Commission de la condition de la femme: débat ministériel sur les mesures nationales d’autonomisation des femmes et leur contribution au Programme 2030
Au deuxième jour de sa soixante-neuvième session, la Commission de la condition de la femme a tenu, ce matin, un débat ministériel sur le thème « mécanismes nationaux pour l’égalité des genres et l’avancement des femmes et des filles: renouveler l’engagement de mettre en œuvre le Programme d’action de Beijing, mobiliser les ressources à cet effet et accélérer cette mise en œuvre, en vue également de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable ». L’échange avec les États Membres a permis d’identifier des solutions favorisant l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes et des filles.
Les membres du panel ministériel ont, pour la plupart, présenté des initiatives nationales en lien avec la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing et, partant, du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La Ministre de la famille et des politiques sociales de la Türkiye a insisté sur l’autonomisation économique des femmes, priorité à laquelle son gouvernement donne corps en soutenant l’entrepreneuriat féminin et l’accès des femmes et des filles aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques, domaines encore largement dominés par les hommes.
L’autonomisation par l’entrepreneuriat et la lutte contre les violences
Relevant que la Türkiye fait partie des 23 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à mettre en œuvre une politique budgétaire prenant en compte l’égalité entre les sexes, la Ministre a mis en avant deux plans de développement qui permettent à son pays d’intégrer de manière transversale les questions de genre dans le budget national. Dans ce cadre, a-t-elle expliqué, un effort particulier concerne la formation et le financement des femmes entrepreneurs, ainsi que le renforcement des échanges entre communautés urbaines et rurales.
Tout en faisant état de mesures semblables à l’échelle de son pays, le Ministre du développement social et de la sécurité humaine de la Thaïlande a mis l’accent sur la nécessité de faire reculer la violence et la discrimination à l’égard des femmes et des filles. Pour lutter contre ces fléaux, principaux freins à l’autonomisation, son gouvernement a fait adopter l’an dernier une loi contre la violence conjugale. Il a également pris un ensemble de mesures destinées à lutter contre le harcèlement sexuel, en particulier sur le lieu de travail.
En matière de protection contre la violence sexuelle et fondée sur le genre, des centres pour femmes célibataires et familles vulnérables ont été créés dans tout le pays, a poursuivi le Ministre. Chacun de ces centres offre aux femmes l’opportunité de suivre une formation professionnelle dans un contexte favorable à l’éducation des enfants, de bénéficier de microfinancements et de trouver un logement, a-t-il indiqué, ajoutant qu’une aide financière d’urgence et des refuges sont aussi disponibles pour les femmes et les filles vulnérables.
Cette même priorité a été mise en avant par la Ministre de la femme de la République dominicaine, qui a souligné l’importance accordée par son gouvernement à l’éradication de la violence fondée sur le genre. L’autre axe majeur de la politique nationale d’autonomisation des femmes est la réduction de la fracture numérique et l’aide à l’entrepreneuriat via des programmes de mentorat, a-t-elle indiqué, tandis que la Ministre des affaires européennes du Monténégro mettait en exergue la volonté de son pays de faire davantage participer les femmes dans les secteurs politique et économique. « L’objectif est de s’assurer que les jeunes femmes aient voix au chapitre sur l’avenir du pays », a résumé cette responsable gouvernementale.
L’accès des femmes aux technologies, condition de leur essor
Au cours du débat, plusieurs délégations ont mis l’accent sur l’implication des femmes dans le secteur des technologies, conscientes que le numérique peut constituer un viatique pour l’égalité des genres. Dans ce contexte, Aruba a dit vouloir garantir que les femmes ne soient pas seulement des consommatrices de technologies, mais également des initiatrices. De son côté, l’Inde s’est enorgueillie d’une implication des femmes et des filles dans tous les domaines technologiques, y compris l’intelligence artificielle.
À cet égard, la Secrétaire générale de l’Union internationale des télécommunications (UIT), modératrice de cette discussion, a rappelé qu’à peine 0,8% des femmes du monde avaient accès à Internet en 1995, année de l’adoption de la Déclaration de Beijing, tandis que seulement 2% possédaient un téléphone portable. Selon elle, le Programme d’action entériné il y a 30 ans avait déjà misé sur l’impact des technologies pour amplifier le message de l’égalité des genres.
C’est pour entretenir cette dynamique et encourager les filles à faire carrière dans ce secteur de pointe que l’UIT organise chaque mois d’avril la Journée internationale des jeunes filles dans le secteur des technologies de l’information et des communications, a-t-elle expliqué.
Nécessaire participation des femmes aux processus de décision
Dans une perspective d’égalité des genres réelle, plusieurs délégations ont souligné la nécessité d’une augmentation de la participation des femmes à la vie publique et aux processus de prise de décisions. À ce propos, Aruba et le Samoa se sont déclarés fiers d’avoir une femme à la tête de leur gouvernement pour la première fois de leur histoire. Certains pays, notamment les Îles Marshall et la République de Corée, ont à nouveau plaidé en faveur de la désignation d’une femme au poste de secrétaire général de l’ONU en 2026.
Le Maroc a ensuite indiqué qu’une entité de lutte contre les discriminations a été mise sur pied afin d’accompagner le Gouvernement à adapter la législation nationale aux dispositions des accords multilatéraux auxquels le royaume chérifien est partie. Après avoir fait observer que l’égalité des genres est consacrée dans sa Constitution, la Jordanie a relevé que son parlement national comprend désormais 20% de femmes, une première pour le pays. À son tour, le Mali a expliqué que les femmes qui concourent aux grandes écoles reçoivent le soutien de l’État, qui entend ainsi appuyer leur participation à la vie de la nation.
La France a dit militer pour l’implication de la société civile dans la construction de sociétés égalitaires, notamment en veillant au financement d’ONG dédiées à la cause des femmes. Il en va de même pour la Suisse, qui finance chaque année les ONG œuvrant dans ce domaine. La délégation helvétique a aussi invité les hommes à participer activement à l’autonomisation des femmes, « main dans la main » avec ces dernières.
La participation est également économique, a fait valoir le Brésil, non sans rappeler que les femmes noires du pays ont un salaire moyen de 50% inférieur à celui des hommes blancs. La misogynie et les féminicides sont également des problèmes majeurs de la société brésilienne, a reconnu la délégation. Pour le Mexique, l’autonomisation passe par un soutien économique aux femmes les plus démunies, une approche partagée par le Paraguay, qui a dit cibler en priorité les femmes en situation de vulnérabilité.
Au Nigéria, plus de 60% des plus de 200 millions d’habitants sont des jeunes, dont la majorité des femmes, a souligné la Ministre de la condition féminine et du développement social. Il est donc crucial de favoriser l’accès des filles à une éducation en toute sécurité, notamment dans les zones rurales et celles en proie à des conflits, a-t-elle affirmé, avant de rappeler que son gouvernement entend éradiquer la pratique des mariages précoces d’ici à 2030. Quant à la représentation des femmes aux postes à responsabilité et dans la gouvernance, un projet de loi est actuellement à l’examen pour la faire progresser.
En ouvrant ce débat, la Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine a réaffirmé l’attachement de son pays au Programme d’action de Beijing, malgré les défis sans précédent posés par la guerre à grande échelle menée par la Russie contre son pays. Afin de tenir compte de cette « nouvelle réalité », l’Ukraine a modifié son plan national de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur « les femmes et la paix et la sécurité », a-t-elle noté. À présent, il soutient la participation des femmes aux processus de consolidation de la paix et de reconstruction et offre une assistance essentielle aux survivantes de violences sexuelles liées au conflit.
De l’avis de l’Union européenne, la période actuelle marquée par les conflits est une opportunité pour accélérer la lutte en faveur des droits des femmes. Tout en se vantant d’être l’une des zones au monde favorisant le plus l’essor des femmes, elle a tenu à rappeler que « l’égalité des genres est également une bonne chose pour les hommes ».
Demain, mercredi 12 mars, la Commission tiendra à 10 heures un second débat ministériel sur le même thème, avant de poursuivre son débat général dans l’après-midi.