9843e séance – matin
CS/15972

Conseil de sécurité: la situation en Colombie à l’ordre du jour

(Le résumé complet de la réunion sera disponible ultérieurement.) 

Le Conseil de sécurité tient ce matin sa séance trimestrielle sur la Colombie. Le Représentant spécial pour ce pays, M. Ruiz Massieu, qui est à la tête de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, fera un exposé, de même qu’un représentant de la société civile et Diego Tovar (ex-combattant des FARC-EP et signataire de l'Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable). 

Les délégations sont saisies du rapport du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie (S/2024/968), qui rappelle les commémorations à l’automne dernier du huitième anniversaire de la signature de l’Accord final.  Un accord qui, pour la première fois, verra son plan-cadre de mise en œuvre revu, comme annoncé par les parties le 22 novembre. 

Le rapport indique par ailleurs que la violence qui persiste dans les territoires ethniques et l’absence de garanties de sécurité figurent au rang des problèmes les plus importants. C’est d’ailleurs le sujet de préoccupation exprimé par le Secrétaire général dans une déclaration publiée hier. 

 

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LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53)

Rapport du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie (S/2024/968)

Exposés

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, s’est dit honoré de s’exprimer devant le Conseil de sécurité en présence de représentants du Gouvernement colombien et des ex-Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP).  Il y a vu le reflet de leur engagement continu en faveur du processus de mise en œuvre qui nécessite leur coopération active.  Rappelant que les Colombiens ont célébré l’an dernier le huitième anniversaire de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, il s’est dit attristé par les actions qui ensanglantent la région reculée de Catatumbo, dans le nord-est de la Colombie, depuis la fin de la semaine dernière.  Parmi les dizaines de victimes figuraient d’anciens combattants, signataires de l’Accord final, ainsi que des dirigeants locaux et des membres des communautés. 

Ce bain de sang, a expliqué le Représentant spécial, est le résultat d’une attaque de l’Armée de libération nationale (ELN) dans une zone tenue par un groupe armé rival connu sous le nom d’Estado Mayor de los Bloques y Frentes (« État-major général des blocs et des fronts »).  Il s’inscrit dans le cadre de la confrontation en cours entre les groupes armés dans différentes zones du pays où la présence de l’État est limitée et où ils se disputent le contrôle des économies illégales.  Appelant une nouvelle fois les groupes armés à cesser toute action mettant en danger la population civile et à permettre un accès sans entrave aux intervenants humanitaires, il a indiqué que les équipes locales de la Mission de vérification ont aidé à évacuer les personnes à risque, notamment des anciens combattants, des zones de conflit. 

Selon M. Massieu, « c’est dans le vide de la présence de l’État que les groupes armés illégaux se battent pour le contrôle territorial et social ». De fait, la mise en œuvre de l’Accord final est essentielle pour trouver des solutions durables afin de prévenir et de résoudre les causes du conflit armé.  Après avoir salué le ferme engagement du Gouvernement en faveur de la mise en œuvre de l’Accord final, il a estimé que tout progrès dépend non seulement d’une volonté politique continue, mais aussi de la définition d’objectifs et de priorités clairs, de la préservation des ressources et de la résolution des obstacles à la coordination.  À cet égard, il s’est réjoui que le Président Petro ait assuré que les budgets de l’Accord final seraient protégés malgré le climat financier complexe.  En ce qui concerne la réforme rurale, qui a connu des progrès significatifs au cours de l’année écoulée, le financement sera essentiel pour l’adjudication et la formalisation des terres, a-t-il ajouté. 

Pour le Représentant spécial, il est également crucial d’accélérer la mise en œuvre du chapitre ethnique de l’Accord final, qui met l’accent sur les besoins et les priorités des communautés afro-colombiennes et autochtones de Colombie, y compris leur protection.  Les Bari et les Yukpa font partie des populations touchées par les violences qui se déroulent dans le Catatumbo, a-t-il indiqué, avant de former le vœu que les dispositions de l’Accord final relatives au genre progresseront plus rapidement dans leur mise en œuvre, en synergie avec le nouveau plan d’action national pour les femmes et la paix et la sécurité.  Autre priorité, la réintégration continue d’être un exemple inspirant de la manière dont la paix change la vie des anciens combattants et des communautés, a souligné M. Massieu, qui a pu le constater il y a deux semaines lors de sa visite du secteur territorial de formation et de réintégration de Tierra Grata, dans le département de Cesar.  Il a toutefois reconnu que, dans les endroits où vivent les anciens combattants partout dans le pays, d’importants défis restent à relever pour garantir la durabilité des projets, l’amélioration des logements et la garantie de la sécurité. 

S’agissant du processus de justice transitionnelle, M. Massieu a évoqué les avancées réalisées par la Juridiction spéciale pour la paix, notamment la mise en accusation sans précédent de 158 personnes considérées comme responsables de graves crimes commis au cours du conflit, leurs aveux et leurs contributions à la vérité.  À ses yeux, il est fondamental de poursuivre un dialogue constructif pour trouver des solutions qui permettent de satisfaire les droits des victimes et de garantir la sécurité juridique des participants au processus.  De son côté, la Mission continuera de fournir ses bons offices aux parties, a-t-il assuré, rappelant que les justes demandes des victimes nécessitent une réponse qui englobe une large gamme d’instances qui ne se limitent pas à la seule Juridiction spéciale pour la paix, laquelle est appelée à remplir la fonction de « tribunal de transition » dont le succès sera déterminé par sa capacité à contribuer à la fois à la justice et à la paix. 

Le Représentant spécial s’est dit convaincu que les premières sanctions de la Juridiction spéciale seront émises cette année.  Elles nécessiteront la participation active des entités pertinentes de l’État, notamment les Ministères de la défense et de la justice, l’Agence pour la réintégration et l’Unité de mise en œuvre de l’Accord final, a-t-il dit, estimant que l’attribution des ressources nécessaires sera une condition indispensable pour y parvenir.  L’État doit démontrer sa capacité de mise en œuvre à partir des premières sanctions prises, « il en va du succès du processus de justice transitionnelle et de l’Accord final en général », a insisté M. Massieu.

Abordant enfin les différents processus de dialogue en cours en Colombie, le Représentant spécial a relevé que les temps de crise sont aussi des moments propices à la réflexion et aux ajustements.  Observant que des appels sont lancés pour que les acteurs armés participant au dialogue s’engagent à respecter le droit international humanitaire et, d’autre part, pour que ces efforts soient accompagnés de stratégies de sécurité efficaces axées sur la prévention et la protection des communautés, il s’est dit sûr que le Gouvernement prendra en compte ces mouvements tout en maintenant sa volonté de poursuivre les échanges.  En conclusion, il a invité le Conseil à maintenir son soutien unanime et sa solidarité à ce processus de paix historique. 

Le représentant de la haute partie contractante à la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’Accord final, M. DIEGO TOVAR, a rappelé que rien qu’au cours des six derniers jours, 1 000 personnes ont été tuées dans la région de Catatumbo.  Et cette violence menace de s’étendre à d’autres régions, a-t-il prévenu.  L’impunité reste très élevée en ce qui concerne les meurtres d’ex-combattants - elle atteint 90% selon les Nations Unies, a-t-il relevé, tout en déplorant également les meurtres de dirigeants sociaux.  Si la manière de mettre en œuvre la politique de paix totale n’est pas corrigée, c’est l’accord de paix qui risque de dérailler, s’est-il inquiété. 

M. Tovar a jugé urgent de renforcer la coordination interinstitutionnelle dans la mise en œuvre de l’Accord et de renforcer la présence de l’État dans les régions.  Il a trouvé inquiétant que le chapitre ethnique de l’accord de paix soit l’un des domaines où les progrès sont les moins visibles.  Il a rappelé que 60% des personnes touchées par la violence appartiennent à des populations autochtones.  En outre, le processus de réintégration ne progresse pas pour 25% des ex-combattants d’identité ethnique, soit près de 3 000 personnes, a-t-il regretté.

Concernant la Juridiction spéciale pour la paix, M. Tovar a remarqué qu’elle n’a pas rendu une seule sentence.  Il a noté que chaque magistrat a une méthodologie différente et que la Juridiction n’a pas connaissance des critères de sélection tels qu’ils ont été définis. De ce fait, de nombreux ex-combattants restent détenus, a constaté M. Tovar en remettant en question ce fonctionnement par rapport à la capacité de la Juridiction spéciale à juger et punir les principaux responsables du conflit armé.

En outre, a indiqué M. Tovar, huit ans après l’Accord final, le processus de réintégration reste précaire: aujourd’hui, 76% des ex-combattants sont au chômage.  Il a appelé le Gouvernement à remplir ses obligations envers les milliers d’anciens combattants qui avaient volontairement déposé les armes il y a 8 ans. 

Enfin, s’agissant de la réforme rurale intégrale, il a constaté que trois mois après son adoption, le plan d’action rapide du Gouvernement n’a toujours pas été mis en œuvre.  Il a rappelé que la répartition inéquitable des terres est l’une des causes fondamentales du conflit.  Selon lui, un financement adéquat est nécessaire de toute urgence pour atteindre les objectifs de l’Accord final sur cette question.

M. ARMANDO WOURIYU VALBUENA, Forum de haut niveau sur les populations autochtones de Colombie, a rappelé que ces populations représentent un dixième des Colombiens et occupent un tiers du territoire.  Il a regretté que, huit ans après le début de la mise en œuvre de l’Accord final, seulement 28% de l’Accord soit mis en œuvre s’agissant des dispositions sur les populations autochtones.  Pourtant en 2023, a observé M. Wouriyu Valbuena, le Gouvernement avait fixé l’objectif d’atteindre 60% de mise en œuvre du chapitre ethnique de l’Accord d’ici à la fin de son mandat. 

Le représentant a dès lors demandé d’accélérer l’application de l’Accord, en particulier en ce qui concerne la participation des populations autochtones dans les différents mécanismes prévus par l’Accord.  Il a aussi appelé à activer la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’Accord final.  Il faut également, a-t-il insisté, reconnaître le Forum de haut niveau sur les populations autochtones comme un interlocuteur au niveau national et lui apporter un soutien approprié pour assumer son mandat. 

M. Wouriyu Valbuena a prié le Gouvernement colombien d’intégrer la perspective ethnique dans le processus de mise en œuvre de l’Accord, notamment dans l’élaboration des plans nationaux de réforme rurale.  Puis, il a dénoncé les déplacements forcés dont est victime le peuple autochtone Bari.  De plus, a-t-il encore noté, les communautés d’accueil commencent à subir des pénuries alimentaires.  Préoccupé par la situation des peuples et communautés autochtones face au conflit armé, l’intervenant a demandé au Groupe de haut niveau du Système général de sécurité pour l’exercice de la liberté politique de renforcer les mécanismes d’autoprotection des communautés ethniques prévus par l’Accord final. 

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