En cours au Siège de l'ONU

FEM/2244

La Commission de la condition de la femme dialogue avec la nouvelle génération de dirigeants et militants en lutte pour l’égalité des genres

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies et des contraintes horaires qui en résultent, l’intégralité du communiqué sera publiée ultérieurement)

La Commission de la condition de la femme a achevé la première semaine de sa soixante-neuvième session en tenant, cet après-midi, un dialogue interactif avec des représentantes et représentants de la jeunesse venus de contextes divers.  Forts de leur expérience et de leurs compétences en tant que dirigeants de la nouvelle génération pour l’égalité des genres, ces cinq jeunes ont pu faire part de leurs idées, rappeler les défis qu’ils rencontrent et avancer des solutions novatrices pour faire progresser la cause des femmes et des filles. 

Associer les jeunes aux politiques en matière de genre 

Représentante de la jeunesse de l’Albanie, Mme Ema Mecaj, étudiante en médecine et défenseuse des droits des enfants et de l’égalité des genres, a axé son intervention sur l’impératif d’associer les jeunes à l’élaboration des politiques nationales et locales en matière de genre, « sans les reléguer aux simples conversations et en leur permettant de faire partie des décideurs ». 

S’appuyant sur les conclusions de rapports de l’ONU selon lesquelles, au rythme actuel, l’égalité totale entre les sexes ne se fera pas avant un siècle, elle a tiré la sonnette d’alarme.  Sans nier qu’au fil des ans, des progrès tangibles se sont faits jour en matière d’autonomisation des femmes et des filles, la jeune militante a relevé que les effets de la mondialisation, des conflits, de la technologie, des pandémies et des revers ont limité les avancées. 

« Pour nous, les jeunes, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing sont plus que de simples documents, c’est une véritable feuille de route pour parvenir à l’égalité des genres », a-t-elle clamé.  Toutefois, le moment est venu selon elle d’adapter ces engagements aux réalités locales et de favoriser les synergies avec la réalisation des objectifs de développement durable dans les plans nationaux et locaux en matière de genre.  Pour ce faire, elle a appelé les États Membres à soutenir la participation active des jeunes en les finançant et en les incluant dans les processus intergouvernementaux. 

L’inégalité des genres est préjudiciable à la société et à l’économie 

« Notre système financier n’a pas été conçu pour les femmes », a argué, sur un autre registre, la représentante du Népal, Mme Sanjana Chhantyal, qui dirige deux programmes mondiaux d’accélération de l’entrepreneuriat social des jeunes.  Elle s’est indignée de constater que, trop souvent encore, des obstacles systémiques empêchent les femmes de se constituer un patrimoine et d’acquérir des actifs financiers tels que des terrains et des biens immobiliers. 

Au-delà de l’injustice, cela sape l’accès au capital des femmes puisque les institutions financières demandent traditionnellement des actifs financiers ou des garanties pour décider qui a accès au financement.  Concrètement, cela veut dire que les femmes financièrement vulnérables le restent en raison de la conception du système financier.  Pourtant l’égalité des sexes ne peut être atteinte sans liberté financière et sans justice financière pour toutes les femmes et les filles, a martelé la représentante. 

« L’indépendance financière renforce notre capacité d’agir et de défendre nos droits, de nous éloigner des situations abusives et de faire des choix concernant notre santé, notre éducation et notre carrière », a-t-elle fait valoir.  Convaincue que l’inégalité des genres est préjudiciable à la société et à l’économie, Mme Chhantyal a réclamé que la perspective de genre soit intégrée dans les politiques, les processus et les pratiques à tous les niveaux, notamment dans la conception de solutions financières et la prise de décisions en termes d’investissement, afin de tenir compte des besoins et des réalités vécues par les femmes et les filles. 

Ne plus faire peser sur les femmes le fardeau du patriarcat

Seule voix masculine du panel de cet après-midi, M. Ahdithya Visweswaran, représentant du Canada et directeur du plaidoyer et des politiques publiques au sein de l’organisation Canadian Parents for French, s’est penché sur le rôle des hommes en tant qu’agents du changement pour l’égalité des genres.  L’engagement des hommes et des garçons reste souvent limité dans sa portée, ce qui laisse les racines institutionnelles et idéologiques de l’inégalité entre les genres largement intactes, a-t-il regretté. 

C’est sur ce travail systémique plus profond qu’il faut se concentrer, a insisté le jeune dirigeant, appelant à ne plus faire peser sur les femmes le fardeau et la toxicité des systèmes patriarcaux.  En un mot, il faut au contraire « s’attaquer aux masculinités patriarcales en tant que cause profonde de leur oppression ». 

C’est d’autant plus urgent que les défenseurs des « droits des hommes » et les acteurs étatiques utilisent leurs plateformes pour saper les acquis durement obtenus en matière d’égalité des sexes.  Il importe donc, à ses yeux, de contrer cette tendance émergente en proposant aux hommes une redéfinition de la masculinité qui privilégie « le partenariat plutôt que la domination, la libération plutôt que l’oppression et l’humanité partagée plutôt que les hiérarchies rigides ». 

La justice de genre doit inclure les femmes et les filles handicapées 

Sur une note plus personnelle, la représentante du Nigéria, Mme Eva Chisom Chukwunelo, conseillère médicale et cofondatrice de l’organisation Mobility Clinic in Nigeria, a confié qu’en tant que femme devenue handicapée, elle s’est sentie « invisible » dans les espaces auxquels elle appartenait auparavant.  « La question n’était plus de savoir ce que je pouvais accomplir, mais ce que je ne pouvais plus faire », a-t-elle résumé. 

Reconnaissant que les engagements de Beijing ont fait progresser les droits des femmes, elle a toutefois estimé que « la justice de genre est incomplète si elle n’inclut pas les femmes et les filles handicapées ».  Aujourd’hui, a-t-elle déploré, nombre d’entre elles se voient refuser des soins de santé sexuelle et reproductive parce que la société les considère comme « asexuées », sont absentes des salles de classe au motif que l’inclusion serait « trop coûteuse », et sont exclues des espaces de décision parce que le monde refuse de voir leur potentiel.    

Pour que les acquis de Beijing soient préservés et que de nouvelles voies soient créées pour les jeunes femmes et filles handicapées, elle a appelé les pays à ventiler leurs données par sexe, handicap et âge.  « Sans données, les femmes et les filles handicapées restent invisibles dans les politiques et les budgets ».  Elle a invité les gouvernements et les organisations à impliquer activement les jeunes femmes handicapées dans l’élaboration des politiques et le leadership, « non pas comme une réflexion a posteriori, mais en tant qu’expertes ». 

Entendre la voix des femmes et des filles autochtones 

Mme Laura Dihuignidili Huertas Thompson, représentante du Panama, est venue apporter la perspective des jeunes autochtones à cet échange.  Fondatrice de l’organisation de jeunes Anyar, qui lutte pour la promotion et la défense des droits humains des peuples autochtoneselle a observé qu’en dépit des promesses faites à Beijing il y a 30 ans, les femmes autochtones et d’ascendance africaine d’Amérique latine et des Caraïbes restent victimes d’inégalités socioéconomiques et structurelles. 

Au Panama, 76,9% des femmes et filles autochtones vivent dans la pauvreté et plus de 62% vivent hors de leur territoire, a-t-elle indiqué, citant les données de l’Institut national de la statistique et du recensement de 2024. 

Aujourd’hui plus que jamais, « il est urgent que nous, les jeunes femmes, les filles, les femmes racialisées, les femmes autochtones, les femmes du Sud et celles de tous les pays en conflit, agissions de manière décisive », a lancé la jeune militante. 

Pour avancer vers une « justice véritablement inclusive », elle a souhaité que les organisations comme la sienne bénéficient de davantage de ressources, que les politiques soient systématiquement assorties d’une perspective de genre et que le respect des droits humains des autochtones, la protection des femmes défenseuses de la terre et l’amplification des initiatives en matière de droits sexuels et reproductifs soient garantis. « Nous sommes la génération qui peut faire des rêves de Beijing une réalité », a-t-elle conclu. 

Les jeunes au cœur des engagements de Beijing

Intervenant à son tour dans ce dialogue, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes a rappelé que la Déclaration et le Programme d’action de Beijing placent leurs espoirs dans la jeunesse.  S’ils appellent à investir dans la révolution numérique pour les femmes et les filles, à les libérer de la pauvreté, à mettre en place des politiques de tolérance zéro en matière de violence, à leur accorder un pouvoir de décision total et égal, à leur permettre de jouer un rôle de premier plan dans les conflits et à garantir la justice climatique, les jalons de 1995 demandent également de « veiller à ce que les jeunes soient au cœur de tous ces efforts », a-t-elle relevé. 

Pour Mme Sima Sami Bahous, il est simplement inconcevable de construire un avenir juste sans la voix de ceux qui en hériteront.  « Vous n’êtes pas notre avenir, vous êtes notre présent.  Et vous êtes notre plus grand espoir ». 

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