Conseil de sécurité: l’Union européenne appelle à réaliser rapidement une paix juste et durable en Ukraine
La situation en Ukraine a été abondamment évoquée, ce matin au Conseil de sécurité, à l’occasion du débat annuel sur la coopération entre l’ONU et l’Union européenne (UE), « partenaire fiable de choix » selon l’expression de la Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Mme Kaja Kallas, à l’instar de nombreux intervenants, a appelé à réaliser rapidement une paix juste et durable en Ukraine, alors que des négociations américano-ukrainiennes se tiennent en Arabie saoudite. Les échanges entre Mme Kallas et la Fédération de Russie ont été particulièrement acrimonieux.
« Il y a deux semaines dans cette enceinte, la Russie a exercé son droit de veto contre l’appui du Conseil de sécurité en faveur de l’intégrité territoriale de l’Ukraine », a d’emblée fustigé Mme Kallas, en rappelant la « sacro-sainte importance » de la Charte des Nations Unies pour un monde plus sûr, en Ukraine et ailleurs. Comme le montre l’histoire européenne, lorsqu’un agresseur ne paye pas le prix de ses actions, cela ne fait qu’alimenter la violence, a-t-elle mis en garde.
Estimant que les Ukrainiens doivent pouvoir décider de leur avenir, la Haute Représentante a affirmé que cette guerre d’agression peut cesser si la Russie, « qui en est la seule responsable », retire ses troupes et cesse ses bombardements contre l’Ukraine.
Selon elle, cette guerre n’est pas une guerre européenne, pas plus qu’elle n’est une guerre entre pays voisins ou une guerre par procuration, la Russie ayant enrôlé l’Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC) dans cette « guerre coloniale ».
Une position partagée par les membres européens du Conseil, à l’instar de la Slovénie qui a estimé qu’il n’y aura pas de paix juste et durable en Ukraine si ce pays ne s’assoit pas à la table des négociations. « L’issue des pourparlers de paix déterminera également l’avenir de la sécurité européenne, et cela ne peut se décider sans les Européens. » Un règlement juste, global et durable par le biais d’une diplomatie inclusive fondée sur la Charte et le droit, assorti de garanties de sécurité crédibles empêchant toute reprise de la guerre, est nécessaire, a déclaré la Grèce, pour qui, comme pour la Chine, le « temps de la paix est venu ».
« Nous sommes mobilisés, plus que jamais, pour soutenir l’Ukraine face à l’agression russe », a déclaré la France qui a estimé que dans cette guerre se joue non seulement la sécurité du continent européen, mais aussi la défense de l’ordre international. Le Royaume-Uni a précisé travailler en étroite collaboration avec l’UE pour assurer une paix et une sécurité justes et durables en Ukraine, tandis que la République de Corée a loué la coopération étroite avec l’UE pour répondre « aux provocations de la RPDC ».
« Début 2025, l’UE est passée d’un projet économique appelé à garantir la coopération entre d’anciens ennemis pour prévenir la guerre en Europe à un projet politique redoublant d’efforts pour semer l’inimitié et provoquer la guerre », a rétorqué la Fédération de Russie, selon qui l’UE est aujourd’hui un « bloc russophobe sclérosé » qui déploie toute son énergie pour s’opposer à son voisin de l’Est. « Aujourd’hui plus que jamais, il est clair que l’UE a tout à perdre de cet antagonisme », a affirmé le représentant russe qui a notamment accusé la Pologne et les pays baltes, qui souffriraient d’un « complexe historique de revanchisme », d’avoir instillé la russophobie dans l’UE.
« Il aurait été possible d’arrêter ce conflit avec les accords de Minsk, toutefois le régime de Kiev n’avait pas l’intention de mettre en œuvre ces accords », a-t-il cinglé. Le délégué russe s’est ensuite livré à une attaque personnelle contre la Haute Représentante, qui fut la Première Ministre de l’Estonie. À l’époque, elle avait déclaré qu’une défaite de la Russie, « ce ne serait pas si mal », ce dont s’est indigné le délégué russe.
« Les pays voisins ont peur de la Russie parce qu’ils sont attaqués », a rétorqué la Haute Représentante, en jugeant ces peurs « fondées » et en fustigeant la tentative de la Russie de « propager la désinformation ». Au représentant russe qui rappelait à la présidence danoise qu’un exposé au Conseil n’est pas un dialogue interactif, la France a fait observer que les « attaques ad hominem », hargneuses et acrimonieuses, ne sont pas prévues par le Règlement intérieur du Conseil.
Alors que la guerre entre l’Ukraine et la Russie menace la sécurité européenne, les États-Unis comptent sur l’UE et sur l’Europe pour faciliter le plan de paix du Président Trump, a commenté la déléguée de ce pays. Une fois une paix durable atteinte, il sera plus urgent que jamais pour l’UE et ses membres de jouer un rôle clef afin de fournir des garanties de sécurité en Europe. « L’Europe doit être forte, résiliente et autosuffisante pour garantir non seulement la paix et la sécurité en Europe mais pour être un partenaire véritable dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales », a insisté la délégation américaine.
Le rôle de premier plan joué par l’UE s’agissant de l’aide et du financement de l’action de l’ONU a également été largement évoqué. L’UE s’est engagée là où d’autres acteurs se sont retirés, fournissant près de 2 milliards d’euros d’aide humanitaire pour cette seule année, a fait savoir Mme Kallas. L’UE est également le premier donateur au titre de l’aide publique au développement, en fournissant 42% de cette aide en 2022 et 2023, tandis que ses membres financent le cinquième du budget onusien de maintien de la paix.
Les membres de l’UE sont le premier contributeur au budget ordinaire et le troisième au budget des opérations de maintien de la paix, contributions qu’ils versent en intégralité et dans les délais impartis, a renchéri la France. De son côté, la Sierra Leone a souligné l’importance de mettre pleinement en œuvre la résolution 2719 (2023) sur le financement onusien des opérations de paix de l’Union africaine et reconnu, à l’instar de l’Algérie, le rôle de l’UE dans la réalisation de cet objectif. « L’engagement de l’UE en Afrique, notamment dans la prévention des conflits, les opérations de maintien de la paix et le relèvement postconflit, reste essentiel au système de sécurité collective », a-t-elle souligné. Le Guyana a dit attendre avec intérêt les options de financement considérées par l’UE s’agissant de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) en Haïti.
De son côté, la Grèce a estimé qu’une coopération renforcée entre l’ONU et l’UE est essentielle dans les efforts collectifs visant à défendre la liberté de navigation et la sécurité maritime, évoquant la contribution de l’opération militaire de l’UE en Méditerranée (EUNAVFOR MED IRINI) au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le représentant du Pakistan a salué pour sa part l’aide humanitaire fournie par l’UE à Gaza et à la Cisjordanie et son appui à la solution des deux États.
Enfin, la Haute Représentante a vigoureusement défendu le multilatéralisme, en butte à de nombreuses attaques, le Danemark y voyant « l’ADN » de l’UE. « Nous appuyons le multilatéralisme non pas parce que cela relève de nos intérêts mais parce que c’est dans l’intérêt de tous », a indiqué Mme Kallas, tout en reconnaissant les besoins de réforme, notamment du Conseil de sécurité. Nous en appelons au soutien concret de l’UE afin de corriger l’injustice historique faite à l’Afrique quant à sa représentation, a appuyé la Sierra Leone. La Chine a également défendu le multilatéralisme et qualifié le leadership de l’UE « d’indispensable ».
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Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales: Union européenne
Exposé
Mme KAJA KALLAS, Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a dénoncé les violations flagrantes de la Charte des Nations Unies et les tentatives visant à remplacer l’état de droit par la force. L’Union européenne (UE) restera un partenaire de choix fiable de l’ONU, a-t-elle assuré, avant d’évoquer la guerre d’agression illicite de la Russie contre l’Ukraine. « N’oublions pas qu’il y a deux semaines dans cette enceinte, la Russie a exercé son droit de veto contre l’appui du Conseil en faveur de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. » Elle a rappelé que la Charte des Nations Unies est d’une sacro-sainte importance pour un monde plus sûr, en Ukraine et ailleurs. De même, elle a assuré que l’UE soutient l’Ukraine, conformément à son droit à la légitime défense, et recherche une paix juste et durable. Comme le montre l’histoire européenne, lorsqu’un agresseur ne paye pas le prix de ses actions, cela ne fait qu’alimenter la violence, a-t-elle constaté. Cette guerre peut cesser si la Russie, « qui est la seule responsable », retire ses troupes et cesse ses bombardements contre l’Ukraine. Les Ukrainiens ne veulent pas faire partie de la Russie et doivent pouvoir décider de leur avenir, a tranché Mme Kallas. « Nous devons tous les soutenir. » Selon elle, cette guerre n’est pas une guerre européenne, pas plus qu’elle n’est une guerre entre pays voisins ou une guerre par procuration, la Russie ayant enrôlé l’Iran et la République populaire démocratique de Corée pour appuyer cette « guerre coloniale ». Pour s’améliorer, tout pays doit perdre sa dernière guerre coloniale, a-t-elle affirmé, en disant que ce n’est pas encore le cas de la Russie. « Nous devons concentrer nos efforts afin de réaliser rapidement une paix juste et durable en Ukraine. »
Passant à Gaza, la Haute Représentante a évoqué la mission d’assistance frontalière de l’Union européenne à Rafah qui, au 8 mars, a permis à 3 500 personnes de se rendre en Égypte. Cette mission est notre contribution concrète à l’appui du cessez-le-feu. Elle a également indiqué que l’UE est le premier fournisseur d’aide à Gaza et en Cisjordanie, précisant que ces deux dernières années, l’aide de l’UE et de ses membres s’est élevée à près de 5,1 milliards de dollars. Elle a appuyé la solution des deux États et rejeté toute modification démographique ou territoriale, à Gaza et ailleurs. « Nous appuyons un futur État de Palestine, Gaza en étant une partie intégrante. » Elle a ensuite qualifié d’inacceptables les atrocités commises dernièrement en Syrie, avant d’appeler à une transition inclusive. L’UE a, de son côté, suspendu certaines mesures restrictives, mais pourrait les rétablir si la situation se détériorait.
Sur le dossier du financement, elle a rappelé que les membres de l’UE financent le cinquième du budget onusien de maintien de la paix. L’Union a par ailleurs lancé depuis 2003 plus de 40 missions militaires et civiles dans le monde entier, 21 d’entre elles étant en cours. Mme Kallas a redit l’engagement de l’UE en faveur du multilatéralisme, lequel est le seul moyen d’aller de l’avant sur de nombreuses dossiers, comme en Somalie et au Myanmar. « Nous appuyons le multilatéralisme non pas parce que cela relève de nos intérêts mais parce que c’est dans l’intérêt de tous », a-t-elle appuyé.
S’agissant de l’aide humanitaire, elle a indiqué que l’UE s’est engagée là où d’autres acteurs se sont retirés, fournissant près de 2 milliards d’euros d’aide cette seule année. L’UE a ainsi alloué près de 260 millions d’euros à la réponse humanitaire au Soudan. Elle est également le premier donateur au titre de l’aide publique au développement, en fournissant 42% de cette aide en 2022 et 2023. En outre, l’UE est la pierre angulaire du financement onusien. Enfin, Mme Kallas a plaidé pour une réforme du multilatéralisme, en particulier de ce Conseil.