En cours au Siège de l'ONU

9831e séance – matin
CS/15960

Soudan: au Conseil de sécurité, divergences de vues sur la « seule situation de famine » au monde

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

« Le Soudan est actuellement le seul pays où une famine est confirmée », en raison de la poursuite d’une guerre menée sans la moindre considération de son « coût civil », avec pour corollaire le nombre de déplacements de populations le plus important au monde.  Un constat « choquant », dressé ce matin par deux hautes fonctionnaires de l’ONU devant le Conseil de sécurité, réuni ce matin à la demande du Royaume-Uni, pour lequel « il est urgent d’agir maintenant, faute de quoi plus de vies seront perdues ». 

Soulignant que le Soudan est aux prises avec une crise humanitaire d’une « ampleur stupéfiante », la Directrice de la Division des opérations et de la communication du Bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Mme Edem Wosornu, a noté que son exposé intervient après la publication d’une nouvelle analyse par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire qui indique que des conditions de famine sont désormais présentes dans cinq zones, notamment les camps de déplacés de Zamzam, camp Salam et Abou Chouk, ainsi que dans l’ouest des monts Nouba. Selon ces prévisions, cinq autres localités –toutes situées au Darfour septentrional– seront touchées d’ici au mois de mai, avec un risque de famine dans 17 autres zones. 

Cette année, a précisé la haute fonctionnaire, les organisations humanitaires ont l’intention de venir en aide à près de 21 millions de personnes à l’intérieur du Soudan, soit près de la moitié de la population du pays.  Une situation dont la plupart des membres du Conseil se sont émus, notamment le Guyana, au nom des points focaux sur le conflit et la faim, que ce pays forme avec la Slovénie. 

C’est à El-Fasher et ses environs, dans l’État du Darfour septentrional, que la situation est « particulièrement catastrophique », a alerté Mme Wosornu.  En décembre, les combats entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide s’y sont intensifiés, notamment dans le camp de déplacés de Zamzam, où des civils ont été tués et blessés par des tirs d’artillerie.  Mais les combats se sont également poursuivis dans les États de Khartoum, de Gazira, de Sannar, du Kordofan méridional et du Kordofan occidental, tandis que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont péri le 19 décembre dans une frappe aérienne sur leur base à Yabous, dans l’État du Nil-Bleu, a déploré la Directrice. 

La Directrice générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a confirmé que, selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, plus de la moitié de la population au Soudan, soit 24,6 millions de personnes, fait face à une insécurité alimentaire aiguë: « soit 3,5 millions de personnes de plus depuis juin 2024 », a ajouté Mme Beth Bechdol, expliquant que le conflit et les déplacements forcés qui en découlent sont les principaux facteurs de la crise, aggravée par les restrictions humanitaires.  Elle a rappelé que, lors de la première année de conflit, la production agricole soudanaise avait baissé de 46% par rapport à l’année précédente, pour s’élever à 4,1 millions de tonnes. Sans cette baisse de production, près de 18 millions de personnes auraient pu être nourries pendant une année, a assuré Mme Bechdol. 

Des affirmations catégoriquement rejetées par le délégué soudanais, pour qui cette situation de famine « est montée de toutes pièces ». Selon lui, le Comité d’examen des situations de famine du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire est mal renseigné, et aurait publié ses conclusions sans concertation avec l’État soudanais, ce qui l’a motivé à ne plus y adhérer, une décision sur laquelle les États-Unis lui ont demandé de revenir.  « L’an dernier, nos récoltes ont été généreuses, passant de 27 à 28 millions de tonnes », s’est enorgueilli le représentant soudanais, en blâmant cependant les milices qui terrorisent les agriculteurs. 

Sur quelque 47 millions d’habitants du Soudan, à peine 1% est concerné par la phase 5 de famine, et non pas 20% comme le prétend le Cadre intégré, a affirmé le représentant qui a également pointé le manque de fiabilité des données utilisées.  Selon lui, si une crise alimentaire était en vue, cela serait dû aux actions des Forces d’appui rapide qui attaquent les humanitaires et les populations, ainsi que les infrastructures. 

Renchérissant, la Fédération de Russie a contesté le rapport du Comité, affirmant que le Soudan « ne connaît pas » de famine.  Pour elle, il ne s’agirait en réalité que d’un « risque de famine » et ce, seulement dans cinq zones limitées du pays, dont quatre constituées de camp pour réfugiés.  D’après le Comité d’examen, le Soudan aurait déjà dû connaître une famine imminente en septembre ou octobre 2024, des évaluations « alarmistes » qui ne se sont pas concrétisées, a-t-elle poursuivi. Ensuite, le rapport a été élaboré « à distance » et son analyse ne concorde pas pleinement avec celle réalisée par l’équipe d’experts, dont deux de l’ONU, sur les questions relatives à la sécurité alimentaire, laquelle est présente sur le terrain. Aussi la Fédération de Russie a-t-elle estimé que le problème de la famine au Soudan est « politisé et instrumentalisé » pour permettre à certains membres du Conseil de faire pression sur le Gouvernement soudanais.  Même son de cloche chez la Chine, qui a mis en cause la méthodologie retenue pour établir le rapport.  Et pour elle, si l’aide doit être fournie par le biais d’organisations humanitaires compétentes, il n’en reste pas moins que l’État soudanais doit être en mesure lui aussi de la fournir, pour éviter que des « desseins destructeurs » ne prennent forme à l’enseigne de l’assistance humanitaire. 

Continuer à nier l’insécurité alimentaire qui se répand au Soudan ne fera qu’exacerber les souffrances, a mis en garde de son côté le Royaume-Uni, la France rappelant aux deux parties belligérantes les engagements qu’elles ont pris le 11 mai 2023 de protéger les civils soudanais, en tant que signataires de la Déclaration de Djedda.  « La cessation des hostilités est la seule mesure qui puisse atténuer le risque de propagation de la famine au Soudan et contenir les niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë », a renchéri la Sierra Leone, au nom du Groupe de A3+ (Algérie, Guyana, Sierra Leone et Somalie), tout en exigeant également la fin des « ingérences étrangères ».  Une demande reprise à leur compte par la Chine, le Pakistan, ainsi que l’Égypte, soucieuse d’éviter un « effondrement des institutions soudanaises ». 

De son côté, Mme Wosornu a réitéré les trois demandes de l’OCHA au Conseil de sécurité au sujet du Soudan: faire pression sur les parties afin qu’elles respectent le droit international humanitaire et qu’elles garantissent l’acheminement sans entraves par tous les moyens logistiques de l’aide humanitaire; et un financement supplémentaire de l’aide, les besoins au Soudan exigeant « une mobilisation sans précédent ».  Le Plan de réponse aux besoins humanitaires pour 2025 nécessitera un montant record de 4,2 milliards de dollars pour prêter assistance à près de 21 millions de personnes dans ce pays, et 1,8 milliard de dollars supplémentaires sont nécessaires pour venir en aide à 5 millions de personnes –principalement des réfugiés– dans sept pays voisins, a précisé la Directrice. 

PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ

Exposés

Mme EDEM WOSORNU, Directrice de la Division des opérations et de la communication du Bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), s’est exprimée au nom de M. THOMAS FLETCHER, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, et a déclaré que le Soudan reste aux prises avec une crise humanitaire d’une « ampleur stupéfiante ».  On estime aujourd’hui que plus de 11,5 millions de personnes sont déplacées, dont près de 8,8 millions depuis avril 2023, tandis que plus de 3,2 millions d’autres ont fui vers les pays voisins.  Cette année, les organisations humanitaires ont l’intention de venir en aide à près de 21 millions de personnes à l’intérieur du Soudan, soit près de la moitié de la population du pays, a précisé la haute fonctionnaire, qui a confirmé la propagation de la famine. 

Malgré les appels répétés à la cessation des hostilités, ce conflit armé continue d’avoir de graves répercussions sur les civils, y compris les travailleurs humanitaires, dans tout le pays.  À El-Fasher et dans ses environs, dans l’État du Darfour septentrional, la situation reste particulièrement catastrophique.  En décembre, les combats se sont intensifiés, notamment dans le camp de déplacés de Zamzam, où des civils ont été tués et blessés par des tirs d’artillerie et où des personnes cherchant à quitter la zone ont été empêchées de le faire, a poursuivi Mme Wosornu.  Les combats se sont également poursuivis dans d’autres régions du pays, notamment dans les États de Khartoum, de Gazira, de Sannar, du Kordofan méridional et du Kordofan occidental. 

Le 19 décembre, trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués par une frappe aérienne sur leur base à Yabus, dans l’État du Nil-Bleu. L’accès aux zones où les besoins sont les plus importants, notamment celles touchées par la famine, reste un défi fondamental.  « Mais nous avons constaté des avancées positives ces dernières semaines », a toutefois fait observer la Directrice.  Ainsi, le 25 décembre, un convoi de 28 camions est arrivé à Khartoum en provenance de Port-Soudan avec à bord de la nourriture et des articles nutritionnels.  Il s’agissait du plus grand convoi de l’ONU à rallier la capitale depuis le début de la crise, à l’issue de plusieurs semaines de négociations.  Et la semaine dernière, un convoi distinct du PAM a pu livrer des vivres dans la ville d’Abou Jibeha et les environs du Kordofan méridional, s’est encore félicitée Mme Wosornu. 

Cependant, a-t-elle observé, nous constatons également un resserrement supplémentaire de l’espace disponible pour opérer dans des zones clefs.  « Le point de passage d’Adré reste une voie d’entrée cruciale, mais à l’intérieur du Darfour, des restrictions additionnelles sont imposées aux organisations humanitaires, et les procédures d’inspection des camions destinés aux zones touchées par le conflit au Darfour septentrional créent de nouveaux goulets d’étranglement », a expliqué la Directrice, qui a indiqué que l’OCHA continue de faire pression sur les autorités pour qu’elles mettent en œuvre leur accord visant à établir une base humanitaire à Zalingei, au Darfour central, qui servirait à mener à bien toutes les opérations dans la région. 

Son exposé, a-t-elle noté, intervient après la publication d’une nouvelle analyse par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, dont les résultats sont « choquants, mais malheureusement pas surprenants ».  « Le Soudan est actuellement le seul endroit au monde où la famine a été confirmée », en raison des décisions prises chaque jour de poursuivre cette guerre, « quel que soit son coût civil ». 

Elle a précisé que selon cette analyse, des conditions de famine sont désormais présentes dans cinq zones, notamment les camps de déplacés de Zamzam, Salam et Abou Chouk, ainsi que dans l’ouest des monts Nouba.  Selon ces prévisions, cinq autres localités –toutes situées au Darfour septentrional– seront touchées d’ici au mois de mai, avec un risque de famine dans 17 autres zones. 

Mme Wosornu a donc réitéré les trois demandes adressées par la communauté humanitaire au Conseil de sécurité.  Tout d’abord, il doit faire pression sur les parties afin qu’elles respectent le droit international humanitaire, a-t-elle déclaré, en appelant une fois de plus à une cessation immédiate des hostilités et à des mesures réelles et inclusives en faveur de la paix durable.  En outre, l’OCHA a également besoin de l’influence des membres du Conseil pour garantir que toutes les voies –par route et par air, à travers les lignes de conflit et de part et d’autre des frontières– soient ouvertes aux secours et au personnels humanitaires.  Enfin, la Directrice a réclamé le financement de l’aide, « l’ampleur sans précédent » des besoins au Soudan exigeant « une mobilisation sans précédent » de l’aide internationale.  Le Plan de réponse aux besoins humanitaires pour le Soudan de 2025 nécessitera un montant record de 4,2 milliards de dollars pour prêter assistance à près de 21 millions de personnes au Soudan. 1,8 milliard de dollars supplémentaires sont nécessaires pour venir en aide à 5 millions de personnes –principalement des réfugiés– dans sept pays voisins, a-t-elle précisé. 

Mme BETH BECHDOL, Directrice générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a indiqué que, selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, plus de la moitié de la population au Soudan, soit 24,6 millions de personnes, fait face à une insécurité aiguë.  « Soit 3,5 millions de personnes de plus depuis juin 2024. » Le conflit et les déplacements forcés sont les principaux facteurs de la crise, laquelle est aggravée par les restrictions humanitaires, a-t-elle dit.  Elle a indiqué que près de 11,5 millions de personnes sont déplacées au Soudan, ce qui représente la plus grave crise de déplacement au monde. Elle a rappelé que, lors de la première année de conflit, la production agricole soudanaise a baissé de 46% par rapport à l’année précédente pour s’élever à 4,1 millions de tonnes. Sans cette baisse de production, près de 18 millions de personnes auraient pu être nourries pendant une année, s’est-elle désolée. 

À cette aune, elle a plaidé en faveur d’une action urgente afin de remédier à la famine au Soudan, en soulignant le rôle crucial du Conseil de sécurité.  « Premièrement, nous avons besoin de votre influence politique pour mettre un terme aux hostilités et alléger les souffrances des Soudanais. »  Ces derniers ont urgemment besoin notamment d’eau, de nourriture et de médicaments, a-t-elle déclaré.  « Aujourd’hui, pas demain. »  En second lieu, elle a plaidé pour un accès humanitaire « sans entraves ». 

En troisième lieu, elle a appelé à acheminer une assistance humanitaire multisectorielle.  Elle a en effet estimé que, si l’augmentation de l’aide est cruciale, elle ne pourra pas à elle seule répondre à la crise alimentaire.  Garantir la production alimentaire locale en lui apportant une aide d’urgence est capital pour renforcer la résilience et prévenir toute catastrophe humanitaire, a-t-elle expliqué.  « Lorsque les cultivateurs ont accès aux terres et ressources, ils sont en mesure de produire des denrées. » 

Enfin, elle a détaillé l’action de la FAO en indiquant que plus de 2,7 millions de personnes dans 11 États ont reçu plus de 5 000 tonnes de graines de sorgho et de millet.  « Cette année, nous voulons doter 14,2 millions de personnes –cultivateurs, propriétaires de troupeaux, pêcheurs et femmes– de graines, d’alimentation pour bétail et d’équipement de pêche dont ils ont besoin pour produire leurs propres denrées. »  Si nous n’agissons pas maintenant, des millions de vies sont menacées, a-t-elle prévenu. 

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