Le Conseil de sécurité se penche sur la coopération entre l’ONU et la Ligue des États arabes, sur fond de développements porteurs d’espoir au Moyen-Orient
La séance annuelle du Conseil de sécurité sur la coopération entre l’ONU et la Ligue des États arabes, ce matin, a été l’occasion pour les membres de l’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales de plaider pour un renforcement de la coordination entre les deux organisations à la lumière des récents développements dans la région arabe.
Quelques jours à peine après l’accord de cessez-le-feu et de libération des otages entre Israël et le Hamas, les intervenants ont été nombreux à espérer qu’il marque le premier pas sur la voie d’une paix durable et qu’il jette les bases d’une solution à deux États. L’autre développement porteur d’espoir vers une désescalade dans la région est l’accord de cessation des hostilités au Liban entre le Hezbollah et Israël.
Ces événements, auxquels s’ajoutent la recomposition de la Syrie après la chute du Président Bashar Al-Assad, l’impasse politique en Libye et le conflit au Soudan, nécessitent une collaboration régionale et internationale plus étroite, d’où l’importance cruciale de la coopération entre l’ONU et la Ligue des États arabes, se sont accordés à dire le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, M. Mohamed Khaled Khiari, le Secrétaire général de la Ligue, M. Ahmed Aboul Gheit, et le représentant de l’Égypte, qui s’exprimait au nom du Groupe des États arabes.
Une coopération solide et multiforme
Dans ce contexte régional complexe, l’engagement de la Ligue en faveur des divers efforts de médiation de l’ONU dans la région et sur le front humanitaire reste essentiel. À cet égard, tout en saluant la contribution du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis à la trêve conclue à Gaza, M. Khiari a remercié la Ligue pour son « soutien vocal » à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), destiné à permettre à l’agence onusienne de s’acquitter de son mandat dans toutes ses zones d’opérations. Pour sa part, le Secrétaire général de la Ligue a appelé à préserver l’Office des pressions israéliennes.
Le partenariat entre l’ONU et la Ligue doit aussi contribuer à mettre un terme à l’impasse politique dans plusieurs crises dans le monde arabe. Comme l’a résumé le Ministre des affaires étrangères de l’Algérie, « il n’est plus raisonnable que les processus de paix stagnent pendant des années sans que les deux organisations ne puissent jouer un rôle et faire pression pour encourager le dialogue et résoudre les conflits de manière pacifique ».
Dans son exposé, le Sous-Secrétaire général Khiari a mis en exergue la longue coopération multiforme entre l’ONU et la Ligue, en rendant hommage au rôle joué par l’organisation régionale dans les efforts visant à faire cesser les hostilités au Moyen-Orient et à créer un horizon politique. « Nous nous engageons à poursuivre notre partenariat pour intensifier nos efforts conjoints visant à améliorer la vie des populations de la région arabe et au-delà », a-t-il dit, non sans relever que cette « coopération solide » constitue un aspect important de la mise en œuvre du Pacte pour l’avenir adopté en septembre dernier par les États Membres.
Appels à un partenariat honnête et efficace, loin des ingérences extérieures
Le chef de la diplomatie algérienne, qui présidait cette séance, a plaidé en faveur d’une relation de complémentarité et d’un partenariat honnête et efficace, loin des ingérences extérieures, qui redonnerait au travail diplomatique arabe son rôle en matière de maintien de la paix dans la région. Aligné sur cette position, le Secrétaire général de la Ligue a appelé de ses vœux une coopération accrue avec l’ONU pour remédier aux défis que connaissent les pays arabes. À cet effet, M. Aboul Gheit a proposé une visite du Conseil de sécurité au Siège de la Ligue au Caire, la dernière visite remontant à 2016. Il a également souhaité que des consultations plus étroites aient lieu pour la sélection des responsables onusiens dans les pays arabes et que des échanges plus réguliers se tiennent avec les représentants et envoyés spéciaux de l’ONU pour les pays de la région.
Lui aussi favorable à une intensification du partenariat stratégique entre l’ONU et la Ligue, notamment via le lancement d’initiatives communes et l’adoption d’une approche unifiée, le représentant de la Somalie a salué le rôle joué par le bureau de liaison des Nations Unies ouvert en 2019 au Siège de la Ligue au Caire, qui veille à entretenir le dialogue et la coopération entre les deux organisations.
Par la voix de l’Égypte, le Groupe des États arabes a demandé que la Ligue soit consultée lors de la rédaction des projets de résolution du Conseil de sécurité sur les questions relatives au Moyen-Orient, arguant que les solutions et règlements de ces questions doivent émerger en premier lieu de la région. C’est aussi l’une des bases de la revendication du Groupe concernant sa représentation au sein du Conseil dans les deux catégories de membres.
La Ligue en soutien du peuple palestinien
M. Khiari a rappelé que la Ligue a toujours soutenu le peuple palestinien et ses efforts pour rallier le soutien international à un cessez-le-feu. Mais « le cessez-le-feu à Gaza n’est pas une solution permanente », a souligné de son côté M. Aboul Gheit. La paix au Moyen-Orient ne sera possible qu’en réalisant le droit du peuple palestinien à un État indépendant, sur les frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale, a-t-il fait valoir. Sur ce point, le Pakistan et d’autres intervenants ont souligné le rôle de premier plan joué par la Ligue pour revitaliser le processus diplomatique de la solution des deux États. La France a rappelé qu’elle coprésidera avec l’Arabie saoudite, en juin à New York, une conférence internationale sur la mise en œuvre de cette solution.
Appelant à faire fond sur l’élan imprimé par l’accord de cessez-le-feu à Gaza, les États-Unis ont avancé la possibilité de l’étendre aux Accords d’Abraham et de promouvoir ainsi l’intégration régionale. Ils ont annoncé leur souhait de travailler avec les membres de la Ligue sur cette approche. En réponse, la Fédération de Russie a mis en garde contre les modèles de normalisation proposés par « des médiateurs extérieurs à la région », en insistant sur l’impératif d’obtenir l’aval des Palestiniens sous peine de retomber dans la spirale de violence.
Une coopération à l’œuvre dans toutes les situations de crise de la région
Élargissant le débat, la délégation russe a également jugé justifié d’étendre la coordination entre l’ONU, la Ligue des États arabes et l’Union africaine, « compte tenu du lien inextricable entre les régions ». Elle s’est déclarée convaincue que la clef d’une solution durable et à long terme aux crises de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord réside dans des accords collectifs avec la participation active des pays arabes, « sans imposer de recettes toutes faites de l’extérieur ».
Le Sous-Secrétaire général a par ailleurs salué l’étroite collaboration entre l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie et la Ligue, qui vise à coordonner le soutien à un processus politique inclusif dirigé et contrôlé par les Syriens. Si le Groupe des États arabes s’est dit d’avis que l’ONU et la Ligue ont la responsabilité d’accompagner la Syrie autour d’un projet national qui réponde aux aspirations des Syriens, les États-Unis et d’autres membres du Conseil ont été plus prudents.
Quoique favorables à une transition inclusive et non sectaire en Syrie, les États-Unis ont conditionné leur soutien à un projet dans lequel le pays vivrait en paix avec ses voisins, respecterait les droits des minorités et ne redeviendrait pas le terrain de jeux de l’État islamiste ni un moyen pour l’Iran de diffuser le terrorisme. Alors que la Ligue a indiqué avoir envoyé une mission en Syrie, M. Aboul Gheit a espéré que la transition arrivera à son terme sans interférence extérieure. Il a également alerté sur les visées expansionnistes d’Israël en Syrie en appelant à préserver l’accord de 1974 sur le désengagement et en rappelant que l’occupation du Golan est illicite.
Avec l’élection d’un président au Liban, après un vide de plus de deux ans, et la nomination d’un premier ministre, M. Khiari a espéré que ces avancées ouvriront la voie à la sécurité et à la stabilité du pays. Les Nations Unies sont prêtes à soutenir le gouvernement libanais, dès lors qu’il sera formé, dans ses efforts de réforme et de reconstruction, a-t-il assuré, saluant le rôle joué par la Ligue, qui a contribué à la cessation des hostilités entre le Liban et Israël « grâce à un plaidoyer et un engagement inlassables ». De son côté, le Secrétaire général de la Ligue a exigé qu’Israël se retire du territoire libanais.
Les deux hauts responsables ont aussi évoqué les situations au Yémen, au Soudan et en Libye, et la collaboration entre l’ONU et la Ligue sur ces dossiers.
L’action climatique, nouveau cheval de bataille commun
La France et la Slovénie ont quant à elles abordé l’impact des changements climatiques sur la sécurité et la stabilité du Moyen-Orient, notamment le stress hydrique. Elles ont encouragé l’ONU et la Ligue à travailler de manière conjointe en ce sens. Pour la délégation slovène, cela devrait commencer par l’adhésion des États membres de la Ligue arabe au mécanisme des Nations Unies pour le climat, la paix et la sécurité.
En guise de synthèse, le Guyana a souligné que les organisations régionales et sous-régionales sont non seulement mieux placées pour soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies de prévention des conflits et d’alerte précoce, mais ont aussi un intérêt dans l’issue des règlements. « En un mot, nous avons beaucoup à apprendre d’elles », a souligné le Danemark.
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COOPÉRATION ENTRE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LES ORGANISATIONS RÉGIONALES ET SOUS-RÉGIONALES AUX FINS DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Ligue des États arabes (S/2025/39)
Exposés
M. MOHAMED KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, a mis en exergue la longue coopération multiforme entre l’ONU et la Ligue des États arabes, rendant hommage au rôle joué par l’organisation régionale dans les efforts visant à faire cesser les hostilités au Moyen-Orient et à créer un horizon politique. Évoquant le récent accord de cessez-le-feu et de libération des otages à Gaza, il a salué la médiation de l’Égypte, du Qatar et des États-Unis. Les Nations Unies font maintenant leur part pour garantir l’augmentation rapide de l’aide humanitaire, a-t-il indiqué, appelant toutefois à « travailler tous ensemble pour en assurer le succès ». À cet égard, il a insisté sur l’impératif de permettre à l’UNRWA de remplir son mandat dans toutes ses zones d’opérations, avant de remercier la Ligue pour son « soutien vocal » à cette agence vitale. Préoccupé par la poursuite de la violence en Cisjordanie occupée, en particulier par l’opération militaire de grande envergure en cours à Jénine, qui aurait fait des victimes palestiniennes, M. Khiari a relevé que la Ligue a toujours soutenu le peuple palestinien, notamment en s’efforçant de rallier le soutien international en faveur d’un cessez-le-feu.
La communauté internationale a la responsabilité partagée de soutenir les efforts en vue d’un règlement juste et durable du conflit israélo-palestinien, a-t-il insisté en plaidant pour une solution négociée à deux États, « seule voie viable pour garantir la paix, la sécurité et la coexistence des Israéliens et des Palestiniens ».
Alors que la Syrie cherche à tracer une nouvelle voie après la chute du régime Assad, le Sous-Secrétaire général a informé le Conseil que l’Envoyé spécial, M. Pedersen, poursuit son engagement étroit avec la Ligue et ses États membres pour coordonner le soutien à un processus politique inclusif dirigé et contrôlé par les Syriens, basé sur les principes clefs de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. L’ONU est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider le peuple syrien à réaliser ses aspirations légitimes.
Avec l’élection d’un président au Liban, après un vide de plus de deux ans, et la nomination d’un premier ministre, il a espéré que ces avancées ouvriront la voie à la sécurité et à la stabilité du pays. Les Nations Unies sont prêtes à soutenir le Gouvernement libanais, dès lors qu’il sera formé, dans ses efforts de réforme et de reconstruction, a-t-il assuré, saluant le rôle joué par la Ligue, qui a contribué à la cessation des hostilités entre le Liban et Israël « grâce à un plaidoyer et un engagement inlassables ».
Regrettant qu’au Yémen, les progrès politiques soient bloqués par les attaques des houthistes contre les navires marchands en mer Rouge et contre Israël, M. Khiari a espéré que le cessez-le-feu et l’accord sur les otages à Gaza conduiront à une désescalade dans la région. À l’avenir, a-t-il dit, le soutien des partenaires régionaux -y compris celui de la Ligue- sera essentiel pour promouvoir la désescalade, rétablir la confiance et progresser vers une feuille de route des Nations Unies pour un règlement politique global et inclusif du conflit.
Face à l’impasse politique en Libye et au fragile statu quo, M. Khiari a rappelé que la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a récemment lancé une initiative politique intralibyenne inclusive pour amener le pays à des élections. À cet égard, la Ligue est un partenaire important des Nations Unies, a-t-il souligné, notant qu’elle est bien placée pour rallier et démontrer le soutien collectif des pays arabes à des solutions menées et contrôlées par les Libyens, dans le cadre du processus facilité par l’ONU.
Pour ce qui est du Soudan, il a appelé à intensifier les efforts diplomatiques pour mettre enfin un terme au conflit. Alors que l’Envoyé personnel, M. Lamamra, travaille sans relâche pour soutenir les efforts de médiation et promouvoir le dialogue, M. Khiari a salué les efforts déployés par la Ligue, notamment pour renforcer la coordination multilatérale en convoquant la première réunion du groupe consultatif sur le Soudan en juin de l’année dernière.
Alors que la situation au Moyen-Orient reste fragile et que plusieurs conflits majeurs se poursuivent sans relâche, le cessez-le-feu à Gaza, la cessation des hostilités au Liban et l’évolution de la situation en Syrie représentent « une opportunité de changement positif significatif dans la région », a relevé le Sous-Secrétaire général. Dans ce contexte, il a dit attendre avec impatience que la Ligue accueille la seizième réunion sectorielle des deux organisations, sur le thème de la « coopération dans le domaine des droits de la femme et de la protection de l’enfance dans les conflits armés », plus tard cette année.
En guise de conclusion, il a assuré que les Nations Unies s’engagent à poursuivre leur partenariat avec la Ligue des États arabes afin d’accroître leurs efforts conjoints « pour améliorer la vie des populations dans la région arabe et au-delà ».
M. AHMED ABOUL GHEIT, Secrétaire général de la Ligue des États arabes, a appelé à une intensification de la coopération avec l’ONU tant les préoccupations sont communes. Il a mentionné la rivalité actuelle entre deux grandes puissances qui engendrent des tensions délétères pour les dossiers arabes du Conseil. Il a salué les efforts de médiation qui ont abouti à un accord de cessez-le-feu après 15 mois de génocide à Gaza, tout en relevant que ce cessez-le-feu n’est pas une solution permanente et en appelant à l’édification d’un État palestinien indépendant et viable. « La solution des deux États doit être mise en œuvre. »
M. Gheit s’est ensuite félicité que le Liban se soit doté d’un nouveau président et a demandé la préservation du cessez-le-feu entre Israël et le Liban. Israël doit se retirer des zones du Sud-Liban, a-t-il exhorté. S’agissant de la Syrie, M. Gheit a précisé qu’une mission a été envoyée dans ce pays, avant d’espérer que la transition arrive à son terme sans interférence extérieure. Il a mis en garde contre les visées expansionnistes d’Israël en Syrie. L’occupation du Golan est illicite, a-t-il rappelé.
La Ligue soutient l’unité du Soudan, a-t-il poursuivi, avant d’exhorter les parties soudanaises à reprendre le dialogue dans l’intérêt du pays. « Nous sommes prêts à coopérer avec le Conseil pour réaliser les aspirations du peuple soudanais. » S’agissant de la Libye, il a salué la coordination accrue avec l’ONU pour une consolidation du processus en cours en vue de mettre un terme à cette crise complexe sans ingérence extérieure. Un nouvel envoyé spécial connaissant bien la situation et la culture arabe devrait être nommé, a-t-il déclaré.
De manière générale, il a souhaité plus de réunions entre les représentants des deux organisations, y compris au Siège de la Ligue, au Caire. M. Gheit a appelé à préserver l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) contre les visées israéliennes. Cet office joue, selon lui, un rôle irremplaçable. « Nous souhaitons une coopération accrue avec l’ONU pour remédier aux défis que connaissent les pays arabes », a conclu le Secrétaire général.