En cours au Siège de l'ONU

FEM/2244

La Commission de la condition de la femme dialogue avec des représentants de la nouvelle génération de dirigeants pour l’égalité des genres

La Commission de la condition de la femme a conclu la première semaine de sa soixante-neuvième session en organisant, cet après-midi, un dialogue interactif entre un panel de cinq représentants de la nouvelle génération de dirigeants pour l’égalité des genres, des militantes de la société civile et de nombreuses déléguées de la jeunesse.  Toutes et tous ont pu rappeler les défis qu’ils rencontrent dans leur contexte propre et avancer des solutions novatrices pour faire progresser la cause des femmes et des filles. 

Modéré par Mme Fenna Timsi, déléguée de la jeunesse des Pays-Bas pour les questions de droits humains et de sécurité, cet échange a aussi été marqué par les propos de la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, qui a rappelé que la Déclaration et le Programme d’action de Beijing ont placé leurs espoirs dans la jeunesse. 

Si les jalons de 1995 appellent à investir dans la révolution numérique pour les femmes et les filles, à les libérer de la pauvreté, à mettre en place des politiques de tolérance zéro en matière de violence, à leur accorder un pouvoir de décision total et égal, à leur permettre de jouer un rôle de premier plan dans les conflits et à garantir la justice climatique, ils demandent également de « veiller à ce que les jeunes soient au cœur de tous ces efforts », a relevé Mme Sima Sami Bahous. 

« Vous n’êtes pas notre avenir, vous êtes notre présent; et vous êtes notre plus grand espoir », a-t-elle lancé à la salle, jugeant inconcevable de construire un avenir juste sans la voix de ceux qui en hériteront. 

Associer les jeunes aux politiques en matière de genre 

Panéliste venue de l’Albanie, Mme Ema Mecaj, étudiante en médecine et défenseuse des droits des enfants et de l’égalité des genres, a axé son intervention sur l’impératif d’associer les jeunes à l’élaboration des politiques nationales et locales en matière de genre, « sans les reléguer aux simples conversations et en leur permettant de faire partie des décideurs ». 

S’appuyant sur les conclusions de rapports de l’ONU selon lesquelles, au rythme actuel, l’égalité totale entre les sexes ne se fera pas avant un siècle, elle a tiré la sonnette d’alarme.  Sans nier qu’au fil des ans, des progrès tangibles se sont fait jour en matière d’autonomisation des femmes et des filles, la jeune militante a relevé que les effets de la mondialisation, des conflits, de la technologie, des pandémies et des revers ont limité les avancées. 

« Pour nous, les jeunes, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing sont plus qu’un simple document, c’est une véritable feuille pour parvenir à l’égalité des genres », a-t-elle clamé.  Toutefois, le moment est venu selon elle d’adapter ces engagements aux réalités locales et de favoriser les synergies avec la réalisation des objectifs de développement durable dans les plans nationaux et locaux en matière de genre.  Pour ce faire, elle a appelé les États Membres à soutenir la participation active des jeunes en les finançant et en les incluant dans les processus intergouvernementaux. 

L’inégalité des genres est préjudiciable à la société et à l’économie 

« Notre système financier n’a pas été conçu pour les femmes », a argué, sur un autre registre, Mme Sanjana Chhantyal, du Népal, en charge de deux programmes mondiaux d’accélération de l’entrepreneuriat social des jeunes au sein de l’organisation SDSN Youth.  Elle s’est indignée de constater que, trop souvent encore, des obstacles systémiques empêchent les femmes de se constituer un patrimoine et d’acquérir des actifs financiers tels que des terrains et des biens immobiliers. 

Au-delà de l’injustice, cela sape l’accès au capital des femmes puisque les institutions financières demandent traditionnellement des actifs financiers ou des garanties pour décider qui a accès au financement.  Concrètement, cela veut dire que les femmes financièrement vulnérables le restent en raison de la conception du système financier.  Pourtant l’égalité des sexes ne peut être atteinte sans liberté financière et sans justice financière pour toutes les femmes et les filles, a martelé l’intervenante. 

« L’indépendance financière renforce notre capacité d’agir et de défendre nos droits, de nous éloigner des situations abusives et de faire des choix concernant notre santé, notre éducation et notre carrière », a-t-elle fait valoir.  Convaincue que l’inégalité des genres est préjudiciable à la société et à l’économie, Mme Chhantyal a réclamé que la perspective de genre soit intégrée dans les politiques, processus et pratiques à tous les niveaux, notamment dans la conception de solutions financières et la prise de décisions en termes d’investissement, afin de tenir compte des besoins et des réalités vécues par les femmes et les filles. 

Libérer les femmes du poids du patriarcat

Seule voix masculine du panel, M. Ahdithya Visweswaran, du Canadadirecteur du plaidoyer et des politiques publiques au sein de l’organisation Canadian Parents for French, s’est penché sur le rôle des hommes en tant qu’agents du changement pour l’égalité des genres. L’engagement des hommes et des garçons reste souvent limité dans sa portée, ce qui laisse les racines institutionnelles et idéologiques de l’inégalité entre les genres largement intactes, a-t-il regretté. 

C’est sur ce travail systémique plus profond qu’il faut se concentrer, a insisté le jeune dirigeant, appelant à ne plus faire peser sur les femmes le fardeau et la toxicité des systèmes patriarcaux.  En un mot, il faut au contraire « s’attaquer aux masculinités patriarcales en tant que cause profonde de leur oppression ». 

C’est d’autant plus urgent que les défenseurs des « droits des hommes » et les acteurs étatiques utilisent leurs plateformes pour saper les acquis durement obtenus en matière d’égalité des sexes.  Il importe donc, à ses yeux, de contrer cette tendance émergente en proposant aux hommes une redéfinition de la masculinité qui privilégie « le partenariat plutôt que la domination, la libération plutôt que l’oppression et l’humanité partagée plutôt que les hiérarchies rigides ». 

La justice de genre doit inclure les femmes et les filles handicapées 

Sur une note plus personnelle, Mme Eva Chisom Chukwunelo, conseillère médicale et cofondatrice de l’organisation Mobility Clinic in Nigeria, a confié qu’en tant que femme devenue handicapée, elle s’est soudain sentie « invisible » dans les espaces auxquels elle appartenait auparavant.  « La question n’était plus de savoir ce que je pouvais accomplir, mais ce que je ne pouvais plus faire », a-t-elle résumé. 

Reconnaissant que les engagements de Beijing ont fait progresser les droits des femmes, elle a toutefois estimé que « la justice de genre est incomplète si elle n’inclut pas les femmes et les filles handicapées ».  Aujourd’hui, a-t-elle déploré, nombre d’entre elles se voient refuser des soins de santé sexuelle et reproductive parce que la société les considère comme « asexuées », sont absentes des salles de classe au motif que l’inclusion serait « trop coûteuse », et sont exclues des espaces de décisions parce que le monde refuse de voir leur potentiel.

Pour que les acquis de Beijing soient préservés et que de nouvelles voies soient créées pour les jeunes femmes et filles handicapées, elle a appelé les pays à ventiler leurs données par sexe, handicap et âge.  « Sans données, les femmes et les filles handicapées restent invisibles dans les politiques et les budgets ».  La militante a invité les gouvernements et les organisations à impliquer activement les jeunes femmes handicapées dans l’élaboration des politiques et le leadership, « non pas comme une réflexion a posteriori, mais en tant qu’expertes ». 

Entendre la voix des femmes et des filles autochtones 

Mme Laura Dihuignidili Huertas Thompson, du Panama, est venue apporter la perspective des jeunes autochtones à cet échange.  Fondatrice de l’organisation de jeunes Anyar, qui lutte pour la promotion et la défense des droits humains des peuples autochtoneselle a observé qu’en dépit des promesses faites à Beijing il y a 30 ans, les femmes autochtones et d’ascendance africaine d’Amérique latine et des Caraïbes restent victimes d’inégalités socioéconomiques et structurelles. 

Au Panama, 76,9% des femmes et filles autochtones vivent dans la pauvreté et plus de 62% vivent hors de leur territoire, a-t-elle indiqué, citant les données de l’Institut national de la statistique et du recensement de 2024. 

Aujourd’hui plus que jamais, « il est urgent que nous, les jeunes femmes, les filles, les femmes racialisées, les femmes autochtones, les femmes du Sud et celles de tous les pays en conflit, agissions de manière décisive », a lancé la jeune militante. 

Pour avancer vers une « justice véritablement inclusive », elle a souhaité que les organisations comme la sienne bénéficient de davantage de ressources, que les politiques soient systématiquement assorties d’une perspective de genre et que le respect des droits humains des autochtones, la protection des femmes défenseuses de la terre et l’amplification des initiatives en matière de droits sexuels et reproductifs soient garantis. « Nous sommes la génération qui peut faire des rêves de Beijing une réalité », a-t-elle conclu. 

Mobilisation de la jeunesse pour l’égalité des genres

La discussion qui a suivi ces interventions a permis aux délégués de la jeunesse de nombreux pays, des femmes en très grande majorité, d’exprimer leur inquiétude face aux reculs enregistrés en matière d’égalité des genres. 

La déléguée de la jeunesse de l’Autriche a insisté sur l’impératif de prendre en compte les besoins spécifiques des femmes et des filles en situation de conflit à travers une approche égalitaire.  « Force est de constater qu’aujourd’hui, seulement 10% des médiateurs et négociateurs de paix sont des femmes », a-t-elle noté, rejointe par son homologue de la Finlande, tandis que les déléguées de l’Érythrée et du Nigéria s’alarmaient du sort des femmes migrantes et déplacées. 

Dans de nombreux endroits du monde, les filles ont aujourd’hui « moins de droits que leurs mères, voire que leurs grand-mères », s’est indignée la déléguée de la jeunesse de la Suède.  Pourtant l’accès des femmes et des filles à l’éducation, à la santé et aux postes de responsabilité profite à toute la société et contribue à rendre le monde plus juste, a-t-elle soutenu.  Il faut donc plus de femmes dans les rôles de pouvoir et en politique, l’ont appuyée les déléguées de Malte et du Japon

De leur côté, les déléguées de l’Allemagne et du Chili ont dénoncé la violence fondée sur le genre et réclamé plus de protection des femmes en ligne.  Leur collègue des Philippines a soulevé la problématique des mariages et des grossesses précoces qui restent souvent un frein à l’éducation des filles, non sans rappeler que « la plateforme de Beijing préconise de prendre des mesures tangibles pour toutes les femmes et les filles, peu importe dans quel pays elles se trouvent ».  La déléguée du Danemark a, elle, plaidé la cause des mères célibataires, au nombre de 100 millions dans le monde, appelant à leur protection juridique et à leur accès aux soins de santé, y compris mentale. 

Le recul des droits des jeunes LGBTQI a été dénoncé par deux délégués de la jeunesse de l’Islande, qui ont revendiqué le respect des droits fondamentaux de tous sur un pied d’égalité. « Les jeunes n’exigent pas qu’un monde meilleur soit construit pour nous, mais avec nous », ont-ils déclaré en demandant une place dans la prise de décisions à tous les niveaux.  Sur ce point, le délégué de Cuba a relevé avec fierté qu’au Parlement de son pays, plus de 20% des députés ont entre 18 et 35 ans, ce qui permet aux jeunes d’être non seulement entendus mais également « pris en considération ». 

La Commission reprendra ses travaux, lundi 17 mars, avec la suite du débat général à 10 heures et deux dialogues interactifs à partir de 15 heures. 

 

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