépendance de la Cour et l'égalité des états face à cette juridiction. La question de la complémentarité est également très importante et l'interprétation actuelle fait encore une part trop belle aux tribunaux nationaux.

Le succès ou l'échec de la communauté internationale face au défi du crime international dépendra avant tout de la solidarité dont les Etats feront preuve, et de l'attitude qu'ils adopteront par rapport au processus de création d'institutions internationales susceptibles d'apporter des réponses satisfaisantes aux préoccupations communes. Il ne faut pas avaliser la création d'une cour juste pour nous donner bonne conscience, mais bien pour faire face à un défi majeur qui menace les démocraties, a déclaré M. Epote.

M. ABDULKADIR JAILANI (Indonésie) a estimé que des progrès ont été accomplis par le Comité préparatoire, mais que beaucoup reste à faire. Il a déclaré que le principe de complémentarité est un élément important et essentiel pour la création d'une cour criminelle internationale, surtout si l'on souhaite que la Cour soit largement acceptée. La Cour doit compléter et non supplanter les juridictions nationales. Toutefois, ce rôle devra être clairement défini pour éviter tout conflit d'interprétation. Cela serait également plus économique. Il ne fait aucun doute que l'exercice de la juridiction pénale est une prérogative d'Etat et que la compétence de la Cour est l'exception à la règle, a ajouté le délégué. A son avis, la coopération entre la Cour et les Etats est une condition sine qua non de l'efficacité de la Cour. Les obligations des Etats de contribuer aux poursuites doivent être replacées dans le principe de complémentarité. L'Indonésie est d'avis qu'il n'y a pas obligation pour un Etat ou une cour de reconnaître un jugement pénal d'un Etat étranger ou d'une cour pénale, ou vice versa, en l'absence d'un accord entre les parties.

Le représentant a estimé que la liste des crimes entrant dans le champ de la compétence de la Cour doit être définie avec clarté et précision. La définition des crimes eux-mêmes devrait figurer dans les traités multilatéraux

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s'y rapportant. Il serait utile de coordonner les travaux du projet de code des crimes et du projet de statut de la Cour pour éviter les chevauchements inutiles, a indiqué le délégué. La compétence de la Cour devrait reposer sur l'assentiment de l'Etat. La notion de juridiction inhérente de la Cour pour le crime de génocide n'est pas une exception acceptable, a affirmé M. Jailani. Il a estimé intéressant que le Conseil de sécurité détermine un acte d'agression avant qu'il ne soit porté devant la Cour, mais a précisé que souvent il a été reconnu que les délibérations du Conseil étaient mues par des considérations politiques. La Cour ne devrait pas être soumise à de telles considérations, a poursuivi le délégué. Seuls les Etats parties ou ayant un intérêt dans l'affaire devrait porter plainte, cela afin d'éviter des revendications non motivées ou fondées sur des considérations politiques. L'accusé doit bénéficier d'un procès juste et équitable et la Cour ne doit pas être utilisée pour un prétexte politique, a ajouté M. Jailani.

M. CARLOS CRISOSTOMO (Chili) a souhaité la création d'une cour criminelle internationale car la création de tribunaux spéciaux, comme ceux chargés de l'ex-Yougoslavie ou du Rwanda, s'ils apportent une réponse valable à des situations de crise, ne peuvent constituer une solution permanente à l'absence de juridiction pénale internationale.

Après s'être félicité que les travaux du Comité préparatoire aient progressé, le représentant a rappelé que la vieille aspiration à disposer d'une cour pénale internationale n'est plus une utopie. La Cour pourra prendre forme dans un avenir proche. Mais il faudra toutefois fixer des limites dans le temps, sans quoi les documents risqueraient de multiplier à l'infini et de compliquer les travaux. Il faut lancer le processus visant à convoquer une conférence diplomatique internationale. Le délégué a estimé qu'il n'est pas nécessaire de confier un nouveau mandat au Comité préparatoire, puisque le mandat actuel lui permet de s'atteler à la rédaction d'un projet d'articles, lors des trois ou quatre sessions de deux semaines chacune qui se tiendront en 1997 et 1998. La conférence diplomatique devrait être convoquée pour juin 1998.

M. LARS MAGNUSON (Suède) a affirmé qu'une cour criminelle internationale devrait être créée le plus rapidement possible. Sa délégation souhaite que cette cour fonctionne bien et soit largement acceptée. Elle souhaite oeuvrer à la création d'une cour efficace, indépendante et qui ne subisse pas l'influence indue des organes politiques, y compris le Conseil de sécurité. La compétence de la Cour doit être limitée aux crimes les plus graves. Le délégué a réaffirmé la primauté du Conseil de sécurité pour les crimes menaçant la paix et la sécurité internationales. Il s'est déclaré peu satisfait de l'interdiction proposée d'engager des poursuites sans la permission du Conseil de sécurité pour les cas relevant du Chapitre VII de la Charte. Le représentant s'est également déclaré peu satisfait de la procédure de plainte proposée, qu'il juge compliquée et peu commode. Il a souhaité un système permettant au procureur d'engager des poursuites ex officio.

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Le représentant a estimé que la liste des crimes entrant dans le champ de compétence de la Cour doit être courte. A son avis, le projet de code des crimes mérite attention. Il est difficile de trouver une définition de l'agression qui corresponde à la responsabilité pénale individuelle. Cette question pourrait être simplifiée si l'on considérait le crime de guerre d'agression comme le faisait la Charte de Nuremberg. M. Magnuson a jugé nécessaire d'énoncer clairement le principe de complémentarité dans le Statut. Il faut respecter un équilibre approprié entre la Cour et les juridictions nationales et établir clairement les droits de la défense. Le délégué a indiqué qu'il convient de mettre au point des règles de procédure garantissant pleinement les droits de l'accusé et la protection des témoins. Il est important de ne pas s'enliser dans des débats inutiles sur les mérites respectifs des différents régimes juridiques. Il faut créer un système original.

M. Magnuson a réaffirmé que l'inclusion de la peine capitale dans les sanctions est inacceptable pour son pays. La Suède est disposée à adopter une démarche progressive pour la mise en place de la Cour, a-t-il ajouté. Il faut toutefois que la Cour puisse faire face à des besoins accrus. Il a appuyé les conclusions du Comité préparatoire qui, selon lui, reflètent le compromis le plus largement acceptable. Il a demandé à la Sixième Commission de les accepter et a souhaité que l'Assemblée générale convoque une conférence diplomatique.

M. ABDUL RAZZAK A. THAHIM (Pakistan) a déclaré que le succès de la future Cour criminelle internationale dépendra de la coopération entre les Etats, à qui la nouvelle juridiction imposera de nouvelles obligations. Il faut donc que les travaux du Comité préparatoire tiennent compte des préoccupations des Etats Membres appartenant à différents systèmes juridiques. La future Cour doit satisfaire des critères acceptables. Or, il apparaît clairement que les Etats Membres recherchent des garanties précises sur la question de la complémentarité. Il faut trouver sur ce point un juste équilibre, qui permette à la Cour de fonctionner pleinement et prenne en compte le concept de souveraineté. C'est là une question fondamentale. Il doit être dit clairement dans le Statut que la juridiction de la Cour ne s'appliquera que si les procédures nationales sont indisponibles ou inefficaces. Il faut également garantir la primauté des juridictions nationales.

De même, la liste des crimes dont la Cour aura à connaître doit faire l'objet d'un large consensus. Elle devrait se limiter au noyau dur des crimes: génocide, violations graves des lois et coutumes applicables en période de conflits armés et crimes contre l'humanité. Elle ne peut inclure l'agression ou le terrorisme, crimes pour lesquels il n'existe pas de définition claire, a affirmé le représentant. La définition de l'agression adoptée en 1974 par l'Assemblée générale, n'est pas considérée comme contraignante par de nombreux Etats et la définition est plus politique que juridique. En outre, a poursuivi M. Thahim, l'agression est un crime

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considéré traditionnellement comme commis par des Etats, alors que la Cour criminelle n'aura à connaître que de crimes commis par des individus. Le représentant a également donné la liste de crimes selon les traités dont la Cour devrait pouvoir connaître. Mais si un Etat poursuit lui-même des individus pour des crimes commis au titre de ces traités, la juridiction de la Cour criminelle devrait être automatiquement exclue.

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