Sûreté maritime: le Secrétaire général appelle à redoubler d’efforts pour s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité maritime
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat public de haut niveau du Conseil de sécurité consacré à la sûreté maritime, à New York, aujourd’hui:
Je remercie la présidence grecque d’avoir organisé le débat public d’aujourd’hui sur l’importance du renforcement de la sûreté maritime par la coopération internationale aux fins de la stabilité mondiale.
Ce débat souligne tout d’abord que la condition fondamentale pour préserver la sécurité maritime est le respect par tous les pays de la Charte des Nations unies et du droit international tel qu’il est reflété dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Depuis des temps immémoriaux, les routes maritimes unissent le monde. Elles sont depuis toujours le principal vecteur d’échanges commerciaux et de transport des personnes, des biens et des marchandises, mais aussi de diffusion des cultures et des idées.
L’humanité tout entière dépend des océans et des mers de la planète, non seulement pour l’oxygène que nous respirons et la biodiversité qui permet à la vie d’exister, mais aussi parce qu’ils sont vitaux pour les économies, le commerce et les emplois liés aux industries maritimes.
Le débat d’aujourd’hui met en lumière un fait fondamental: sans sûreté maritime, il ne saurait y avoir de sécurité mondiale. Mais les espaces maritimes sont de plus en plus menacés par des périls anciens et nouveaux. Des difficultés liées à des frontières contestées… À l’épuisement des ressources naturelles de l’océan… En passant par l’escalade des tensions géopolitiques qui attisent les flammes de la concurrence, des conflits et de la criminalité.
Au fil des ans, ce Conseil s’est efforcé de répondre à une série de menaces qui compromettent la sûreté maritime et la paix mondiale. La piraterie, le vol à main armée, le trafic et le crime organisé… Les actes de destruction visant le transport maritime, les installations situées au large des côtes et les infrastructures critiques… Mais aussi le terrorisme maritime, qui fait peser une terrible menace sur la sécurité internationale, le commerce mondial et la stabilité économique. Aucune région n’est épargnée. Et le problème ne cesse de s’aggraver.
Après une modeste diminution des actes de piraterie et des vols à main armée signalés à l’échelle mondiale en 2024, un fort regain a été enregistré au premier trimestre de 2025. Selon l’Organisation maritime internationale, le nombre d’attaques a augmenté de près de moitié (47,5%) par rapport à la même période en 2024.
En Asie, il a presque doublé, en particulier dans les détroits de Malacca et de Singapour. En mer Rouge et dans le golfe d’Aden, les attaques menées par les houthistes contre des navires commerciaux ont perturbé les échanges mondiaux et accru les tensions dans une région déjà instable. Le golfe d’Aden et la mer Méditerranée restent des itinéraires périlleux utilisés pour le trafic de migrants et d’armes et pour la traite des personnes.
Le golfe de Guinée demeure aux prises avec la piraterie, les enlèvements, les vols à main armée en mer, le vol de pétrole, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, et le trafic de drogues, d’armes et d’êtres humains. L’héroïne en provenance d’Afghanistan continue d’arriver en Afrique de l’Est par l’océan Indien. La cocaïne passe par les côtes des Amériques et traverse l’océan Atlantique pour atteindre l’Afrique de l’Ouest et les ports européens. Les cyberattaques, qui sont en pleine expansion, constituent une menace pour la sécurité des ports et des compagnies maritimes.
Alors que se multiplient les périls, des routes maritimes du monde et des populations qui en dépendent nous parvient un message de détresse. Les organismes des Nations Unies soutiennent de nombreuses initiatives régionales qui rassemblent des partenaires du monde entier autour de la sûreté maritime.
Il s’agit notamment de projets de lutte contre l’insécurité maritime, du golfe d’Aden à la mer Rouge, et du golfe de Guinée au golfe Persique… Des efforts visant à garantir la sécurité de la navigation en mer Noire… De l’action que nous menons pour aider les pays à bâtir leurs forces maritimes et à se doter de systèmes juridiques solides… Des efforts déployés pour lutter contre les vols à main armée dont sont victimes des navires en Asie et contre la piraterie qui sévit au large des côtes somaliennes…
Et du soutien que nous apportons à l’Architecture de Yaoundé pour la sécurité maritime, mécanisme de coordination interrégional à plusieurs niveaux destiné à combattre la piraterie en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, qui a permis de porter le nombre d’actes de piraterie de 81 en 2020 à seulement 18 l’année dernière.
L’Organisation maritime internationale continue en outre de jouer un rôle fondamental pour ce qui est de désamorcer les tensions en mer et d’aider les États Membres et le secteur du transport maritime à trouver des solutions concertées. Pour l’avenir, des mesures devront être prises dans trois domaines clés.
Premièrement, le respect du droit international. Le respect du droit international est la condition première de la sûreté maritime. Le régime juridique international en la matière, fondé sur la Charte des Nations Unies et la Convention sur le droit de la mer, établit un équilibre délicat entre les droits souverains, la juridiction et les libertés des États, d’une part, et leurs devoirs et obligations, d’autre part. Il constitue également un cadre de coopération solide permettant de lutter contre les crimes commis en mer et de veiller à ce que les responsabilités soient établies.
Toutefois, son efficacité dépend de la volonté des États d’en assurer la mise en œuvre pleine et effective. Tous les États doivent respecter leurs obligations. Et ils doivent résoudre tout différend relatif à la sûreté maritime conformément à la Charte des Nations Unies.
Deuxièmement, nous devons redoubler d’efforts pour nous attaquer aux causes profondes de l’insécurité maritime. On ne saurait conjurer les menaces qui pèsent sur la sûreté maritime sans affronter également des problèmes tels que la pauvreté, l’absence de moyens de subsistance, l’insécurité et la faiblesse des structures de gouvernance. L’ensemble du système des Nations Unies s’emploie, aux côtés des communautés côtières pauvres, à créer de nouvelles possibilités de travail décent et durable.
Collectivement, nous devons faire davantage pour réduire la probabilité que des personnes désespérées se tournent vers la criminalité et d’autres activités qui menacent la sûreté maritime et dégradent notre environnement océanique.
Nous devons aider les pays en développement à renforcer leur capacité de faire face à ces menaces par la technologie, la formation, le renforcement des institutions et la mise en œuvre de réformes judiciaires, ainsi que par la modernisation des forces navales, des unités de police maritime, de la surveillance maritime et de la sécurité portuaire. Et nous devons veiller à ce que nos océans et nos mers puissent continuer de prospérer et de soutenir le développement économique, social, culturel et environnemental de l’humanité pour les générations à venir.
La prochaine Conférence sur l’océan, qui se tiendra à Nice, sera pour les pays du monde entier une occasion décisive de passer à l’action.
Et troisièmement, nous avons besoin de partenariats à tous les niveaux. Nous devons associer toutes les parties concernées par les espaces maritimes à l’action menée dans ce domaine. Des populations côtières, aux gouvernements, en passant par les groupes régionaux, les compagnies maritimes, les registres d’immatriculation du pavillon, les industries de la pêche et de l’extraction, les compagnies d’assurance et les exploitants portuaires. Sans oublier ce Conseil, qui a appelé l’attention sur la sûreté maritime et la nécessité d’agir de manière collective, d’assurer la désescalade et de promouvoir la coopération. Ainsi que les groupes de la société civile qui œuvrent en faveur des femmes et des filles, touchées de manière disproportionnée par des fléaux tels que la piraterie et la traite des personnes.
Alors que les menaces qui pèsent sur la sûreté maritime deviennent de plus en plus complexes et interconnectées, il est essentiel d’améliorer la coordination et de renforcer la gouvernance maritime.
Le système des Nations Unies est prêt à continuer d’aider ce Conseil et tous les États Membres à garantir des espaces maritimes pacifiques, sûrs et prospères pour les générations à venir. Agissons pour préserver et sécuriser les espaces maritimes, ainsi que les communautés et les personnes qui en dépendent.