En cours au Siège de l'ONU

9890e séance – matin
CS/16036

Afrique de l’Ouest: le Conseil de sécurité informé des réalignements politiques majeurs sur fond de crises sécuritaire et climatique persistantes

L’Afrique de l’Ouest et le Sahel continuent d’être marqués par des évolutions politiques aux conséquences régionales, sur fonds de défis sécuritaires exacerbés, a déclaré, ce matin au Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour cette sous-région. 

S’exprimant par visioconférence, M. Leonardo Santos Simão, qui est également le Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), a présenté le dernier rapport en date du Secrétaire général sur les activités de cet organe et les progrès accomplis en ce qui concerne l’application de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, en application de la résolution 2349 (2017) du Conseil de sécurité. 

« L’évolution des défis posés à la sécurité régionale, à l’intégration et à l’unité de l’Afrique de l’Ouest met en avant l’urgente nécessité, pour les dirigeants et les parties prenantes concernées, de poursuivre leurs efforts visant à préserver et développer les acquis de décennies de coopération, y compris dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et d’autres mécanismes sous-régionaux », indique le Secrétaire général dans son rapport.  Une telle coopération est une « priorité absolue » dans un environnement instable marqué par des attaques à grande échelle menées par des groupes terroristes et d’autres groupes armés non étatiques, précise-t-il. 

Prenant l’exemple de Bama, une ville burkinabé dévastée par Boko Haram où sont installés de vastes camps de personnes déplacées, qu’il a visitée récemment, M. Simão a relayé les aspirations à la paix et au développement de la population.  Il a estimé que cela, reflète les efforts fructueux des quatre pays du bassin du lac Tchad - Cameroun, Niger, Nigéria et Tchad - pour lutter contre le terrorisme et favoriser la stabilité.  Toutefois, a tempéré le haut fonctionnaire, les inquiétudes de la population persistent quant au manque d’opportunités professionnelles et d’éducation dans une région plus que jamais sous la menace du terrorisme et des changements climatiques. 

La sécurité, préoccupation régionale majeure

Les parties prenantes qu’il a rencontrées, a expliqué le Représentant spécial, ont insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts diplomatiques et le soutien financier à la Force multinationale mixte (FMM), qui est actuellement le seul mécanisme de sécurité opérationnel de la région.  Malgré la poursuite des bons offices visant à maintenir l’« intégrité » de cette coalition, le Niger a récemment annoncé qu’il s’en retirait, une décision qui a suscité l’inquiétude de la République de Corée.  Une annonce qui arrive au moment où la sécurité est la principale préoccupation régionale, même si des investissements significatifs en ressources militaires et en coopération transfrontalière ont pu renforcer l’autorité de l’État dans certaines zones du Sahel central, a relevé M. Simão. 

Ainsi, les progrès accomplis, notamment au Burkina Faso, sont fragilisés par l’intensification des attaques terroristes dans les zones frontalières du nord, qui visent principalement les États côtiers du Bénin et du Togo, s’est-il alarmé.  Bien que la Force en attente de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ne soit pas encore pleinement opérationnelle, les patrouilles conjointes et l’intérêt de la Côte d’Ivoire et du Ghana pour le renforcement de leur collaboration en matière de sécurité sont encourageants, s’est-il félicité.  Plusieurs membres du Conseil, dont le Royaume-Uni, ont placé leurs espoirs dans le déploiement de cette force. 

Cependant, pour la Grèce, l’approche militaire ne suffira pas à elle seule à s’attaquer aux causes profondes de la violence et de la radicalisation.  Afin de maintenir les acquis et de prévenir toute récidive, nous devons nous attaquer aux causes socioéconomiques des conflits dans la région, a-t-elle souligné.  Même son de cloche du côté de la Sierra Leone, qui s’est exprimée au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), qui a souligné la nécessité de s’attaquer aux « aggravateurs » de menaces, tels que la pauvreté, les changements climatiques et l’insécurité alimentaire, des facteurs exacerbant les conflits. 

Autonomisation des femmes et intégration régionale

Alors que les femmes d’Afrique de l’Ouest sont les premières victimes de cette multicrise, Mme Abiola Akiyode-Afolabi, la Directrice et fondatrice de l’ONG Women Advocates Research and Documentation Center, a suggéré que les États de la région abrogent les lois discriminatoires, notamment en matière de nationalité, de mariage et d’héritage, afin de les aligner sur les normes internationales.  L’activiste a également défendu l’élimination des obstacles à l’éducation des filles, tels que le mariage et les grossesses précoces, et le respect intégral des cycles scolaires. 

Sur le plan économique, elle a plaidé pour des politiques d’amélioration de l’accès des femmes aux services financiers, à la propriété foncière et aux opportunités professionnelles, en garantissant l’égalité de rémunération et des conditions de travail sûres.  La France a pour sa part appelé à une participation renforcée des femmes à la vie politique, car « un processus politique ne peut être représentatif s’il exclut une partie de sa population ». 

Alors que les pays de l’Alliance des États du Sahel – le pacte de défense mutuelle conclu entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso – se sont officiellement retirés de la CEDEAO le 29 janvier 2026, le Représentant spécial s’est félicité que les deux organisations souhaitent préserver les avantages de leur intégration régionale, notamment la liberté de circulation.  Pour la Fédération de Russie, la décision de l’Alliance des États du Sahel est une étape vers le renforcement de leur souveraineté nationale et vers la résolution des problèmes sécuritaires régionaux. 

Tandis que les États-Unis mettaient l’accent sur le respect de l’état de droit et des droits humains dans la lutte antiterroriste, la Chine estimait qu’il fallait s’abstenir de toute pression ou ingérence extérieure.  La délégation russe a elle aussi encouragé la coopération avec la CEDEAO pour maintenir les régimes d’exemption de visas et les zones de libre-échange, dans un esprit de confiance mutuelle.  De son côté, les A3+ se sont dits partisans d’« une stratégie régionale globale » pour renforcer la coopération transfrontalière, l’échange de renseignements, y compris avec les pays voisins, et l’efficacité opérationnelle de cadres tels que la FMM et l’Initiative d’Accra. 

Rétablissement de la confiance

Le rétablissement de la confiance dans la région est l’un des objectifs majeurs du Représentant spécial qui l’a expliqué lors de son récent déplacement au Mali et en Mauritanie. « Les dirigeants mauritaniens sont déterminés à soutenir le dialogue dans la région, tandis qu’au Mali, les autorités ont invité l’ONU à soutenir les prochaines élections, m’assurant que les préparatifs progressent. »  Dans ce pays, la nomination d’un ministre chargé des élections, l’allocation budgétaire pour les scrutins et la révision du système d’inscription électorale témoignent d’un progrès vers un retour à l’ordre constitutionnel, s’est félicité le Chef de l’UNOWAS. 

En Guinée, a-t-il poursuivi, les autorités de transition ont réitéré leur intention d’organiser des élections d’ici à la fin de l’année, après l’adoption d’une nouvelle constitution et la réalisation d’un recensement général.  Enfin, au Ghana, le Président Mahama a nommé un envoyé spécial auprès de l’Alliance des États du Sahel et s’est rendu dans plusieurs pays de la région pour renforcer la coopération, notamment entre l’Alliance et la CEDEAO, afin de soutenir les citoyens dont les moyens de subsistance dépendent du libre passage frontalier, a encore indiqué le Représentant spécial. 

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Consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest (S/2025/187)

Exposé

M. LEONARDO SANTOS SIMÃO, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, a présenté les activités trimestrielles du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), dont il est Chef.  Il a commencé par indiquer qu’il s’était rendu en janvier à Maiduguri, au Nigéria, avec M. Abdou Abarry, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), pour participer au cinquième Forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad.  Puis ils sont allés à Bama, une ville dévastée par Boko Haram et abritant de vastes camps de personnes déplacées.  « Celles-ci nous ont fait part de leurs aspirations à la paix et au développement, reflétant les efforts fructueux des quatre pays du bassin du lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigéria et Tchad) pour lutter contre le terrorisme et favoriser la stabilité. »  Toutefois, leurs inquiétudes concernant le manque d’opportunités en matière d’éducation et d’emploi persistent, pendant que la région est confrontée aux défis du terrorisme et des changements climatiques, a tempéré le haut fonctionnaire. 

Au cours de notre visite, a-t-il relaté, les parties prenantes ont insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts diplomatiques et le soutien financier pour maintenir la Force multinationale mixte (FMM), actuellement le seul mécanisme de sécurité opérationnel de la région.  Malgré la poursuite des bons offices visant à maintenir l’intégrité de cette coalition, le Niger en a récemment annoncé son retrait.  Une annonce qui arrive au moment où la sécurité est la principale préoccupation de la région, même si des investissements significatifs en ressources militaires et en coopération transfrontalière ont pu renforcer l’autorité de l’État dans certaines zones du Sahel central. 

Les progrès accomplis, notamment au Burkina Faso, sont fragilisés par l’intensification des attaques terroristes dans les zones frontalières du nord, qui visent principalement les États côtiers du Bénin et du Togo, a poursuivi le Représentant spécial. Bien que la Force en attente de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ne soit pas encore pleinement opérationnelle, il a jugé encourageants le déploiement de patrouilles conjointes et l’intérêt de la Côte d’Ivoire et du Ghana pour le renforcement de leur collaboration en matière de sécurité.  De plus, la restructuration de l’Initiative d’Accra offre selon M. Simão une occasion unique de poursuivre la coopération régionale en matière de sécurité.  Et la mise en œuvre de la résolution 2719 (2023) pourrait beaucoup aider à la lutte contre le terrorisme. 

Dans ce contexte, le haut fonctionnaire a signalé que le Mali a lancé un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), que le Niger a réuni plus de 700 dirigeants pour les assises nationales afin de fixer les objectifs du processus de transition, que le Burkina Faso mène des consultations nationales sous la houlette du Premier Ministre et que le Président de la Mauritanie a entamé un dialogue national avec les partis d’opposition. 

Le Représentant spécial a expliqué s’être récemment rendu au Mali et en Mauritanie afin de mettre l’accent sur le rétablissement de la confiance dans la région. « Les dirigeants mauritaniens sont déterminés à soutenir le dialogue dans la région, tandis qu’au Mali, les autorités ont invité l’ONU à soutenir les prochaines élections, m’assurant que les préparatifs progressent », a-t-il dit.  Il s’est félicité des avancées sur le plan électoral au Mali, qui témoignent d’un progrès vers un retour à l’ordre constitutionnel, et a salué l’intention exprimée par les autorités de transition de Guinée d’organiser des élections d’ici à la fin de l’année, après l’adoption d’une nouvelle constitution et la réalisation d’un recensement général.  Il a également indiqué que le Président du Ghana a nommé un Envoyé spécial auprès de l’Alliance des États du Sahel (AES) et s’est rendu dans plusieurs pays de la région pour renforcer la coopération. 

Le Représentant spécial a rappelé que la CEDEAO et les pays de l’AES se préparent à négocier leur séparation, effective le 29 janvier, avec une période de transition fixée par la CEDEAO jusqu’à fin juillet.  Alors que la CEDEAO maintient la porte ouverte, l’Alliance approfondit sa coopération interne, les deux parties souhaitant préserver les avantages de l’intégration régionale, notamment la liberté de circulation.  Ces évolutions sont encourageantes, selon M. Simão. 

Évoquant plusieurs autres questions urgentes, il a cité l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue en octobre prochain, qui suscite des inquiétudes quant à son caractère inclusif, compte tenu des souvenirs de la crise électorale de 2010-2011 et des violences survenues lors du scrutin de 2020.  En Guinée-Bissau, il a prévenu de graves risques qu’entrainent les profonds désaccords concernant la fin du mandat présidentiel actuel, la date des élections de 2025 et la légitimité des institutions étatiques.  « Je suis préoccupé par les informations faisant état de civils non armés pris pour cible dans la lutte contre le terrorisme, ce qui porte atteinte à l’état de droit et contrecarre les efforts de lutte contre l’extrémisme violent. »  

Sur le plan économique, il a signalé la hausse des indicateurs socioéconomiques dans la région, qui proviennent en grande partie de l’extraction des ressources et de la production alimentaire.  Il a cependant énoncé les défis persistants liés à l’inflation élevée, à un endettement croissant, aux chocs climatiques et à une capacité budgétaire limitée, autant d’obstacles pour les gouvernements qui investissent dans les services et les infrastructures essentiels.  Pour renforcer la résilience à long terme, il a suggéré des approches globales et des partenariats donnant la priorité à la stabilité macroéconomique et à la croissance inclusive, ainsi qu’à une gouvernance économique plus solide. 

Enfin, en tant que Président de la Commission mixte Cameroun-Nigéria, M. Simão a souhaité souligner une réalisation cruciale en matière de prévention de conflits et de consolidation de la paix: les deux pays ont réaffirmé leur volonté de résoudre les derniers points de désaccord.  Il a indiqué travailler au lancement de la phase finale et au soutien des équipes nationales des Nations Unies dans l’élaboration d’un programme de développement global pour les populations frontalières.  « Ce programme vise à transformer la frontière en un couloir de développement, favorisant la coopération transfrontalière, la paix et la stabilité dans la région. » 

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