Le monde a besoin de l’Afrique pour répondre aux défis de l’océan, et l’océan a besoin d’une Afrique qui trace sa voie et navigue résolument vers l’avenir, souligne le Secrétaire général
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors au Sommet « L’Afrique pour l’océan » organisé ce 9 juin à Nice, France :
Je vous remercie d’organiser ce sommet afin de réaffirmer un message clair: Les destins de l’Afrique et de l’océan sont profondément liés.
Pour des millions de personnes à travers le continent, l’océan est source de vie, d’identité, de promesses. Avec plus de 30 000 kilomètres de littoral et 38 États côtiers, l’Afrique est une puissance maritime.
Son avenir s’écrit aussi dans ses eaux. Mais cette richesse bleue est trop souvent sous-évaluée et surexploitée.
L’insécurité maritime menace la paix. La pollution empoisonne les côtes et les écosystèmes. Et la crise climatique – dont l’Afrique n’est pourtant pas responsable – ravage ses rivages.
Face à ces défis, l’Afrique propose, innove, agit. Elle forge des solutions qui inspirent bien au-delà du continent.
Nous le voyons dans des projets ambitieux de coopération régionale – ou encore la Stratégie intégrée de l’Union africaine pour les mers et les océans à l’horizon 2050. Et nous le voyons dans les négociations internationales, où l’Afrique fait entendre sa voix avec force.
L’Accord sur la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale – l’Accord BBNJ – en est un exemple.
Le Groupe africain a été un acteur central des négociations, obtenant des engagements sur le partage équitable des avantages, le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines.
À ce jour, 28 États africains ont signé l’Accord. Trois l’ont déjà ratifié. Peut-être que ces chiffres sont déjà surpassés par les chiffres que le Président de la République a annoncés ce matin.
Et plusieurs autres prévoient de le faire aujourd’hui, lors de la cérémonie spéciale sur les traités pour l’Accord BBNJ.
C’est un signal fort: l’Afrique est au cœur de l’action pour les océans. Mais pour libérer pleinement ce potentiel, il faut un sursaut politique et financier. Cela commence par renforcer la sécurité maritime face aux menaces transnationales – piraterie, trafic d’armes et d’êtres humains et crime organisé.
Les Nations Unies continueront de soutenir les efforts africains, notamment à travers l’Architecture de Yaoundé, qui a contribué à une baisse significative des actes de piraterie dans le golfe de Guinée.
Cela passe également par une gouvernance océanique fondée sur la science et la coopération.
Il faut lutter contre la pollution et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, renforcer les capacités de collecte et de partage des données océanographiques, et protéger la biodiversité. Nous devons valoriser les énergies marines renouvelables, l’aquaculture et le tourisme durable, autant de sources d’emplois décents – notamment pour les jeunes et les femmes.
Mais ces efforts ne porteront pleinement leurs fruits que si l’Afrique est connectée – dans ses territoires et avec le reste du monde.
Les océans africains doivent devenir de véritables corridors d’intégration – reliant pays côtiers et enclavés, au service d’une croissance partagée. Cela suppose des investissements concrets dans les infrastructures maritimes et portuaires : des ports interconnectés, résilients face au changement climatique, capables de répondre aux besoins d’un commerce en croissance.
Les États sans littoral doivent être reliés aux chaînes de valeur mondiales.
Aucun pays ne doit rester à quai.
Mais pour que cette transformation soit durable et équitable, nous devons mettre fin aux injustices historiques. Ces injustices se traduisent aussi dans l’océan : les investissements ont trop souvent contourné l’Afrique, alors même que ses ressources marines étaient exploitées par d’autres.
Le Pacte pour l’Avenir, adopté en septembre dernier, appelle à une réforme profonde des institutions financières mondiales – afin qu’elles soient au service de tous.
Il est temps que les pays en développement soient équitablement représentés dans ces institutions. D’ailleurs, comme au Conseil de Sécurité des Nations-Unies.
Nous avons besoin d’un système qui reflète les réalités du XXIe siècle – un système plus juste, plus solidaire et plus efficace.
C’est pourquoi j’appelle les institutions financières, les bailleurs bilatéraux et multilatéraux, les banques de développement et le secteur privé à répondre présent – y compris lors de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement à Séville.
De Dakar à Djibouti, du Cap à Casablanca, l’Afrique prouve qu’on peut conjuguer prospérité et préservation.
Le monde a besoin de l’Afrique pour répondre aux défis de l’océan. Et l’océan a besoin d’une Afrique qui trace sa voie et navigue résolument vers l’avenir.