ECOSOC: la culture de la coopération mise en avant pour réaliser les objectifs de développement durable
« Il faut nouer des liens qui se traduiront par des résultats concrets », a lancé ce matin le Président du Conseil économique et social (ECOSOC) à l’ouverture du débat consacré aux questions de coordination qui se tient sur deux jours. M. Bob Rae a également présenté les conclusions du forum des partenariats, qui s’est tenu hier, en invitant à bien comprendre la « crise existentielle » que traverse le système mondial. « Nous sommes à la croisée des chemins », a reconnu le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Anatolio Ndong Mba, qui est chargé de ce débat sur les questions de coordination.
Le constat actuel est que les progrès en faveur des objectifs de développement durable (ODD) stagnent, voire reculent, a signalé M. Ndong Mba précisant que seuls 17% des objectifs sont en voie d’être réalisés d’ici à 2030. « Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser perdurer cette tendance », a-t-il mis en garde avant d’exhorter les États Membres à faire preuve de volonté politique pour réaliser la vision du Programme 2030. Cette volonté politique doit permettre de mettre en œuvre des solutions transformatrices, grâce à la richesse, au savoir et à la capacité technologique dont le monde dispose, a-t-il souligné.
« En mettant en commun nos connaissances, nos ressources et nos innovations, nous pouvons créer le changement nécessaire pour obtenir des résultats sur le terrain », a encouragé M. Guy Bernard Ryder, Secrétaire général adjoint aux politiques. Selon lui, l’ECOSOC est particulièrement bien placé pour accompagner et orienter cet effort.
Le travail, à cet égard, de ses commissions techniques et de ses organes d’experts a été passé en revue dans la matinée, tandis que les délégations ont traité deux questions au cours des tables rondes de l’après-midi: trouver des solutions transformatrices pour favoriser la durabilité et construire un avenir inclusif et prospère pour toutes et tous; investir dans des sociétés saines, inclusives et résilientes pour ne laisser personne de côté.
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DÉBAT CONSACRÉ AUX QUESTIONS DE COORDINATION
Dialogue sur l’accélération de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable
Les contributions importantes des organes subsidiaires du Conseil économique et social (ECOSOC) aux efforts des États Membres pour la réalisation du Programme 2030 ont été mises en lumière au cours de cette table ronde, modérée par la cofondatrice du Projet Starling, et maîtresse de conférences à l’école des affaires internationales et publique de l’Université de Princeton. La discussion a aussi permis de souligner l’impact des résultats du Sommet de l’avenir sur l’accélération de ces efforts.
La réforme de l’architecture financière mondiale est prioritaire, a déclaré d’emblée le Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), soucieux de permettre aux pays du continent de concrétiser leurs projets, un point de vue repris à son compte par le Comité des politiques de développement. Rien qu’en 2024, l’Afrique a dépensé 163 milliards de dollars pour le service de la dette, des ressources qui auraient pu être consacrées à l’éducation, aux soins de santé et à l’adaptation aux changements climatiques, entre autres, a précisé le Secrétaire exécutif de la CEA. Pour y remédier, la CEA défend des propositions visant à accroître le financement des banques multilatérales de développement, à réorienter les droits de tirage spéciaux (DTS) et à améliorer les conditions d’octroi des prêts, a expliqué le panéliste. Il a également plaidé en faveur de règles commerciales mondiales qui excluent les subventions, les droits de douane et les barrières non tarifaires injustes, au motif que ces mesures défavorisent les exportations africaines.
De son côté, la Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) a fait état des progrès remarquables réalisés par cette région au cours des dernières décennies en matière de réduction de la pauvreté et de croissance économique, et ce malgré des difficultés à réaliser plusieurs ODD, liées à l’aggravation du fardeau de la dette, de l’instabilité géopolitique et de la crise climatique. La hausse des ressources financières est une condition préalable pour que la région continue d’investir dans le développement durable, a-t-elle observé, jugeant essentiels le plan de relance des ODD, les réformes visant à renforcer la capacité de prêt des banques multilatérales de développement et la mobilisation de financements privés en faveur du développement durable et de l’action climatique.
La Secrétaire exécutive a jugé indispensable l’accès équitable aux nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle (IA), faisant l’éloge d’une « connectivité numérique universelle », à condition qu’elle s’épanouisse dans des cadres de gouvernance solides. Tout aussi importante aux yeux du Président de la soixante-troisième session de la Commission du développement social est la gouvernance des technologies émergentes pour promouvoir la réalisation des ODD, qui l’a conduit à exprimer sa fierté que la question des avantages et des inconvénients de l’IA soit prise en considération dans la négociation du document final de la Commission. Représentant un organe directement intéressé par ces questions, le Président de la vingt-huitième session de la Commission de la science et de la technique au service du développement (CSTD) a appelé à exploiter les outils numériques tels que l’automatisation et l’IA.
C’est le Cadre intégré des Nations Unies pour l’information géospatiale qu’a, de son côté, mis en exergue la Coprésidente du Comité d’experts sur la gestion de l’information géospatiale à l’échelle mondiale lors de sa quatorzième session, se félicitant de cette réalisation du Comité. Ce cadre vise à améliorer les dispositifs de gestion de l’information géospatiale en fournissant des orientations pour une approche holistique de la gouvernance, de la technologie et des personnes. Dans le prolongement de cet effort, Mme Vanden Berghe a appelé à accélérer l’élaboration de plans d’action nationaux, en particulier chez les pays en développement, les petits États insulaires en développement notamment, dans le la lutte contre la fracture numérique à l’échelle mondiale. À cet égard, elle a rappelé que le Pacte numérique mondial souligne la nécessité d’une infrastructure numérique publique nationale dont l’information géospatiale est un élément essentiel. Dans la lignée des efforts visant à réduire les inégalités, « la solidarité, l’inclusivité et la cohésion sociale » ont été promues par le Président de la soixante-troisième session de la Commission du développement social, pour qui ce sont des priorités. À cela s’ajoute l’intégration des perspectives de genre dans le financement du développement, a plaidé à son tour le Président de la soixante-neuvième session de la Commission de la condition de la femme.
Passant à la région européenne, la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe a indiqué que, selon les projections actuelles en termes de réalisation des ODD, sa région n’atteindra que 20 cibles sur 169 d’ici à 2030. Pour 80 d’entre elles, les progrès devraient s’accélérer, mais pour 17 autres, la tendance est au recul, a-t-elle expliqué. Elle a jugé frappant de constater que, dans cette région pourtant développée, seules 4 cibles sur 51 dans le domaine de l’environnement, de l’énergie et du climat sont en bonne voie. La transition énergétique est donc essentielle, en a-t-elle déduit en plaidant pour la décarbonation de secteurs clefs tels que l’industrie, les transports et le logement pour contribuer à la lutte contre les changements climatiques, gérer les ressources naturelles et assurer la durabilité environnementale.
Le Secrétaire exécutif de Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a détaillé, pour sa part, la mise en œuvre du Pacte pour l’avenir, « véritable priorité institutionnelle », dans sa région. Il a mentionné notamment la tenue d’une réunion au printemps, à Santiago (Chili), consacrée à ce sujet. Nous allons œuvrer au consensus régional en prévision notamment de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement de Séville (Espagne) et de la prochaine conférence sur les changements climatiques à Belém (Brésil) en 2025, a-t-il assuré, en annonçant que la société civile et la jeunesse seraient étroitement associées à ces discussions. Il a loué les synergies entre les différentes commissions économiques, qui ont notamment donné lieu à la production de trois documents, dont l’un porte sur la solidarité intergénérationnelle.
Enfin, la Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) n’a pas fait mystère des difficultés rencontrées par la région arabe, avec la persistance des conflits, la menace des changements climatiques, des dettes publiques écrasantes, qui entravent la réalisation des ODD. Les systèmes d’alerte rapide mis en place par la Commission aident les gouvernements dans leur riposte climatique, a-t-elle expliqué en ajoutant que la Commission offre aux femmes et aux jeunes des outils numériques.
Au niveau de l’administration publique, la Chancelière de l’Université Nelson Mandela et Présidente de la vingt-troisième session du Comité d’experts de l’administration publique (CEPA), a estimé que cinq actions transformatrices sont nécessaires de toute urgence pour assurer le développement durable. Il faut ainsi, selon elle, ancrer les ODD dans le discours public en tant que cadre politique pour l’avenir; promouvoir la durabilité par le biais des budgets nationaux pour accroître la confiance du public; accélérer le changement des mentalités dans le secteur public; appliquer les principes d’une gouvernance efficace pour le développement durable; et combler les lacunes dans la connaissance des ODD et de leur importance à tous les niveaux.
Discussion interactive avec les États Membres
Au cours de la discussion interactive qui a suivi les interventions des hauts responsables, l’Union européenne a souligné qu’en tant que premier fournisseur mondial d’aide publique au développement (APD), elle et ses États membres contribuent largement aux efforts visant à remettre les ODD sur les rails, avec 95,5 milliards d’euros dépensés en 2023, soit 41% du volume mondial des APD. Elle a plaidé pour la multiplication des sources de financements en faveur du développement, jugeant que le secteur privé et les organisations philanthropiques ont un rôle à jouer à cet égard.
La délégation européenne a d’autre part réaffirmé son engagement en faveur d’une réforme ambitieuse de l’architecture financière internationale, par le biais d’efforts tels que le Pacte de Paris pour les peuples et la planète. Selon elle, l’examen qui sera mené par l’ECOSOC en 2026 et le forum politique de haut niveau prévu lors de la quatre-vingtième session de l’Assemblée générale peuvent aider à faire du Conseil une véritable « chambre de responsabilité et de solutions » pour servir cet objectif. Un sentiment auquel a fait écho le Canada, pour qui il n’y a pas de place pour les doublons ni pour des approches cloisonnées.
L’Arménie s’est, pour sa part, félicitée de la coopération entre son pays et la CESAP, saluant les échanges de meilleures pratiques, l’assistance technique et le renforcement des capacités fournis par cette Commission, qui ont permis de faire avancer les priorités nationales de développement d’Erevan, dont l’objectif d’une transformation verte, le renforcement de la connectivité et la facilitation de l’intégration économique. Le Chili a rappelé qu’une réunion coorganisée avec la CEPALC avait mis en évidence la nécessité urgente d’adopter une approche mondiale et coordonnée pour améliorer l’investissement dans les emplois décents et promouvoir de bonnes conditions de travail. Enfin, l’Inde a plaidé pour un financement durable des ODD, dont la mise en œuvre doit être adaptée en fonction des contextes locaux.
Trouver des solutions transformatrices pour favoriser la durabilité et construire un avenir inclusif et prospère pour toutes et tous
Comment parvenir à un équilibre entre la protection de l’environnement tout en promouvant un développement socioéconomique durable? C’est l’enjeu défini par le Sous-Secrétaire général chargé du développement économique en préambule de cette discussion. Si les financements restent le nerf de la guerre dans la réalisation des ODD, les délégations ont aussi été nombreuses à appeler l’ONU à influencer les politiques publiques afin que celles-ci s’avèrent capables de tenir compte de l’humain et la planète.
Pour parvenir à l’objectif climatique, il faut des énergies propres, a souligné la Sous-Secrétaire générale et Cheffe du bureau de New York du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) qui a attiré l’attention sur le rôle des minéraux critiques (cobalt, cuivre, nickel, lithium et graphite) dans la transition énergétique. Alors que la demande pour ces minéraux va quadrupler d’ici à 2040 pour répondre au scénario d’une augmentation de la température mondiale de 1,5 degrés Celsius, l’intervenante a fait état d’une profonde inégalité: les pays à revenu élevé utilisent 6 fois plus de minéraux critiques et sont responsables de 10 fois plus d’impacts climatiques par habitant que les pays à faible ou moyen revenu où se trouvent beaucoup de ces minéraux. Ces derniers émettent en outre seulement 10% de la moyenne mondiale d’émissions de gaz à effet de serre par habitant, mais comptent 69% des décès mondiaux causés par des catastrophes liées au climat. La transition énergétique propre et ses besoins en minéraux ne doivent pas exacerber les inégalités, bafouer les droits ou créer d’autres stress environnementaux, a plaidé l’intervenante.
Rebondissant sur cette intervention, la fondatrice de l’Association des Femmes Peules et Peuples Autochtones du Tchad (AFPAT) et Présidente de la vingt-troisième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones a signalé que 25% de ces minerais critiques se trouvent sur des terres autochtones, mais que les communautés autochtones ne reçoivent que 1% des financements climatiques. Il faut établir un partenariat sur un pied d’égalité avec les peuples autochtones au sein du système onusien afin de mieux prendre en compte leurs savoirs traditionnels pour préserver les écosystèmes, a-t-elle plaidé.
De son côté, l’Économiste en chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a attiré l’attention sur l’importance d’augmenter la productivité alimentaire en tenant compte de la biodiversité et des émissions de gaz à effet de serre sachant que ces derniers provoquent des phénomènes climatiques sévères et la dégradation des terres. Il est possible de minimiser les facteurs externes sur le système agro-industriel et trouver des moyens d’accroître sa résilience à condition de pouvoir compter sur des financements adéquats.
À son tour, l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a expliqué que dans son agence, on est en train de repenser tous les systèmes de développement à travers le prisme de nouveaux concepts comme l’indice de développement humain, ajusté aux pressions planétaires, en plus du revenu par habitant et du produit intérieur brut (PIB). Le PNUD a également beaucoup investi dans l’établissement des liens entre connaissances traditionnelles et nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle (IA).
À l’UNESCO, nous avons accumulé des données sur la façon de promouvoir les connaissances traditionnelles et menons une réflexion sur l’adaptation des nouvelles technologies à ces connaissances en vue de parvenir à un équilibre, a expliqué son Sous-Directeur général pour la priorité Afrique et les relations extérieures.
Investir dans des sociétés saines, inclusives et résilientes pour ne laisser personne de côté
Cette session, qui a souligné l’importance d’une approche centrée sur les personnes dans la mise en œuvre du Programme 2030, s’est focalisée sur les liens entre le genre, la santé et le bien-être et les efforts de l’ONU et des autres institutions pour relever les défis urgents. Les intervenants ont présenté des solutions en faveur de la protection sociale et de la couverture sanitaire universelle pour tous. Ils ont mis l’accent sur le rôle des partenariats qui peuvent donner aux individus et aux communautés les moyens de prospérer dans une société durable et pacifique.
La transformation dont nous avons besoin, a expliqué tout d’abord la Cheffe du Bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), exige des politiques économiques qui ne soient pas une « zone exempte de droits humains ». En d’autres termes, les profits et les intérêts politiques ne doivent pas mettre en danger l’accessibilité, l’adéquation et la durabilité des aliments, ni la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des soins de santé. Augmenter les capacités et les ressources autant que possible pour atteindre ces objectifs est une obligation, a martelé l’intervenante illustrant ses propos en citant l’aide apportée par le HCDH aux autorités somaliennes pour la révision de la stratégie nationale de santé. Cette aide a aussi permis de veiller à ce que ladite stratégie soit axée sur la réalisation du droit à la santé des groupes marginalisés. Autre exemple: en République de Moldova, le HCDH aide le Gouvernement à intégrer les droits des personnes handicapées et de leurs aidants non rémunérés dans le système national de soins.
La stratégie 2024-2030 du Groupe de la Banque mondiale en matière d’égalité entre les sexes a ensuite été mise en avant. Le Groupe, a dit son représentant, a notamment pour ambition de soutenir 80 millions supplémentaires de femmes et d’entreprises dirigées par des femmes en leur fournissant un accès au capital. Il prévoit également d’étendre l’accès à Internet à haut débit pour 300 millions de femmes supplémentaires et d’offrir des opportunités d’emploi à 250 millions de femmes grâce à des programmes de protection sociale. La Banque mondiale a établi une liste de 16 pays pour la mise en œuvre accélérée de cette stratégie afin de démontrer comment les politiques axées sur le genre stimulent la croissance économique.
« Vous et nous ne pouvons atteindre aucun de ces objectifs si les personnes transgenres n’ont pas accès à un emploi décent, ne peuvent voyager en toute sécurité, ne peuvent recevoir des soins de santé de base ou une aide humanitaire », a averti pour sa part la représentante du groupe d’intérêt pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes. Elle a déploré que les pièces d’identité ne correspondent pas toujours à la réalité des personnes, alors que les modèles de développement sont censés inclure tout le monde. « Si les systèmes de protection sociale et de santé ne sont pas conçus pour servir ceux qui sont les plus touchés par les inégalités, ils seront inefficaces », a prévenu la militante.
Dans tout processus intergouvernemental, il est important d’entendre les voix des parties prenantes, a renchéri la Barbade, facilitatrice de la réunion de haut niveau sur la résistance aux agents antimicrobiens. Sur le fond, la déclaration adoptée l’année dernière à l’issue de la réunion a reconnu que la résistance aux agents antimicrobiens est au cœur de la question de développement, tout comme l’est la question du financement, a dit la délégation. Les participants à la réunion de haut niveau s’étaient ainsi mis d’accord sur un objectif chiffré en matière de financement, ce qui est sans précédent, a-t-elle relevé. Cela constitue, selon elle, une transition appropriée vers la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, prévue cette année à Séville.