En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/22557

Sommet de l’Union africaine: le Secrétaire général affirme sa volonté d’œuvrer pour que l’Afrique obtienne la représentation dont elle a besoin au Conseil de sécurité

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du Sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba, aujourd’hui:

Président Mohamed Ould Ghazouani – Je vous remercie pour votre leadership dans l’exercice de votre mandat.  Monsieur le Président Lourenço – toutes mes félicitations pour votre élection à la présidence de l’Union africaine, je me réjouis de travailler avec vous.

Je tiens également à exprimer toute ma gratitude au président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, pour ses huit années d’engagement fort et permanent en faveur du multilatéralisme et d’une coopération irréprochable avec les Nations Unies.  Cher Moussa, travailler avec toi est un privilège, un plaisir et un honneur.

Les liens de partenariat qui unissent l’Union africaine et l’ONU sont plus forts que jamais. Ensemble, ce que nous voyons, c’est une Afrique qui regorge d’espoir et de possibilités.  La Zone de libre-échange continentale africaine est en passe de dynamiser l’économie de la région.

Et les appels à remédier aux séquelles du colonialisme et de l’esclavage se font de plus en plus pressants, comme en témoigne votre thème de cette année – et comme en témoigne le leadership de tant de voix engagées pour la libération de l’Afrique, à l’image du grand Dr Sam Nujoma de Namibie, dont nous célébrons la vie et pleurons la perte.

Le monde ne doit jamais oublier que l’Afrique est victime des effets conjugués de deux injustices colossales.  Tout d’abord, les profonds ravages du colonialisme et de la traite transatlantique des esclaves.  C’est un mal dont les racines remontent à plusieurs siècles et dont les Africains et les personnes d’ascendance africaine continuent de pâtir aujourd’hui encore.

La décolonisation, en elle-même, n’a pas été une panacée.  L’indépendance politique n’a pas débarrassé les pays des structures fondées sur l’exploitation et des décennies de sous-investissement économique, social et institutionnel.  Il est grand temps de mettre en place des cadres de justice réparatrice.

Ensuite, l’Afrique était sous domination coloniale lorsque le système multilatéral actuel a été créé – et cette injustice perdure.  Le Conseil de sécurité de l’ONU en est un exemple flagrant.  Rien ne peut justifier, au XXIe siècle, que l’Afrique n’y dispose toujours pas d’une représentation permanente.

Je continuerai d’œuvrer main dans la main avec l’Union africaine et tous les États Membres pour faire en sorte que l’Afrique obtienne la représentation dont elle a besoin et la justice qu’elle mérite – notamment en étant représentée par deux membres permanents au Conseil de sécurité.  Et nous continuerons de réclamer la mise en place d’une architecture financière internationale qui ne soit plus obsolète, dysfonctionnelle et injuste.

Il est essentiel de corriger des injustices séculaires pour pouvoir relever les défis actuels.  La bonne nouvelle, c’est que nombre des solutions dont nous avons besoin sont déjà là. L’année dernière, dans le cadre de l’ONU, vous y avez contribué, avec le Pacte pour l’avenir.  Je remercie l’Afrique de son soutien qui a été vital pour approuver le Pacte.  Il nous faut maintenant concrétiser ces engagements.  La présidence sud-africaine du G20 ne pouvait pas mieux tomber.

Permettez-moi de souligner quatre domaines d’action.

Premièrement, nous devons œuvrer pour la paix et la sécurité et pour alléger les terribles souffrances humaines qui atteignent des niveaux effroyables.  Le Soudan est en train de se déchirer sous nos yeux – et connaît aujourd’hui la plus grande crise de déplacement et de famine au monde. 

À l’approche du mois sacré du ramadan, il est temps de cesser immédiatement les hostilités. La communauté internationale doit s’unir pour mettre fin à l’afflux d’armes et au financement de cette effusion de sang. 

En République démocratique du Congo, le peuple congolais subit -une fois de plus- un cycle brutal de violence.  Et les combats qui font rage dans le Sud-Kivu -en raison de la poursuite de l’offensive du M23- menacent de précipiter toute la région dans le gouffre. 

L’escalade régionale doit être évitée à tout prix.  Il n’y a pas de solution militaire.  L’impasse doit cesser - le dialogue doit commencer.  La souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC doivent être respectées.

Les conclusions du récent Sommet conjoint CAE-SADC offrent une voie à suivre – avec un appel renouvelé pour un cessez-le-feu, et un nouvel élan pour les efforts régionaux fondés sur les processus de Luanda et de Nairobi. 

À présent, il faut rapidement passer à la mise en œuvre de ces objectifs.  Et vous pouvez compter sur le soutien continu des Nations Unies, y compris de la MONUSCO.

Au Sahel, le terrorisme représente une menace claire et réelle pesant sur la paix, la sécurité et le développement durable.  En Somalie, nous plaidons pour un financement prévisible de la Mission d’appui et de stabilisation de l’Union africaine, et j’espère que notre voix sera entendue par le Conseil de sécurité.

Et alors que nous nous réunissons ici en Afrique, je sais que nos esprits sont également tournés vers Gaza.  Une reprise des hostilités doit être évitée à tout prix.  Le peuple palestinien a trop souffert.  Je salue les efforts déployés par les parties pour respecter l’accord de cessez-le-feu et j’appelle à agir en faveur d’un cessez-le-feu permanent et de la libération de tous les otages. 

La paix est possible au Moyen-Orient -et cela commence par des progrès tangibles, irréversibles et permanents vers la solution des deux États- un État palestinien, vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité.

Sur tous les fronts, nous sommes aux côtés de l’Union africaine pour faire progresser la sécurité, la stabilité, les droits de l’homme et l’État de droit.

Deuxièmement, nous devons continuer de travailler ensemble pour mettre en œuvre l’Agenda 2063 et le Programme 2030 pour le développement durable, et donner une impulsion à l’action en matière de financement.  Les pays d’Afrique paient jusqu’à huit fois plus que les pays développés pour emprunter.  Vingt d’entre eux sont en situation de surendettement ou risquent de l’être.

Le Pacte pour l’avenir préconise de réformer l’architecture financière internationale afin qu’elle soit à l’image de l’économie d’aujourd’hui et garantisse une représentation équitable et recommande de prendre des mesures efficaces pour agir sur la dette.  Je soutiendrai l’Afrique afin qu’elle obtienne justice et réparation pour les erreurs du passé.

Troisièmement, la crise climatique.  Les catastrophes climatiques frappent l’ensemble de l’Afrique: elles détruisent des vies, bouleversent les moyens de subsistance, dévastent les économies et attisent les conflits.

Dans le même temps, la révolution des énergies renouvelables est inarrêtable et l’Afrique est amenée à devenir une puissance mondiale dans le domaine des énergies propres. 

Pourtant, aujourd’hui, l’Afrique ne reçoit que 2% des investissements mondiaux affectés aux énergies renouvelables.  La réalisation du potentiel de l’Afrique passe par un accès aux financements abordables –ce qui suppose, entre autres, une mise en œuvre intégrale et dans les délais de la décision prise à la COP29 à ce sujet– et un appui à l’établissement d’un plan d’action visant à mobiliser 1 300 milliards de dollars par an.

L’Afrique a peu contribué à la crise climatique, mais elle en paie le prix avec des records de sécheresse, d’inondation et de chaleur.  La justice climatique exige un investissement massif dans l’adaptation, et il en va de la responsabilité de la communauté internationale. 

Les pays développés doivent doubler le financement de l’adaptation.  Et les pays doivent considérablement accroître le Fonds pour les pertes et préjudices.  Permettez-moi une remarque: lorsque le Fonds pour les pertes et préjudices a été créé, la conférence des donateurs qui a eu lieu a permis de dégager un montant équivalent au contrat le plus élevé d’un joueur [de baseball] aux États-Unis.  Il est absolument nécessaire de faire du Fonds pour les pertes et préjudices un instrument efficace pour aider les pays en développement à s’adapter.

Justice doit également être faite en ce qui concerne les minéraux critiques présents en abondance sur votre continent.  Trop souvent, vos pays sont pillés – relégués en bout de chaîne de valeur, pendant que d’autres bâtissent leur richesse sur vos ressources.

Les activités menées dans le cadre du Groupe de l’ONU chargé de la question des minéraux essentiels à la transition énergétique visent à faire une place à la justice, à la durabilité et aux droits humains tout au long de la chaîne de valeur.  Les minéraux de l’Afrique doivent profiter aux peuples d’Afrique.

Enfin, nous devons agir dans le domaine des nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle.  Près des deux tiers de la population africaine sont privés d’un accès fiable à Internet.  Nous avons une responsabilité historique: faire en sorte que l’intelligence artificielle profite à l’humanité tout entière, et pas seulement à quelques privilégiés, états et compagnies.

Le Pacte numérique mondial partage les ambitions du Pacte numérique africain: connectivité universelle, renforcement des capacités, et une gouvernance responsable de l’intelligence artificielle.  Je présenterai bientôt un rapport sur les modèles innovants de financement volontaire et les initiatives de renforcement des capacités afin d’aider les pays du sud global à exploiter l’intelligence artificielle pour le bien commun.  Ensemble, assurons-nous que les promesses seront tenues.

L’Union africaine et l’ONU sont unies et déterminées à rendre justice à votre continent, sans laisser personne de côté.  Nous disposons de bases solides pour aller de l’avant.  Alors, ensemble, concrétisons ces engagements.  Et permettez-moi de dire une dernière phrase dans ma langue maternelle.  E digamos com uma só voz: Viva Africa!

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