En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session
62e séance plénière – matin
AG/12679

L’Assemblée commémore l’abolition de l’esclavage et de la traite transatlantique, « tache indélébile sur la conscience de l’humanité »

L’Assemblée s’est réunie aujourd’hui, en présence notamment du prix Nobel de littérature, M. Wole Soyinka, pour commémorer l’abolition de l’esclavage et de la traite transatlantique, « tache indélébile sur la conscience de l’humanité », selon l’expression du Secrétaire général.  Les appels à une justice réparatrice pour ces « horreurs indéniables » ont été nombreux.  L’Assemblée a également adopté plusieurs textes, notamment sur les diamants, facteur de conflits et sur la conférence de haut niveau sur la situation des musulmans rohingya et des autres minorités au Myanmar.

En cette Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, nous nous souvenons de cette histoire et affrontons son héritage, a déclaré le Président de l’Assemblée générale, en ouverture de cette séance.  M. Philemon Yang a indiqué que « les traces de l’injustice ne s’effacent pas facilement » et persistent dans des politiques et des institutions qui perpétuent le racisme et l’oppression systémiques à l’encontre des personnes d’ascendance africaine.  Pour ne pas oublier, des histoires complètes de l’esclavage et de ses conséquences doivent être intégrées dans les programmes scolaires du monde entier, a-t-il souligné. 

De son côté, le Secrétaire général a indiqué que la traite transatlantique est une « tache indélébile sur la conscience de l’humanité » et profondément regretté que plusieurs pays, dont le sien, y aient participé.  « Une traite motivée par l’appât du gain et les mensonges, notamment la suprématie blanche. »

« Les horreurs de la traite transatlantique des esclaves sont un fait indéniable (…).  Reconnaître cette vérité est essentiel (…) pour construire un avenir de dignité et de justice pour tous », déclaré à son tour le Secrétaire général qui a dénoncé le racisme systémique dans les institutions, les cultures et les systèmes sociaux. 

Évoquant le « cruel tour de l’histoire » infligé à Haïti, il a noté que quand l’esclavage a été aboli, ce ne sont pas les esclaves qui ont obtenu réparation mais les esclavagistes, avant de saluer les appels lancés au sein de l’Union africaine et de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour des réparations.  Cette justice réparatrice doit être ancrée dans le droit international des droits humains, élaborée avec la participation des communautés touchées, et reconnaître les terribles préjudices causés, a-t-il souligné. 

La justice symbolique a été au cœur de l’intervention de M. Soyinka, entamée par ce constat: « l’esclavage n’est pas fini ». 

Loin d’avoir disparu, il prospère dans différents pays de l’est et de l’ouest de l’Afrique, sous des formes souvent difficiles à détecter, a-t-il observé, évoquant une « évolution macabre » qui fait de tous des collaborateurs en puissance.  L’une des formes les plus courantes de ce nouvel esclavage est l’enlèvement d’enfants dans des écoles ou des pensionnats.  Ces enfants passent ainsi aux mains de « propriétaires » qui exigent des rançons pour les libérer. 

Pour combattre ces différentes formes d’esclavage, le lauréat du prix Nobel 1986 de littérature, a appelé à bâtir des monuments dans le monde entier à l’image de l’Arche du retour, le Mémorial permanent en hommage aux victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves.  « Nous avons besoin de représentations symboliques », a-t-il dit, jugeant impossible de quantifier des réparations adéquates pour les siècles de traite d’esclaves.  Un autre hommage pourrait être rendu aux esclaves par le biais d’un « voyage patrimonial du retour ».  Ce concept permettrait de présenter l’histoire interrompue du continent africain, sans volonté d’accusation mais plutôt de pacification, afin de retrouver l’humain dans ce monde, a-t-il expliqué. 

Autre temps fort de cet hommage, le discours de Mme Salome Agbaroji, lauréate de National Youth Poet, qui a déclaré que « nous sommes aujourd’hui dans le passage du milieu s’agissant de la quête de justice raciale.  Nous sommes entre l’enfer et la maison ».

Elle a dénoncé le racisme institutionnel comme la ségrégation, la gentrification et les discriminations au logement qui contribuent de manière insidieuse aux disparités raciales.  Nous avons besoin d’une justice réparatrice afin d’avancer en tant que communauté mondiale, a-t-elle insisté, avant d’appeler les anciens États esclavagistes à attribuer une valeur monétaire à leur dette éthique.

Plusieurs pays, notamment au nom de groupes, ont pris la parole pour appeler à faire face à cette histoire tragique.  « Plus jamais ça », a dit la Guinée équatoriale, au nom du Groupe des États d’Afrique, en invoquant les figures de Toussaint Louverture et d’Aimé Césaire.  L’Union européenne a dit avoir appris de l’histoire, tandis que la Jamaïque, au nom de la CARICOM, a souligné que la justice réparatrice est essentielle pour réparer le passé.  Le délégué jamaïquain s’est également déclaré en faveur de la création d’un mécanisme pour un dialogue sur la justice réparatrice, « afin d’entamer le processus de guérison et de pardon ». 

Le consensus préservé sur la question des diamants, facteur de conflits

L’Assemblée a ensuite adopté par consensus sa résolution annuelle sur les « Les diamants, facteur de conflits: rompre le lien entre le négoce illicite de diamants bruts et les conflits armés afin de contribuer à la prévention et au règlement des conflits ». (A/79/L.63).  Dans ce texte présenté par les Émirats arabes unis qui continueront d’assurer la présidence du Processus de Kimberley en 2025, l’Assemblée encourage le cadre tripartite du Processus à poursuivre le dialogue important pour parvenir à un consensus sur la définition du terme « diamants de la guerre ».

Au préalable, les États-Unis ont demandé un vote sur deux paragraphes du préambule et deux paragraphes du dispositif relatifs au Programme 2030, lequel n’est pas « conforme aux intérêts des Américains ».  Ces paragraphes ont été approuvés par 144 voix, 2 votes contre –les États-Unis et l’Argentine- et 6 abstentions, celles de la Côte d’Ivoire, Haïti, la Libye, les Maldives, le Panama et le Paraguay.

Lors des explications de vote, le Royaume-Uni, appuyé par le Libéria, a indiqué que si le Processus a réussi dans de nombreux domaines il n’a pu parvenir à un consensus sur une définition élargie du rôle des diamants dans les conflits après avoir convenu en 2012 l’urgence d’une telle définition.  Faute de consensus, le Processus continue d’achopper sur une définition des diamants de conflit « trop étroite », a regretté l’Union européenne. 

Alors que le Zimbabwe s’est félicité que l’Assemblée demande le respect de la souveraineté des États, la Fédération de Russie a accusé un groupe de pays consommateurs de saper les mécanismes multilatéraux de régulation pour des raisons géopolitiques. « Ces pays utilisent les conflits qu’ils alimentent pour réformer le marché du diamant dans leur propre intérêt », a-t-elle dénoncé.  La République centrafricaine a aussi déploré une « instrumentalisation » de ce cadre multilatéral par certains pays qui en font « une scène de confrontation géopolitique ». 

Votes sur la Décennie d’action pour la nutrition et la tenue de la Conférence sur la situation des musulmans rohingya au Myanmar

L’Assemblée a ensuite décidé de prolonger la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition jusqu’en 2030, afin de l’aligner sur le Programme 2030, et de maintenir la dynamique politique aux niveaux mondial, régional et national pour mettre fin à la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030.  À la demande des États-Unis, qui ont jugé « inacceptables » les éléments relevant de la théorie du genre, l’Assemblée a voté sur ce texte (A/79/L.66), approuvé par 158 voix pour, un vote contre -celui des États-Unis- et aucune abstention.

Si l’UE a regretté le recours à un vote, la Russie et l’Iran se sont dissociés des termes en lien avec le genre.  Ces termes font débat et n’ont pas de définition précise, a tranché la Russie. 

Un vote a également été nécessaire pour décider de la tenue, le 30 septembre 2025, à New York, de la Conférence de haut niveau sur la situation des musulmans rohingya et des autres minorités au Myanmar.  Cette résolution (A/79/L.67) a été adoptée par 141 voix pour, aucun vote et 10 abstentions (Bélarus, Cambodge, Chine, Éthiopie, Inde, Liban, Mongolie, Russie, République populaire démocratique de Corée et Zimbabwe).

Avant ce vote, l’Assemblée a rejeté trois propositions d’amendement russes.  Le premier (A/79/L.68) visait notamment à supprimer le libellé « questions relatives aux droits humains ».  Il a été rejeté par 103 voix contre, 7 voix pour (Bélarus, Chine, Éthiopie, Iran, Nicaragua, République populaire démocratique de Corée et Russie) et 24 abstentions.  Le deuxième amendement (A/79/L.69) visait à supprimer la référence au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, la délégation russe estimant que la présence de ce dernier ne contribuerait qu’à politiser les débats.  Le Bélarus, l’Éthiopie, Israël, le Nicaragua, la République populaire démocratique de Corée, la Russie et le Soudan ont voté pour, tandis que 96 pays ont voté contre, et 32 abstentions.  Le troisième amendement (A/79/L.70) visait quant à lui à supprimer la référence à la parité des genres et à la représentation des jeunes.  Il a été rejeté par 14 voix pour, 80 voix contre et 40 abstentions. 

Lors des explications de vote de la résolution, le Bélarus a déploré le manque de transparence des négociations et estimé que ce texte met en place un tribunal politique visant à juger le Gouvernement du Myanmar.  Le rapatriement des Rohingya doit être le fruit du dialogue entre le Bangladesh et le Myanmar, a appuyé la Chine, qui a exprimé des réserves sur la tenue de cette conférence sans la pleine participation du Myanmar.

Les États-Unis se sont en revanche félicités de l’adoption de cette résolution, estimant que la conférence prévue renforcera le soutien international en faveur des minorités du Myanmar.  Cette question fait partie intégrante de la crise actuelle au Myanmar, dont la cause profonde est la dictature de la junte militaire dans ce pays, a appuyé le représentant du Myanmar qui s’est félicité de la tenue de cette conférence.

Enfin, l’Assemblée a décidé de convoquer une réunion de haut niveau les 16 et 17 décembre 2025, afin de conclure l’examen d’ensemble par l’Assemblée générale de la mise en œuvre des textes issus du Sommet mondial sur la société de l’information (A/79/L.62).  L’Argentine s’est dissociée des paragraphes du texte qui ne sont pas conformes à sa politique étrangère, tandis qu’Israël s’est dissocié des paragraphes introduisant « des formulations politiques ».  

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

 

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