Conseil de sécurité: la coopération des États Membres plus que jamais nécessaire contre Daech, une menace terroriste persistante aux ramifications mondiales
Plus que jamais, Daech affiche sa résilience en faisant évoluer ses modus operandi, qu’il s’agisse de mener des opérations dans le monde entier ou de recruter des combattants terroristes, a déclaré, ce matin au Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint chargé du Bureau de lutte contre le terrorisme.
Venu présenter le vingtième rapport en date du Secrétaire général à ce sujet, M. Vladimir Voronkov était accompagné de Mme Natalia Gherman, la Directrice exécutive de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations Unies (DECT), qui a fait écho à ses dires, en mettant l’expansion de Daech sur le compte d’un fléchissement de la coopération entre États Membres. Les deux hauts fonctionnaires ont dressé un constat similaire, en pointant la consolidation du groupe dans de multiples régions.
Ainsi, moins de deux mois après l’effondrement du régime de Bashar Al-Assad en République arabe syrienne, le risque existe dans ce pays que des stocks d’armes sophistiquées finissent entre les mains de terroristes, s’est alarmé le Secrétaire général adjoint, en attirant l’attention sur la région de Badia, d’où Daech planifie ses opérations externes. Une instabilité qui caractérise également les camps et les centres de détention situés dans le nord-est de la Syrie, où l’on estime à près de 42 500 le nombre d’individus détenus, majoritairement des ressortissants iraquiens et syriens, dont un certain nombre pourraient être liés à Daech.
Or, le rythme global des rapatriements a considérablement diminué au cours des six derniers mois, seuls cinq États Membres ayant rapatrié plus de 760 individus. Notant que de nombreuses personnes qui se trouvent aujourd’hui dans des camps en Syrie et en Iraq ont en fait fui la violence de Daech, M. Voronkov a réitéré l’appel du Secrétaire général aux autres pays pour qu’ils facilitent le rapatriement « sûr, volontaire et digne » de leurs ressortissants toujours détenus en Syrie. Un appel repris à leur compte par plusieurs membres du Conseil, dont la Chine, les États-Unis et la Fédération de Russie, qui a fait valoir le rapatriement de 500 personnes, dont des femmes et des enfants.
Mais d’autres pays que la Syrie ont suscité des inquiétudes parmi les membres du Conseil, à commencer par l’Afghanistan, où l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K) continue de poser une menace importante pour l’ensemble de la région et au-delà. Outre les attentats perpétrés en Afghanistan, les partisans de cette franchise de Daech ont planifié des attentats en Europe et cherchent activement à recruter des individus en Asie centrale, a détaillé le Secrétaire général adjoint. Le Pakistan a soutenu qu’il y aurait plus de 2 000 terroristes actifs en Afghanistan, « le principal pôle de recrutement de Daech », tout en rejetant les allégations des États-Unis selon lesquels ces campagnes de recrutement auraient également lieu au Pakistan.
En Afrique subsaharienne, que M. Voronkov considère comme « l’épicentre du terrorisme mondial », Daech et ses affiliés ont continué d’intensifier leurs opérations, notamment au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Le haut fonctionnaire a expliqué que l’État islamique du Grand Sahara (EIGS) et la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » (ISWAP) continuent de recruter des combattants au-delà des frontières à l’intérieur desquelles ils sont établis. En Afrique de l’Est, Daech en Somalie a réussi à recruter des combattants terroristes étrangers et le bureau Karrar reste un centre financier et de coordination régional essentiel pour l’organisation terroriste, a-t-il encore observé.
Rappelant que la lutte contre le terrorisme est une priorité de l’Administration Trump, les États-Unis ont indiqué que, le 1er février, des frappes américaines avaient été ordonnées contre des cibles de Daech en Somalie, une annonce corroborée par la Somalie. Ce pays fait partie de ceux, nombreux à se faire entendre aujourd’hui, qui ont plaidé en faveur d’une réponse aux causes profondes du terrorisme. « Contre ce fléau, le développement durable est notre arme la plus efficace », a lancé le délégué somalien. Pour lui, les stratégies des États Membres doivent prioriser la protection des civils tout en s’assurant que les mesures antiterroristes ne créent pas involontairement de griefs supplémentaires susceptibles d’être exploités.
Le soutien au développement, le renforcement de la gouvernance, l’état de droit et la lutte contre la corruption sont les compléments essentiels de l’approche sécuritaire, a confirmé la France, suivie sur ce point par l’Algérie. En outre, les prétendues offres sécuritaires proposées par certaines sociétés militaires privées ne font qu’attiser le terrorisme, a dénoncé la délégation française. Pour la Fédération de Russie en revanche, l’ingérence des pays occidentaux, dont les « sabotages ciblés » et les « opérations antiterroristes de longue haleine » se sont révélées être un simulacre destiné à justifier une présence militaire étrangère continue, « jugée depuis longtemps indésirable » par les États africains.
À cet égard, la Russie a vivement contesté la conclusion « scandaleuse et infondée » contenue dans le rapport du Secrétaire général, selon laquelle l’expansion vers l’Est de la branche de « l’État islamique dans le Grand Sahel » serait le résultat des opérations antiterroristes menées par le Burkina Faso, le Mali et le Niger à leurs frontières. « Comment peut-on blâmer des États pour leurs efforts visant à combattre le terrorisme et à protéger leurs populations des militants? » s’est exclamé le représentant, en recommandant au personnel du Secrétariat d’étudier plutôt l’aide apportée aux terroristes au Sahel par certains pays occidentaux et l’Ukraine.
Pour la délégation américaine, aucun doute: « l’argent est le nerf de la guerre ». Tandis que la délégation algérienne soulignait l’importance de combattre le financement des activités terroristes, qui repose notamment sur le trafic de stupéfiants et les enlèvements, Mme Gherman indiquait que de réels progrès avaient été faits à cet égard, citant justement en exemple l’adoption par Alger de principes directeurs non contraignants.
En outre, l’ONU continue d’aider les États Membres à exploiter les opportunités offertes par les nouvelles technologies, a rappelé M. Voronkov. En novembre, l’initiative CT TECH+, lancée conjointement avec INTERPOL et l’Union européenne, a permis de fournir un soutien contre l’utilisation abusive de ces nouvelles technologies à des fins terroristes. Les États Membres, a-t-il exhorté, doivent maintenant traduire les engagements pris en vertu du Pacte pour l’avenir en actions, en donnant la priorité à des réponses inclusives, en réseau et durables.
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MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME
Exposés
M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint chargé du Bureau de lutte contre le terrorisme, a confirmé que Daech continue d’afficher sa résilience et de faire évoluer ses modus operandi. À cet égard, il s’est dit particulièrement préoccupé par la situation très instable en République arabe syrienne, où le risque existe que des stocks d’armes sophistiquées finissent entre les mains de terroristes. C’est tout particulièrement vrai de la région de Badia, qui continue d’être un fief pour Daech, d’où le groupe planifie ses opérations externes. Cette instabilité, nous l’observons également dans les camps et les centres de détention situés dans le nord-est de la Syrie, où l’on estime à près de 42 500 le nombre d’individus détenus, dont un certain nombre pourraient être liés à Daech. Parmi eux, on compte 17 700 Iraquiens, 16 200 Syriens et 8 600 ressortissants d’autres pays. Des chiffres d’autant plus alarmants que le rythme global des rapatriements a considérablement fléchi au cours de la période considérée. En effet, seuls cinq États Membres auraient rapatrié plus de 760 personnes en provenance d’Iraq et de la République arabe syrienne. S’il a salué le Gouvernement iraquien pour avoir rapatrié environ 400 enfants, M. Voronkov a réitéré l’appel du Secrétaire général aux autres pays pour qu’ils facilitent le rapatriement sûr, volontaire et digne de leurs ressortissants toujours détenus en Syrie.
En Afghanistan, l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K) continue de poser une menace importante, y compris dans la région et au-delà. « Outre les attentats perpétrés en Afghanistan, les partisans de l’EIIL-K ont planifié des attentats en Europe et cherchent activement à recruter des individus dans les États d’Asie centrale », a détaillé le Secrétaire général adjoint. En Afrique subsaharienne, Daech et ses affiliés ont continué d’intensifier leurs opérations et d’étendre leur contrôle territorial, a-t-il poursuivi, et la situation est extrêmement préoccupante en Afrique de l’Ouest et au Sahel, où Daech et d’autres groupes terroristes ont intensifié leurs attaques au Burkina Faso, au Mali et au Niger. L’État islamique du Grand Sahara (EIGS) et la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » (ISWAP) continuent de recruter des combattants au-delà des frontières à l’intérieur desquelles ils sont établis. En Afrique de l’Est, Daech en Somalie a réussi à recruter des combattants terroristes étrangers et le bureau Karrar reste un centre financier et de coordination régional essentiel pour l’organisation terroriste, a encore noté M. Voronkov.
Pour le Secrétaire général adjoint, la résilience des groupes terroristes souligne la nécessité d’une collaboration internationale soutenue. Les États Membres doivent donner la priorité à des réponses globales et durables qui s’attaquent aux causes profondes du terrorisme, tout en renforçant l’état de droit et en faisant respecter le droit international des droits humains et le droit humanitaire. Pour les y aider, l’ONU continue d’adapter son soutien au renforcement des capacités des pays à l’évolution de la menace posée par Daech et ses affiliés. La priorité a été donnée à l’Afrique subsaharienne, devenue l’épicentre du terrorisme mondial, où le bureau que M. Voronkov dirige a augmenté de 16% son assistance technique, en s’appuyant notamment sur le travail effectué par son antenne à Rabat.
Ensuite, compte tenu de la situation dans le nord-est de la Syrie, l’ONU continue de conseiller les États Membres dans leurs efforts visant à poursuivre en justice, réhabiliter et réintégrer les individus associés à des groupes terroristes. En Iraq, le Bureau a fourni conseils, formations et matériel pour aider à l’enregistrement et au contrôle des adultes détenus au camp de Hol souhaitant être rapatriés. Sur ce point précis, le Secrétaire général adjoint a souligné que de nombreux détenus en Syrie et en Iraq ont, en fait, fui la violence de Daech. « Il est donc primordial de continuer à amplifier la voix des victimes et à leur assurer un soutien durable », a-t-il dit.
Par ailleurs, la sécurité aux frontières doit être davantage renforcée pour contrecarrer les mouvements de groupes terroristes, a préconisé le haut fonctionnaire. En novembre dernier, le Bureau s’est associé aux Gouvernements du Koweït et du Tadjikistan dans le cadre du processus de Douchanbé pour organiser une conférence de haut niveau à ce sujet, qui a débouché sur la déclaration de Koweït sur la sécurité et la gestion des frontières. Entre-temps, le Programme de lutte contre les déplacements des terroristes a continué de se développer avec 63 États Membres bénéficiaires qui s’appuient de plus en plus sur le logiciel goTRAVEL pour collecter et traiter les données des passagers afin de détecter et de prévenir les mouvements terroristes.
D’ailleurs, l’ONU continue d’aider les États Membres à exploiter les opportunités offertes par les nouvelles technologies, a fait observer M. Voronkov. En novembre, l’initiative CT TECH+, lancée conjointement avec INTERPOL et l’Union européenne, a permis de fournir un soutien personnalisé afin de lutter contre l’utilisation abusive des nouvelles technologies à des fins terroristes. En outre, le Bureau a dispensé des formations opérationnelles à plus de 100 fonctionnaires en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Ouest pour utiliser des systèmes aériens sans pilotes à des fins de lutte contre le terrorisme et de sécurité des frontières, s’est encore félicité le haut fonctionnaire. Les États Membres, a-t-il exhorté, doivent maintenant traduire les engagements pris en vertu du Pacte pour l’avenir en actions, en donnant la priorité à des réponses inclusives, en réseau et durables, qui s’attaquent aux causes profondes du terrorisme et renforcent la résilience.
Mme NATALIA GHERMAN, Directrice exécutive de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations Unies (DECT), a mis en exergue la complexité du défi posé par Daech. Elle s’est inquiétée de la situation « déplorable » dans le nord-est syrien, où plus de 40 000 personnes vivent dans des camps et des centres de détention. Daech tire profit des conflits et de l’instabilité et constitue une grave menace pour la paix en Afrique. Elle a indiqué que des régions entières en Afrique connaissent la dévastation perpétrée par Daech, comme dans le Sahel et dans le bassin du lac Tchad, où Daech mène des opérations décentralisées et prolifère à mesure que la coopération entre les États Membres diminue. À cette aune, elle a plaidé pour une approche basée sur la prévention, le respect des droits humains et la coopération, « qui est le mot clef ».
Mme Gherman a indiqué que la Direction exécutive s’est rendue en Côte d’Ivoire, en République-Unie de Tanzanie, au Malawi, en Mauritanie, au Ghana et plus récemment en Somalie dans le but d’évaluer la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité. Elle a constaté qu’il existe des pratiques encourageantes dans la lutte contre le terrorisme, notamment celles impliquant tous les échelons de gouvernance et visant au règlement des causes profondes de ce phénomène. Davantage de coopération est néanmoins nécessaire, a-t-elle à nouveau insisté. La reddition des comptes et le respect des droits humains sont également des aspects fondamentaux. Elle a fait état de réels progrès dans la lutte contre le financement du terrorisme, en mentionnant l’adoption des principes directeurs non contraignants de l’Algérie. Enfin, elle a détaillé l’action de la Direction, laquelle a récemment participé au renforcement des capacités du Mozambique.